Gorgias
Modèle:Voir homonymes Modèle:Infobox Philosophe
Gorgias (en grec ancien Modèle:Grec ancien / Modèle:Lang) de Léontinoi (variantes : Léontini ou Léontium) est un philosophe présocratique, né à Léontinoi en Sicile (vers 480 av. J.-C.). Contemporain de Socrate, il apparaît dans plusieurs dialogues de Platon.
Sophiste, il enseignait l’art de persuader<ref>Modèle:PlaGor, 453 a.</ref>. Lucien de Samosate entre autres auteurs, dit qu’il vécut 108 ans<ref>Modèle:Harvnb.</ref>. Platon, dont les écrits forment le noyau autour duquel la philosophie et son histoire se sont cristallisées, a jeté un tel discrédit sur la pensée de Gorgias<ref>Modèle:PlaPhè, 267 a-b : Modèle:Citation</ref>,<ref>Modèle:Harvnb.</ref>, le raillant dans son Banquet<ref>Modèle:Citation - jeu de mots entre les prénoms de Gorgias et la Gorgone Méduse</ref>,<ref>Modèle:Harvnb.</ref>, que le mot sophiste est péjoratif, tandis qu’un sophisme désigne un raisonnement dont la logique est fallacieuse.
Selon Athénée, Gorgias, après avoir lu le dialogue platonicien qui porte son nom, aurait dit : Modèle:Citation<ref>Modèle:AthDei, XI, 505, D.</ref>. Il serait juste de revenir aux sources afin de découvrir l'importance de cette pensée, non seulement dans l'histoire de la philosophie mais aussi pour la pensée contemporaine. Athénée, au Livre VI de son Banquet des Deipnosophistes cite une anecdote sur Gorgias, d’après le philosophe péripatéticien Démétrios de Byzance : Quand on a demandé à Gorgias la raison de sa longévité, lui qui était centenaire, il a répondu : Modèle:Citation.
Biographie
On situe<ref>Plutarque, Vies des dix orateurs : « Antiphon de Rhamnonte est né pendant les guerres médiques. Il était contemporain du sophiste Gorgias, quoiqu'un peu plus jeune que lui » - La référence à Antiphon permet de dater la naissance de Gorgias un peu avant 480.</ref> la naissance de Gorgias un peu avant la Modèle:75e olympiade, c'est-à-dire vers 480 av.J.-C. Son père, Charmantide de Léontinoi, était orateur<ref name="Suidas">Suidas, Lexique : « Gorgias, de Léontinoi, fils de Charmantide, orateur, disciple d'Empédocle, maître de Polos d’Agrigente, de Périclès, d’Isocrate et d’Alcidamas d'Élée, qui lui succéda dans son école. Il était frère du médecin Hérodicos. »</ref>. Il avait une sœur, dont on sait seulement qu'elle était la femme d'un nommé Déicrate, et un frère médecin, Hérodicos<ref name="Suidas" />,<ref>Modèle:Ouvrage - Modèle:Citation</ref> qu'il ne faut pas confondre avec Hérodicos de Selymbrie.
Philosophie
Disciple de Tisias<ref>Bernard Quilliet, La tradition humaniste, Fayard, p. 62.</ref>, ainsi que d'Empédocle d'Agrigente, avec qui il apprit la rhétorique, il tient également de ce dernier maître sa conception de la connaissance : les corps émettent des particules. Or, les appareils sensitifs sont munis de pores. La sensation ne se produit que lorsque les pores des organes sensoriels sont d'un calibre conforme à celui des particules qui les rencontrent : trop larges ils les laissent filtrer, trop étroits ils les retiennent<ref>Ménon de Platon, 76 d.</ref>. Cette théorie d'Empédocle est, d'après Théophraste, également celle de Gorgias.
