Le Modèle:Date- au Modèle:Lien de Londres, Puccini est enthousiasmé par une représentation de la pièce en un acte de David Belasco, Modèle:Lien<ref>Gustav Kobbé, dans Tout l'opéra (« Bouquins », Robert Laffont, 1999, Modèle:P. et 650) précise qu'il a assisté Modèle:Citation. Kobbé y affirme aussi que Francis Nielsen, régisseur de Covent Garden, qui organisait alors les répétitions de la création anglaise de Tosca, après avoir vu la pièce à Londres aurait demandé Modèle:Citation Il semble cependant que Puccini était déjà sur place pour pouvoir assister à la représentation de la première de Tosca à Londres.</ref>, elle-même inspirée d'une histoire de John L. Long<ref>Publiée sous le titre de Madam Butterfly, en 18 feuillets, sur The Century Monthly Magazine (Modèle:N°, janvier 1898, Modèle:P.), plusieurs fois republiée, dont un volume séparé en 1903 à New York en prévision de la création de l'opéra, puis traduite en italien par Angelo Clerici dans La lettura, revue mensuelle du Corriere della Sera, dirigée par Giuseppe Giacosa, publiée en février 1904 (Modèle:4e année, Modèle:N°), au moment même où la création de Madame Butterfly avait lieu à la Scala. Bien entendu, Long affirma toujours que cette histoire était fondée sur des faits réels, que certains s'attachèrent à reconstituer a posteriori, en oubliant de préciser que le terme français de « mousmées » (du japonais musume, « femme ») était alors devenu d'usage courant, car les mousmées existaient bien à Nagasaki et ailleurs au Japon, un des principaux ports de ce pays et celui le plus ouvert aux étrangers et aux marins de passage.</ref>,<ref>The stories of Madame Butterfly</ref> (1898), et veut acheter les droits sur-le-champ, bien qu'il ne parle pas anglais. Après d’âpres négociations, le contrat n'est signé qu'en Modèle:Date- et les librettistes Luigi Illica et Giuseppe Giacosa, réunis pour la dernière fois<ref>Les deux librettistes avaient déjà formé avec Puccini le trio de succès de l'écriture de ses précédents opéras, depuis Manon Lescaut (1893), avec Illica responsable du texte du point de vue de la dramaturgie et Giacosa chargé lui de la versification. Giacosa allait disparaître peu après en 1906 et ce sera donc sa dernière collaboration avec Puccini. Les exigences de ce dernier ont été jusqu'à la rupture, notamment lors de l'abandon du Modèle:3e acte par le compositeur et il faudra toute la patience de Giulio Ricordi pour le remettre au travail.</ref>, se mettent à l'œuvre. L'histoire était parvenue à John L. Long par le biais de sa sœur, Jennie Correll, qui avait habité entre 1892 et 1894 à Nagasaki, avec son mari missionnaire, et qui avait alors connu à cette occasion une jeune fille de maison de thé, appelée Chō-san<ref>En japonais, 蝶々さん, transcrit en rōmaji Chō-chō-san, peut se traduire par Madame ou Mademoiselle Papillon, mais le titre de cet opéra est composé sous la forme『蝶々夫人』soit en kana ちょうちょうふじん、transcrit Chōchō-fujin, ou encore plus simplement Madama Butterfly en katakana, マダマ・バタフライ, le suffixe honorifique « -san » étant employé comme vocatif. En italien, ce nom est devenu Cio-Cio-San.</ref>, ou Miss Butterfly, qui aurait été séduite par un officier américain, William B. Franklin, de l'USS Lancaster<ref>« ”Una vera sposa...”? Inganno e illusione nella prima scaligera di Madama Butterfly », article d'Arthur Groos, présenté lors du congrès international « Madama Butterfly », organisé par la Scala les 10 et 11 novembre 2016, repris dans le programme de la saison 2016-2017 de cet opéra, Modèle:P..</ref>.
La composition s'étend de l'été 1901<ref>Puccini commence en réalité dès Modèle:Date-, et plus précisément le 20 novembre, alors qu'il a décidé que ce serait le sujet de son futur opéra, en écartant tout autre projet, et que le contrat avec Belasco lui cédant les droits ne sera signé que le Modèle:Date (Programme de Madame Butterfly à la Fenice, art. de A. Groos, juillet 1996.</ref> au Modèle:Date<ref>Voir sur comitatopuccini.com.</ref>, l'orchestration ayant commencé en 1902, au fur et à mesure de l'écriture du livret<ref>Selon la correspondance échangée avec Illica, le livret, remanié en deux actes avec unité de lieu, est achevé le 29 novembre 1902 et Puccini commence à orchestrer le premier acte. Modèle:Citation Seul un grave accident de voiture le 25 février 1903 où Puccini est gravement touché et qui relève un diabète retardera un temps cette composition, avec une convalescence de huit mois en fauteuil roulant.</ref>. Puccini enquête sur les us et coutumes japonais et s'imprègne de la musique et du rythme nippons<ref>. Un chercheur japonais, cité par Michele Gerardi, prétend qu'une bonne part des motifs authentiques de Butterfly provient de La Mélodie japonaise, une brochure reproduisant les mélodies employées par la Kawakami Play Company d'Modèle:Lien, avec des arrangements de Louis Benedictus.</ref>. Il va même jusqu'à rencontrer la femme de l'ambassadeur du Japon en Italie<ref>Il obtient d'elle un recueil de mélodies populaires du Japon. Elle aurait aussi donné des conseils quant aux noms des personnages que Puccini ne suivit pas.</ref> ou encore Sada Yacco. À ceux qui lui reprochent de n'y être jamais allé, il réplique que Modèle:Citation<ref>Interview de 1910 en français, à New York, lors de la présentation de La fanciulla del West, citée in « Madama Butterfly 1904: una perfetta idea di teatro » (conversation avec Riccardo Chailly), Madama Butterfly, Uno sguardo nell'Archivio Storico Ricordi, Bertelsmann, 2016.</ref> et il poursuit avec frénésie la recherche de documentation sur ce pays lointain<ref>Circulèrent surtout des livres concernant la vie quotidienne, le cadre de vie, avec sans doute les splendides clichés de Felice Beato, et les traditions religieuses.</ref>, y compris par une photo de la rade de Nagasaki que lui fournit Giulio Ricordi ou par un kimono que lui procure Illica. Il écrit justement à ce dernier en 1902 : Modèle:Citation Demeurent de nombreuses imprécisions dans la transcription de la langue ou de mauvaise interprétation des usages japonais de l'ère Meiji qui ne seront rectifiées qu'en 2003<ref>Minna no opera (« opera del popolo »).</ref>. Le titre de l'opéra initialement retenu, Butterfly tout court, devient le Modèle:Date, par acte notarié, Modèle:Citation, deux jours seulement avant la première.
