Un peu comme aujourd'hui sur les marchés, ces cris, au nombre d'une cinquantaine, étaient poussés par les marchands ambulants, qui exerçaient leurs activités dans les rues de la capitale, du Moyen Âge à la Première Guerre mondiale. Ils signalaient ainsi leur présence tout en animant les rues et les places de « cette grand'ville si belle mais si bruyante » (Boileau). Ces cris étaient réglementés en fonction de chaque corporation de métier.
Les cris des marchés de Paris du début du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle ont été immortalisés par Clément Janequin (vers 1485-1558) dans une chanson Voulez ouÿr les cris de Paris ? (que l'on connaît en général sous le nom de Les cris de Paris).
Pendant ce temps, les femmes et les enfants des bûcherons et des charbonniers vendaient, au porte à porte, des fagots qu’ils avaient ramassés dans les essarts et les bois et qui servaient à allumer le feu dans la cheminée, avec le cri : Modèle:Citation.
« Coco, coco, coco frais ! Qui veut du coco<ref name=LAMOZ>Guy de Maupassant, Coco, coco, coco frais !, nouvelle parue dans La Mosaïque du 14 septembre 1878.</ref> ? »
« A la fraîche ! à la fraîche ! Qui veut boire<ref name=MAINZ>Extrait du texte Le marchand de coco, par J. Mainzer, Paris 1876-1878.</ref> ? »
« A la fraiche, qui veut boire ? deux coups pour un liard <ref name=ALAFRAIC>Paul Lacroix, Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle. Institutions, usages et costumes. France, 1700-1789 (Modèle:3e édition), ouvrage illustré de 21 chromolithographies et de 350 gravures sur bois d'après Watteau, Vanloo, Rigaud,... [et al.], Firmin-Didot éditeur, Paris 1878, page 361.</ref>! »
L'étamage consistait à recouvrir d’une fine couche d’étain tous les ustensiles culinaires (poêles, carafes, casseroles...) en cuivre, car ce métal peut s’oxyder en vert de gris, hautement toxique. L’étamage se faisait sur le fourneau directement chez les clients (l’étain, non toxique, fondant à basse température). Il (re)faisait également les petits miroirs de verre qu'il recouvrait d'une très fine couche d'étain : « le tain » (les grands miroirs étant eux faits à la fabrique).
Le guet qui faisait la ronde de nuit dans les rues de Paris et des autres capitales européennes (mais aussi des grandes villes de province) était en fait, une milice aussi bourgeoise que nocturne, censée sécuriser les voies de Paris (places, cours, quais, rues, ruelles et venelles), fort peu sûres au Moyen Âge comme à de nombreuses autres époques.
Comme on les entendait venir de loin, les aigrefins, coquins, vide-goussets et autres tire-laines, avaient tout le temps de regagner Vauvert ou la cour des miracles. Cependant il leur arrivait, tout de même, d’appréhender quelques ivrognes ou malfrats sourds-muets qu’ils s’empressaient de remettre à « Messire le prévôt du Roy flanqué de ses gens d’armes ».
Donc si la pègre de la capitale n’avait pas grand-chose à craindre de ces confréries, à l’inverse, les insomniaques profitaient pleinement de leurs bruyantes parades.
Houx et gui : « Ouzégui ! (sic) - Houx et gui, ouzégui ! Noël, noël ! ». Puis au « Nouvel an, nouvel an ! Guillanneuf! (sic) Au gui l'an neuf ! Guillanneuf ! Au gui l'an neuf ! »
Apanage des enfants, la vente de végétaux sauvages (fleurs, fruit des bois et branchages de décoration était hautement saisonnière : au printemps, roses et jonquilles ; en mai, muguet, aubépine (l' « arbre de mai ») et framboises, à l'automne, marrons, mures, et champignons ; enfin, houx et gui. La boucle était bouclée, il n'y avait plus qu'à recommencer avec les jonquilles. Dans l'intervalle, ils vendaient des fagots (voir supra) et criaient<ref>Les Cris de Paris, éd. anonyme illustrée, Troyes, fin du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle.</ref> :
C’est l’un des rares cris qui ait persisté jusqu’à nous. Mais aujourd’hui comme hier, les marrons sont en fait une sorte de grosse châtaigne. Il ne s'agit donc pas des marrons d'Inde bien connus des enfants mais qui, eux très toxiques, provoquent de fortes hémorragies quand ils sont consommés.
Les oublies étaient de gros beignets ronds, percés d’un trou (comme les bambalounes italo-tunisiens, ou les donuts anglo-saxons aujourd'hui), que la marchande avait faits durant la nuit et qu'elle enfilait sur un bâton ou une corde, afin de les vendre à l’unité particulièrement lors des fêtes religieuses (Modèle:Pas clair). Cette pratique était déjà relevée par Guillot de Paris, dans Le Dit des rues de Paris, qui remonte au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, bien que l'origine du mot « oublie » soit assez imprécise.
À la fin du second Empire, l'usage fit que les oublies changèrent de nom, se mêlant à d'autres sucreries, pour s'appeler plaisirs. Et la « Mère Plaisir » très connue sur le boulevard Saint-Michel était grande et grosse, toujours de bonne humeur. Elle modulait avec une voix bien timbrée son cri resté célèbre :
Modèle:Citation bloc
Puis elle ajoutait malicieuse :
Modèle:Citation bloc
Chaque passant et passante, comprenait bien sûr l'allusion... et s'empressait d'en acheter pour les dévorer<ref>Gouriet, Personnages célèbres des rues de Paris, t. Modèle:II.</ref>...
