Christine Delphy

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Modèle:Voir homonymes Modèle:Redirect homophones Modèle:Infobox Biographie2

Christine Delphy, née en Modèle:Date de naissance, est une sociologue et féministe française.

Chercheuse du CNRS depuis 1966 dans le domaine des études féministes ou études de genre, elle est une des cofondatrices de Nouvelles Questions féministes, une revue qui introduit, entre autres, le concept de genre et le courant intellectuel du féminisme matérialiste, catégorie qu'elle forge en 1975<ref name="fem">« Pour un féminisme matérialiste », L'Arc, Modèle:N°, 1975, Modèle:P..</ref>.

Elle a une activité militante importante tout d'abord dans les années 1960-70 dans différents groupes féministes liés au Mouvement de libération des femmes, dont elle est l'une des fondatrices, avant de s'engager dans les années 2000-2010 dans des cercles de réflexion critique du libéralisme, tels la Fondation Copernic, puis dans le combat contre la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises et plus généralement dans la lutte contre l'islamophobie.

Biographie et activités militantes

Christine Delphy est née d'une mère et d'un père pharmaciens<ref>Je ne suis pas féministe mais…, documentaire de Florence Tissot et Sylvie Tissot, éditions Les mots sont importants, 2015.</ref> qui l'encouragent à faire des études<ref name=":6">Modèle:Lien web</ref>. Elle se dirige vers la sociologie, d'abord à la Sorbonne ou elle suit les cours de Raymond Aron et de Pierre Bourdieu, puis aux États-Unis, où elle obtient en 1962 une bourse<ref name=":6" /> qui lui permet de poursuivre son cursus à Chicago et à Berkeley en tutorat avec Erving Goffman. En 1965, elle travaille pour la Washington Urban League (une organisation de défense des droits civiques des Noirs). Doctorante de sociologie en 1968 au Centre de sociologie européenne<ref>Modèle:Article</ref>, elle entre au CNRS en 1970 et est actuellement directrice de recherche émérite.

Elle a publié dans de nombreuses revues françaises, britanniques et américaines, tant féministes que « généralistes », scientifiques et politiques (par exemple Politique la revue, dirigée par Jacques Kergoat, Cahier de recherche, Women's Studies International Forum) ; elle continue de faire partie de plusieurs comités de lecture. Elle est corédactrice responsable, avec Patricia Roux, et directrice de publication de Nouvelles Questions féministes.

Christine Delphy a été rendue sensible aux questions féministes d'abord en s'étonnant que sa mère se précipite toujours en cuisine et cire les chaussures de son époux (Modèle:Citation) puis en lisant Le Deuxième Sexe<ref name=":6" />.

Elle participe en 1968 à la construction de l'un des groupes fondateurs du Mouvement de libération des femmes, le groupe FMA — Féminin, masculin, avenir — devenu, en 1969, Féminisme, marxisme, action, avec Emmanuèle de Lesseps, Anne Zelensky et Jacqueline Feldman-Hogasen.

Ce groupe s'est réuni avec d'autres (composés notamment de Monique et Gille Wittig, Christiane Rochefort, Micha Garrigue, Margaret Stephenson), pour former le MLF en Modèle:Date- ; en septembre de la même année, les mêmes personnes forment un sous-groupe du MLF : les Féministes révolutionnaires, qui a existé jusqu’en 1977, avec de longues interruptions.

En Modèle:Date-, elle fonde avec Anne Zelensky et d'autres le MLA — mouvement pour la liberté de l'avortement — un ancêtre<ref>Modèle:Ouvrage</ref> du MLAC. Avec Zelensky, elle organise le manifeste de 343 femmes déclarant avoir avorté, manifeste qui sera le début d’une longue campagne conduisant plus tard le gouvernement de Valéry Giscard d'Estaing à faire voter la loi Veil, qui légalisait l'interruption volontaire de grossesse.