Après les succès retentissants de La Bohème (1896) et de Tosca (1900), Puccini s’attendait à un accueil favorable. Mais la première représentation le Modèle:Date à la Scala de Milan est un fiasco qui fera date<ref>Le 17 février 1904 est la date la plus citée dans l'histoire lyrique de la Scala ; cf. notamment l'article de Michele Girardi, « Le fiasco du 17 février 1904 : chronique de la soirée dans les journaux ».</ref>, les sifflets et moqueries ayant commencé dès le lever de rideau. De minutieuses répétitions de l'ouvrage avaient pourtant été dirigées par l'éminent maestro Modèle:Lien, avec une distribution incluant la sopranoRosina Storchio dans le rôle de Cio-Cio-San, le ténorGiovanni Zenatello dans celui de Pinkerton, le barytonGiuseppe De Luca dans le rôle de Sharpless et la mezzo-soprano Giuseppina Gianonia dans celui de Suzuki. Sous la régie de Tito II Ricordi, la mise en scène avait été confiée à Adolfo Hohenstein, qui dessine l'affiche de 1904 illustrant cet article, les décors à Lucien Jusseaume, Vittorio Rota et Carlo Songa<ref>Les fonctions modernes du metteur en scène, encore balbutiantes en ce début de siècle, n'étaient alors pas confiées à un seul artiste pour tout l'opéra et lors de la création milanaise, Rota (1864-1945) est le scenografo de l'acte I tandis que Songa (1856-1911) est celui de l'acte II, selon la page 108 du programme 2016-2017 de la Scala.</ref>, les costumes à Giuseppe Palanti.
Malheureusement, selon l'éditeur Ricordi, Modèle:Citation On ne sait si la création fut sabotée par l'éditeur rival de Ricordi, Sonzogno<ref>En raison notamment de l'échec à la Scala, en décembre 1903, de Siberia de Umberto Giordano, un protégé de Sonzogno.</ref>, ou par une claque soutenant Pietro Mascagni, Modèle:Citation<ref>Rubens Tedeschi, Addio, fiorito asil, ed. Studio Tesi, 1992, Modèle:P..</ref>, avec moins de fraîcheur. Le pire moment survient sans doute lorsque des chants d'oiseaux, simulés lors de l'intermezzo, donnent aux spectateurs l'idée d'imiter une basse-cour au grand complet. Puccini réagit et parle d'un « vrai lynchage »<ref>Il défie l'audience : Modèle:Citation</ref>. Effarés, Illica et Giacosa exigent le retrait immédiat de l'opéra de l'affiche. L’opéra paraissait-il trop long et son découpage en deux actes rompait-il avec les habitudes de l’art lyrique italien ?
Bien que réticent, le compositeur souhaitait pourtant clairement un opéra ramassé et percutant, ce qui était alors une optique radicale et un acte précurseur<ref>Dans un premier temps de la composition, trois actes avaient été prévus et écrits, dont le Modèle:3e devait se dérouler dans le consulat américain et rompre l'unité de lieu. Ce n'est que le 16 novembre 1902 que Puccini écrit à Giulio Ricordi que Modèle:Citation après le deuxième acte et qu'il s'est convaincu que Modèle:Citation en demandant à Ricordi de ne pas s'affoler. Modèle:Citation, cité inGiacomo Puccini, Marcel Marnat, Fayard, 2005, Modèle:P. et 342.</ref> (les premiers opéras de ce type datent de 1905<ref>Salome en un acte de Richard Strauss qui fit scandale à son tour.</ref>). Le Modèle:Date-, il avait écrit à Illica : Modèle:Citation bloc
Toujours est-il que Puccini en tire les leçons : il remanie l’opéra et le réorganise en trois actes « mieux équilibrés ». Il supprime aussi quelques mélodies et en tout plus d'un millier de mesures : notamment, lors de la signature de l'acte de mariage, la chanson à boire de l'oncle Yakusidé<ref>« À l'ombre d'un kaki sur le Nunki-Nunko-Yama »</ref> et en adoucissant et complétant le rôle de Pinkerton<ref>Ajout de l'aria « Addio fiorito asil ».</ref>. La nouvelle version présentée le Modèle:Date-, seulement trois mois après, au Teatro Grande de Brescia<ref>Le repli sur Brescia s'explique sans doute par le fait que cette ville disposait des faveurs de la maison de Savoie à laquelle l'éditeur Ricordi était très lié. Rome était exclue pour les mêmes raisons que Milan, même dans un autre théâtre comme le Dal Verme, Bologne avait été un moment envisagée, avant que le choix de Brescia ne s'impose. Le lendemain de la création au Teatro Grande, une soirée de gala, en présence de Victor-Emmanuel III, roi d'Italie, était programmée.</ref>, est un triomphe<ref>« Butterfly a Brescia », ”Una lettera autografa di Giacomo Puccini donata al Teatro Grande” (une lettre autographe de Giacomo Puccini en donation au Teatro Grande). Cet opuscule de 34 pages, édité par Grafo, est offert au public du Teatro Grande à l'occasion de la première de Madame Butterfly et se consacre notamment au commentaire d'une lettre autographe du compositeur, en donation récente à la Fondation du Teatro Grande. Cette lettre, écrite sur une lettre à en-tête du Caffè Centrale, décrit les répétitions peu avant le triomphe du 28 mai 1904, dossier du Teatro Grande, par Fabio Larovere, sur Cieli Vibranti, cf. [1].</ref>, prélude à une fulgurante carrière internationale : Buenos Aires–Montevideo, Alexandrie–Le Caire, Londres, Budapest, Washington–New York<ref>La tournée, chantée en anglais, se poursuit pendant sept mois au travers des États-Unis et du Canada, et atteint Winnipeg (English Grand Opera Company, producteur Henry W. Savage).