Poldévie
La Poldévie (ou Poldavie chez certains continuateurs) est un pays imaginaire.
Historique
Canular
À Paris en mars 1929, des députés de gauche (tous avaient voté contre les congrégations missionnaires lors d'un récent débat) reçurent un appel leur demandant d'intervenir en faveur des malheureux Poldèves opprimés. La capitale du pays s'appelait Cherchella ; la lettre était signée : Lineczi Stantoff et Lamidaëff. Derrière ces patronymes pseudo-slaves on pouvait lire à voix haute : « l'inexistant » et « l'ami d'A. F. (L'Action française) », l'instigateur de cette mystification étant Alain Mellet, journaliste et membre de L'Action française de Charles Maurras<ref>Modèle:Lien web.</ref>.
But
Ce canular avait pour but de ridiculiser la représentation républicaine (députés). Si les députés de gauche et anticléricaux furent visés, Alain Mellet lui-même le reconnaît : Modèle:"
Les lettres paraîtront en volume durant les années 1930 sous le titre Intelligence et parlement. Le Drame Poldève.
Lettres
{{#if: La grammaire et l'orthographe des lettres reproduites ci-dessous ont été, ainsi que l'a voulu Alain Mellet, quelque peu malmenées. Les Poldèves, qui sont supposés demander l'aide des députés, n'avaient pas le français comme langue maternelle. Il s'agit donc du texte original : merci de ne pas corriger.
|
| Modèle:Non videpx
}}
Premier tour
Le canular d'Alain Mellet<ref>Dans un article au ton canularesque, Michèle Audin, membre de l'Oulipo, soutient que dès 1910 des normaliens montèrent une mystification qui roulait sur une prétendue nation poldève. (voir Modèle:Pdf Michèle Audin, « La vérité sur la Poldévie », 2009, en ligne sur le site de l'Oulipo). Elle donne pour référence André Weil, Souvenirs d’apprentissage, Vita Mathematica, Modèle:Vol6, Birkhäuser, Basel, 1991, Modèle:Nobr (passage commençant par : « Vers 1910, à ce que dit l’histoire, des normaliens ramassèrent dans les cafés de Montparnasse des individus d’origine variée dont ils firent, moyennant quelques apéritifs, des représentants de la nation poldève. »). Elle cite aussi L. Beaulieu (« Jeux d’esprit et jeux de mémoire chez N. Bourbaki », in « La Mise en mémoire de la science », dans Pour une ethnographie historique des rites commémoratifs, P. Abir-Am (dir.), Éditions des Archives contemporaines, Paris, 1998, Modèle:P., qui attribue l'invention de la Poldévie à Alain Mellet et ajoute dans une note de bas de page « que, d’après Weil, il y aurait eu quelque chose en 1910 ». L. Beaulieu indique au sujet d'André Weil (§ 3. Documents, Modèle:P. : Modèle:Citation.</ref> débuta le Modèle:Date- par l'envoi d'une lettre ronéotypée dont voici le contenu :
À ce premier courrier, seuls quatre députés répondirent : Pierre Cazals, Camille Planche, Charles Boutet et Armand Chouffet.
Second tour
Alain Mellet et ses comparses décidèrent d'envoyer une seconde missive, plus émouvante encore :
Cinq députés répondirent, mais d'autres demandèrent de la documentation.
Derniers instants
À cette demande de documentation, ils répondirent alors le Modèle:Date- alors que les premiers articles relatant l'affaire avaient commencé à paraître dans L'Action française.
Huit autres lettres furent envoyées.
La fin, telle qu'A. Mellet la présente
Jeux de mots
Voici quelques références dissimulées derrière les noms :
- Gellé-Foâ : « j'ai les foies » ;
- Général Mellet : l'auteur du canular, qui souhaitait déclencher une « mêlée générale » ; c'est sans doute aussi une allusion discrète à la conspiration du général Malet ;
- C.D. Bynn : « se débine » ;
- Tanphepa : « t'en fais pas » ;
- Tcherchella : « cherchez-la ». Nom possiblement inspiré de la localité bulgare de Tchertchélan (Oblast de Pleven).
- Hérésie moracique : « maurrassique », référence à Charles Maurras et l'Action française récemment condamnée par le Vatican (1926) ;
- Cimon et Jézipe : Hégésippe Simon, nom d'un canular précurseur datant de 1913-1914, créé par Paul Birault ;
- Illis : associé au titre « Ker », devient « Kerillis », homme politique de l'époque, Henri de Kérillis, appartenant à la droite nationale ;
- Khô ou Khôn : « con » ;
- Voltaire : référence à un représentant de la philosophie des Lumières (à laquelle s'opposait violemment l'Action française) souvent cité dans la genèse républicaine de l'anticléricalisme. Cette allusion permet également d'inscrire les Poldèves dans l'Histoire et donner un gage de moralité ;
- Marquis d’Odde-Helléon : Léon Daudet, rédacteur en chef de L'Action française à partir de 1908 et membre éminent du mouvement ;
- Sculpteur Littonguem : louchébem du nom de famille « Guitton », Marcel Guitton étant un membre moins en vue du parti ;
- Statue Marceau à Rennes : Alain Mellet était rennais ;
- Belle-mère de notre grand Musset : référence ironique à Alfred de Musset. L'Action française était profondément anti-romantique (d'ailleurs, Maurras avait écrit Les Amants de Venise – George Sand et Musset en 1902, ouvrage critiquant avec virulence le romantisme de ces deux écrivains). Cette allusion permet aussi d'enraciner le canular dans l'Histoire.