En 1971, avec Monique Wittig (et d’autres) elle fonde les Gouines rouges, un mouvement radical féministe lesbien. Le groupe compte notamment Marie-Jo Bonnet, Dominique Poggi, Janine Sert, Monique Bourroux, Cathy Bernheim, Catherine Deudon, Évelyne Rochedereux et Josiane Gamblain<ref>Introduction au féminisme de Christine Delphy, Inès Edel-Garcia, feminicites.wordpress.com, 18 mars 2016</ref>.

En 1976, elle participe à la campagne contre le viol, qui s’oppose notamment au fait que les tribunaux déqualifient le viol de « crime », passible d'assises, en « délit » passible de correctionnelle.

En 1977, elle participe à la fondation de la première revue francophone d’études féministes : Questions féministes (QF)<ref>Réédition chez Syllepse en 2012.</ref> et en 1980, elle cofonde Nouvelles Questions féministes (NQF), qui paraît toujours en 2020. Ces revues introduisent, entre autres, le courant intellectuel du féminisme matérialiste<ref name="fem" /> et le concept de genre. Les deux revues furent fondées avec le soutien actif de Simone de Beauvoir, qui en fut directrice de publication jusqu’à sa mort.

À partir de 1998, elle s’occupe avec Sylvie Chaperon d’organiser le premier colloque scientifique sur l’œuvre de Simone de Beauvoir, qui se tient à Paris en Modèle:Date- : Cinquantenaire du Deuxième sexe, qui a donné lieu à un livre du même nom, publié en 2001.

En 2001, alors qu’elle est coprésidente de la Fondation Copernic, elle propose à celle-ci de dénoncer le projet américain de la guerre d'Afghanistan, et essuyant un refus, elle fonde avec Willy Pelletier (coordinateur de Copernic) et d’autres membres de l’extrême gauche (dont Catherine Lévy, Daniel Bensaïd, Jacques Bidet, Annie Bidet, Nils Andersson, Henri Maler, Dominique Lévy) la Coalition internationale contre la guerre<ref>Agression sans cause et crimes de guerre contre les populations civiles iraqiennes, Christine Delphy, cicg.free.fr, 10 mars 2003</ref>. Elle publie en Modèle:Date- (dans Le Monde diplomatique) « Une guerre pour les femmes ? », dénonçant comme des prétextes les thèmes « féministes » mis en avant pour justifier une guerre qu’elle voit comme néocoloniale.

Le Modèle:Date, elle organise une rencontre sur la création du camp de Guantánamo.

À partir de 2003 et notamment à l’occasion de la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques Christine Delphy se mobilise contre l'islamophobie et notamment l'instrumentalisation du féminisme à cette fin. Elle est initiatrice de la pétition « Un voile sur les discriminations » parue dans Le Monde le Modèle:Date-, participe au Collectif Une École pour Toutes et Tous (CEPT), puis Collectif des Féministes pour l’Égalité (CFPE), dont elle est la première présidente<ref>Modèle:Article</ref>, qui met sur « le même plan le droit de porter le foulard autant que le droit de ne pas le porter »<ref>[Qui sommes-nous http://cfpe2004.fr/accueil/]</ref>. Elle écrit aussi de nombreux textes sur ce sujet, en particulier trois qui ont été réédités dans Classer, dominer : « l’intervention contre une loi d’exclusion » au meeting inaugural d’Une école pour tous au Trianon le Modèle:Date<ref>Christine Delphy, Intervention contre une loi d’exclusion.</ref> ; « Race, caste et genre » ; « Antisexisme ou antiracisme : un faux dilemme ». Elle s'engage en faveur d'un féminisme antiraciste<ref>Modèle:Lien web</ref> et en 2004 elle est élue première Présidente du Collectif des féministes pour l'égalité, créé dans la foulée de la controverse sur le voile, et dont un des principes fondateurs est « le refus d’un modèle unique de libération et d’émancipation des femmes »<ref>Cecilia Baeza, « L’expérience inédite et dérangeante du Collectif des Féministes pour l’Égalité », Nouvelles Questions Féministes, 2006/3 (Vol. 25), p. 150-154. DOI : 10.3917/nqf.253.0150,lire en ligne</ref>.