</ref>, Barcelone et Paris, cette dernière création dans une version française de Paul Ferrier (1843-1920), présentée à l’Opéra-Comique le Modèle:Date, qui deviendra la version standard<ref>Madame Butterfly demeure, pour nombre de critiques, un work in progress dont les différentes versions, au nombre quasi officiel de cinq, le nombre d'actes et un découpage incertain (deux ou trois), la dramaturgie et les didascalies, présentent des variantes jamais résolues. Qui plus est, la version de l'Opéra-Comique, souvent présentée à tort comme définitive, était avant tout circonstancielle. Puccini, pour conserver de bons rapports avec le tout-puissant directeur du théâtre, Albert Carré, devait satisfaire aux insuffisances de Marguerite Carré, qu'il traite même de « patata » (pomme de terre). Pour cette création française, Puccini consent donc à des coupures pour éviter de trop fatiguer la femme du directeur. Modèle:Citation (Marcel Marnat, Giacomo Puccini, Fayard, 2005).</ref>. À peine cette création parisienne terminée<ref>Puccini trouve cette création parisienne assez décevante, notamment pour le plateau des chanteurs, mais cette production de l'Opéra-Comique restera un des plus grands succès de ce théâtre, avec 1240 représentations atteintes en 1972.</ref>, Puccini embarque à destination de New York pour la consécration que constitue une « saison Puccini » de six semaines au Metropolitan Opera House avec comme point d'orgue la création, en italien, de Madame Butterfly avec un plateau des plus prestigieux. En 1910, l'opéra arrive jusqu'à Saïgon et à Sydney<ref>La première version en anglais date du 15 octobre 1906 au théâtre Columbia (Belasco) de Washington puis au théâtre Garden de New York le 12 novembre de la même année, avec la soprano hongroise Elza Szamosi, pour une tournée de sept mois de la Compagnie du grand opéra anglais de Modèle:Lien. Le début en Argentine date du Modèle:Date- au Teatro de la Ópera de Buenos Aires où triomphe la Storchio. Dès 1908, elle est jouée dans le nouveau Teatro Colón avec 29 représentations. À Londres, elle est représentée pour la première fois, pour la Modèle:3e version, le Modèle:Date- au Royal Opera House de Covent Garden. Fin 1906, Puccini établit une autre version qu'il supervise personnellement pour le Metropolitan Opera House qui débute le Modèle:Date- en présence du compositeur pour la première fois à New York et avec Geraldine Farrar et Enrico Caruso. La Modèle:4e version est celle de Paris, traduite en français, modifiée également du point de vue dramaturgique, notamment pour tenir compte des insuffisances de la soprano Marguerite Carré que Puccini n'appréciait guère. L'Opéra-Compique ne récupère pas le décor de Lucien Jusseaume (celui de la Scala), mais la réussite des nouveaux décors, ceux de Michel Jambon et Alexandre Bailly, en fait un succès malgré une distribution de routine si on excepte Jean Périer en Sharpless. Finalement, ce n'est qu'en 1907, avec une publication complète par la casa Ricordi qu'est définie celle qui sera considérée comme la version définitive, la plus jouée, celle qui servira de référence. En Espagne, la première en espagnol est au Teatro del Bosc (actuellement Modèle:Lien) de Barcelone en août 1907. En novembre de la même année, elle débute en italien au Teatro Real de Madrid. La première au théâtre du Liceu date de 1909. Toujours en 1907, elle est donnée à Rio de Janeiro, à Berlin, à Prague et à Vienne (le 31 octobre, en allemand, en présence du compositeur). Ici encore, le succès est au rendez-vous avec 62 représentations en trois saisons, d'admirables décors d'Alfred Roller, avec Selma Kurz et la direction de Francesco Spetrino. En Australie, c'est le Modèle:Date- au théâtre Royal de Sydney, avec Modèle:Lien.</ref>,<ref>Après avoir été représenté à Paris surtout à l'Opéra-Comique, Madame Butterfly débute pour la première fois dans son intégralité au Palais Garnier le Modèle:Date-, dans une production de la Scala, mise en scène par Jorge Lavelli, sous la direction de Georges Prêtre, avec Teresa Żylis-Gara (Cio-Cio-San), Jocelyne Taillon (Suzuki), Franco Tagliavini (Pinkerton) et Tom Krause (Sharpless). En 1983, Massimo Bogianckino présente, en alternance, les deux versions majeures de l’œuvre, sous la direction d’Alain Lombard (version en trois actes) et de Modèle:Lien (version en deux actes), dans une mise en scène, des décors et des costumes de Modèle:Lien, avec Raina Kabaivanska / Hélène Garetti (Cio-Cio-San), Christa Ludwig / Anna Ringart (Suzuki), Modèle:Lien / Maurizio Frusoni (Pinkerton), Giorgio Zancanaro / Alessandro Corbelli (Sharpless). Madame Butterfly fait ensuite son entrée à l’Opéra Bastille en novembre 1993, dans une mise en scène de Bob Wilson, sous la direction musicale de Chung Myung-whun, avec Diana Soviero, Nicoletta Curiel, Johan Botha et William Stone dans les rôles principaux, production reprise en 2010.</ref>.
En plein japonisme, le thème de la geisha épousant un Américain de passage rappelle bien sûr Madame Chrysanthème<ref>Dont l'histoire de Long reprend le titre français, « Madame », et qui débute, comme chez Pierre Loti, par une conversation entre deux officiers de marine.</ref> de Pierre Loti<ref>Sans doute aussi les arrangements de Louis Benedictus, auteur également de La Marchande de sourires, pièce japonaise en 5 actes et 2 parties). Théâtre de l'Odéon, Paris, 21 avril 1888, livret de Judith Gautier et Pierre Loti.</ref>, qui a d’ailleurs été adapté à l’opéra en 1893 par André Messager. Mais la ressemblance reste superficielle, comme l'est également celle avec Iris (1898), le précédent opéra japonisant de Pietro Mascagni. Alors que Madame Chrysanthème est une geisha cynique et vénale, qui compte son argent au départ du marin, la trop jeune Butterfly tombe passionnément amoureuse de B. F. Pinkerton, un officier de l'United States Navy, au point de sacrifier les conventions sociales et de renier sa famille et sa religion ancestrale. Et Pinkerton, cynique, raciste et lâche dans la version originale, éprouvera des remords tardifs à la mort de Butterfly, ce qui reste inhabituel pour les marins de passage.
