Baruch Spinoza

{{#ifeq:||Un article de Ziki, l'encyclopédie libre.|Une page de Ziki, l'encyclopédie libre.}}

Modèle:Voir homonymes Modèle:Redirect Modèle:Infobox Biographie2 Baruch Spinoza<ref group="alpha" name="nom">On retrouve pour son prénom les formes Baruch, Bento et Benedictus, et pour son nom les formes Spinoza, Spinosa, de Spinoza, de Espinosa ou d'Espinoza (cette dernière forme se trouve par exemple sur sa signature : voir signature de Spinoza (1671)).</ref> (Modèle:MSAPI<ref group="alpha">Prononciation en français de France standardisé retranscrite selon la norme API</ref> ; en néerlandais : Modèle:MSAPI<ref group=alpha>Prononciation en néerlandais standard retranscrite selon la norme API</ref>), né le Modèle:Date de naissance à Amsterdam et mort le Modèle:Date de décès à La Haye, est un philosophe néerlandais d'origine séfarade portugaise. Il occupe une place importante dans l'histoire de la philosophie, sa pensée, appartenant au courant des modernes rationalistes, ayant eu une influence considérable sur ses contemporains et nombre de penseurs ultérieurs.

Spinoza est issu d'une famille juive marrane-séfarade portugaise ayant fui l'Inquisition ibérique pour vivre dans les Provinces-Unies, plus tolérantes. Le 27 juillet 1656<ref>Modèle:Ouvrage</ref>, il est frappé par un herem (excommunication) de la communauté juive d'Amsterdam<ref name="akadem 1Herem" group="p">Texte du Hérem (exclusion) à l'adresse de Spinoza - Akadem.org Modèle:Pdf.</ref>. Habitant Rijnsburg puis Voorburg avant de s'installer finalement à La Haye, il gagne sa vie en taillant des lentilles optiques pour lunettes et microscopes. Il prend ses distances vis-à-vis de toute pratique religieuse, mais non envers la réflexion théologique, grâce à ses nombreux contacts interreligieux, ni envers les études bibliques, se consacrant alors à la rédaction du Précis de grammaire de la langue hébraïque. Il est fréquemment attaqué en raison de ses opinions politiques et religieuses, et son Traité théologico-politique, dans lequel il critique le texte biblique et défend la liberté de philosopher, sera censuré. Il devra aussi renoncer à publier de son vivant son Modèle:Latin, l'Éthique. Il meurt en 1677 de la tuberculose, ses amis publiant alors ses œuvres.

En philosophie, Spinoza est, avec René Descartes et Gottfried Wilhelm Leibniz, l'un des principaux représentants du rationalisme. Héritier critique du cartésianisme, le spinozisme se caractérise par un rationalisme absolu laissant une place à la connaissance intuitive, une équivalence de Dieu avec la nature, et donc son existence, une définition de l'homme par le désir, pour la joie, une conception de la liberté dans la nécessité, une critique des interprétations théologiques de la Bible aboutissant à une conception laïque des rapports entre politique et religion.

Après sa mort, le spinozisme connut une influence durable et fut largement mis en débat. L'œuvre de Spinoza entretient en effet une relation critique avec les positions traditionnelles des religions monothéistes que constituent le judaïsme, le christianisme et l'islam. Spinoza fut maintes fois admiré par ses successeurs : Hegel en fait Modèle:Citation Modèle:Incise ; Nietzsche le qualifiait de Modèle:Citation, notamment en raison de son refus de la téléologie ; Gilles Deleuze le surnommait le « Prince des philosophes » ; et Bergson ajoutait que Modèle:Citation.

Biographie

Origines et débuts

Baruch Spinoza naît le 24 novembre 1632 dans une famille appartenant à la communauté juive portugaise<ref group="alpha" name=":2">« Les juifs du Portugal étaient à plus de 80 % des juifs espagnols expulsés en 1492, dont la majorité crut trouver refuge au Portugal », Lionel Levy, La Nation juive portugaise, Livourne, Amsterdam, Tunis, 1591-1951, L'Harmattan, 2000.[1]</ref> d'Amsterdam, à l'époque Modèle:Citation<ref group="p" name=":7">Modèle:Ouvrage</ref>. Il tient de son grand-père maternel<ref group="alpha">Le grand-père est Henrique Baruch senior Marques (alias Henrique Carcès), M. Gullan-Whur, "The family of Spinoza", op. cit. Modèle:P.</ref> son prénom « Baruch », Bento en portugais, qu'il latinise en Benedictus, « Benoît », et qui signifie « béni » en hébreu.

