Plotin

{{#ifeq:||Un article de Ziki, l'encyclopédie libre.|Une page de Ziki, l'encyclopédie libre.}}

Modèle:En-tête label Modèle:Infobox Philosophe

Plotin, en Modèle:Lang-grc, en latin : Plotinus (205 - 270 {{#if:|{{#ifeq:|l|{{#if:|[[| apr. J.-C.]]|apr. J.-C.}}| Modèle:Abréviation discrète}}|Modèle:Abréviation discrète}}), philosophe gréco-romain de l'Antiquité tardive, est le représentant principal du courant philosophique appelé « néoplatonisme » : à travers lui, la pensée grecque classique affronte désormais les mouvements gnostiques plus ou moins proches du christianisme et du manichéisme. Continuateur d’un Musonius Rufus, d’un Sénèque, d’un Épictète, Plotin est l’un des grands philosophes de l’époque impériale et un authentique sage de la GrèceModèle:Sfn. Il installe son école à Rome en 246, où Amélius fut son premier disciple. Sa relecture des dialogues de Platon fut une source d'inspiration importante pour la pensée chrétienne alors en pleine formation, notamment pour Augustin d'Hippone, et elle influença de manière profonde la philosophie occidentale. L'intégralité de ses écrits a été publiée par son disciple Porphyre de Tyr, qui les a réunis sous la forme d’Ennéades, en groupes de neuf traités.

L'originalité de la pensée de Plotin tient à une réflexion d’une grande subtilité, élaborée à partir de Platon et d'Aristote, et où métaphysique et mystique se fondent et se confondent. Pour Plotin, l'univers est composé de trois réalités fondamentales : l'Un, l'Intellect et l'Âme. L'homme, partie du monde sensible, doit, par le plus haut degré d'intériorité, remonter de l'Âme à l'Intellect, puis de l'Intellect à l'Un et accomplir ainsi une union mystique avec le Dieu par excellence. La recherche du salut implique en effet pour l’âme une ascension spirituelle, loin du monde d’ici-bas, Modèle:Citation (Modèle:Grec ancien), vers la réalité vraie, le Bien, principe suprême identifié à la Beauté, que Plotin nomme l’Un ou Dieu. Ni mysticisme chrétien, ni contemplation de Dieu pour l'initié des mystères, la philosophie de Plotin est une exhortation à réintégrer notre vraie patrie, c’est tout le sens de l’allégorie d’Ulysse évoquée par Plotin : aux sortilèges de Circé et à la beauté de Calypso, Ulysse préféra le retour à Ithaque, sa patrie. Plotin nous invite à réintégrer notre parenté ontologique avec le divin, au moyen d’une ascèse purificatrice. Par une intuition de Modèle:Citation, cette ascension spirituelle conduit l’âme, enfin unifiée, débarrassée de tout le superflu et de l’individualité qui la barricadait dans ses limites, à devenir Modèle:Citation et à voir Modèle:Citation. Ainsi comprise, cette purification, selon le mot de Jean Trouillard, Modèle:Citation.

Biographie

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Porphyre de Tyr, auteur de la Vie de Plotin, d'après une gravure française du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle.

On sait peu de choses de la vie de Plotin. La plupart de nos connaissances à son sujet viennent de la biographie que Porphyre consacra à son maître, la Vie de Plotin<ref group=A>Porphyre de Tyr, Sur la vie de Plotin et sur l'ordre de ses traités, pages 1-31, éd. Les Belles Lettres, tome I de Plotin.</ref>, et qu'il rédige entre 300 et 301, en introduction à son édition des Ennéades Modèle:Sfn. La pauvreté de nos informations au sujet de Plotin peut s'expliquer par le peu de place qu'il accorde dans sa philosophie à l'individualité de la personne humaine<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, car celle-ci constitue un obstacle majeur à la quête du philosophe vers la sagesse, à travers l'identification de l'homme avec l'Un, premier principe à l'origine du monde.

Selon toute vraisemblance, Plotin naît en 205, à LycopolisModèle:Sfn (Haute Égypte), ville qui appartient alors à l'Empire romain et où la culture grecque est vivante, probablement au sein d'une famille de hauts fonctionnaires romains. Il fait partie de ceux qui, ayant reçu une bonne éducation, se considèrent comme Grecs de langue et de cultureModèle:Sfn. À Modèle:Nombre, Plotin part étudier la philosophie à Alexandrie, auprès du platonicien Ammonios Saccas, un guide spirituel, chrétien (apostat ou non) dont l’enseignement est purement oral : ni genre littéraire, ni simple matière d’enseignement, la philosophie est, depuis Épictète et même Philon d'Alexandrie, une initiation à la vie spirituelle destinée à former les âmes et à donner à l’homme déjà mûr un genre de vie nouveauModèle:Sfn. Aussi Plotin demeure-t-il auprès de ce maître pendant onze années, de 232 à 243Modèle:Sfn.

À Modèle:Nombre, en 244, son intérêt pour les philosophies orientales et indiennes<ref group=N>Depuis le géographe Strabon, les notices sur les brahmanes se font nombreuses, les gymnosophistes indiens sont donnés en exemples dans maints traités de morale, et on connaît les aventures légendaires d’Apollonios de Tyane en Inde.</ref> le pousse à rejoindre l'armée de Gordien III qui marchait contre la PerseModèle:Sfn. La défaite de cette armée et la mort de Gordien, tué en 244, obligent Plotin à se réfugier pour un temps dans la ville d'Antioche — une opération qui n'alla pas sans difficultéModèle:Sfn.

Plotin gagne ensuite Rome, alors sous le règne de l'empereur Philippe l'Arabe, et il y réunit quelques disciples dans une école philosophique, qui recevra, à l’époque moderne, le nom d'école néoplatonicienne de RomeModèle:Note (246)Modèle:Sfn. Le terme école ne doit pas être entendu au sens d’« institution » : les disciples de Plotin forment un cercle restreint et informel de gens distingués groupés autour d’un directeur de conscienceModèle:Sfn. Plotin enseigne en grec dans la maison de Gémina, la femme du futur empereur Trébonien, et il s'attire la protection de l'empereur Gallien et de son épouse, Salonine. Son enseignement est essentiellement oral ; dans le milieu de la société romaine instruite et aisée, il a pour disciples Porphyre de Tyr, Amélius<ref>Luc Brisson, « Amélius », "Sa vie, son œuvre, sa doctrine, son style", Modèle:Langue, Teil II: Band 36.2, 1987, Modèle:P..</ref>, des médecins comme Paulinus de Scythopolis, et Eustochius, un poète comme Zoticus, le banquier Sérapion, et quelques hommes influents, les sénateurs Castricius Firmus, Marcellus Orontius, Sabinillus et Rogatianus. Ce succès s’explique par les qualités de cœur et d’esprit que ces auditeurs, affinés par la culture et la vie mondaine, demandent à un directeur de conscienceModèle:Sfn. Il faut attendre 254 pour qu'il commence à rédiger des textes, qui formeront plus tard son œuvre fondamentale : les Ennéades. Il songe à fonder en Campanie une cité de philosophes qui se serait appelée Platonopolis, où ses amis et lui auraient pu mener une sorte de vie conventuelle et régulière, sur le modèle prôné par Platon, mais, faute de recevoir l’assentiment de l’empereur Gallien, ce projet échoueModèle:Sfn,<ref group=A>Porphyre, Vie de Plotin, chap. 12.</ref>.

Parmi ses auditeurs se trouvent des gnostiques, vraisemblablement chrétiens et rompus au platonisme, notamment des séthiens, qui mêlent à la spiritualité de Platon les révélations orientales de Zoroastre ou de Zostrien. Pendant longtemps, Plotin compose avec ces gnostiques, considérés comme des Modèle:Citation qu’il inclut dans le cercle de ses disciples, sectateurs des Modèle:CitationModèle:Sfn. Mais après Modèle:Citation, et une crise qui Modèle:Citation<ref>Henri-Charles Puech, Les sources de Plotin, chap. « Plotin et les gnostiques », Vandœuvres, Genève, Fondation Hardt, 1960, Modèle:P.183.</ref>, la discussion devient conflit avec eux vers 264, et Plotin rompt avec éclat en rédigeant le traité Contre les gnostiques (Ennéades, II, 9)Modèle:Sfn, tandis que son disciple, Porphyre, rédige peu après son traité Contre les chrétiens. En 268, Plotin envoie Porphyre, en proie à des pensées suicidairesModèle:Sfn, loin de l'atmosphère de Rome, à Lilybée en Sicile, dans l’espoir qu'il puisse y trouver repos et apaisement. En 269, Amélius — son premier disciple — le quitteModèle:Sfn pour rejoindre l'école néoplatonicienne de Numénios d'Apamée. Après l'assassinat de Gallien, Plotin, très proche de l'ancien empereur, doit quitter Rome. Accablé par la maladie, il est accueilli en Campanie, dans les propriétés de son disciple, le médecin ZéthusModèle:Sfn. Il meurt à Naples, en 270, des suites de sa maladieModèle:Sfn — probablement une tuberculose<ref>Mirko Grmek, « Les maladies et la mort de Plotin », in Luc Brisson, Jean-Louis Cherlonneix, et al., Porphyre. La Vie de Plotin, t. II, Paris, Vrin, 1992, Modèle:P..</ref> — assisté par Eustochius, dernier disciple resté à son chevet.