Le fiasco initial poussa le compositeur et son éditeur, la Casa Ricordi, à retirer immédiatement la partition après la première de la Scala<ref>Puccini rembourse sur-le-champ 20 000 lires de frais au théâtre milanais, une lire italienne de 1904 valant plus de trois euros actuels.</ref>, après une seule représentation, afin de soumettre l'œuvre à une révision approfondie. Notamment, il s'agissait d'éliminer certains détails<ref>Coupure de 130 mesures sur un total de 1 885 mesures de l'acte I, modification de l'intermezzo pour permettre de baisser le rideau.</ref>, mais aussi d'insérer un nouvel air comme « Addio, fiorito asil » pour adoucir le rôle de Pinkerton. Un des principaux changements intervenus serait la ligne vocale de l'air final du suicide de Butterfly<ref>Il est possible que ce changement ait déjà été effectué pendant les répétitions à la Scala et donc ait été joué pour une seconde fois à Brescia.</ref>. La nouvelle version est donnée le Modèle:Date au Teatro Grande, trois mois à peine après la catastrophique première à la Scala. C'est le soprano Solomiya Krushelnytska, « la plus belle et la plus charmante Butterfly » d'après Puccini, qui remplace la Storchio, l'orchestre encore dirigé par le maestro Campanini<ref>L'œuvre est jouée dans un théâtre comble, avec de nombreuses personnalités de l'art et de la critique, acclamée par des ovations incessantes, notamment pour le compositeur et le chef d'orchestre, et pas moins de sept bis (rappels), dont un pour le chœur à bouche fermée, « opéra qui suscite l'admiration générale », inIn giro del mondo in un mese, rubrique « Musica e musicisti », 15 juin 1904, cité par le programme « Madama Butterfly » de 2016-2017 de la Scala, Modèle:P.. Le lendemain, soirée de gala à Brescia, en présence du roi d'Italie, Victor-Emmanuel III, qui invite le compositeur dans sa loge à la fin de la première partie de l'acte II.</ref>. L'opéra est créé peu après en Argentine et en Uruguay, pendant la saison hivernale australe de 1904, dirigé cette fois par Arturo Toscanini et avec le retour de la Storchio<ref>La diva qui avait une idylle avec le maestro avait pourtant juré qu'elle ne jouerait plus ce rôle : pendant le reste de sa carrière, elle n'interprétera plus Butterfly en Italie.</ref>, avant d'être également créé peu après en Égypte<ref>D'abord à Alexandrie au Teatro Zizinio, puis au Caire.</ref>. Il est repris au Carlo Felice de Gênes le Modèle:Date, puis bénéficie à l'été Modèle:Date d'une nouvelle saison hivernale en Amérique du Sud, en présence cette fois du compositeur<ref>Une Modèle:3e saison débutera également à Buenos Aires le 5 juin 1906 sous la direction de Toscanini, poursuivie au Modèle:Lien de Montevideo.</ref>.
L'opéra est donné le Modèle:Date au Dal Verme de Milan, puis le Modèle:Date au Teatro Massimo de Palerme, chaque fois avec la supervision et des retouches du compositeur. Après le Comunale de Bologne, dès le Modèle:Date, sous la direction de Toscanini. il est aussi joué au San Carlo de Naples le Modèle:Date. L'opéra est entre-temps repris par Toscanini au Teatro Regio de Turin le Modèle:Date toujours avec Krushelnytska. La partition et les effets de mise en scène, notamment la durée de la présence du rôle muet sur scène, sont encore révisés par Puccini, et ce, jusqu'en 1907 (date de la publication complète par Ricordi), changements qui interviennent d'abord avec la création d'une troisième version en italien au Royal Opera House, Covent Garden de Londres, le Modèle:Date<ref>À laquelle Puccini ne peut assister car il est alors en tournée en Argentine : il n'assistera plus tard qu'aux successives reprises londoniennes de cette création de 1905.</ref>, puis pour la quatrième version du Modèle:Date au Théâtre national de l'Opéra-Comique de Paris, traduite et adaptée en français par Paul Ferrier<ref>MIchela Niccolai, Giacomo Puccini et Albert Carré : « Madame Butterfly » à Paris. « Mise en scène », Centro Studi Opera Omnia Luigi Boccherini, Brepols, Turnhout 2012 [314 p. ; ISBN.</ref>.
Après des représentations en anglais dès 1906 à Washington et à New York, la première nord-américaine en italien se déroule le Modèle:Date sous la supervision du compositeur<ref>Pour son premier voyage, rétribué, aux États-Unis, le Metropolitan a organisé toute une « saison Puccini » de six semaines, en janvier-février 1907, avec Manon Lescaut, La Bohème, Tosca et la création de Madame Butterfly, avec 8 000 dollars à la clé, ce qui le console de la décevante création à l'Opéra-Comique le 28 décembre 1906.</ref> au Metropolitan Opera House de New York avec un plateau prestigieux, incluant Geraldine Farrar, Enrico Caruso, Louise Homer et Antonio Scotti. Au Metropolitan, il y a eu jusqu'en 2016, au total 868 représentations de Madame Butterfly, ce qui en fait le septième opéra le plus joué dans cette salle. À l'Opéra-Comique, il atteint 100 représentations en 1912, 500 en 1929, 1 000 en 1959 et 1 240 en 1972. Et un des cinq ou six les plus joués au cours du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle. Sont rapidement créées des versions chantées en anglais, français, espagnol, allemand et même en hongrois (le Modèle:Date-). De 1907 à 1927, l'opéra est ultérieurement traduit et joué dans plusieurs langues : tchèque, polonais, slovène, riksmål, suédois, croate, danois, russe, roumain, serbe, bulgare, lituanien, letton et finnois.
Cependant, bien que les musicologues aient souvent considéré l'existence établie de quatre versions bien définies, entre 1904 et 1907, en se basant notamment sur la bibliographie de Cecil Hopkinson<ref>A Bibliography of the Works of Giacomo Puccini (1858-1924), Cecil Hopkinson, New York, Broude Brothers, 1968.</ref>, les recherches plus récentes de Dieter Schickling<ref>Nel laboratorio di Puccini: le cosidette 'versioni' di Madama Butterfly, publié dans une traduction mise à jour dans le programme de la Fenice de Venise en 2009.</ref> tendent à prouver que Puccini, étant toujours insatisfait de son travail, retouche constamment ses opéras, et surtout Madame Butterfly. Schickling montre par ailleurs qu’il n’est pas pertinent d’opposer une version originelle, celle de la Scala, à une version remaniée lors de la seconde première de Brescia : il évoque plutôt à ce sujet un véritable opus in fieri (œuvre en devenir), changeant d'un cycle à l'autre, chaque représentation devenant pour le compositeur une nouvelle expérience, dramaturgique et musicale.