Médecine et Persuasion
Son frère médecin semble avoir joué un rôle important dans la formation de Gorgias et la genèse de sa pensée : Gorgias l'accompagnait Modèle:Citation auprès des malades et, lorsqu'ils étaient récalcitrants, parvenait à les convaincre de se laisser soigner, Modèle:Citation<ref>Modèle:Ouvrage « GORGIAS : J’ai souvent accompagné mon frère et d’autres médecins chez quelqu’un de leurs malades qui refusait de boire une potion ou de se laisser amputer ou cautériser par le médecin. Or tandis que celui-ci n’arrivait pas à les persuader, je l’ai fait, moi, sans autre art que la rhétorique. »</ref>. Médecine et éloquence<ref name="satyros">Modèle:DioVie, Livre VIII, 58 - « Satyros, dans ses Vies, déclare qu'il était aussi médecin et excellent orateur. Gorgias de Léontium fut son élève [...] »</ref> constituent justement les deux centres d’intérêt d'Empédocle dont il fut l'élève<ref name="satyros" />,<ref>Modèle:Ouvrage - « il eut pour disciple Gorgias de Léontium, auteur d’un traité sur la rhétorique, et l’un des hommes qui se sont le plus distingués dans cet art. Gorgias vécut jusqu’à l’âge de cent neuf ans, d’après les Chroniques d’Apollodore, et il racontait lui-même, au dire de Satyrus, avoir connu Empédocle exerçant la magie. »</ref>. C'est durant la Modèle:84e olympiade, c'est-à-dire à partir de 444 av. J.-C., qu'il écrivit son Traité du non-être<ref>Modèle:Ouvrage - « Et il n'est pas douteux que Gorgias écrivit le De la nature [...] au cours de la quatre-vingt-quatrième olympiade. »</ref>.
Ambassadeur à Athènes
Il fréquenta Tisias<ref name="Pausanias">Modèle:Ouvrage « On dit que Gorgias s'est couvert de gloire par ses discours, lors de la panégyrie d'Olympie et lors de son ambassade à Athènes avec Tisias. »</ref>, célèbre pour son procès contre son maître Corax et auteur du premier manuel de rhétorique<ref>Modèle:Ouvrage – « Les plus anciens auteurs de traités de rhétorique sont les Siciliens Corax et Tisias ; après eux, on trouve Gorgias de Léontium [...]. »</ref>, avec qui il fut envoyé à Athènes comme ambassadeur<ref name="Diodore">Modèle:Ouvrage « Dans cette année, les Léontins, en Sicile, descendants d'une colonie de Chalcidiens, et tirant ainsi leur origine des Athéniens, avaient à soutenir une guerre contre les Syracusains. Accablés par les forces supérieures de leurs ennemis, ils étaient menacés d'être soumis violemment. Dans leur détresse, ils envoyèrent des députés à Athènes, pour supplier le peuple athénien de leur envoyer de prompts secours, et de défendre leur ville contre les dangers qui la menaçaient. À la tête de cette députation se trouvait Gorgias le rhéteur qui l'emportait sur tous ses collègues par la force de son éloquence. C'est lui qui, le premier, a inventé les artifices de la rhétorique, et il fut tellement supérieur aux autres dans la sophistique, qu'il recevait de ses disciples jusqu'à cent mines de salaire (88). Arrivé à Athènes, et amené devant l'assemblée du peuple, il harangua les Athéniens pour obtenir leur alliance. La nouveauté de sa diction produisit beaucoup d'effet sur les Athéniens qui ont le goût si délicat et qui aiment tant l'éloquence. »</ref> en 427 av. J.-C.. Il y remporta un succès considérable<ref name="Pausanias" />. Malgré tout, comme Platon le rappelle, Socrate pensa qu'il n'était vraiment pas difficile de louer les Athéniens devant les Athéniens<ref>Platon, Ménexène : « Lorsqu’on parle devant ceux-là mêmes dont on fait l’éloge, il ne paraît point difficile de bien parler. » Voir aussi Aristote, Rhétorique, XXX. Il faut considérer aussi devant qui on fait un éloge. En effet, comme le disait Socrate, Modèle:Citation</ref>, et ceci d'autant plus qu'Athènes, nouvellement engagée dans la guerre du Péloponnèse, venait d'être frappée par la Grande Peste.