En Modèle:Date-, elle fait partie des initiateurs de l'appel « Nous sommes les indigènes de la République ! », qui dénonce le traitement des populations issues de la colonisation qui prolongerait, selon eux, la politique de la période coloniale<ref>[« Nous sommes les indigènes de la République ! » http://lmsi.net/Nous-sommes-les-indigenes-de-la]</ref>. De cet appel a émergé le mouvement des Indigènes de la République, puis le parti des Indigènes de la République (PIR). Alors que la proximité de Christine Delphy avec le PIR lui est reprochée<ref>Modèle:Article</ref>, ce mouvement étant qualifié par de nombreuses sources d'antiféministe, antisémite ou encore homophobe<ref name=portée>Modèle:Article.</ref>,<ref name="Marianne">Marianne.</ref>,<ref name=bouvet/>, Christine Delphy répond s'en être éloignée, notamment en raison des prises de position du PIR sur l'homosexualité, qu'elle a « trouvé très dérangeantes »<ref>[1], France Culture, A voix nue, Christine Delphy (5/5) Qui sont les autres ?, 13min50.</ref>.

En 2011, en réaction à l’accusation de viol de Nafissatou Diallo par Dominique Strauss-Kahn et en particulier au traitement médiatique et politique de l'affaire qui n'avait d'empathie que pour Strauss-Kahn et ne s'intéressait pas à Diallo, Delphy décide de coordonner un ouvrage regroupant des interventions de féministes qui avaient réagi sur cette affaire. Pour elle, cette Modèle:Citation

Théorie féministe

Féminisme matérialiste

Modèle:Article détaillé

Christine Delphy est l'une des représentantes du féminisme matérialiste, branche théorique du féminisme radical qui utilise les outils conceptuels du marxisme pour penser les rapports sociaux de genre. Dans cette optique, la distinction entre hommes et femmes est socialement construite par le patriarcat et les catégories « hommes » et « femmes » sont pensées comme des classes sociales antagonistes. Cette école s'oppose tant au différentialisme et à ses synonymes (essentialisme, naturalisme) qu’au réductionnisme du marxisme orthodoxe. On regroupe aujourd’hui dans ce courant Monique Wittig, Emmanuèle de Lesseps, Colette Guillaumin, Nicole-Claude Mathieu, Paola Tabet, Jules Falquet et les féministes qui s'en réclament.

Épistémologie matérialiste

Un matérialisme non économiste

Bien que reconnaissant avoir été au début des années 1970 sous l'influence d'une version économiste du paradigme marxiste<ref>Modèle:Ouvrage</ref>, Delphy s'en est ensuite éloignée et a développé une épistémologie matérialiste s'opposant à l'économisme.

En effet, elle ne souscrit pas à l'idée que la sphère économique déterminerait « en dernière instance » les autres sphères de la société, idée qui découlerait pour Delphy d'une réification de l'économie<ref name="e. d.">Modèle:Ouvrage</ref>.

Elle note que l'économie capitaliste, par exemple, découle de conventions sociales comme le principe de propriété du produit de son propre travail ainsi que d'une deuxième convention qui repose et défait la première qui est que la propriété privée permet de s'approprier le produit du travail d'un autre<ref name="e. d." />. Cependant aucune de ces conventions n'est pour Delphy naturelle ou universelle.