Enfin, en 1920, Puccini revient une dernière fois sur la partition, en rétablissant au Teatro Carcano un air supprimé de Yakusidé. Mais cette arietta est rarement jouée après car la Casa Ricordi n'avait pas réédité cette partition depuis 1907. Le théâtre de la Fenice voulant faire rejouer la version originale de 1904, une nouvelle édition critique est commandée au musicologue Julian Smith, une première fois en 1977, puis en 1981. Cette nouvelle partition est finalement publiée en Modèle:Date- et jouée le 28 du même mois à Venise, en alternance avec la version en 3 actes<ref>Le 21 mars est d'abord donnée la Modèle:3e version en 3 actes. Le dimanche 28 suivant, la Fenice reprend la version originale de 1904, dirigée par Eliahu Inbal, régie de Giorgio Marini, mise en scène de Lauro Crisman, avec Modèle:Lien, Leonia Vetuschi, Beniamino Prior et Ferdinand Radovan (locandina de 1982, [2]).</ref>, version qui sera reprise en 1983 à Paris.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, après l'attaque de Pearl Harbor, l'opéra n'est plus joué aux États-Unis, car jugé trop négatif quant à l'image américaine. Il contient pourtant la musique de The Star-Spangled Banner qui était alors uniquement l'hymne de l'United States Navy avant de devenir l'hymne américain. Non seulement l'hymne mais également le drapeau des États-Unis reviennent constamment tout au long du livret et des didascalies<ref>Riccardo Pecci, «Mirto di Venere e vino di Bacco: ”Dovunque al mondo”, ovvero l'ambigua bandiera di F. B. Pinkerton», in La Fenice prima dell'Opera, 2012-2013, Modèle:N°, Fondazione Teatro La Fenice di Venezia.</ref>. L'opéra contient également le Kimi ga yo, l'hymne impérial japonais (entrée en scène du commissaire impérial)<ref>Partition originale avec le Kimi ga yo</ref>.
ténor<ref>Le créateur du rôle, Modèle:Lien, était un ténor. La partition américaine de Ricordi en deux actes de 1905, accessible auprès de l'université de l'Indiana, précise que c'est un rôle de baryton tandis que la musique est en clé de sol. Sa voix et sa tessiture sont tels que le rôle du prince Yamadori a été parfois interprété par des barytons. Les tessitures indiquées dans ce tableau sont celles de la partition de 1907. Dans d'autres versions, Yamadori, Yakusidé et l'officier d'état civil sont des barytons tandis que la tante est parfois mezzo-soprano. Lors de la reprise de Brescia, en mai 1904, Fernando Gianoli Galletti, interprète à la fois Yamadori et Yakusidé, alors qu'il est baryton.</ref>
Lors des deux créations, le chef d'orchestre est Modèle:Lien<ref name="amadeus">Amadeus Almanac (en italiano).</ref>, et non Arturo Toscanini qui dirigera l'œuvre peu après, en Modèle:Date-, à Buenos Aires, puis en Modèle:Date- au Teatro Regio de Turin<ref>Cependant, Marcel Marnat (Giacomo Puccini, Fayard) et le Kobbé (Tout l'opéra, R. Laffont) donnent, à tort, Toscanini comme chef d'orchestre à Brescia, malgré les sources. Toscanini dirigera aussi la première reprise à la Scala, après la mort de Puccini, le 28 novembre 1925. Puccini avait interdit que l'opéra soit joué à la Scala de son vivant. Butterfly est cependant joué au Teatro Dal Verme, à Milan, dès le 12 octobre 1905.</ref>. Emmy Destinn crée le rôle-titre à Covent Garden (Modèle:3e version) et Geraldine Farrar au Met, toutes les deux avec Enrico Caruso en Pinkerton.
Dans l'ordre traditionnel de la locandina (affiche) et du programme vendu une lire le Modèle:Date-<ref>Reproduit en fac-similé par Treccani le 7 décembre 2016.</ref>, les personnages sont les suivants :
Kate Pinkerton, [femme de Pinkerton] (mezzo-soprano)
Benjamin Franklin Pinkerton<ref>Sous la plume du librettiste Illica, on trouve aussi, les versions erronées « Sir Francis Blummy » ou « F. B. Pinkerton ». Dans les versions qui ont suivi la première de la Scala, le commissaire impérial l'appelle plutôt « Benjamin Franklin Pinkerton », et sous forme abrégée, B. F. Pinkerton. Dans l'histoire originale de John Luther Long, Cho-Cho-San l'appelle "Ben-ja-meen Frang-a-leen Pikkerton". La partition publiée en 1907 n'est pas cohérente : le commissaire dit « Benjamin Franklin Pinkerton » mais ailleurs c'est « F. B. » qui est indiqué. Comme cette édition est souvent considérée comme celle définitive, la question du véritable nom de Pinkerton reste ouverte.</ref>, lieutenant de la marine des États-Unis d'Amérique (ténor)
Sharpless, consul des États-Unis à Nagasaki (baryton)
Goro, « nakodo » (entremetteur) (ténor)
Il principe Yamadori (« le prince Yamadori »), [prétendant] (ténor)
Lo zio Bonzo (« le bonze »), [oncle de Cio-Cio-San] (basse)
Il commissario imperiale (« le commissaire impérial ») (basse)
L'ufficiale del registro (« l'officier d’état civil ») (basse)
[Lo zio] Yakusidé (« l'oncle Yakusidé »), oncle de Cio-Cio-San (basse)<ref>Rôle chanté de buffo souvent supprimé de certaines versions.</ref>
La madre di Cio-Cio-San (« la mère de Cio-Cio-San ») (mezzo-soprano, également partie du chœur)
La zia (« la tante [de Cio-Cio-San] ») (soprano, chœur)<ref>Ce rôle et celui de son interprète à la Scala ne figurent pas sur l'affiche et le programme du 17 février 1904.</ref>
La cugina (« la cousine [de Cio-Cio-San] ») (soprano, chœur)
« Dolore » (« Douleur »), [fils de Pinkerton et de Butterfly] (rôle muet)
Parents, amis et amies de Cio-Cio-San, serviteurs, [marins] (chœur)<ref>Les rôles entre crochets ne sont pas précisés sur la locandina.</ref>
Nagasaki, quartier d'Omara<ref>La pièce se déroulait sur la colline de Higashi (Higashi-Yamate) qui domine le port et la ville de Nagasaki. La ville proche d'Ōmura, d'où vient Cio-Cio-San, n'est pas compatible avec la description de l'action. Le livret présente en outre une coquille sur ce toponyme, comme sur la plupart des mots japonais, et précise le lieu de naissance de Butterfly comme étant « Omara-Nagasaki ».</ref>, « temps présent » [1901-1904]<ref>Bien que la plupart des recensions situent l'action précisément au moment où l'opéra est créé, soit en 1904, l'action s'étend en fait sur trois ans, entre l'acte I et l'acte II. L'histoire qui a inspiré le récit de Long (1898) se déroule en fait un peu auparavant, entre 1892 et 1894.</ref>). Un jeune officier américain en escale, Benjamin Franklin Pinkerton, loue une maison traditionnelle et épouse à cette occasion une geisha de quinze ans, Cio-Cio-San (ce qui signifie en japonais « Madame Papillon »). Simple divertissement exotique pour lui, le mariage est pris très au sérieux par la jeune Japonaise qui renonce à sa religion. Après une cérémonie, gâchée par l'oncle bonze, se noue une brève idylle (acte I).