Durant les deux dernières années de sa vie, Plotin continue à écrire, et il envoie ses traités en Sicile à Porphyre pour que celui-ci les corrige et les publie par la suite. Porphyre s'exécute en publiant les Ennéades entre 300 et 301Modèle:Sfn, auxquelles il ajoute en introduction une courte biographie de Plotin. Porphyre ne se contente pas de compiler les œuvres de Plotin, il les trie, les divisant ou les fusionnant, pour les classer dans un ordre particulier.

À la fin de sa Vie de Plotin, Porphyre confie que son maître avait réussi à atteindre par quatre fois l'union mystique avec Dieu<ref group=A name="union">Porphyre, Vie de Plotin, chap. 23.</ref>.

Les Ennéades

Présentation

Fichier:Porphyry and Plotinus.jpg
Porphyre, éditeur des Ennéades, qui converse avec Plotin (manuscrit médiéval).

Modèle:Article détaillé Les œuvres de Plotin ont été éditées par Porphyre de Tyr qui les a présentées en six Ennéades comprenant chacune neuf traités (ennéa en grec désigne le chiffre neuf)<ref name="Gerson1.5">Modèle:Harvsp.</ref>, dont la taille, très diverse, va de deux ou trois pages à une centaine. Ce regroupement est thématique et non chronologique. On sait par exemple que le premier traité de la première Ennéade est chronologiquement l'un des derniers qu'a écrits Plotin<ref name="Gerson1.5"/>.

Suivant la tradition en vigueur à l’époque impériale, les traités de Plotin reflètent la forme de son enseignement oral : ses cours consistaient en commentaires de textes de Platon et d’Aristote suivis d’une séance de discussion entre le maître et les disciplesModèle:Sfn,<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. De là les suites de questions et réponses qui émaillent tant de traités, à l’aspect de discussion d’école sténographiéeModèle:Sfn. De là aussi la recherche de l’effet immédiat et profond et le souci de mettre les doctrines au service de thèmes de prédication, Modèle:Citation comme l’a montré Émile BréhierModèle:Sfn. On cherchera donc en vain dans l’œuvre de Plotin le développement graduel d’une doctrine selon un plan arrêté à l’avance : son œuvre se décompose en thèmes de prédication spirituelle que la doctrine platonicienne permet de soutenir. Ainsi, la première Ennéade, dévolue aux questions éthiques, traite le thème de la vie spirituelle et indépendante de l’âme, la deuxième et la troisième sont consacrées à la philosophie naturelle et à la cosmologie, la quatrième à des questions métaphysiques relatives à l'Âme, la cinquième à l'Intellect, la sixième aux nombres en général et à l'Un en particulier.

Langue et style

Plotin n'est pas un auteur facile à lire ; même si ses traités sont courts, la pensée toujours très dense résiste souvent à une appréhension directe ou immédiate. Chacun de ses traités, bien qu'il tente de répondre à une question particulière, ne peut faire l'économie de tout le système plotinien. Leur signification doit souvent être rattachée aux dialogues de Platon, aux traités d’Aristote ou à leurs commentateurs<ref group="N">Porphyre, dans sa Vie de Plotin (chap. 14), signale les commentaires, entre autres, de Sévère, de Cronius, de Numenius, et parmi les péripatéticiens, ceux d'Aspasius, d’Alexandre d'Aphrodise ou d’Adraste d'Aphrodisie.</ref>, ou encore aux conceptions des stoïciens, auxquels Plotin fait allusion sans les nommer.

Style

Au dire de Porphyre, Plotin, Modèle:Citation. Cette aisance se reflète dans la phrase de Plotin, phrase parlée mais non oratoire, qui rappelle la parole nuancée du maître dans son cours familier : c'est à ce caractère oral de sa phrase qu’il faut attribuer les parenthèses où Plotin traite brièvement une question sous forme de digression, les répétitions de la même idée en deux formules successives (ou dittographies), et les raccourcis fréquents, quand le professeur qui parle ne s’attarde pas à développer un point que son auditoire connaît bienModèle:Sfn. Son style, porté par l’enthousiasme du prédicateur, ne va pas sans une certaine enflure, et la structure de ses phrases se surcharge d’une accumulation de noms ou de propositionsModèle:Sfn. Dans l’emploi des mots et des tournures, Plotin commet en grec quelques incorrections, à l’oral comme à l’écrit, au point que Longin, le lisant, eut l’impression de posséder des copies fautives.

Apophase

La difficulté des écrits de Plotin est encore renforcée par un langage où poésie et métaphysique se mêlent pour faire entrevoir l’indicible. Pour Plotin, le langage ne peut pas rendre compte de toute la réalité. L'Un se dérobe à tout énoncé à son sujet ; étant au-delà de l'être, au-delà de la vérité, il est impossible de dire quoi que ce soit à son sujet. Plotin avertit son lecteur : Modèle:Citation L'Un est ineffable, nous ne pouvons lui attribuer aucune détermination particulière. En cela, Plotin est le père de la théologie apophatique, ou théologie négative. Une des manières possibles d’en parler est un discours négatif ; on ne peut pas dire ce que l'Un est, on peut simplement essayer de l'approcher en disant ce qu'il n'est pas, Modèle:Citation (Modèle:Grec ancien<ref group=A>Ennéades, VI, 8, 8.</ref>) ou en parvenant à le contempler : Modèle:Citation bloc

Métaphore et analogie

Pourtant, Plotin ose parfois des assertions fortes au sujet de l'Un : Modèle:Citation<ref group=A>Ennéades VI, 8 [39], 15, 1 (traduction de Laurent Lavaud, sous la direction de Luc Brisson et Jean-François Pradeau).</ref>. Mais ces assertions relèvent de la métaphore et de l’analogie. Plotin applique au Principe suprême, par suréminence, les qualités nécessairement imparfaites des êtres humains : il utilise le procédé d’affirmation par analogie avec la manière d’agir d’un homme sageModèle:Sfn. Ce procédé vise la persuasion<ref>Laurent Lavaud, Notice d'introduction au traité 39 de Plotin, traduction sous la direction de L. Brisson et J.-F. Pradeau, Paris, GF-Flammarion, 2007, Modèle:P..</ref>. Les traités de Plotin sont la transcription de débats vivants et des échanges ou objections faites à Plotin lors de ses cours et, à ce titre, l'usage de la métaphore est nécessaire pour tenter de faire comprendre ce qu'est l'Un à son auditoire.