Politiquement, Gorgias semble favorable à l'unification de la Grèce (panhellénisme)<ref>Modèle:Ouvrage « Avec son Discours olympique, il fit une mémorable intervention dans la politique : voyant la Grèce divisée, il se fit l'apôtre de l'union, il tourna les Grecs contre les Barbares [...] »</ref>, mais s'adressant aux Athéniens Modèle:Citation<ref name="Philostrate">Modèle:Ouvrage - « Son Oraison funèbre, prononcée à Athènes pour les soldats tombés à la guerre, en l'honneur desquels les Athéniens donnaient des funérailles publiques assorties d'éloges, était composé avec un art extraordinaire. Il y dresse les Athéniens contre les Mèdes et les Perses, exaltant le même esprit que dans le Discours olympique, mais sans faire allusion à l'union entre les Grecs, car il parlait à des Athéniens ivres d'une suprématie qu'il n'était pas possible d'acquérir sans faire appel à la violence »</ref>, il préfère opportunément ne pas Modèle:Citation<ref name="Philostrate" />.
Les élèves de Gorgias
Proxène le Béotien, ami de Xénophon, devint son élève : « Proxène le Béotien, lorsqu'il était encore jeune, désirait devenir un homme capable de grandes choses. Animé par ce désir, il donna de l'argent à Gorgias de Léontium, pour être autorisé à suivre ses leçons ». Antisthène<ref>Modèle:DioVie, VI, 2.</ref>, Alcidamas et Lycophron suivirent ses leçons. Protarque et son frère, de la riche famille de Callias, « un homme qui dépense plus en sophistes que tous nos autres citoyens ensemble »<ref>Modèle:PlaApo, 20 a.</ref>, furent aussi ses élèves<ref>Platon, Philèbe, 58 a.</ref>,argien<ref>Modèle:Harvsp</ref>. Pour son enseignement, Gorgias Modèle:Citation<ref>Suidas, « Gorgias ».</ref>,<ref name="Diodore" />, somme considérable. Son activité fut si lucrative<ref>Isocrate, Sur l'échange, 115-116 : « Celui qui a gagné le plus d'argent, parmi les sophistes dont on a conservé la mémoire, est Gorgias de Léontium. »</ref> qu'il se fit ériger, au Temple de Delphes, une statue en or massif<ref>Pline l'Ancien, Histoire naturelle, XXXIII, 83 ; Cicéron, De l'orateur, III, XXXII, 129.</ref>. Selon Isocrate, son « plus célèbre élève<ref>Quintilien, Institution oratoire, III, I, 13.</ref>», Gorgias Modèle:Citation<ref>Isocrate, Sur l'échange, 156.</ref> : c'est en Thessalie qu'il le rencontre. Gorgias y enseigna son art à la puissante famille des Aleuades, notamment à Modèle:Lien et à Ménon, de Larissa, que l'on retrouve dans le dialogue éponyme de Platon<ref>Platon, Ménon, 70 b : « De cet état où vous voici, Gorgias est la cause : en effet, à son arrivée dans votre cité [...] il subjugua les notables chez les Aleuades, auxquels appartient ton ami Aristippe, puis les autres Thessaliens. »</ref> Toujours à Larissa en Thessalie, il rencontra le fameux médecin Hippocrate.
La mort de Gorgias
Né avant Socrate et mort après que celui-ci fut condamné à boire la ciguë (399 av. J.-C.)<ref>Quintilien, Institution oratoire, III, I, 8 : Modèle:Citation</ref>, tous les doxographes s'accordent à dire qu'il vécut très vieux : la plupart avancent l'âge de 108 ans (ce qui correspond exactement à 27 Olympiades). « Gorgias de Léontium, arrivé au terme de sa vie, fort avancé en âge, fut pris d'une sorte de faiblesse : il se laissa aller doucement au sommeil et se coucha. Comme un de ses familiers s'était approché et l'examinait en lui demandant ce qu'il avait, Gorgias répondit : Le sommeil commence à me prendre sous sa garde, comme un frère<ref>Elien, Histoires variées, II, 35.</ref> ».