Trois ans ont passé, espérant toujours le retour de Pinkerton dont elle n'a plus de nouvelles, Cio-Cio-San lui reste néanmoins fidèle et refuse des propositions alléchantes de mariage. Pinkerton revient enfin au Japon avec sa nouvelle épouse américaine et apprend qu'il a eu un fils en son absence. Quand Cio-Cio-San comprend enfin la situation, elle leur abandonne son enfant et se donne la mort par jigai, en se poignardant (acte II, en deux parties).
Bref prélude sous forme de fugue à quatre voix, avec une connotation dynamique qui suggère davantage le côté américain que l'exotisme japonais : exposition du « thème japonais » allegro vigoroso qui réapparaîtra tout au long de l'opéra mais à chaque fois quelque peu modifié.
Sur une colline qui domine le port et la rade de Nagasaki, en 1904, Goro, entremetteur, fait visiter à B. F. Pinkerton, officier américain de passage, la maison de style japonais, avec terrasse et jardin, que ce dernier vient de louer. Il lui montre le fonctionnement des parois mobiles, les shōji. Il lui présente ses serviteurs dont Suzuki, la servante de sa jeune fiancée, Cio-Cio-San dite « Madame Butterfly ».
Puis arrive, essoufflé en raison de la montée, le consul américain Sharpless. Pinkerton lui explique que les contrats de location, ici, sont très précaires. On signe pour 999 ans mais on peut se dédire chaque mois ! C’est pareil pour les contrats de mariage (air « Dovunque al mondo, lo yankee vagabondo »<ref>« Partout dans le monde, le Yankee vagabond ».</ref>).
Sharpless le met en garde et l’avertit de la candeur et de la sincérité de Butterfly. Pinkerton prend ce mariage comme un passe-temps et lui explique qu’il se mariera plus tard avec une « vraie épouse américaine » (« una vera sposa americana »).
Arrivée de Butterfly en tête d’un magnifique cortège avec ses amies et ses parents (air « Ecco! Son giunte »). Elle chante son bonheur. Pinkerton est sous le charme mais prend le mariage au second degré (« Che burletta »<ref>« Quelle farce ! »</ref>) malgré les avertissements répétés de Sharpless.
Ils entrent dans la maison. Elle lui montre quelques petits objets qu’elle a emportés, le poignard tantō avec lequel son père s’est suicidé sur ordre de l'empereur par seppuku et les Ottokés (en japonais hotoke-sama), des statuettes symbolisant les âmes de ses ancêtres. Elle lui avoue s’être convertie, en allant à la mission, au « Dieu des Américains » par amour pour lui.
Le commissaire impérial célèbre rapidement la cérémonie de mariage. Tout le monde trinque (Chanson de l'oncle Yakusidé, supprimée dans la seconde version) et se réjouit quand soudain, apparition quasi-surnaturelle, l’oncle bonze surgit ! Il maudit Butterfly qui a renié sa famille et ses ancêtres. Moment d’une grande intensité dramatique, Pinkerton défend Butterfly, chasse le bonze et tous les invités.
Restés seuls, il la réconforte. Le premier acte s’achève sur un très beau duo d’amour (« Viene la sera »<ref>« La nuit approche ».</ref>). Elle se sent « seule … et reniée, reniée… et heureuse » (« Sola e rinnegata! rinnegata e felice! »). Comme le papillon, elle est épinglée pour la vie !
Trois ans se sont écoulés depuis le départ de Pinkerton, mais Butterfly l’attend toujours. Entre-temps, sa situation financière s’est dégradée. Suzuki prie pour que Butterfly cesse de pleurer, mais sans grand espoir (« On n’a jamais vu un mari étranger revenir au nid »), tandis que Butterfly prie le « dieu américain ». Elle espère le retour de Pinkerton à la « saison où les rouges-gorges font leur nid » comme il lui avait promis (aria de Butterfly « Un bel dì, vedremo…»<ref>« Un beau jour, nous verrons…»</ref>).
Goro et Sharpless rendent visite à Butterfly. Goro lui présente de riches prétendants, dont le prince Yamadori. Mais elle les éconduit tous car elle se considère encore comme mariée.
Sharpless commence à lui lire une lettre de Pinkerton dans laquelle celui-ci annonce à Butterfly que leur histoire est terminée, mais le consul n’ose achever sa lecture. Bouleversée, Butterfly promet qu’elle se tuera si Pinkerton ne revient pas. Puis, elle présente son enfant à Sharpless, dont ce dernier ignorait l’existence (« Che tua madre dovrà ») et assure au consul qu'elle préférerait mourir plutôt que redevenir geisha. Profondément ému, Sharpless se retire, promettant de prévenir Pinkerton. Pendant ce temps, Goro rôde autour de la maison, répandant le bruit que l’enfant n’a pas de père.
Coup de canon ! Le navire USS Abraham Lincoln de Pinkerton entre au port et Butterfly le scrute avec sa longue-vue. Persuadées que le moment du retour est enfin arrivé, les deux femmes décorent la maison avec toutes les fleurs du jardin et Butterfly s’habille comme au premier jour pour accueillir Pinkerton.
Après avoir attendu en vain toute la nuit avec son enfant, au petit matin, Butterfly s’endort, épuisée.
Pinkerton et Sharpless arrivent alors avec Kate, la nouvelle épouse américaine de Pinkerton. Il demande à Suzuki de lui confier l’enfant pour assurer son avenir (trio Pinkerton-Suzuki-Sharpless). Sharpless reformule à Pinkerton ses reproches (« Ve dissi »<ref>« Je vous l’avais bien dit »</ref>). Pinkerton éprouve un remords sincère (air « addio, fiorito asil »<ref>« Adieu asile fleuri »</ref>), mais s'enfuit lâchement.