Mythe

De la même façon, le discours mythique vient encore renforcer les moyens dont use Plotin pour parler de ce dont on ne peut rien dire. Le plus souvent le mythe est utilisé comme un mode d'expression symbolique et commode parce que concret ; ainsi présente-t-il le retour d’Ulysse à Ithaque<ref group="A">Ennéades I, 6, 8, 18-21.</ref> comme la métaphore du retour de l’âme dans sa patrie, et l’image de Narcisse, comme le reflet illusoire et sans consistance d’une Beauté supérieure. En tant qu’images (Modèle:Grec ancien) les mythes reflètent la vérité, mais ils la signifient en la dissimulant, d’où la nécessité de les interpréter. Or, Plotin a varié dans l’interprétation de ces mythesModèle:Sfn. Modèle:Citation, il leur attribue parfois une polyvalence inhabituelle : Zeus désigne aussi bien le démiurge que l’Âme du monde<ref group="A">Ennéades, IV, 4, 10.</ref>, mais dans d'autres passages, Zeus devient la Modèle:Citation Plotin n’hésite donc pas à prendre une extrême liberté avec l’interprétation traditionnelle homéro-hésiodiqueModèle:Sfn.
Lorsqu’il veut expliciter les points les plus ineffables de son système, comme les rapports hiérarchiques entre les hypostases du monde invisible, Plotin conjugue audacieusement métaphysique et mythe. C'est alors que le mythe devient un discours à finalité didactique<ref name=lacrosse>Modèle:Lien web.</ref>, qui permet de rendre accessible à la raison humaine quelque chose qui dépasse de loin ses capacités<ref group=A>Ennéades III, 5 [50], 9, 24-25.</ref>,<ref>Lambros Couloubaritsis, Aux origines de la philosophie européenne, Bruxelles, De Boeck, 2005, Modèle:P..</ref>. Ainsi, l’exégèse du mythe d’Aphrodite et de la naissance d’Éros, dans le traité De l’Amour<ref group="A">Ennéades, III, 5, 9.</ref>, suffit à elle seule à faire comprendre comment l’allégorie plotinienne peut fonctionner comme expression philosophiqueModèle:Sfn. Plotin explique qu’en raison de leur caractère narratif, les mythes Modèle:Citation : le mythe introduit en effet du temps et isole des éléments (l’âme et le corps, la matière et la forme), là où il n’y a jamais eu que des réalités indivises<ref name=lacrosse/>. Les légendes d’Aphrodite et d’Éros figurent les subtiles relations d’ordre et de puissance entre l’Âme et l’Intelligence. Sous forme généalogique, ce mythe énonce les rapports entre ces hypostases, êtres inengendrés<ref name="lacrosse"/> : Modèle:Citation C’est ainsi que le mythe devient chez Plotin un instrument d’analyse et Modèle:Citation, comme il le dit lui-même (Modèle:Grec ancien)<ref group="A">Ennéades, IV, 3, 9.</ref>. Loin de l’opposition du mythos et du logos, Plotin a tenté de faire un seul système du mythe de la destinée de l’âme et de l’univers et des raisonnements à base mathématique de PlatonModèle:Sfn.

Influences

Platon et les Grecs

Fichier:Plato Pio-Clemetino Inv305.jpg
Buste de Platon. Copie romaine d'un original grec du dernier quart du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle Modèle:Av JCModèle:Vérification siècle

Plotin conserve de la grande tradition hellénique l’idée d’un cosmos unique, intelligible et harmonieux<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Il connaît bien ses prédécesseurs philosophes. Dans ses traités, se trouvent de nombreuses allusions, explicites ou non, à Pythagore, Aristote, aux péripatéticiens, au stoïcisme, à l'épicurisme ou encore aux gnostiques auxquels il s'oppose. Mais Plotin dépendait aussi de commentateurs, surtout Alexandre d'Aphrodise<ref>Maurice de Gandillac, Études sur la Métaphysique d'Aristote, sous la direction de Pierre Aubenque, Vrin, 1979, Modèle:P.247-259.</ref>. L'influence de Numénios d'Apamée fut décisive, au point que Plotin fut accusé de l’avoir plagié. Selon la spécialiste Alexandra Michalewski, Modèle:Citation de cette accusation de plagiatModèle:Sfn.

Mais Platon reste sa principale source d’inspiration ; à l’époque de Plotin, le maître est avant tout un commentateur, c’est pourquoi il cite Platon et le prend pour point de départ dans presque chacun des cinquante-quatre traités des EnnéadesModèle:Sfn. Il emprunte à Platon des thèmes importants : la transcendance de l'Un comme premier principe (Parménide), le problème de l'un et du multiple, la théorie des Formes (La République), les genres de l'être (Le Sophiste), ou l'intérêt pour l'amour (Le Banquet, Phèdre). Plotin se présente d'ailleurs comme un exégète de l'enseignement de Platon : Modèle:Citation bloc

Tout en se tournant vers Platon et en se plaçant sous son autorité, Plotin l'adapte à sa propre pensée<ref>Lambros Couloubaritsis, Aux origines de la philosophie européenne, Bruxelles, De Boeck, 2005, Modèle:P..</ref>. Sa lecture de Platon a une importance telle qu'elle influence longtemps la compréhension du platonisme originel, notamment en donnant une place centrale à la contemplation dans l'œuvre de Platon.

Plotin se présente cependant comme un commentateur et ne prétend pas faire œuvre originale. Julien Saiman écrit, en s'appuyant sur Pierre Hadot : Modèle:Début citation blocPlotin ne veut être qu'un commentateur de Platon, d'Aristote et des Stoïciens, par modestie mais aussi parce que cela est d'usage dans les écoles hellénistiques (P. Hadot fait remonter la tradition du commentaire comme exercice philosophique par excellence au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle Modèle:Av JCModèle:Vérification siècle), mais même s'il ne s'est pas voulu original, Plotin l'estModèle:Sfn.Modèle:Fin citation bloc

Philosophie indienne

Porphyre de Tyr, dans sa Vie de Plotin, rapporte que Modèle:Citation<ref group=A>Porphyre, Vie de Plotin, Paris, Les Belles Lettres, 2013, chap. 3.</ref>. Il accompagne, à Modèle:Nombre, l'empereur Gordien III lors d'une expédition militaire dans ces contréesModèle:Sfn. Une hypothèse écartée par l'indianiste Olivier Lacombe est de dire que Plotin cherche à penser l'hellénisme Modèle:CitationModèle:Sfn. Le spécialiste de Plotin Émile Bréhier voulait déjà réfuter cette hypothèse dans son livre La Philosophie de Plotin publié en 1928Modèle:Sfn.

Pour Olivier Lacombe, il y a Modèle:Citation, Modèle:Citation entre des aspects importants des Ennéades de Plotin et les Upanishad de la pensée indienne. Plotin n'est d'ailleurs pas le premier Hellène à s'intéresser de près à la philosophie indienne, puisque Diogène Laërce<ref group=A>Modèle:DioVie, livre IX, ch. XI.</ref> rapporte le cas de Pyrrhon d'Élis, fondateur du scepticisme, qui se propose Modèle:CitationModèle:Sfn. Les gymnosophistes, littéralement Modèle:Citation sont des Modèle:Langue et des yogis indiens qui méditent dans la retraite et méprisent la douleurModèle:Sfn.

Ce sur quoi Plotin est proche des Upanishad, c'est la volonté d'abolir les relations de l'ego avec Modèle:Citation, Modèle:Citation et Modèle:Citation. Selon Lacombe, il s'agit là d'une interprétation de la Modèle:Citation (Modèle:Langue) qui diffère essentiellement de Modèle:Citation et du Modèle:Langue cartésien, mais aussi de la religion vue comme Modèle:CitationModèle:Sfn. Il convient d'écarter tout ce qui nous masque Modèle:CitationModèle:Sfn. Contrairement à la philosophie grecque traditionnelle qui voit dans l'infini l'absence négative de limite, les Upanishads et Plotin vont conceptualiser positivement l'absolu comme infini et indifférenciéModèle:Sfn. C'est l'Un chez Plotin et l'Advaïta védanta (non-dualité) dans la doctrine vedântique. De même, Plotin et le védantisme distinguent la Modèle:Citation et la Modèle:Citation. La première relève de l'Modèle:Citation, selon l'expression de Jacques Maritain<ref>Jacques Maritain, L'expérience mystique naturelle et le vide, in Quatre essais sur l'esprit dans sa condition charnelle, Paris, Desclée de Brouwer, 1939.</ref>, et la deuxième relève de la systématisation intellectuelle et doctrinaleModèle:Sfn. Le védantisme met cependant davantage l'accent sur l'extase (Modèle:Langue) ou sortie hors du monde, tandis que le plotinisme conserve une place importante dans son système pour l'Modèle:Citation et la Modèle:Citation du cosmos, comme le veut la tradition grecque dont il hériteModèle:Sfn. Ainsi, c'est plutôt dans leur dimension mystique que le Vedânta et Plotin sont à rapprocher.

L'indianiste Jean Filliozat fait l'hypothèse que les emprunts dans le monde gréco-romain aux doctrines indiennes pourraient n'être que des coïncidences, ou un parallélisme dû à des intérêts et réflexions spéculatives communes mais sans rencontres. Cependant, Filliozat écarte cette hypothèse à cause des échanges et communications avérées entre le monde gréco-romain et le monde indien dans l'Antiquité tardive<ref>Modèle:Article.</ref>. Pourtant, explique Lacombe, il paraît difficile de voir l'influence du Vedânta sur Plotin comme Modèle:Citation ou Modèle:Citation, étant donné que nous trouvons dans le texte des Ennéades des analogies entre les deux doctrines et non des emprunts explicitesModèle:Sfn.