À cette époque, la communauté juive portugaise d'Amsterdam<ref name=":5">Modèle:Lien web</ref> est composée de Juifs expulsés ou réfugiés des villes ou pays alentourModèle:Note mais majoritairement de conversos, « nouveaux-chrétiens »<ref group="alpha">Ce n'est qu'en 1772 que Sebastião José de Carvalho e Melo, premier marquis de Pombal au Portugal, décide de mettre fin à la distinction entre « vieux chrétien » (apparemment sans ascendant converti) et « nouveau chrétien » (ayant au moins un ascendant converti en remontant jusqu'à la quatrième génération).</ref> convaincus mais suspectés, hésitants ou contraints Modèle:Incise (crypto-judaïsme). Confrontés à la méfiance souvent féroce des autorités, particulièrement de l'Inquisition, et à un climat d'intolérance envers les convertis<ref name=":0" />, un certain nombre d'entre eux, volontaires ou forcés, ont quitté la péninsule Ibérique et sont revenus au judaïsme lorsque cela était possible, comme aux Provinces-Unies (actuels Pays-Bas) au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, terre réputée pour sa plus grande tolérance.

La lignée paternelle de Spinoza est vraisemblablement d’origine espagnole<ref name=":2" group="alpha" />, soit de la région connue en Castille-et-León comme Espinosa de los Monteros, soit de celle qu’on appelle Espinosa de Cerrato, plus au sud. Les Spinoza ont été expulsés de l’Espagne en 1492, après que Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille eurent imposé aux musulmans et aux juifs de devenir chrétiens ou de quitter le royaume, en vertu du décret de l'Alhambra du 31 mars 1492, année cruciale.

Les Spinoza décident de s’installer au Portugal, moyennant paiement exigé à l'arrivée par les autorités portugaises<ref name=":0" />,<ref group="alpha">Cela se pratiquait aussi en France où des lettres patentes permettent l’installation de marranes portugais à partir de 1550 à Paris, Rouen, Bordeaux, Bayonne, Nantes, Toulouse (seulement sept familles judaïsantes dissoutes après leur condamnation à mort par contumace et la confiscation de leurs biens)… où les archives montrent que le Parlement de Paris les enregistre à condition que les impétrants s’acquittent de nombre d'« écus d’or soleil » pour pouvoir jouir de leur contenu. I. S. Revah, 1995, op. cit. Modèle:P. vs 48</ref> mais ils sont rapidement obligés de se convertir au catholicisme pour pouvoir rester dans le pays. En effet, après le mariage de [[Manuel Ier (roi de Portugal)|Manuel {{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | Ier{{#if:|  }} }}]] du Portugal avec Isabelle d’Aragon en 1497, le monarque ordonne lui aussi l’expulsion des juifs de son pays (« le baptême ou l'exil »). Néanmoins, afin de ne pas priver le Portugal de l'apport des Juifs qui occupaient des positions importantes dans la société (médecins, banquiers, commerçants, etc.), il se ravise et ordonne un vendredi des baptêmes forcés pour le dimanche suivant : à peu près cent vingt mille Juifs sont alors convertis au catholicisme en quelques jours, avec, à présent, interdiction d'émigrer<ref name=":0" />. Ce décret ne sera assoupli qu'en 1507, après le massacre de Lisbonne<ref group="alpha">Décret assoupli juste après le massacre de Lisbonne de 1506 ayant fait Modèle:Nombre parmi les Juifs conversos [2].</ref>. Les Spinoza et leurs coreligionnaires ont pu vivre à peu près en paix<ref group="alpha">Vie presque en paix outre certains événements tels le massacre de Lisbonne de 1506 durant trois jours, de nombreux procès inquisitoriaux (avant l'installation officielle du Saint-Office) dont ceux notamment de la famille de la future mère de Spinoza ou la suspicion et la stigmatisation récurrentes de ces « nouveaux chrétiens ».</ref> dans le pays jusqu’à ce que l’Inquisition s'y implante véritablement sur ordre papal, environ quarante ans plus tard<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.