La « dernière instance », celle sur laquelle reposeraient ces conventions, ce serait le pouvoir, le contrôle idéologique et physique<ref name="e. d." />. Le matérialisme serait donc pour Delphy la primauté accordée aux rapports sociaux matériels, comme l'économie, le droit et d'autres institutions et procédures dans lesquelles le pouvoir s'incorpore<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

Opposition au naturalisme, à l'essentialisme et à l'a-historicisme

Ce matérialisme, qui est donc aussi un constructivisme, voit tous les phénomènes sociaux comme socialement construits et arbitraires<ref name =":4" />. Il interdit donc de faire appel à une quelconque nature, ou essence extérieure à la société pour expliquer son organisation. Notamment la division de l'humanité en "hommes" et "femmes", comme groupes socialement distincts, doit dans cette perspective être expliquée par des mécanismes sociaux et non être vue comme découlant spontanément de la biologie<ref name =":4" />.

Cette explication, pour être réellement sociale, se doit d'être historiquement située ne peut faire référence à des structures humaines éternelles. Notamment, Delphy se méfie des théories reliant le patriarcat des sociétés industrielles contemporaines à un prétendu patriarcat a-historique qui remonterait à l'âge de pierre. Pour expliquer une institution présente, on ne pourrait se contenter de constater qu'elle existait déjà par le passé, mais il faudrait plutôt expliquer son existence à chaque moment par le contexte de ce moment<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

Critique de la recherche de la « globalité »

Un autre élément de l'épistémologie développée par Delphy est la critique des théories visant à expliquer la totalité d'un système de domination<ref name="préface globalité">Modèle:Ouvrage</ref>.

Ces théories finiraient par trop coller à leur objet et deviendraient ainsi incapables de le replacer parmi les objets semblables, les autres dominations, parce qu’elles ne possèdent pas les outils pour les rendre comparables<ref name ="préface globalité" />.

Or, le pouvoir explicatif d’une théorie (d’un concept, d’une hypothèse) étant lié à sa capacité de trouver ce qu’il y a de commun à plusieurs phénomènes du même ordre, ces théories ne permettraient pas d'expliquer et donc de comprendre l'objet qu'elles décrivent<ref name ="préface globalité" />.

Pour ce qui est de l'oppression des femmes, c'est un travers qu'elle retrouve dans les théories de type biologiste-évolutionniste, les théories féministes de la reproduction sociale, et celles de l’appropriation des femmes<ref name ="préface globalité" />.

Production domestique

Dans le tome 1 de son livre L'Ennemi principal, économie politique du patriarcat (un recueil d'essais sur le féminisme), Delphy met en avant le travail domestique comme base d'un mode de production distinct du mode capitaliste. Pour elle, les femmes sont non seulement opprimées mais exploitées par les hommes dans une « économie domestique » différente de l'économie capitaliste<ref name=":0" />. Elle est ainsi l'une des premières à théoriser l'articulation des systèmes patriarcal et capitaliste, puis raciste<ref name=":0">Modèle:Ouvrage</ref>.

Ce mode de production repose sur l’institution familiale par laquelle la force de travail des membres d’un foyer — femmes, enfants, frères et sœurs célibataires — appartient au chef de famille qui applique ce travail tant aux productions marchandes qu’aux productions non-marchandes. C’est à ces dernières que le travail non payé des épouses serait aujourd’hui en milieu urbain majoritairement imposé : cuisine, ménage, travail affectif, soins aux personnes dépendantes, etc.

Ainsi, selon elle, la société occidentale contemporaine est basée sur au moins deux dynamiques parallèles : un mode de production capitaliste et un mode de production patriarcal (ou domestique). L’exploitation économique des femmes résulterait de l’articulation de ces deux modes de production : les femmes au foyer sont dans le mode de production domestique « pur », mais la majorité des femmes sont aussi incluses dans le marché du travail où elles sont plus nombreuses à travailler à temps partiel, travaillent dans les secteurs les moins rémunérés et, à travail égal, sont moins bien payées que les hommes. Cependant, bien qu'ayant lieu sur le marché du travail, cette exploitation résulterait pour Delphy de mécanismes patriarcaux et aurait pour « but » l'exploitation domestique<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

Dans les sociétés moins développées où l’agriculture est la production principale, le mode de production domestique prédomine, intriqué avec le capitalisme.