L’implacable logique du Traité du non-être
Isocrate<ref>Éloge d'Hélène (3)</ref> a évoqué la logique de Gorgias : Modèle:Citation
Suppression du critère de la vérité
De la nature ou Traité sur le non-être, ouvrage de Gorgias transmis par Sextus Empiricus, qui en restitue entièrement l'implacable logique<ref>Modèle:Ouvrage</ref> dans son Contre les mathématiciens. C'est en effet d'un point de vue purement formel qu'il faut aborder le Traité du non-être : il serait vain de se demander si les propositions du sophiste sont vraies ou fausses en essayant d'en faire la réfutation à la manière du Pseudo-Aristote<ref>De Mélissos, Xénophane et Gorgias</ref>. La question peut se poser, quant à savoir si Gorgias n'a pas de toute façon Modèle:Citation<ref name="Sextus65">Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, VII, 65.</ref>
Le Poème de Parménide
Pour mieux comprendre l'enjeu du traité De la nature ou Traité sur le non-être, il faut tout d'abord évoquer le poème de Parménide intitulé De la nature : Modèle:Citation<ref name="Parménide">Modèle:Ouvrage - autre traduction plus littérale et moderne : Modèle:Ouvrage</ref>. Ainsi pour Parménide Modèle:Citation<ref name="Parménide" />. Ce sont ces deux affirmations ontologiques que Gorgias va littéralement annihiler. Cette Modèle:Citation<ref>Modèle:Ouvrage</ref> lui attribuera du même coup une réputation injustifiée de philosophe nihiliste. La logique a très tôt été utilisée contre elle-même, c'est-à-dire contre les conditions mêmes du discours : Gorgias l'utilise dans son Traité du non-être afin de prouver qu'il n'y a pas d'ontologie possible : Modèle:Citation : la vérité matérielle de la logique est ainsi ruinée. Le langage acquiert ainsi sa propre loi, celle de la logique, indépendante de la réalité. Mais les sophistes ont été écartés de l'histoire de la philosophie (sophiste a pris un sens péjoratif), si bien que la logique, dans la compréhension qu'on en a eue par exemple au Moyen Âge, est restée soumise à la pensée de l'être.
Trois propositions fondamentales
Pour cela, comme le résume Sextus Empiricus, « il met en place, dans l'ordre, trois propositions fondamentales :
- premièrement, et pour commencer, que rien n'existe ;
- deuxièmement que, même s'il existe quelque chose, l'homme ne peut l'appréhender ;
- troisièmement, que même si on peut l'appréhender, on ne peut ni le formuler ni l'expliquer aux autres. »<ref name="Sextus65" />
Rien n'existe
Il ne s'agit pas ici de refaire pas à pas la lumineuse<ref>Modèle:Ouvrage</ref>, mais néanmoins fastidieuse démonstration de Gorgias. Il suffit seulement de montrer qu'il utilise à chaque étape de son raisonnement (qui tour à tour emploie les couples être/non-être, éternel/engendré, limité/illimité, un/multiple) la même formulation de base qui, en logique propositionnelle s'écrit (p∨¬p)∨(p∧¬p). Ainsi, « s'il existe quelque chose, c'est ou l'être, ou le non-être, ou à la fois l'être et le non-être<ref name="Sextus66">Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, VII, 66.</ref>. »
- Le non-être n'est pas car « si le non-être existe, il sera et à la fois il ne sera pas<ref name="Sextus66" /> » : il sera en tant qu'il existe et il ne sera pas en tant que non-être. Or, par principe de non-contradiction, « il est tout à fait absurde que quelque chose soit et ne soit pas à la fois. Donc le non-être n'est pas<ref name="Sextus66" />. » On retrouve le résultat de Parménide.
- Démontrer que « l'être n'est pas » est un peu plus complexe, et oblige Gorgias à développer son raisonnement apagogique au bout duquel il parvient aux résultats suivants :
- Modèle:Citation
- Modèle:Citation Or, il ne peut pas être engendré à partir de l'être (auquel cas l'être existerait déjà) ni à partir du non-être.