Le grand-père de Baruch, Pedro, alias Isaac Rodrigues d'Espinoza, né en 1543, est originaire de Lisbonne et s'est installé à Vidigueira, la ville natale de son épouse<ref>I. S. Revah, 1995, op. cit. Modèle:P. vs 169</ref>, Mor Alvares, avec laquelle il a eu trois enfants dont Miguel Michael, le futur père du philosophe. Sans doute accompagné de sa sœur Sara<ref name=":9">Margaret Gullan-Whur, op. cit. Modèle:P..</ref> et de sa propre famille, Pedro Isaac, « effrayé par les arrestations inquisitoriales », quitte le Portugal en 1587 pour venir à Nantes<ref group="alpha">« La France était une escale pouvant durer plusieurs années pour les marranes sur les chemins menant en Turquie, en Italie, en Europe du Nord ou en Afrique du Nord. Le transfert des personnes et des biens se réalisant plus facilement vers la France » grâce à ses frontières avec l'Espagne, faciles à franchir, I. S. Revah, 1995, op. cit. Modèle:P. vs 50.</ref> et y rejoindre son frère Emanuel Abraham<ref group="alpha">I. S. Revah, op. cit. 1995, Modèle:P. vs 170. [3]</ref>, le grand-oncle du futur Baruch, déjà réfugié<ref group="alpha">Certains biographes pensent que Pedro Isaac n'a pas rejoint son frère mais était accompagné de son frère Emanuel Abraham dans son voyage vers Nantes.</ref> (la présence d'Emanuel Abraham<ref group="alpha">Certains historiens ont confondu Pedro Isaac, le grand-père de Baruch, avec Emanuel Abraham, le grand-oncle de Baruch, tel J. Mathorez en 1913 dans son étude sur la colonie portugaise de Nantes, op. cit. Modèle:P..</ref> y est attestée en 1593). Pedro Isaac n'y est pas resté, probablement parce que le judaïsme était officiellement interdit à Nantes et qu'il y régnait, là aussi, une certaine hostilité envers les marranes<ref>Alain Croix (dir.), Nantais venus d'ailleurs : histoire des étrangers à Nantes des origines à nos jours, Nantes-Histoire/Presses universitaires de Rennes, 2007, Modèle:Pp..</ref> et des sentiments fréquemment contrastés voire agressifs envers les Portugais (ou les Juifs dits portugais)<ref group="alpha">Le procureur dépêché par le roi écrit au procureur de Rennes en 1636 après des émeutes et des pillages : « On maltraite (les Portugais) journellement et on les injurie (...). On tient mille discours extravagants contre leur magistrat (le consul portugais, ndlr) (...), il n'y a cependant aucun sujet légitime de plainte contre eux. », cité par J. Mathorez, op. cit., Modèle:P..</ref>,<ref>Modèle:Article</ref>. Apparemment expulsé de Nantes avec sa famille et son frère Emanuel Abraham, en même temps que tous les autres Juifs de la ville, en 1615<ref group="alpha">Date (1615) de l'expulsion de tous les juifs de Nantes, M. Gullan-Whur, op. cit. Lire en ligne</ref>, Pedro Isaac gagne alors Rotterdam des Provinces-Unies dans l'actuelle Hollande méridionale, où vit déjà une partie de la diaspora juive portugaise. Il y décède en 1627<ref group="alpha">Le corps de Pedro Isaac sera transféré puis enterré à Amsterdam par son fils Miguel Michael, le père de Baruch Spinoza, qui y demeure, M. Gullan-Whur, 2000, op. cit. [4]</ref>. À l'époque, les Provinces Unies font partie d'un ensemble de lieux appelés « terres de liberté » voire « terres de judaïsme », c'est-à-dire des cités où le judaïsme est soit officieusement toléré donc restreint (comme à Anvers), soit franchement accepté et où les juifs sont reconnus comme tels ; ainsi, Amsterdam, Hambourg, Venise, Livourne ou une partie de l'Empire ottoman (Smyrne, Salonique)<ref>N. Muchnik, 2006, op. cit. Modèle:P., en ligne.</ref>, où nombre de marranes et « nouveaux chrétiens »<ref name=":0" />, ces juifs contrariés, en profitent pour se convertir à leur religion d'origine.

Fichier:Interieur, detail van de deur in de badkamer. Gegraveerd staat Rembrand - Amsterdam - 20423973 - RCE.jpg
Intérieur, détail de porte, gravure de Rembrandt (Amsterdam, 1632).