Par exemple, le thème de la Modèle:Langue d'origine bouddhique, si proche du platonisme puisqu'il évoque l'illusion fondamentale du monde des apparences, ne semble pas avoir été communiqué à PlotinModèle:Sfn. De même, les textes indiens sur la mémoire et la Modèle:Citation dans Modèle:Citation, proches des textes plotiniens, ne semblent pas avoir été connus du philosophe alexandrin. Lacombe écrit : Modèle:Début citation blocRien, chez Plotin, ne laisse pressentir que ces vieux textes savoureux aient été connus de lui, fût-ce par ouï-dire. Son enquête sur les états de la conscience individuelle se poursuit parallèle et sans référence à celle de l'IndeModèle:Sfn.Modèle:Fin citation bloc

Selon Lacombe, l'absence de mention du yoga chez Plotin est elle aussi étonnante, vu la relation étroite de cette pratique avec la mystique indienne transmise dans le VedântaModèle:Sfn. Mais peut-être cela vient-il du Modèle:Citation de Plotin, selon Porphyre<ref group=A>Porphyre, Vie de Plotin, ch. 2.</ref>. Émile Bréhier propose, quant à lui, l'explication suivante : Plotin n'aime pas faire étalage de son érudition, et il ne mentionne pas plus la philosophie des non-Grecs que la religion chrétienne dans sa version orthodoxe, alors même qu'il débat avec les gnostiques<ref>Modèle:Chapitre.</ref>. Mais selon Lacombe, même si Plotin fuit l'érudition, il n'y a tout de même pas de Modèle:Citation dans les Ennéades qui indiquerait que Plotin ait subi l'influence de ou dialogué avec quelque texte ou personnalité du brahmanismeModèle:Sfn.

Lacombe conclut que l'influence de la pensée indienne sur Plotin n'est pas massive ou lourde, mais insuffisante et schématique : de nature Modèle:CitationModèle:Sfn.

Métaphysique

La doctrine philosophique de Plotin s'articule autour du thème platonicien par excellence, énoncé par Socrate dans le Théétète, et que répètera encore Aristote<ref>Dans le Protreptique et l’Éthique à Eudème : voir Werner Jaeger, Aristote, Fondements pour une histoire de son évolution, L’Éclat, 1997, Modèle:P.247.</ref> : Modèle:Citation Ce thème de la fuite de l’âme hors du monde sensible est au cœur de la prédication de Plotin qui décrit, en valeur décroissante, les réalités qui s’échelonnent depuis le plus haut sommet du monde intelligible (le Premier) jusqu’au plus bas degré du monde sensible ; chacune de ces réalités naît de la précédente et constitue, selon Émile Bréhier, Modèle:Citation Plotin évoque avec lyrisme cette ascension comme Modèle:Citation, par celui qui, ayant connu Modèle:Citation (Modèle:Grec ancien), n’a plus d’attache aux choses d’en bas : Modèle:Citation C’est alors que l’âme peut goûter la béatitude de la contemplation de la Beauté et de Dieu, Modèle:Citation

Les trois hypostases

Modèle:Article détaillé

Fichier:Roman sarcophagus of a reader identified to Plotinus and disciples.jpg
Frise d'un sarcophage du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle conservé au musée grégorien égyptien surnommé « Sarcophage de Plotin » car on y verrait Plotin dans le personnage du philosophe assis, lisant en public. L'identification est néanmoins controversée.

Plotin adopte la division platonicienne entre monde sensible et monde intelligible (ou immatériel), et dans ce dernier il fait intervenir trois hypostases<ref group=N>Plotin, Ennéades, V, 1, 8. Modèle:Citation.</ref> :

En réalité, le terme d'« hypostase » ne fut introduit que tardivement par Porphyre<ref>Plotin, Traités 38-41, traduction sous la direction de Luc Brisson et J.-F. Pradeau, Paris, GF-Flammarion, 2007, Modèle:P., Note 194 de Ennéades VI, 8 [39].</ref> (dans le titre de Ennéades V, 1 [10] : Sur les trois hypostases qui ont rang de principes) pour désigner ces trois principes fondamentaux qui structurent le monde intelligible, et qui se retrouvent à l’intérieur de chacun de nousModèle:Sfn. Si Plotin emploie bien le terme, il ne l'utilise cependant jamais dans un sens différent de son acception courante à l'époque, signifiant « existence ». L'Un, l'Intellect et l'Âme sont les trois principes dont tout le reste dépend dans le monde sensible, ils ne forment aucune succession ni dans le temps ni dans l’espaceModèle:Sfn, et fonctionnent comme trois niveaux de réalité distincts.

L’Un

L'Un est le principe suprême pour Plotin : il est sa propre cause et la cause de l'existence de toutes les autres choses de l'univers<ref name="Gerson 2014 Loc 2.2">Modèle:Harvsp.</ref>. Il n'a besoin d'aucun autre principe d'ordre supérieur pour « exister ». Assimilé au Bien par Plotin qui reprend, pour expliquer sa fonction, l'image du Soleil dans l’allégorie de la caverne de La République de Platon, il ne contient en lui aucune multiplicité, aucune altérité, aucune division et il n'est pas sujet au changement ; il est entièrement Un. Les explications de Plotin sur la nécessité d'un tel principe s'enracinent dans la tradition des Présocratiques qui cherchaient une explication simple et ultime à des phénomènes complexes<ref name="Gerson 2014 Loc 2.2"/>. Plotin a trouvé ce principe dans la République de Platon et dans le Parménide.

L’Intellect

L'Intellect, lui, dérive de l'Un qui est son principe. Il contient en lui tout le pensable, c'est-à-dire l'ensemble des idées ou des intelligibles ou des Formes au sens de Platon. À ce titre, l'Intellect est le lieu par excellence de la réalité et de la véritéModèle:Sfn. Il est l'Être véritable. Il contient en lui la multiplicité des Formes. Pour Plotin, sans ces Formes, il n'y aurait pas de justification non arbitraire pour déclarer qu'une chose a telle ou telle propriété<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Sans le postulat de l'Un, les Formes seraient éternellement désunies. Pour lui Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

L’Âme

Plotin distingue trois sortes d’âme : l'Âme hypostase, l’Âme du monde et les âmes des individus. L'Âme hypostase, éternelle, sans aucun lien avec la matière ou avec le corps, se tient à la frontière entre le monde intelligible et le monde sensibleModèle:Sfn. Le concept d'âme du monde existait déjà dans le Timée de Platon. L'Âme du monde étant le principe du sensible, englobe le tempsModèle:Sfn ; elle est elle-même au-dessus du sensible en tant que tel, qui en est séparé. La cause de sa génération est dans l’Intellect. Elle gouverne la nature corporelle supérieure du monde céleste. Elle est donc exempte des difficultés qui peuvent troubler les âmes individuelles. Pour expliquer le fonctionnement de l’individu soumis à l’hégémonie de l’âme, Plotin emprunte des principes à la théorie aristotélicienne de l’âme dans le Modèle:LangueModèle:Sfn. On voit qu’au fur et à mesure que l'on s'éloigne de l'Un, le monde comporte en lui une part de plus en plus grande de diversité, il perd donc en unité et en perfection. L'Âme se décline par conséquent à des degrés divers : l'Âme du monde est la plus parfaite, tandis que chaque âme individuelle a son propre degré de perfection. L'Âme déploie dans le temps le contenu de l'Intellect<ref group=A>Ennéades III, 7 [45], 12, 19-25.</ref>. L'âme n'est pas comme chez Aristote principe de vie, elle est l'activité la plus élevée de la vie<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

L'émanation de l'univers

En plus d'être constitué par trois principes fondamentaux, comme trois couches géologiques superposées, le monde, l'ensemble de ce qui existe, selon Plotin, obéit à une logique très spécifique. Le monde, dans son entièreté, émane de l'Un dans un mouvement qu'on appelle la « procession » (Modèle:Grec ancien, Modèle:Langue), et qui, dans son sens logique, ressemble beaucoup au concept platonicien de participation. Une chose « procède » de ce dont elle participe, et inversement<ref>Sylvain Roux, La Recherche du principe chez Platon, Aristote et Plotin, Paris, Vrin, 2005, Modèle:P..</ref>. La nature de l'Un, qui est le principe premier selon Plotin, est telle que de lui émane nécessairement le reste du monde, par surabondance. Cependant, pour Jean-Louis Chrétien et Lloyd Gerson, le mot émanation peut induire en erreur. En effet, il ne faut entendre par là ni un processus temporel ni la division d'une unité potentiellement complexe, car, l'Un étant absolument un et donc absolument simple, il ne peut avoir en lui nulle complexité. S'il donne lieu au monde et à sa complexité, c'est que Modèle:Citation : il n'a rien d'autre que lui-même et ne se donne pas lui-même<ref>Voir par exemple La Voix nue de Jean-Louis Chrétien, Paris, Éditions de Minuit, 1990.</ref> ; l'émanation est comprise plutôt Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. D'autres termes, comme celui de « dérivation », ont été proposés pour le remplacerModèle:Sfn.