Le mode de production domestique permet d'analyser les rapports entre hommes et femmes comme un rapport d'exploitations entre des classes sociales. Cependant, contrairement aux prolétaires et aux capitalistes, Delphy ne pense pas que les rapports de production suffisent à définir les femmes et les hommes<ref name=":1">Modèle:Ouvrage</ref>. En effet, la division entre femmes et hommes est tellement socialement pertinente qu'elle est omniprésente dans la vie des individus et fondamentales dans leur identité personnelle<ref name=":1" />. Dès 1970, Delphy annonçait que l’exploitation sexuelle constituait un volet distinct de l'exploitation domestique au sein de l’oppression des femmes<ref>Modèle:Article</ref>. De plus, le fait que les femmes aient la charge presque exclusive des enfants est théorisé comme une exploitation collective des femmes par les hommes qui précède et rend possible l'exploitation individuelle de la production domestique<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

La thèse de l'existence d'un mode de production a une influence théorique et politique considérable dans les études féministes<ref>Isabelle Clair, Sociologie du genre, Paris, Armand Colin, 2012, Modèle:P.</ref>, à côté de nombreuses autres théorisations.

Penser le genre

Dans le tome 2 de son livre L'Ennemi principal, penser le genre, Christine Delphy se penche sur le concept de genre, l’aspect social de la division sexuée de l'humanité.

Delphy a utilisé le terme à partir de 1976<ref name =":4">Modèle:Ouvrage</ref> et dès 1981 elle a exposé sa thèse selon laquelle le genre précède le sexe anatomique<ref name =":2">Modèle:Article</ref>.

En effet, dans la démarche constructiviste qui est la sienne, c'est la pratique sociale et elle seule qui transforme en catégorie de pensée un fait physique en lui-même dépourvu de sens<ref name=":2" />.

De plus, Delphy ajoute que la hiérarchie vient analytiquement avant la division technique du travail et les rôles sexuels. Ce serait l'oppression qui séparerait l'humanité en deux et créerait les groupes de genre hiérarchisés et leurs rôles tels qu'ils existent. Le sexe anatomique n'apparaît que dans un troisième temps, en tant que simple marqueur de la division sociale servant à reconnaître et identifier les dominants des dominés<ref name =":3">Modèle:Ouvrage</ref>.

Dans cette perspective, pour mettre fin à la hiérarchie, il n'est pas possible de revaloriser le féminin, ou de rendre égalitaire la division genrée du travail. Ultimement, c'est au principe même de division en deux groupes, au genre lui-même, qu'il faut s'attaquer, et commencer à imaginer le « non-genre »<ref name =":3" />.

Dans cette conception, le genre ne se réduit pas à un conditionnement social différent des individus qu'il serait possible de dépasser individuellement et le fait que les catégories « hommes » et « femmes » soient des constructions sociales ne les rend pas irréelles pour autant : « un construit social – que ce soit une institution particulière ou l’ensemble de l’organisation d’une société et d’une culture – ne fait pas qu’avoir des effets sur une réalité qui lui préexisterait : il est la réalité, la seule réalité »<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

Articulation entre sexisme et racisme

Modèle:Article détaillé Pour Christine Delphy, le débat sur le voile islamique est à rattacher à l'islamophobie qui a des racines anciennes : « La population arabo-musulmane est visée depuis longtemps... Ce rejet ne date pas d’hier. Il a été nourri par l’arrogance de l’occident à l’égard du reste du monde. Il y a d’abord eu la colonisation de l’Afrique du Nord par les Français. Puis celle du Moyen-Orient par les Français et les Anglais notamment… Ensuite, il y a eu la première guerre du golfe (1991), la guerre en Afghanistan (2001), puis la deuxième guerre du golfe contre l’Irak (2003). Toutes ces manœuvres impérialistes classiques des grands pays par rapport au reste du monde se sont toujours appuyées sur une idéologie qui comporte des stéréotypes racistes »<ref>"Le féminisme doit être mondial", Interview de Christine Delphy, Socialisme International anticapitalisme&révolution, Revue trimestrielle publiée par des militant(e)s de la Ligue communiste révolutionnaire</ref>.