- Modèle:Citation
Gorgias quitte la voie tracée par son illustre prédécesseur Parménide : certes, le non-être n'est pas, mais l'être non plus.
L'être n'est donc pas objet de pensée
S'opposant en tous points à Parménide pour qui « la pensée est la même chose que l’être<ref name="Parménide" /> », Gorgias démontre que « l'être ne saurait être pensé<ref name="Sextus77">Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, VII, 77.</ref> » : « L'être n'est donc pas objet de pensée<ref name="Sextus78">Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, VII, 78.</ref>. » Cette affirmation n'est pas sans conséquence : c'est elle qui justifie et nécessite la pratique des sophistes. Comme on peut le deviner, si l'être ne peut être pensé, il n'y a pas de place pour le moindre monde des idées ni d'ailleurs pour aucun autre arrière-monde, pas de réminiscence ou d'anamnèse possible, comme c'est effectivement le cas dans le mythe des enfers que Platon place justement à la fin du Gorgias (mythe qui préfigure celui d'Er le Pamphylien dans La République). On peut à partir de là comprendre pourquoi Platon s'est opposé à Gorgias et aux sophistes.
Un seul moyen de révéler : le discours
Ainsi donc si Modèle:Citation, il ne reste que le discours, objet des sophistes : « Car le moyen que nous avons de révéler, c’est le discours » ! Mais un discours qui ne prétend pas, comme c'est évidemment le cas de Platon, pouvoir atteindre la vérité puisque « le discours, il n’est ni les substances ni les êtres : ce ne sont donc pas les êtres que nous révélons à ceux qui nous entourent ; nous ne leur révélons qu’un discours<ref>Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, VII, 84.</ref> ». Un simple discours dans toute sa matérialité qui ne renvoie qu'à lui-même<ref>Pierre Aubenque, Le problème de l'Être chez Aristote, PUF, 1966 : « Le discours ne renvoie donc à rien d'autre qu'à lui-même. »</ref> nécessite un savoir technique pour produire son effet : la rhétorique, dont Gorgias serait « le premier inventeur<ref>Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XII, 53, 2</ref>. »
La puissance du discours
Technè rhêtorikè
L'art rhétorique de Gorgias consiste concrètement en l'utilisation d'effets rythmiques et sonores tels que les rimes, l'homéotéleute, l'isocolie, la parisose, l'antithèse, la paronomase et l'homéoptote) qu'il déploie dans ses Éloges et ses Discours épidictiques. Lors de son ambassade à Athènes, « la nouveauté de son style surprit les Athéniens, peuple lettré et spirituel, qui furent très impressionnés<ref>Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XII, 53.</ref> » car Gorgias se servait de ces « figures de style extrêmement raffinées et débordantes de virtuosité<ref name="Diodore" />. » Néanmoins, l'utilisation abusive de ces figures revenant « trop souvent, jusqu'à l’écœurement<ref name="Diodore" /> » finit par sembler ridicule et affectée.
La rhétorique : ouvrière de persuasion
Gorgias exprime une opinion de rencontre et la rhétorique exige un savoir-faire : elle n'est ni une technique, ni un art. « La rhétorique est ouvrière de persuasion<ref>Modèle:PlaGor, 453a ; Modèle:Article</ref>. »
Mémoire du passé, vision du présent, divination de l’avenir
« La puissance du discours<ref name="Hélène1" />» provient, selon Gorgias, du fait que « les gens n’ont pas la mémoire du passé, ni la vision du présent, ni la divination de l’avenir<ref name="Hélène2">« Nombreux sont ceux, qui sur nombre de sujets, ont convaincu et convainquent encore nombre de gens par la fiction d’un discours mensonger. Car si tous les hommes avaient en leur mémoire le déroulement de tout ce qui s’est passé, s’ils <connaissaient> tous les évènements présents, et, à l’avance, les évènements futurs, le discours ne serait pas investi d’une telle puissance ; mais lorsque les gens n’ont pas la mémoire du passé, ni la vision du présent, ni la divination de l’avenir, il a toutes la facilités. » Gorgias, Éloge d’Hélène, 11, in Les écoles présocratiques, édition établie par Jean-Paul Dumont, Gallimard.</ref> ».