L'émanation explique d'une part que l'Un engendre l'Intellect. Ensuite, l'Intellect, lui-même sujet à la procession, engendre une réalité inférieure à lui, l'Âme et, enfin, l'Âme produit à son tour le monde sensible qui lui n'est plus le principe de rien. D'autre part, la théorie de l'émanation montre que la procession est un processus logique qui ne dépend pas de la volonté d'un Créateur. Cette attitude vis-à-vis de l'origine du monde constitue une différence capitale entre le néoplatonisme païen de Plotin et le néoplatonisme chrétien de saint Augustin. En effet, contrairement aux penseurs juifs et aux premiers chrétiens, il n'y a ici aucun « acte » créateur à l'origine du monde<ref>Georgios Lekkas, « Le concept positif de la nécessité et la production des êtres chez Plotin », Les études philosophiques, 2004, Modèle:P..</ref>, il n'y a aucune volonté divine à l'œuvre dans la création. L'Un donne naissance à tout, sans qu'il faille voir là l'action de sa volonté, à proprement parler.

La différence n'est d'ailleurs pas que dans l'origine du processus d'émanation. Elle est aussi interne à ce processus, car ce qui est engendré par l'Un, puis par l'Intellect, puis par l'Âme, est entièrement fait d'un seul coup : la succession n'est pas chronologique, mais uniquement logique, c'est-à-dire structurelle, pratiquement dialectique comme dans l'idéalisme de Hegel ou cognitive. De ce fait, il est impossible de distinguer un avant, un pendant et un après l'émanation, et il est également impossible de parler de création, y compris dans le sens d'une création sans intention de créer ni créateur. Contrairement à l'émanation par laquelle la lumière s'éloigne du Soleil, l'émanation de Plotin n'est pas un mouvement ni un changement au sens strict de ces termes, et il n'y a donc dans la philosophie de Plotin d'émanation qu'en un sens métaphorique. Pour toutes ces raisons, Plotin est un défenseur radical de l'éternité du monde, pour lui, le monde n'a jamais eu de commencement<ref group=A>Ennéades, II, 1 et V, 1, 6.</ref>,<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Malgré cela, sa pensée a eu une influence considérable sur de nombreux philosophes chrétiens, comme saint Augustin déjà mentionné.

L'Un est immuable et immobile, il n'a pas d'esprit, pas de volonté<ref group=A>Ennéades, III, 7.</ref>. Il est absolument transcendant et, à ce titre, il serait erroné de penser que le mouvement de procession d'où naît l'Intellect l'affecte en quelque façon que ce soit. L'Un n'y perd rien, il ne se divise pas non plus, ni ne se morcelle en une multitude d'êtres inférieurs. Il reste entier mais déborde en quelque sorte vers les niveaux de la réalité qu'il domine et soutient. L'Un se comporte à l'égard du réel un peu comme le Soleil qui, par ses rayons, donne aux objets la possibilité d'être vus, sans pour autant que l'intensité de sa lumière en perde quelque chose<ref group=A>Ennéades, V, 1, 6.</ref>.

L'Un est absolument transcendant, mais il est aussi immanent en tout. Il n'est nulle part, mais il est partout. Tout a rapport, à des degrés divers, à l'Un, qui est la mesure de toutes choses<ref>Lambros Couloubaritsis, Aux origines de la philosophie européenne, Bruxelles, De Boeck, 2005, Modèle:P..</ref>. Puisque tout est issu de lui, directement dans le cas de l'Intellect ou indirectement, puisqu'il n'y a pas de séparation entre l'Un et le monde comme entre Dieu et sa création, tout est également lié à lui. Il est donc possible de retrouver en chaque être la trace de ses principes supérieurs. Ce mouvement de retour vers ses propres principes, complémentaire à la procession, est appelé la « conversion », et joue un rôle primordial dans la mystique de Plotin.

L'Un, le Bien et le Mal

Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. La matière dissout en quelque sorte les forces de l’âme en lui ajoutant le corps qui détourne l’âme de l’intelligible : Modèle:Citation Sur ce point, il est consciemment en opposition avec Aristote pour qui la matière n'est pas privée de toute intelligibilité. Le problème est qu'alors, le mal qui est la matière est produit par l'Un qui est le Bien. C'est la thèse gnostique. Mais Plotin raisonne différemment. Le début du mal réside dans la séparation de l'Un par l'Intellect. En effet, la matière, le monde sensible en général, est le dernier degré de développement de l'Un. Elle est associée au mal et à la nécessité<ref group=A>Ennéades III, 2 [47], 2, 32-35.</ref>. Le mal est donc pour lui ce qui est le plus privé de perfection ; c'est un défaut de bien.

Modèle:Citation bloc

En fait la matière est le mal seulement lorsqu'elle devient la fin ou le but, de sorte qu'elle empêche le retour vers l'Un. Le corps humain n'est pas le mal en soi, il ne le devient que si l'être humain s'attache à son corps et l'idolâtre. De sorte que Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp</ref>.

Les deux matières

La matière, en grec Modèle:Grec ancien, Modèle:Langue, fait l’objet du traité 12 (Ennéades II, 4) intitulé Des deux matières. Par opposition à la matière sensible des corps (Modèle:Grec ancien), Plotin examine la question de savoir si la matière des essences intelligibles (Modèle:Grec ancien) existe, et quelles sont ses propriétés. N’étant ni sentie ni comprise, et privée de toute forme (Modèle:Grec ancien), la matière possède un caractère indéfini (Modèle:Grec ancien) et Modèle:Citation. Dans le monde, elle s’impose pourtant dans l’irréductible diversité des objets. Aussi Plotin cherche-t-il à définir cette sorte d’« absence réelle ». Pour faire ressortir son irréductible négativité, comme « l’autre », l’Modèle:Grec ancien du Sophiste, il affirme que Modèle:Citation ; en proposant de l’appeler non pas Modèle:Grec ancien mais Modèle:Grec ancien, « le autres », et en accolant un pluriel à l’article singulier, il souligne ce qu’il y a d’impensable en la matière : Modèle:Citation, s’interroge-t-il. Cette indétermination empêche toute cohérence, et la matière apparaît ainsi comme ce qui résiste à toute communication<ref group="N">En référence au Timée (52 b et 28 a), et en reprenant l’axiome selon lequel le semblable est connu par le semblable, Plotin montre que la matière peut être conçue par l'indéfinition inhérente à l’âme humaine.</ref>. Cependant, Plotin ne peut faire l’économie d’une telle investigation, car la matière menace le monisme auquel il tient tant. Selon Richard Dufour, Modèle:Citation

Mystique plotinienne et gnosticisme

La spéculation de Plotin a pour ambition ultime de tirer de la philosophie une sagesse et une vie spirituelle en vue de réaliser l’union intime de l’âme avec la plénitude du divin. D’inspiration profondément religieuse, cette spiritualité mystique répugne expressément à toute religion et rejette les techniques de salut comme prière, rites et toute forme de magieModèle:Sfn ; elle n’exclut pourtant pas une parenté certaine avec les dogmes de la gnose, qu’elle soit chrétienne ou manichéenne Modèle:Incise ; mais elle présente en même temps d’irréductibles différences avec les gnostiques, considérés comme des adversairesModèle:Sfn.

Les traités de Plotin font en effet état d’une odyssée de l’âme aux accents mystiques et poétiques. La vie d’ici-bas, Modèle:Citation<ref group="A">Ennéades, VI, 9, 8.</ref>. Même nos amours mortelles ne s’adressent qu’à des fantômes (Modèle:Grec ancien). L’âme, troublée par les passions du corps, oublieuse de son origine divine, s’égare dans la joie de son indépendance et de son Modèle:Citation<ref group="A">Ennéades, V, 1, 1.</ref>. Mais la conscience de cette chute est en même temps la clef de la conversion et du retour au monde transcendantModèle:Sfn. Contrairement aux hommes qui fuient Modèle:Citation<ref group="A">Ennéades, VI, 9, 7.</ref>, le sage, pénétré de raison et de vertu véritable, se recueille en lui-même et remonte<ref group="N">« Haut » et « bas », « chute » et « remontée » ne sont que des expressions mythiques qui recouvrent des démarches ou des attitudes de notre moi.</ref> de sa multiplicité momentanée à son unité primordialeModèle:Sfn. Car, bien qu’incorporée dans le sensible, l’âme humaine est consubstantielle (Modèle:Grec ancien) au divin ou à l’Intellect dont elle provientModèle:Sfn, elle conserve donc un lien direct et ininterrompu avec les réalités transcendantes : Plotin développe ainsi une mystique de l’immanence dans le cadre d’une métaphysique de la transcendanceModèle:Sfn. Alors commence ce qu’il appelle, dans le traité 54 des Ennéades (VI, 9), Modèle:Citation (Modèle:Grec ancien). À Modèle:Citation, dans le ravissement de leur contemplation, les âmes connaissent l’extase (Modèle:Grec ancien) qui est Modèle:Citation. Délivrées des maux, elles Modèle:Citation.