Le père de Baruch, Miguel alias Michael, né à Vidigueira (Alentejo) au Portugal en 1588, est un marchand réputé dans l'import-export de fruits secs et d'huile d'olive, et un membre actif de la communauté (synagogue, œuvres de bienfaisance et écoles juives) qu'il aide à se consolider<ref group="alpha">« En 1615, la communauté juive d’Amsterdam fonde « la Sainte Compagnie pour la concession de dots aux orphelins et demoiselles pauvres » qui reflète la volonté d’unité et de solidarité de la diaspora marrane. Peuvent devenir membres de cette Sainte Compagnie « tous les Portugais et Espagnols de la Nation hébraïque, ou leurs descendants par la ligne masculine ou féminine, habitant toutes les parties du monde » », I. S. Revah, 1995, op. cit. 58 vs 62</ref>. La mère de Baruch, Ana Debora Marques, épousée en secondes noces, vient elle aussi d'une famille juive séfarade d'origine espagnole et portugaise<ref name=":1">Modèle:Ouvrage</ref> de Porto et Ponte de Lima<ref group="alpha">Les archives du St-Office inquisitorial du Portugal regorgent d'une centaine de procès inquisitoriaux contre la famille de Ana Debora Marques au Modèle:S mini- s. Voir I. S. Revah, 1995, op. cit. Modèle:P. vs 170.</ref>, et meurt alors que Baruch Spinoza n'a pas six ans. À l'adolescence, il perd aussi son demi-frère aîné, Isaac, et un peu plus tard sa belle-mère Ester<ref group="alpha">Ester, épousée en troisièmes noces par Miguel Michael, semble-t-il en 1638, et mère la même année de Gabriel, le frère cadet de Baruch Spinoza.</ref> qui l'avait élevé. De sa fratrie nombreuse, Baruch ne gardera à l'âge adulte que sa sœur ainée Rebeca<ref group="alpha">La peste a sévi à Amsterdam comme en Europe durant la première partie du Modèle:S mini s., M. Gullan-Whur, op. cit.[5]</ref>.

Environnement

Fichier:Jodenbreestraat Amsterdam from a map of 1625.png
Carte du quartier de Vloonburch Steech où le rectangle gris figure l'endroit où Spinoza a passé son enfance (B. Fl. van Berckenrode, 1625).

Leur maison familiale se situe au sein du quartier juif d'Amsterdam (Jodenbuurt) au 57 de la Breestraat ; à seulement deux rues de la maison de Rembrandt<ref name=":7">Modèle:Ouvrage</ref>. C'est une jolie demeure de marchand (« Modèle:Langue » en néerlandais)<ref>Modèle:Lien web.</ref> qui jouxte la synagogue portugaise de Neve Shalom, en face de celle de Keter Torah<ref name=":3" group="alpha">L'Association Keter Torah (Couronne de la Loi) est une sorte de yeshivah fondée en 1643 par Saul Levi Mortera. Voir (collectif) Antoine Germa, Benjamin Lellouch, Evelyne Patlagean Modèle:Et al., Les Juifs dans l'Histoire : De la naissance du judaïsme au monde contemporain, Champ Vallon, 2011, 925 Modèle:P. Modèle:ISBN. Aperçu en ligne.</ref>,<ref name=":5" />, non loin de celle de Beth Yakov, et donne sur le canal Houtgracht<ref name=":6">Modèle:Article.</ref>. Cette maison est presque adossée à celle de Rembrandt qui a dû croiser le jeune Baruch dans les rues avoisinantes et s'est inspiré de la communauté juive pour nombre de ses tableaux<ref name=":6" />,<ref>Damasio, op. cit. Modèle:P.</ref>,<ref name=":7" />.

Les Juifs sont alors assez bien tolérés pour l'époque et insérés dans la société néerlandaiseModèle:Note qui leur a officiellement octroyé, en 1603, le droit de pratiquer leur religion en privé<ref name=reperes-rembrandt>Modèle:Lien web</ref>, et en 1614, par les autorités d'Amsterdam, celui d'acheter leur première parcelle de terrain pour y construire leur cimetière qui était auparavant relégué à Groet, à Modèle:Unité d'Amsterdam<ref>Modèle:Lien web</ref>. Cet espace social ouvert est surnommé « la Nouvelle Jérusalem »<ref>Modèle:Lien web</ref> ; des réfugiés juifs y accourent d'Anvers, d'Allemagne ou de Pologne<ref group="alpha" name="pays_juifs_réfugiés" />.

Ceux d'origine portugaise parlent néerlandais avec leurs concitoyens, mais utilisent le portugais comme langue vernaculaire et écrivent en espagnol<ref name=":8" />. En ce qui concerne la réflexion philosophique, c'est en latin que Spinoza écrit, comme la quasi-totalité de ses collègues européens.