Kate demande l’enfant à Suzuki et promet d’en prendre soin. Butterfly se réveille, aperçoit Kate et comprend la vérité. Désespérée, elle consent à confier son fils à Pinkerton à condition qu’il vienne lui-même le chercher.
Après avoir bandé les yeux de Dolore et l'avoir envoyé jouer avec Suzuki, Butterfly se donne la mort par jigai, avec le tantō de son père sur lequel sont gravés ces mots : Modèle:Citation bloc
Pinkerton arrive trop tard et prend le corps sans vie de Butterfly, en s'écriant à trois reprises : Modèle:Citation étrangère
Selon son contemporain Ferruccio Busoni, Madame Butterfly était « indécente »<ref>Modèle:Citation (Modèle:Citation) s'exclame-t-il après une représentation à Vienne.</ref> et bien d'autres encore après lui ont continué à la considérer comme une œuvre commerciale, « aux contenus passablement banals, excessivement sentimentale, expression mielleuse et gâtée du goût petit-bourgeois italien de l'ère Giolitti »<ref>Roberto Morì, 3 décembre 2016, Connessi all'opera.</ref>. En réalité, malgré ces opinions souvent suffisantes, parfois même partagées par des spécialistes et amateurs de Puccini<ref>Classic Voice</ref>, Madame Butterfly occupe une place de grand relief dans le panorama culturel de la fin de siècle et du début du Novecento. Qualifié de Modèle:Citation, il est considéré comme peut-être le plus personnel de ses opéras, pour Modèle:Citation, pour Modèle:Citation, pour Modèle:Citation<ref>Article « Madame Butterfly » de Sylvain Fort, inL'Univers de l'opéra, sous la dir. de B. Dermoncourt, coll. « Bouquins », Robert Laffont, 2012.</ref>.
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Histoire d'un amour déchirant et fatal, le chef-d'œuvre de Puccini vise un point central de la culture du décadentisme : le drame sans fin de la perte. Le changement psychologique qui se vérifie dans chaque situation de perte, sans aucun deuil possible. Un principe tragique qui travaille Cio-Cio-San confrontée à la répétition sans issue de cette perte : celle de son père par seppuku, celle de sa famille et de ses amis parce qu'elle a renoncé au bouddhisme et aux ancêtres, celle de sa propre identité en devenant la pseudo Madame Pinkerton, celle d'une vie aisée en renonçant aux propositions du prince Yamadori, celle du mari qui ne revient pas et qu'elle ne reverra pas et enfin celle de son fils Dolore/Gioia auquel s'adressent ses tout derniers mots, avec une voix blanche : Modèle:Citation (Modèle:Citation), juste avant le tragique jigai. Les autres personnages de la tragédie restent schématiques, à l'état d'ébauches, comme des faire-valoir : Modèle:Citation bloc
Malgré son caractère éminemment domestique et la patine exotique, il s'agit bien d'une authentique tragédie japonaise comme le précise son sous-titre, partagée entre un Extrême Orient fascinant et intrigant et un Extrême Occident arrogant et corrupteur. Butterfly, face à ce dilemme moral, fait alors le choix le plus difficile et courageux, en rétablissant l'ordre troublé, par son ultime et troublant sacrifice.
Sont en plus joués sur scène : une clochette, des cloches tubulaires, des clochettes japonaises, une viole d'amour<ref>Comme indiqué par Puccini dans la partition, la viole d'amour soutient le chœur pendant le chœur à bouche fermée.</ref>, des sifflets d'oiseaux<ref>Pour imiter les chants d'oiseaux au réveil lors de l'intermezzo, Tito Ricordi II qui dirigeait la production en fit disposer également dans la salle lors de la première à la Scala, ce qui provoqua parmi le public l'imitation de bruits de basse-cour.</ref>, un tam-tam, un tam-tam grave. Bruits de canon, de chaînes et d'ancres. La clochette est jouée par Suzuki durant sa prière au début de l'acte II, « E Izaghi ed Izanami ».
Dans cet opéra, Puccini déploie des sonorités semblables à celles, contemporaines, du Fauré de la maturité et du jeune Debussy. L'intermède qui permet la transition entre les deux parties de l'acte II en est une magnifique illustration : « Puccini transforme la tension passionnée de la première partie, là encore presque tristanesque, en une atmosphère contemplative, mariant un matériau mélodique orientalisant avec une harmonie occidentale audacieuse. Le résultat sonore est des plus modernes, jumeau de ce que créaient à la même époque Debussy et Ravel. »<ref>Fabrizio Della Seta, Ouvertures, préludes et intermèdes d'opéras créés à la Scala, Decca, 2017.</ref>.