Cette doctrine de l’appartenance de l’âme au divin s’exprime chez Plotin sous la forme d’une non-descente partielle de l’âme, en effet Modèle:Citation, écrit-il. L’âme ne descend jamais tout entière ici-bas puisqu’elle a sa permanence dans l’intelligible et ne saurait en être détachéeModèle:Sfn. Or les gnostiques, qui admettaient l'identité de substance entre l’âme et l'intelligible, furent les premiers à introduire le terme de consubstantialité dans la littérature sacréeModèle:Sfn, bien avant les querelles du Premier concile de Nicée. Pour les gnostiques, le salut était assuré par la substance dite pneumatique de certaines âmes élues, retournant après leur mort au Plérôme dont elles proviennentModèle:Sfn. Plotin s’indigne de ce privilège natif réservé à quelques élus, Modèle:Citation, écrit-il dans son traité Contre les gnostiques, car Modèle:Citation ; Plotin élargit donc cette théorie à l’ensemble des hommes, affirmant : Modèle:Citation. Un autre thème, pourtant foncièrement gnostique, illustre l’irréductible différence qui oppose Plotin à la philosophie de ses adversaires. Le thème, sans précédent dans toute l’Antiquité, de la divinisation de l’homme (Modèle:Grec ancien) est un héritage hermétique et gnostique, notamment séthien, puisqu’il figure dans les traités de Poïmandrès, de l’Allogène tiré de la bibliothèque copte de Nag Hammadi Modèle:Incise ainsi que dans l’Anonyme de BruceModèle:Sfn. Mais en rapportant à la première personne du singulier sa propre capacité à devenir dieu, dans le traité 6 (IV, 8, 1), Plotin signifie qu’il n’est nul besoin des rites mystérieux des gnostiques, de leurs révélations oraculaires et incantations adressées à quelque personnage mi-fictif mi-réel. Le mysticisme rationaliste de Plotin, débarrassé du style vibrant des révélations mythiques de la gnose, apparaît donc comme l’héritier intellectualisé du mysticisme gnostico-hermétique. Il s’oppose également à la doctrine chrétienne du salut et à son messianisme qui implique une parousie historique et la présence d’un SauveurModèle:Sfn.

Le différend de Plotin avec les gnostiques s’est étendu à la conception cosmologique. Le contexte de la doctrine sur l’âme Modèle:Citation, écrit Jean-Marc NarbonneModèle:Sfn. Pour Plotin en effet, la solidarité prévaut dans l’univers entre le sensible et l’intelligible, de sorte que l’Âme du monde, toujours illuminée, possède continûment la lumière et la fournit aux choses qui viennent immédiatement à sa suite, l’ordre du cosmos étant ininterrompu et éternel. Cet ordonnancement des réalités dans lequel Modèle:Citation est un désaveu radical apporté au mépris dans lequel les gnostiques tenaient le monde sublunaire, considéré comme mauvais et déchu : Plotin condamne cette conception cosmologique pessimiste et anti-hellénique qui tourne le dos à toute la tradition grecque classique d’un « cosmos » ordonné et beau créé par un Démiurge bon<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>, aussi proteste-t-il avec véhémence, dans le traité 33 (II, 9, 13), contre Modèle:Citation car Modèle:Citation.

Éthique

Une morale de la catharsis

Pour Plotin, le corps ne semble jamais être autre chose que la prison de l'âme<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. En effet, la matière, le monde sensible en général, est le dernier degré de développement de l'Un comme nous l'avons vu. Pour atteindre la sagesse, l'homme doit accorder à son âme toute l'attention. Il doit se tourner vers la raison et éviter à tout prix de se laisser perturber par son environnement extérieur et par les passions. Pierre Hadot observe que ce n'est pas le corps en tant que tel que Plotin rejette, au contraire il prenait lui-même soin de son corps<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, mais les affections susceptibles de venir perturber l'âme en ce corps : Modèle:Citation bloc Du fait de notre complexité interne, l’être multiple que nous sommes se laisse envahir par ces affections mauvaises que sont Modèle:Citation ; la partie inférieure de notre âme, le pire de nous-mêmes, prend alors le dessus. La faute consiste à s’incliner vers le corps et vers la matière, au point d’en devenir le complice, à tout voir à travers luiModèle:Sfn ; or, la matière pour Plotin est l’obstacle qui empêche l’âme de réaliser pleinement son essenceModèle:Sfn. Aussi, l’activité morale exige-t-elle une purification : chez Plotin, Modèle:Citation ; à la tempérance qui mesure les désirs, il faut préférer celle qui nous en débarrasse<ref group=A>Ennéades, I, 2, 7.</ref>. C’est en ce sens qu’il faut comprendre la formule de Plotin selon laquelle Modèle:Citation

La question du bonheur et du mal

Cherchant à définir un bonheur (Modèle:Grec ancien) proprement humain, Plotin traite ce sujet moral dans le traité 46<ref group=A>Ennéades I, 4 [46], 3, 2.</ref> sur le mode polémique, en argumentant contre les positions des stoïciens et des épicuriensModèle:Sfn. Il commence par affirmer que Modèle:Citation<ref group=N>Plotin se réfère ici à Aristote, selon qui le bonheur consiste à « bien vivre », à accomplir sa fonction propre et à atteindre sa fin : Éthique à Nicomaque, Livre I, chap. VII.</ref>. Loin d’encourager un quelconque hédonisme, Plotin, suivant la position d’Aristote<ref group=A>Aristote, De l'Âme, II, 2, 413 a 22.</ref>, montre que ce terme de « vie » ne doit pas être pris dans un sens univoqueModèle:Sfn ; on peut reconnaître, dit-il, une aptitude au bonheur à tous les êtres vivants, aux animaux sans raison comme aux plantes, à condition de reconnaître aussi que ces animaux sans raison n’ont pas accès à la forme de bonheur auquel les êtres rationnels ont accès ; en effet, chaque niveau de réalité, sauf le plus élevé, est la copie ou l’image dégradée du niveau immédiatement supérieur, il y a donc différents types de bonheur selon la forme de vie disponible à chaque niveau ; mais seule la forme de vie la plus élevée, celle du Noûs, la vie conforme à l'Intellect, peut définir une vie bonne et heureuse : Modèle:Citation. Or l’homme a effectivement accès à ce bonheur parfait puisqu’Modèle:Citation Plotin conclut que le bonheur consiste à réaliser cette forme de vie complète : Modèle:Citation. L'homme heureux utilise sa volonté pour tendre vers le bien et vers l'Intellect qui est directement issu de l'Un (ou du Bien) jusqu'à s’identifier à lui : il cesse de vouloir les éléments du monde sensible, il ne cherche plus rien. Et rien ne vient troubler la béatitude de ce sage, ni la mort de ses proches, ni les grandes infortunes, car son bonheur est placé dans la possession du vrai bien. Le bonheur n'a donc rien de commun avec le corps, le monde sensible, ou la matière, dans lesquels le mal est présent. Néanmoins, contrairement aux gnostiques, Plotin ne pense pas que le mal soit une puissance active et réelle.

Psychologie

Plotin rend compte du fonctionnement de l’individu à travers une conception dualiste de la psychologie, le corps étant inférieur à l’âme humaine et soumis à son contrôle. Selon René Violette, Modèle:Citation Il est aussi le premier à avoir tenté d’élucider la question de la conscience et de ses formes. Plotin use de trois mots-clefs pour désigner les trois formes principales de la conscience, celle des hypostases aussi bien que la nôtre, au niveau purement humain : Modèle:Grec ancien / Modèle:Langue, Modèle:Grec ancien / Modèle:Langue et Modèle:Grec ancien / Modèle:Langue. La Modèle:Grec ancien est une intuition d’ensemble, une conscience intérieure immédiate qui porte sur la pensée de l’Intellect et celle de l’Un, c’est-à-dire lorsque le Modèle:Grec ancien a l’intuition de lui-même mais aussi lorsque c’est nous qui, Modèle:Citation, remontons à son niveau en franchissant le dernier degré de la conversion<ref name=vio/> : Modèle:Citation Dans la sphère de la pensée purement humaine, et dans l'équilibre des fonctions corporelles, la conscience « est là sans y être », nous ne ressentons rien, et cet état neutre est la base de la doctrine plotinienne de l'affectivité.