Construction sociale de l'enfance

Voyant que les enfants étaient souvent au cœur de conflits entre femmes et hommes, notamment lors des divorces, Christine Delphy a été conduite à se pencher de plus près sur le statut des enfants<ref name =":4" />. Pour elle, la plupart des théoriciennes féministes, à l’instar des théoriciens traditionnels comme Marx et Parsons « ont pris le point de vue des adultes »<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. Elle remarque que la question qui se pose le plus souvent à leur propos est : « qui possède légitimement les enfants ? » ; sans qu’on se demande s’il est légitime que les enfants soient possédés<ref name =":5">Modèle:Ouvrage</ref>.

Comme pour le genre, le statut des enfants ne peut selon Delphy être expliqué par des arguments faisant appel une nature spécifique des enfants. En effet, les arguments couramment évoqués pour justifier leur statut, comme la dépendance physique, l’incapacité de gagner sa vie, l’incapacité de se donner des soins à soi-même sont notamment partagées par certaines personnes âgées, handicapée, ou déficientes mentales sans que cela n’entraine des pertes de droits similaires à celles des mineurs<ref name =":5" />. Leur vulnérabilité et leur dépendance seraient donc socialement construites et reposeraient notamment, comme pour les femmes, sur la sphère privée et l'institution sociale de la famille.

Contrairement au droit commun qui s’applique au domaine sociologique du « public », le droit qui s’applique au domaine sociologique du « privé » serait un droit différentiel et inégalitaire, qui créerait, dans chaque situation définie comme « privée », deux catégories d’acteurs : les mineurs et les majeurs<ref name =":5" />. Ainsi, les mineurs ne sont pas libres de gagner leur vie, de se déplacer librement, et n'ont pas droit à une représentation légale. Ces droits ne sont cependant pas purement et simplement supprimés ; ils sont transférés à une autre catégorie de personnes, leurs parents<ref name =":5" />.

Cette exception mettrait les femmes, dominées d’une façon homogène dans la sphère du « public », dans une situation hétérogène dans le domaine du « privé » : dans la catégorie des dominés en tant qu’elles sont épouses, mais en revanche dans la catégorie des dominants en tant qu’elles sont parents – quoique pas sur le même pied que les pères<ref name =":5" />.

Accueil critique

En 2008, elle publie un livre Classer, dominer, recueil d'articles, dont la thèse est que si l’idéologie dominante nous enjoint de tolérer l’Autre, cet « Autre » est en fait une construction élaborée par celui qui n'est pas un Autre, c’est-à-dire l’homme blanc. Élargissant son propos à plusieurs oppressions et non pas seulement au sexisme, elle analyse les formes particulières de la domination (qui passe notamment par le pouvoir de nommer) qui sont en jeu. Nicole Mosconi dans la revue d’études de genre Travail, genre, sociétés, souligne la richesse du livre et des thématiques traitées<ref>Nicole Mosconi, Compte-rendu de Christine Delphy. Classer, Dominer. Qui sont les « autres » ? éditions La Fabrique, Paris, 2007, 277 p., Travail, genre et sociétés 2010/1, Modèle:N°, p. 225-229.</ref>. Elle pointe l’intérêt de la posture épistémologique de Christine Delphy et notamment de son refus de la division entre textes militants et textes scientifiques.