En dehors de Rosina Storchio<ref>Bien que s'étant jurée de ne plus jamais l'interpréter, la Storchio fera rapidement, en juillet 1904, et avec très grand succès la première création à l'étranger au Teatro de la Ópera, sous la direction de Toscanini, et ce, malgré le catastrophique fiasco de la première à la Scala. En la huant, dans une ambiance survoltée, certains évoquent même qu'elle serait, en raison de son kimono flottant, déjà enceinte d'Arturo Toscanini. Elle ne jouera cependant plus le rôle en Italie.</ref> et de Salomea Krusceniski<ref>Le 17 février 1904 à la Scala de Milan, Puccini avait subi un fiasco cinglant pour son nouvel opéra Madame Butterfly. Jamais encore le compositeur ne semblait assuré ainsi de la réussite, mais les spectateurs sifflèrent l’opéra. Le célèbre maestro était déprimé. Ses amis lui proposèrent de refaire son œuvre et d'inviter Salomea au rôle principal. Le 29 mai, la première du Madame Butterfly révisé eut lieu sur la scène du Teatro Grande de Brescia ; ce fut un triomphe. Le public rappela sept fois les chanteurs et ovationna le compositeur sur la scène. Après la représentation le compositeur, reconnaissant, expédia à Salomea son portrait avec la dédicace : « Pour la plus belle et la plus charmante Butterfly ».</ref>, les deux créatrices du rôle-titre de 1904, mais qui n'ont pas été enregistrées pour cette œuvre<ref>Il existe toutefois au moins un enregistrement de « Un bel dì, vedremo » par Krushelnytska.</ref>, de nombreuses prime donne ont marqué leur temps. Dans ce même rôle de Cio-Cio-San, il faut citer : Claudia Muzio, Toti Dal Monte, Geraldine Farrar, Modèle:Lien et Bidu Sayão qui furent les Butterflies préférées de l'avant-guerre. Après la Seconde Guerre mondiale, la plus célèbre Butterfly demeure Renata Scotto, suivie par Victoria de los Ángeles, Renata Tebaldi, Pilar Lorengar, Anna Moffo, Raina Kabaivanska et Mirella Freni (qui ne l'interpréta toutefois jamais sur scène<ref>En 1974, Mirella Freni enregistre une représentation filmée par Jean-Pierre Ponnelle et dirigée par Karajan où la critique la loue pour son timbre vocal impressionnant dans ce rôle éprouvant et pour la poésie qui se dégage de son interprétation de la malheureuse Cio-Cio-San.</ref>)<ref>En plus des créatrices (dont aussi Emmy Destinn à Covent Garden), parmi les autres interprètes célèbres de Butterfly, le Kobbé cite Tamaki Miura (cf. infra), Elisabeth Rethberg, Modèle:Lien, Dal Monte, Maggie Teyte, Joan Cross, Licia Albanese, Maria Cebotari, de los Ángeles et Sena Jurinac (Tout l'opéra, Modèle:P.). L'Avant-scène opéra complète cette liste également, de façon non exhaustive, avec Géori Boué, Daniela Dessì, Modèle:Lien, Olga Gouriakova, Fanny Heldy, Lotte Lehmann, Tiana Lemnitz, Catherine Malfitano, Berthe Monmart, Jarmila Novotná, Magda Olivero, Lotte Schöne, Elisabeth Schwarzkopf, Gabriella Tucci, Ljuba WelitschModèle:Etc</ref>.
Si la voix de Renata Tebaldi est considérée par certains critiques comme celle de la toute meilleure soprano italienne du siècle, même la remarquable interprétation de Renata Scotto ne semble pas pouvoir dépasser celle de Maria Callas et ce, malgré son physique qui est loin de celui attendu pour la jeune et menue Cio-Cio-San<ref>Maria Meneghini Callas enregistre les deux arias principales en 1954, puis une intégrale dirigée par Herbert von Karajan à la Scala en 1955 (cf. discographie). « Son objectif avec le rôle de Butterfly est de défier le temps (et sa culture) pour brosser un portrait authentique d'une jeune épouse japonaise ». Elle y parvient si parfaitement (dans l'enregistrement intégral) : « que les premiers critiques étaient troublés, voire heurtés, par la sonorité complètement différente qu'elle produisait tout au long du premier acte (s'aventurant à utiliser le timbre léger d'une enfant même dans de grandes phrases fortissimo) et dans d'autres passages soigneusement choisis du reste de l'opéra ». Comme l'écrit aussi Modèle:Lien : « C'est, comme par miracle, la jeune fille de quinze ans et non la grande Maria Callas qui se tient devant nous. ». « On entend à certains endroits l'adulte pleine de désillusion et de peur, à d'autres l'enfant encore pleine d'espoir ». Mike Ashman, Warner Classics, 2014.</ref>. Il en va de même pour Leontyne Price, Martina Arroyo ou Montserrat Caballé, même si elles sont somptueuses vocalement. Plus récemment, au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, le rôle-titre a été celui remarqué de Modèle:Lien, de Patricia Racette, Kristine Opolais, de Lee Hye-Youn ou de María José Siri.
Entre 1915 et 1920, la Japonaise Tamaki Miura devient célèbre pour ses multiples incarnations du rôle<ref>Miura prétendait l'avoir joué 2000 fois dont une à Rome en présence de Puccini – qui n'avait guère apprécié.</ref> : sa statue a été installée depuis au Glover Garden dominant la rade de Nagasaki où se déroule l'opéra.
La soprano japonaise Hiromi Ōmura interprète le rôle avec brio dès 2001. Sa technique vocale, son interprétation touchante et crédible, sa sensibilité, sa finesse et sa grâce apportent un nouveau souffle à Madame Butterfly<ref>Voir par exemple "Madame Butterfly à Néris-les-Bains : Qui est Hiromi Omura, sur les scènes du monde entier ?" inLa Semaine de l'Allier, 28 août 2019 : "Hiromi Omura est l’interprète de Mme Butterfly qu’il faut avoir vue au moins une fois dans sa vie pour ressentir toute la force du rôle avec les hautes qualités du chant italien qu’elle maîtrise et le supplément d’âme qui fait que seule une Japonaise formée en Italie peut sublimer ce chef d’oeuvre".</ref>.
Discographie
Cette discographie sélective des intégrales est notamment celle proposée pour l'écoute aux lecteurs du programme de la Scala 2016-2017<ref>« Ascolti » par Luigi Bellingardi, Modèle:P. et 185 dudit programme, cf. [3].</ref> :
1919 : Harakiri de Fritz Lang, film muet colorisé, avec Paul Biensfeldt, Lil Dagover, Georg John et Niels Prien, d'après la pièce de théâtre Madame Butterfly de David Belasco<ref>[{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Modèle:Wikidata}}/{{#if:||reference}} {{#if:||Harakiri}} sur l’Modèle:Lang]</ref>.
1954 : Madame Butterfly, une adaptation italo-japonaise à l'écran de l'opéra, dirigée par Carmine Gallone, produite conjointement par Cineriz et la Tōhō. Modèle:Retrait
1984 : L'imprésario de pop britannique Malcolm McLaren écrit et joue un morceau, Madame Butterfly (Un bel dì vedremo), produit par Stephen Hague, basé sur l'opéra et contenant ladite aria. Le morceau fait partie de l'album Fans qui contient d'autres adaptations d'airs d'opéras.
1987 : Le film Liaison fatale (Fatal Attraction), avec Michael Douglas et Glenn Close, fait de nombreuses références à Madame Butterfly, et la bande-son contient des extraits de l'opéra<ref>Scorned and dangerously obsessed former lover Alex Forrest (Close) finds comfort in and identifies heavily with Cio-Cio San. The original, abandoned ending of the film shows Alex committing suicide in an identical fashion as Cio-Cio San while Un bel dì plays in the background</ref>,<ref>Modèle:Article</ref>.
1988 : Dans la pièce de David Henry Hwang, M. Butterfly, l'histoire vraie d'un diplomate français et d'une chanteuse d'opéra chinoise, Shi Pei Pu, Butterfly y est dénoncée comme étant un stéréotype occidental d'une Asiatique timide et soumise.