Plotin parle aussi de la conscience dédoublée et réfléchie, tournée en extériorité pure, au niveau du sensible, qu'il appelle l’Modèle:Grec ancien. C’est la perception d’une sensation extérieure, portant sur un être différent de soi. Lorsque le dédoublement porte sur un objet intérieur au sujet, Plotin parle de conscience avec « accompagnement », en grec, Modèle:Grec ancien : cette forme de conscience est dédoublée par réflexion, son objet est du mental projeté, comme c’est le cas pour les concepts-limites des mathématiques. Plotin montre que cette conscience de l’intériorité projetée disparaît dans le cas de la concentration maximale : Modèle:Citation

Plotin a également enrichi les conceptions traditionnelles de la perception et de la mémoire : dans la {{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | IVe{{#if:|  }} }} Ennéade, traité 6, il suggère que les souvenirs inconscients peuvent être plus forts et plus durables que les souvenirs conscients. Or, nos personnalités, selon lui, sont formées par nos expériences et par nos souvenirs. Plotin introduit ainsi, selon Henry Blumenthal, Modèle:Citation

Les niveaux de conscience du moi

L’une des conceptions les plus justement célèbres de Plotin concerne sa théorie des différents niveaux de conscience du MoiModèle:Sfn. Pour Plotin, Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, de sorte que nous pouvons, lors d'expériences spirituelles, nous identifier à ce moi éternel. Fondant sa position sur l’enseignement de Platon sur l’âme entendue comme Modèle:Citation<ref group="A">Platon, Timée, 90 a-b et 41 a-d ; Phédon, 84 b.</ref>, Plotin écrit : Modèle:Citation bloc Plotin se pose alors la question de savoir pourquoi nous utilisons si peu, voire pas, ces capacités supérieures. Pour lui cela vient du fait que nous n'en sommes pas conscients car la conscience est située entre Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref> : en d’autres termes, l’âme n’a pas conscience d’appartenir encore à l’Intellect, et elle n’est pas toujours au fait de ce qui se passe en elle du côté du corps, relativement aux désirsModèle:Sfn.

Pour atteindre la sagesse et le bonheur, l'homme doit, à force d’exercices philosophiques, continuer ce mouvement introspectif, la conversion, jusqu'à retrouver en lui l'Intellect et, au-delà d'elle, l'Un dont son âme est issue. Cet idéal du bonheur (que Plotin semble avoir atteint quatre fois durant les six années où Porphyre était dans son entourage<ref group=A name="union"/>) est une union mystique avec Dieu, la contemplation de Dieu dans l'extase. André Bord rapproche ainsi la philosophie de Plotin des visions extatiques de saint Jean de la CroixModèle:Sfn, dans la mesure où elle préfigure la conception chrétienne de l'âme incarnée pouvant se tourner vers Dieu, par l'introspection<ref>Jean-Chrysostome Kanyororo, « Les richesses intérieures de l’âme selon Plotin », in Laval théologique et philosophique, Modèle:Vol.59, no 2, 2003, Modèle:P..</ref>.

L'amour et le beau

Une affinité élective existe entre l’âme humaine et la beauté : Modèle:Citation, car Modèle:Citation Cet attrait de l’âme pour le beau est la preuve de leur origine communeModèle:Sfn. Plotin admet l’objectivité du beau, (Modèle:Grec ancien) en tant que qualité ou accident de la substance des choses<ref group=A>Ennéades, VI, 6.</ref>, mais distingue le beau du monde sensible et le beau du monde intelligibleModèle:Sfn. Plotin établit ainsi la hiérarchie des différentes beautés, en gradation descendanteModèle:Sfn : Modèle:Citation Parmi les beautés produites par la nature, Plotin convoque la figure d’Hélène, véritable parangon de la beauté naturelle<ref group=A>Ennéades, V, 8, 2.</ref>. En l’associant à l’éclat brillant de la lumière, Plotin souligne que cette beauté n’a rien à voir avec aucun des aspects matériels d’un objet, quel qu’il soitModèle:Sfn. Commentant fidèlement le Phèdre et le Banquet de Platon, pour qui la beauté est Modèle:Citation, Plotin rappelle que la lumière s’identifie au monde intelligible, décrit comme Modèle:Citation. Cette splendeur lumineuse de la beauté sensible fait donc signe vers Dieu, elle est conforme à un modèle intelligible. Cet archétype, c'est l’Idée du Beau en soi, et l’âme humaine aspire à s’élever jusqu’à lui, elle aspire au Beau pour le Bien, parce que le Beau est lui-même l’éclat du Bien<ref group=N>Plotin est fidèle à la pensée de Platon dans le Philèbe, 64 e 5 : Modèle:Citation</ref> : l’ascension esthétique, qui conduit ainsi de la beauté du monde, des œuvres artistiques et des belles actions à ce principe transcendant du Beau, est en même temps ascension éthique et métaphysiqueModèle:Sfn.

Dans le système esthétique de Plotin, toute beauté, dans les arts comme dans la nature ou dans l’âme, suppose la présence de Modèle:Citation ; cette forme domine la matière où elle s’inscrit, et trouve sa source dans l’activité d'un logos supérieur. Ce principe rationnel, premier et non matériel, à l’origine de toute beauté, humaine ou divine, est l’IntellectModèle:Sfn, le Modèle:Grec ancien. Or c'est l’Un ineffable qui est lui-même la cause immédiate de l’être et de la beauté de l’Intellect. La beauté intelligible du Principe premier brille de tout l’éclat de la perfection infinie, elle est illimitée, éternelle, vraieModèle:Sfn. Sa beauté est la splendeur de son essence manifestée à son intellect et aimée par sa volonté : essence, acte d’intellection et acte de volonté constituent Dieu, en lui-même. Et dans sa relation avec nous, la beauté du Principe suprême réside dans la splendeur du Bien, Modèle:Citation. Beauté suprême et Bien coïncident dans une parfaite unité. C’est pourquoi la vision de la beauté enflamme l’âme d’un amour débordant : Modèle:Citation

Les représentations figurées de Plotin

Plotin aurait refusé d'être représenté de son vivant, considérant que ce ne serait que « l'image d'une image ». Mais le peintre Cartérius le représenta de mémoire<ref group=A>Porphyre de Tyr, Vie de Plotin, chap. 1.</ref>,Modèle:Sfn.

Cinq têtes ou buste en marbre le représentant furent retrouvés au Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle, datés quasiment de la fin de sa vie, trois sont exposés au musée d'Ostie, l'une au Musée Chiaramonti au Vatican, une dernière à Santa Barbara. Deux des répliques furent découvertes à Ostie dans les ruines d'une prétendue école de philosophie (le statut du bâtiment n'est pas assuréModèle:Sfn) et d'un milieu néoplatonicienModèle:Sfn. Le nombre de répliques est plutôt grand pour un philosophe, en sachant qu'il n'était pas rare qu'un philosophe fût immortalisé en statue de son vivant ou juste après sa mort (Proclus, Épicure, Platon, Lycon…). Les « caractères orientaux » tel le crâne allongé, la barbe en pointe et le visage connu pour qu'il y ait autant de bustes font identifier Plotin selon plusieurs philologues, notamment Hans Peter L'Orange, en se basant sur Porphyre. Des études ultérieures suggèrent que ce type de portrait doit être daté de l'époque sévèrienneModèle:Sfn. Les bustes sont depuis souvent repris comme illustrations ou couvertures des Ennéades, alors que l'absence d'inscriptions sur une des copies rend l'identification hypothétique<ref name="Vie de Plotin II">Modèle:Ouvrage</ref>,<ref>Modèle:Lien web La photo E4417 inclut les trois portraits d'Ostie. La description des statues indique que c'est « peut-être » Plotin.</ref>,Modèle:Sfn.

Sur la frise d'un sarcophage exposé au musée grégorien profane, un philosophe lisant en public fut souvent vu comme une représentation de Plotin mais son identification est nettement plus controversée (le personnage ne porte pas le pallium des philosophes)<ref>Modèle:Article.</ref>,Modèle:Sfn.

Postérité de Plotin

Influence sur la philosophie

Fichier:Portrait of Marsilio Ficino at the Duomo Firence 2.jpg
Buste de Marsile Ficin, traducteur de Plotin à la Renaissance, par Andrea Ferrucci à la cathédrale de Florence.