En 2009, se joignant aux appréciations des sociologues Béatrice Appay<ref>Cahiers du genre, Modèle:N°, 2005/1, et Revue de science politique 2011/5, vol. 61.</ref> et d'Irène Jami<ref>Mouvements, Modèle:N°, 2001/4.</ref>, parues lors de la première édition des deux tomes de l’Ennemi principal, et à l’occasion d’une ré-édition, Fabrice Bourlez dans « Non-fiction »<ref name="Nonfiction.fr">Voir sur nonfiction.fr.</ref> estime en particulier que Modèle:Citation

Michael Löwy, dans la préface de son livre Les aventures du Baron de Munchaüsen, Introduction à une sociologie de la connaissance<ref>Modèle:Lien brisé</ref>, juge que la « feminist standpoint theory » (théorie féministe du point de vue) est peut-être l’innovation la plus importante dans le domaine de l’épistémologie et de la sociologie de la connaissance, au cours du dernier quart de siècle et que Modèle:Citation. L'épistémologie du « point de vue » (Standpunkt), a d'abord été développée en sciences humaines et sociales<ref>Modèle:Article</ref>, par exemple par Max Weber<ref>Essais sur la théorie de la science, Paris, Plon, 1965.</ref> et Georg Simmel<ref>« Ce qui est relatif et ce qui est absolu dans le problème des sexes », in Philosophie de la modernité, Paris, Payot, 1989, Modèle:P..</ref> mais selon Ludovic Gaussot, Modèle:Citation<ref>Voir sur cairn.info, Modèle:P..
Gaussot renvoie à Haraway « Situated Knowledge : The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective », Feminist Studies, vol. 14, 1988, Modèle:P..
Harding « Feminism, Science and the Anti-Enlightenment Critiques », in L. J. NICHOLSON (dir.), Feminism/Postmodernism, London, 1990, Routledge et Hartstock The Feminist Standpoint Revisited & Other Essays, Oxford, Westview Press, 1998.</ref>.

Par ailleurs, Nathalie Heinich, sociologue spécialiste de l’art, écrit en 2008 sur Non-fiction un compte-rendu très critique de Classer, dominer, dont elle déplore l'engagement militant, qui nuit selon elle à l'impartialité de l'analyse<ref>Nathalie Heinich, « Où la domination s'exerce-t-elle ? », Nonfiction, 25 novembre 2008.</ref>. Elle affirme qu'Modèle:Citation au sein du CNRS, qu'elle estime Modèle:Citation<ref>« Où la domination s'exerce-t-elle ? », Nonfiction, 25 novembre 2008.</ref>.

En 2015, Lisa Disch, professeure à l'Université du Michigan<ref>Lisa Disch sur lsa.umich.edu.</ref>, insiste sur les apports du féminisme matérialiste incarné par Christine Delphy. Pour l'universitaire américaine, la définition que Delphy donne du genre comme Modèle:Citation est Modèle:Citation, et elle s'attache à en dégager l'originalité par rapport aux théories constructivistes qui seront généralement associées aux années 1990<ref>Modèle:Article.</ref>.

En 2007, à la suite de ses propos sur les femmes afghanes<ref>« Les guerres aggravent le sort des femmes », Christine Delphy, Politis, 29 mars 2007.</ref>, la journaliste Françoise Causse, auteure d'un livre critique sur la politique française en Afghanistan<ref>Françoise Causse, Quand la France préférait les taliban - Massoud in Memoriam. Éditions de Paris-Max Chaleil.</ref>, dénonce un Modèle:Citation et une légèreté d'analyse dans un article intitulé « Les dangereuses thèses de Christine Delphy »<ref>Françoise Causse, Modèle:Lien brisé, Françoise Causse, afghana.org, 19 octobre 2007.</ref>. Ses propos sur le port de la burqa et les femmes afghanes déclenchent d'autres réactions lui reprochant ses « comparaisons réductrices »<ref>Les comparaisons réductrices de Christine Delphy, Micheline Carrier, ledevoir.com, 11 octobre 2007</ref>.