L'osier (qu'il ne faut pas confondre avec le jonc ou le rotin) était l'une des spécialités des Tziganes. Ramassé dans les étangs qui bordaient les routes, ils le tissaient pendant leur longs voyages en caravane. En fait ce n'était souvent qu'un prétexte, pour dire la bonne aventure (fait sévèrement réprimé par l'Église) - discrètement au coin de l'âtre ou d'une porte cochère...
Le rémouleur aiguisait (« repassait ») les ustensiles coupants et tranchants des ménagères ou des commerçants, mais aussi les poignards et les épées des gentilshommes, sur une petite meule ambulante qu’il tournait avec ses pieds. Cette activité perdure de nos jours.
Les seaux ferrés étaient faits de bois cerclé de fer (un peu comme les tonneaux) et servaient au transport de l’eau. Alors que les seaux de fer servaient au transport des cendres chaudes et que les graines et les farines étaient transportées dans des récipients de bois fin et déroulé : les boisseaux.
Le vitrier portait de grandes vitres sur son dos ; il les découpait, avec un diamant à la dimension voulue et les posait, chez ses clients, à l’aide de mastic et de petits clous, en remplacement des carreaux cassés. Mais les plus pauvres mettaient du papier huilé aux fenêtres.
C'étaient souvent de jeunes savoyards. Les enfants plus minces pouvaient au besoin se glisser dans les cheminées. Portant leur attirail sur le dos, coiffés d'un bonnet rouge à pompon blanc, chaussés de bottines, vêtus d'une houppelande rouge serrée à la taille, ils avaient les mains, le visage tout noirs et une grande échelle sur le dos : Modèle:Référence nécessaire
Et le sabotier, joignant le geste à la parole, s'empressait de cogner ses sabots l'un contre l'autre, comme le faisaient les enfants pour s'amuser mais aussi pour effrayer quelque animal dangereux (chiens ou loups, chats sauvages...).
Vers 1850, à Paris, on rencontrait des marchands sur la voie publique avec un assortiment de petits balais suspendus à leur boutonnière et plusieurs grands balais chargés sur les épaules.
Ils criaient: Modèle:Citation ou bien: Modèle:Citation
Autres versions
En fait des "Cris" sont retrouvés dans toutes les grandes villes tant en France qu’ailleurs. On peut ainsi citer :
Les "Cris de France"
Les "Cris de Lille" en français et en dialecte (chtimi).
Il existe une version anglaise, tout aussi riche, intitulée « Modèle:Lang » (« Cris de Londres », madrigal d’Orlando Gibbons) qui comportait également plus d'une cinquantaine de cris. Par exemple pour la marchande de navets :
Guillot de Paris, Le Dit des rues de Paris (mss. circa 1300). Ouvrage réédité avec préface, notes & glossaire par M. Edgar Mareuse, et plan de Paris sous Philippe le Bel, Éd. Librairie générale, Paris, 1875<ref>Petit in-12, d'un tirage limité à 360 exemplaires numérotés.</ref>.
Sébillot Paul, Légendes et Curiosités des Métiers. Paris, Ernest Flammarion, Éditeur (circa 1860).
Victor Fournel, Les Cris de Paris, types et physionomies d'autrefois, ouvrage accompagné de 70 gravures, Paris, Librairie de Firmin-Didot et Cie, 1887.
Haro ! Noël ! Oyé ! Pratiques du cri au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003
Laurent Vissière, « La bouche et le ventre de Paris à la fin du Moyen Age », dans Consommer en ville au Moyen Age, Actes du colloque de Rouen organisé par la Social History Society (8-Modèle:Date-), dir. Frédérique Lachaud, Revue d’Histoire urbaine, 16 (Modèle:Date-), p. 71-89.
Laurent Vissière, « Des cris pour rire ? Dérision et autodérision dans les cris de Paris ({{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | XIIIe{{#if:| }} }}-Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècles) », dans La Dérision au Moyen Âge. De la pratique sociale au rituel politique, Actes du colloque de Paris IV (Modèle:Date-), dir. Élisabeth Crouzet-Pavan et Jacques Verger, Paris, 2007, Modèle:P..
Laurent Vissière, « Les métamorphoses des cris de Paris au Moyen Âge », dans Littérature et publicité de Balzac à Beigbeder, Actes du colloque international de Paris, 28-Modèle:Date-, dir. Laurence Guellec et Françoise Hache-Bissette, Marseille, Gaussen, 2012, p. 3-35.
Laurent Vissière, « Les cris de Paris. Naissance d’un genre littéraire et musical (xiiie- xvie siècles) »,dans Clément Janequin, un musicien au milieu des poètes, Actes du colloque de Paris (25 et Modèle:Date-), dir. Olivier Halévy, Isabelle His et Jean Vignes, Paris, 2013, p. 87-116.
Laurent Vissière, « Goûter la ville. Réflexions sur la poésie ambulatoire de Paris au Moyen Âge », dans L’œuvre littéraire du Moyen Âge aux yeux de l’historien et du philologue. Interaction et concurrence des approches, Actes du colloque international de Moscou (3-Modèle:Date-), dir. Ludmilla Evdokimova et Victoria Smirnova, Paris, 2014, p. 277-292.