Pharmakon
Frère de médecin, Gorgias affirme qu’il « existe une analogie entre la puissance du discours à l’égard de l’ordonnance de l’âme et l’ordonnance des drogues à l’égard de la nature des corps<ref name="Hélène1">« Que la persuasion, en s’ajoutant au discours arrive à imprimer jusque dans l’âme tout ce qu’elle désire, il faut en prendre conscience. [...] Il existe une analogie entre la puissance du discours à l’égard de l’ordonnance de l’âme et l’ordonnance des drogues à l’égard de la nature des corps. De même que certaines drogues évacuent certaines humeurs, et d’autres drogues d’autres humeurs, que les unes font cesser la maladie, les autres la vie, de même il y a des discours qui affligent, d’autres qui enhardissent leurs auditeurs, et d’autres qui, avec l’aide maligne de Persuasion, mettent l’âme dans la dépendance de leur drogue et de leur magie » Gorgias, Éloge d’Hélène, 13-14, in Les écoles présocratiques, édition établie par Jean-Paul Dumont, Gallimard.</ref>. » Pharmakon, le discours peut aussi bien être un remède qu'un poison<ref>Jacques Derrida, La Pharmacie de Platon, 1968, “Tel Quel”, n. 32 et 33, La dissémination, Seuil, 1972.</ref>.
Rhétorique
À côté de la faiblesse de la vérité, Gorgias pose la force du langage, son pouvoir sur les esprits, par l'argumentation, et sur les émotions, par le rythme et les effets sonores (isocolie, parisose, homéotéleute, antithèse). Ce pouvoir peut être bien ou mal utilisé ; la technè rhêtorikè ne garantit ni n'élève la moralité de celui qui l'emploie, il s'agit d'un instrument neutre. En cela, Gorgias est le fondateur du pragmatisme rhétoricien, opposé à l'idéalisme philosophique à la manière de Platon (les leçons de Socrate conduisent ceux qui les écoutent à devenir meilleurs). Gorgias développe l'idée que l'orateur peut aider les États à faire des choix politiques, parce que sa technè lui permet d'abord d'analyser la situation, puis de convaincre en vue de l'action. En dehors de son traité d'ordre métaphysique dont Sextus Empiricus nous a conservé l'extrait ci-dessus, on possède de Gorgias deux courts plaidoyers, Pour Hélène et Pour Palamède. On peut y lire des exemples des procédés stylistiques et sonores dont il fait la théorie.
Ouvrages
- Art rhétorique
- Oraison funèbre
- Discours olympique
- Discours pythique
- Éloge des Éléens
- Éloge d'Achille
- Éloge d'Hélène
- Défense de Palamède
- Sur le non-être ou sur la nature (Peri phuseos)<ref>Modèle:Ouvrage</ref>
Bibliographie
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Études
- Gorgia di Leontini, Gorgia "Su ciò che non è" , édition critique, traduction italienne et commentaire par Roberta Ioli, Hildesheim, Georg Olms, 2010.
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- Jean Lévêque, La Trilogie, Parménide, Héraclite, Gorgias, Paris, Osiris, 1994
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- Marie-Pierre Noël :
- « Gorgias et l’invention des GORGIEIA SCHÈMATA », Revue des Études grecques 112, 1999, Modèle:P.193-211 ;
- « La persuasion chez Gorgias », dans La Rhétorique grecque, Actes du Colloque O. Navarre, éd. J.-M. Galy et A. Thivel, Nice, 1994, Modèle:P.89-105 ;
- « L’enfance de l’art : plaisir et jeu chez Gorgias », Bulletin de l'Association Guillaume Budé, 1994, Modèle:P.71-93 ;
- « La persuasion et le sacré chez Gorgias », Bull. de l'Ass. Guillaume Budé, 1989, Modèle:P.139-151.
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