Allusions et échos au canular
- Dans ses mémoires Notre avant-guerre (chapitre 2), Robert Brasillach fait référence à cette affaire. Il raconte comment il perpétua ce canular avec des amis à l'École normale supérieure, menés par Thierry Maulnier, en persuadant un élève albanais nommé Peppo de l'existence des Poldèves.
- La biographie du mathématicien imaginaire Nicolas Bourbaki le présente comme « ancien professeur à l'Université royale de Besse-en-Poldavie » (voir plus bas André Weil, 1906-1998).
- Le Roi des palaces est un film franco-britannique réalisé par Carmine Gallone, sorti en 1932, dont l’un des personnages est Stanislas CCCXXVI, roi de Poldavie.
- L'album de Hergé, Tintin, Le Lotus bleu met en scène un personnage exerçant la fonction de « consul de Poldévie » à Shanghaï ; se trouvant dans une fumerie d'opium (précisément nommée Le Lotus bleu), il est pris pour Tintin et brutalisé par les hommes de Mitsuhirato. La planche concernée parut dans le supplément hebdomadaire Le Petit Vingtième du Modèle:Date-<ref> Planche concernée en facsimilé : http://www.bellier.org/le%20lotus%20bleu%20petit%20vingtieme/vue109.htm . Page consultée le 18 novembre 2015. </ref>,<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. (Dans le même opus une « République poldomoldaque » est aussi citée. La planche concernée parut dans Le Petit Vingtième du Modèle:Date-<ref> Planche concernée en facsimilé : http://www.bellier.org/le%20lotus%20bleu%20petit%20vingtieme/vue65.htm . Page consultée le 18 décembre 2015. </ref>.) Modèle:Article connexe
- Dans la série de bande dessinée Les Aventures de Jean Valhardi, le nom de Poldévie désigne, dans les albums Le Rayon super-gamma (1954) et La Machine à conquérir le monde (1956), le pays mettant en œuvre le rayon de la mort.
- À la veille de la Seconde Guerre mondiale, le député néo-socialiste Marcel Déat écrit un article dans L'Œuvre intitulé « mourir pour Dantzig ? » dans lequel il affirme que « les paysans français n’ont aucune envie de mourir pour les Poldèves. »
- Le roman Pierrot mon ami (1942) de Raymond Queneau évoque une chapelle commémorant la mort par chute de cheval d'un prince poldève.
- L'écrivain Marcel Aymé fait référence une fois aux Poldèves (è) et une autre fois à la Poldavie (a) :
- en 1943, l'une des dix nouvelles de son recueil Le Passe-muraille s'intitule : Légende poldève ;
- en 1952, il fait de la Poldavie le lieu de sa pièce La Tête des autres. « Antique nation célèbre par ses tapis, ses églises et ses faïences décorées »<ref>Programme de la pièce, Théâtre de l'Atelier, André Barsacq, spectacles des 4 saisons de Paris, 1958-1959.</ref>.
- En 1946, l'auteur du Voyage en Absurdie situe la Poldévie, sur une carte illustrant cet ouvrage, entre la Macédoniaque et la Cravatolie.
- En 1948, Paul Cuvelier dans la bande dessinée parue par épisode dans le Journal Tintin, La prodigieuse invention du professeur Hyx, met en scène un Poldève.
- Arsène Lupin contre Arsène Lupin est un film franco-italien réalisé par Édouard Molinaro, sorti en 1962, dans lequel deux fils de feu Arsène Lupin sont à la recherche du trésor royal de Poldavie.
- Dans sa tragédie en alexandrins et en argot Série blême publiée en 1970, le ’pataphysicien Boris Vian fait sauver les survivants d'un accident aérien par des Casques bleus poldèves.
- Dans La Belle Hortense (1985), Jacques Roubaud fait allusion à la « cour Poldève », au « régime Poldève », à des « princes Poldèves »Modèle:Nobr<ref>Catherine Rannoux, « La Belle Hortense de J. Roubaud – Contes et décomptes », 10 février 2006, sur univ-poitiers.fr.</ref>.
- L'obituaire du mathématicien André Weil (1906-1998) mentionne le fait qu'il était membre de l’Académie des sciences et des lettres de Poldavie. Dans une lettre adressée à un collègue, il présente Nicolas Bourbaki comme un ancien conférencier de l'Université royale de Besse, en Poldavie (référant en réalité à un congrès qui eut lieu à Besse-en-Chandesse durant l'été 1935)<ref>Lettre citée par Liliane Beaulieu, « Modèle:Lang », dans Osiris, Modèle:2e, Modèle:Vol14, « Modèle:Lang », 1999, Modèle:P.238 Modèle:Lire en ligne.</ref>.
Notes et références
Annexes
Bibliographie
- Alain Mellet, Intelligence et parlement. Le Drame Poldève, préface de René Benjamin, suivie de La véridique histoire d'Hégésippe Simon, par Paul Matthiex, Abbeville, [sans date] (années 1930)
- Philippe Di Folco, Histoires d'imposteurs, Vuibert 2012, p. 85-94
- Jacques Franju, Le Grand Canular, Seghers, Paris, 1963, p. 120-127