Plotin eut une influence majeure sur toute la philosophie tardo-antique après lui puis sur toute la philosophie médiévale<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Il fut le responsable d'une résurrection magistrale de Platon et Aristote durant l'Antiquité, et alla même plus loin encore puisqu'il parvint à les réconcilier et à créer une synthèse de toute la philosophie grecque, si bien que la plupart des philosophes non-manichéens et non-chrétiens originaires de l'Empire romain furent inspirés ou du moins profondément marqués par le néoplatonisme. Cependant, peut-être en partie grâce à des influences communes comme celle de Philon d'Alexandrie, son rayonnement fut considérable même parmi les chrétiens, pour commencer sur saint Augustin<ref>Modèle:Lien web.</ref>, puis, à travers lui, sur toute la philosophie moderne. Il fut également à l'origine d'un courant mystique tenace dans le christianisme médiéval, dont quelques représentants sont Boèce<ref>Modèle:Lien web</ref> et le Pseudo-Denys l'Aréopagite<ref>Modèle:Lien web.</ref>, et qui resta important même à l'époque de la scolastique, avec par exemple Robert Grossetête<ref>Modèle:Lien web.</ref> et Nicolas de Cues<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Pour finir, sa pensée fut au cœur de celles des philosophes byzantins du Moyen Âge<ref>Modèle:Lien web.</ref>, les chrétiens (dont Michel Psellos) comme les très rares non-chrétiens (dont Gémiste Pléthon).

Ces influences sont cependant indirectes pour la plupart, jusqu'à la redécouverte de Plotin à l'époque moderne. L'édition de l'œuvre majeure de Plotin, les Ennéades, fit de Plotin le principal interprète de la pensée de Platon quasiment jusqu'au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Grâce à la traduction de Marsile Ficin en 1492, la pensée de Plotin put se déployer à l'ouest de l'Europe où elle a marqué les écrits d'Érasme, de Thomas More et au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle les platoniciens de Cambridge. À travers Proclus, qui en était extrêmement proche, elle influença également Leibniz.

Enfin, la philosophie plotinienne marque l'idéalisme allemand au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, tout spécialement Hegel<ref>Modèle:Harvsp.</ref> et Schelling<ref>Modèle:Article.</ref>, et de nombreux métaphysiciens importants du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, dont BergsonModèle:Sfn, Émile Bréhier, André-Jean FestugièreModèle:Sfn, Pierre Hadot, Gilles DeleuzeModèle:Sfn,Modèle:Sfn, Jean-Louis Chrétien<ref>Modèle:Article.</ref> et Jean-Michel Le Lannou. Bergson disait par exemple que Modèle:Citation<ref>Modèle:Article.</ref>. Pierre Hadot, quant à lui, écrit : Modèle:Citation<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Influence sur les religions

Monothéismes

À Rome, la philosophie de Plotin répondait aux aspirations d’une époque moralement inquiète et superstitieuse, et qui subissait de plus en plus l’attrait puissant du mysticisme, et le développement du christianisme : l’Orient venait d’apporter, avec Philon d'Alexandrie, la notion d’un Dieu infini et existant par soi, tandis que navigateurs et négociants apportaient la mystique hindoue ; or, Plotin assignait justement comme fin unique à la vie philosophique la connaissance de Dieu, non par le raisonnement mais par l’union de l’âme et de la divinité dans l’extase<ref>Eugène Albertini, L’Empire romain, PUF., 1970, Modèle:P.269.</ref>. Au plan de la doctrine même, les théologies chrétiennes, juives et musulmanes ont été marquées durant leur période formative par la philosophie grecque qui leur a fourni les mots et les arguments pour structurer leur pensée religieuse. Le platonisme dans sa version plotinienne est la philosophie qui leur a semblé la plus à même pour les aider à élaborer leur théologie<ref>Modèle:Harvsp</ref>. Dans le christianisme en particulier, Plotin a été perçu par certains pères de l’Église, aux {{#switch: e

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}}, comme le témoin païen du dogme de la Trinité ; mais les trois hypostases de Plotin ne sauraient être comparées à la Trinité consubstantielle du dogme chrétien<ref>Paul Aubin, Plotin et le christianisme, Triade plotinienne et Trinité chrétienne, Paris, Beauchesne, 1992.</ref>.

Néoplatonisme islamique

La doctrine plotinienne de l'émanation a influencé le soufi Ibn Arabi, même si ce dernier préfère employer le terme de théophanie (ou manifestation, Modèle:Langue), et la doctrine de l'unicité de l'être (Modèle:Langue). Plus généralement, les théologiens et philosophes de l'islam sont familiers des textes de Plotin, comme le dit Netton : Modèle:Citation<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Le cas de la Théologie d'Aristote dans le monde arabe

Après la chute de l'Empire romain d'Occident, certains extraits des trois dernières Ennéades compilés en syriaque par un néoplatonicien du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle furent traduits en arabe vers 840 par un chrétien d’ÉmèseModèle:Sfn, et se diffusèrent sous le nom de Théologie d'Aristote. Ce texte fut longtemps attribué, à tort, à Aristote et influença plusieurs penseurs arabes parmi lesquels Al-Kindi, Al-Fârâbî et AvicenneModèle:Sfn. Ce document n'est plus connu que partiellement, et dans des versions diverses, ce qui rend son étude difficile. La Théologie d'Aristote n'a rien à voir avec le penseur du même nom. Le contenu du texte semble en réalité être la préparation de la traduction arabe des Ennéades de Plotin à partir du grec<ref>Pierre Thillet, « Note sur la théologie d'Aristote », in Luc Brisson, Jean-Louis Cherlonneix, et al., Porphyre. La Vie de Plotin, t. II, Paris, Vrin, 1992, Modèle:P..</ref>. L'identité du véritable auteur de ce texte est encore débattue, mais Porphyre n'aurait rien à voir avec celui-ci. La Théologie d'Aristote a été publiée en anglais, dans le deuxième volume des Modèle:Langue<ref>Plotin, Modèle:Langue, texte établi et traduit par P. Henry et H.-R. Schwyzer, 3 vols., Oxford, Clarendon Press, 1964-1982.</ref>.

Influence sur l’art et la littérature

À partir de la traduction latine publiée en 1492 par Marsile Ficin, peintres et poètes de la tradition occidentale se sont inspirés des images et des allégories de PlotinModèle:Sfn ; selon l’historien de l’art Erwin Panofsky, l’allégorie des deux Aphrodites, dans le traité 5 de la {{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | IIIe{{#if:|  }} }} Ennéade, pourrait avoir inspiré les Modèle:Latin, les Vénus jumelles de Marsile Ficin et peut-être, le tableau du Titien peint en 1514, intitulé Amour sacré et Amour profane<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Les belles pages de Plotin sur la lumière éclatante de la vision mystique de l’Un, Modèle:Citation, sont à l’origine d’une philosophie et d’une esthétique de la lumière qui s’est diffusée dans tout le Moyen Âge, grâce à l’œuvre du pseudo-Denys l'Aréopagite <ref>René Huyghe, L’Art et l’âme, Flammarion, 1968, Modèle:P.98-99.</ref>. Comme l’a bien montré l’historien André Grabar, Modèle:Incise c’est parce que l’art byzantin est pénétré de la pensée plotinienne qu’il cherche à traduire autre chose que les formes matérielles ; s’il fait un tel usage de la mosaïque et de ses ors, c’est pour exprimer, à l’image de Plotin, la lumière surnaturelle de sa spiritualité.

Notes et références

Notes

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Références antiques

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Références bibliographiques

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Voir aussi

Bibliographie

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Index bibliographiques

Sources sur Plotin

|langue = fr |titre = [[s:{{#if:fr | fr: | }}{{#if: Traité de l’Âme (Jamblique) | Traité de l’Âme (Jamblique) | Traité de l'Âme }}|Traité de l'Âme]] }}{{#if: | Fac-similé disponible sur Wikisource | }}{{#if: | Télécharger cette édition au format ePub Télécharger cette édition au format PDF | }} (Wikisource{{#switch: fr

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Édition de reférence

  • Plotini Opera, P. Henry, et H.-R. Schwyzer, Oxford, Clarendon Press, 1964-1982.

Traductions du texte de Plotin

Ouvrages d'ensemble et études sur Plotin

Études sur la spiritualité, la métaphysique et la gnose

Études sur l'amour et le beau chez Plotin

Études sur le bonheur et sur la philosophie indienne

Postérité du plotinisme

Articles connexes

Liens externes

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