En 2017, la signature par Delphy d'une tribune de soutien à Houria Bouteldja, et porte-parole des Indigènes de la République face à la polémique jugée raciste déclenchée par la parution de son livre Les Blancs, les juifs et nous<ref>Modèle:Article.</ref> déclenche à son tour des réactions indignées<ref name=portée/>,<ref name="Marianne" />,<ref name=bouvet>Modèle:Article.</ref>, Jack Dion de Marianne la décrivant par exemple comme étant Modèle:Citation<ref>Jack Dion, « Touche pas à ma raciste ! (ces intellectuels qui soutiennent Houria Bouteldja) », marianne.net, 20 juin 2017.</ref>.

En 2022, la revue qu'elle a initiée, Nouvelles Questions Féministes, publie le numéro spécial « Faire avec Delphy », qui témoigne de l'influence de Delphy, avec plus d'une trentaine de témoignages.

Publications

Ouvrages

Ouvrages personnels

Ouvrages collectifs

  • Cinquantenaire du Deuxième sexe (dir. avec Sylvie Chaperon), Paris, Syllepse, 2001.
  • Le foulard islamique en questions, Paris, Éditions Amsterdam, 2004.
  • Un troussage de domestique (dir.), Paris, Syllepse, 2011, Modèle:ISBN<ref>Michel Kail, "Du contexte, de la situation et de la domination", L'Homme et la Société, 2011/3 Modèle:N°, Modèle:P.</ref>.
  • Modèle:Ouvrage<ref>Compte rendu par Laurent Trémel dans Questions de communication, en ligne.</ref>.

Principaux articles

Filmographie

Christine Delphy a fait des apparitions dans plusieurs films et émissions :

  • Manifestation du mouvement des femmes place de l'Étoile, journal télévisé de 20h de la RTF, première manifestation du mouvement des femmes à Paris depuis la Seconde Guerre mondiale, près de la tombe du soldat inconnu à l'Arc de Triomphe, 1970
  • Le Ghetto Expérimental de Jean-Michel Carré et Adams Schmedes, 1975
  • Kate Millett parle de la prostitution avec des féministes, du collectif Videa, au moment de la grève des prostituées en 1975 et après la parution de son livre, Kate Millett débat des questions de la prostitution avec des féministes françaises (Monique Wittig, Christine Delphy…), 1975
  • Au nom des femmes, Simone de Beauvoir, émission Aujourd'hui la vie, conversation-débat sur le féminisme avec, entre autres, Simone de Beauvoir, Delphine Seyrig et Christine Delphy, A2 / France 2, 1985
  • Thank God I'm a Lesbian (Dieu merci je suis lesbienne), de Dominique Cardona et Laurie Colbert, 1992
  • Le Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, reportage sur l’histoire de l’essai à l’occasion du colloque célébrant le cinquantième anniversaire de la publication, interviews de Michelle Perrot et Christine Delphy, journal télévisé de 20h de TF1, 1999
  • Debout ! Une histoire du mouvement de libération des femmes 1970-1980, de Carole Roussopoulos, 1999
  • Cinquantenaire du deuxième sexe, de Carole Roussopoulos et Christine Delphy, un film sur le colloque du même nom, 2001
  • Bleu, blanc, rose d’Yves Jeuland, 2002
  • Un racisme à peine voilé de Jérôme Host, 2004
  • La prostitution, émission L’arène de France, avec des interviews de Christine Delphy, Nicole Borvo et Florence Montreynaud, A2 / France 2, 2007
  • Chahinaz : quels droits pour les femmes, documentaire sur la quête d’une jeune Algérienne, avec l’interview, notamment, de Christine Delphy, France 5, 2007
  • Encore elles ! de Constance Ryder et Josiane Szymanski, Modèle:Nombre après la naissance du MLF, qui sont les féministes d’aujourd’hui ?, 2011
  • Carole Roussopoulos, une femme à la caméra, d'Emmanuelle de Riedmatten, 2012
  • Je ne suis pas féministe, mais… de Florence Tissot et Sylvie Tissot, 2015
  • L'Abécédaire de Christine Delphy de Florence Tissot et Sylvie Tissot, 2015

Bibliographie

Entretiens

Notes et références

Modèle:Références nombreuses

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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