Formation

Fichier:Beschrijving Gezicht van de Portugeesche Jooden-Kerk, van de Breestraat te zien, tot Amsterdam ets2.jpg
« Vue de la synagogue des Juifs portugais à Amsterdam », dans le quartier de Jodenbuurt, (Fouquet-Atlas, 1760-1783)

Outre des années d'études peu poussées pour s’occuper rapidement<ref group="alpha">Vers 14 ou Modèle:Nobr, selon les sources.</ref> des affaires commerciales de la maison familiale dès la fin des années 1640, le jeune Spinoza fréquente l'école juive élémentaire de sa communauté, le Talmud Torah<ref group="alpha">Le Talmud Torah désigne ici - outre l'institution et l'instruction religieuse donnée aux enfants dans le monde juif - le nom de la congrégation amsterdamoise fondée en 1639, où Baruch Spinoza fut enseigné, et qui regroupait trois confréries. Voir (collectif) Antoine Germa, Benjamin Lellouch, Evelyne Patlagean Modèle:Et al., Les Juifs dans l'Histoire: De la naissance du judaïsme au monde contemporain, 2011, Champ Vallon, 925 Modèle:P. Modèle:ISBN, aperçu en ligne)</ref>, où l'on enseigne en espagnol<ref name=":8">Plus précisément le judéo-espagnol calque ou ladino, langue conservée par ces anciens expulsés d'Espagne malgré leur séjour au Portugal [6].</ref>. Il y acquiert une bonne maîtrise de l'hébreu (et des connaissances en araméen), à partir de laquelle il rédigera à la fin de sa vie son Précis de grammaire de la langue hébraïque. Il ajoute alors à sa connaissance du portugais, sa langue maternelle, celle de « l’espagnol castillan, langue littéraire, et du néerlandais, langue du commerce et du droit »<ref name=":2">S. Nadler, Spinoza a life, (en.) Cambridge University Press, 1999, cité in [7]</ref>,<ref>Damiaso, op. cit., Modèle:P.</ref>. Par la suite, il lira aussi l'allemand, le français, l'italien ou le grec ancien<ref>F. Lenoir, Le Miracle Spinoza, Fayard, 2017, Prologue. Lire en ligne</ref>.

Ses parents voulant en faire un rabbin, c'est sous la conduite de Rabbi Saül Levi Morteira<ref name="nadler-114">Modèle:Harvsp.</ref>, talmudiste vénitien érudit et hautain<ref name=":6" />, qu'après ses Modèle:Nobr, Baruch approfondit sa connaissance de la loi écrite et accède aussi aux commentaires médiévaux de la Torah (Rachi, Ibn Ezra) ainsi qu'à la philosophie juive (Maïmonide)<ref name="nadler-117">Modèle:Harvsp.</ref> au sein de l'Association Keter Torah<ref name=":3" group="alpha" />,<ref group="alpha">Bien que n'ayant pas pu ou voulu atteindre les classes plus avancées de l'étude de la Torah, il est sûr que Spinoza a reçu une éducation juive soignée. Ses amis qui éditèrent ses Opera posthuma écrivirent dans la Préface : « Nourri dans les lettres dès le jeune âge, il étudia pendant plusieurs années la théologie. » Cité en lat. par I. S. Revah, 1995, op. cit. Modèle:P. vs 177.</ref>, sans pour autant accéder aux niveaux supérieurs des programmes d'enseignement de la Torah.

Physiquement, il sera décrit plus tard comme une personne au corps harmonieux et à noble figure où ses yeux et sa chevelure sombres se remarquent<ref group="alpha">En 1659, des délateurs auprès de l'Inquisition madrilène le décrivent : « Spinoza est un homme petit, avec un beau visage, le teint clair, chevelure noire, yeux noirs. Il est âgé de Modèle:Nobr », et encore : « Spinoza est un jeune homme au corps bien fait, mince, il a une longue chevelure noire, une petite moustache de la même couleur, un beau visage ; il est âgé de Modèle:Nobr ». I. S. Revah, art. cité « Spinoza et les hérétiques », 1958, Modèle:P.. [8]</ref>.

Fichier:Baruch Espinosa crossed out from pupil list, Ets Haim, Amsterdam, 17th century.jpeg
Le nom de Baruch Espinosa est rayé de la liste des élèves dans le registre de la communauté d'Ets Haïm (Amsterdam). Inscription : Ishac Espinosa fo [= filho, en portugais] de Michael Espinosa / Baruch Spinoza (biffé) do ditto [= du même] [= fils de Michael Espinosa]

À la mort de son père, en 1654, le jeune homme a vingt-et-un ans ; il s'acquitte de tous les devoirs religieux des endeuillés à la synagogue où il fait encore des offrandes<ref group="alpha">Un don de 6 florins est enregistré à son nom dans le livre des offrandes de la communauté juive en 1655, I. S. Revah, art. « Spinoza et les hérétiques de la communauté judéo-portugaise », Revue de l'histoire des religions, 1958, Modèle:P..[9]</ref>, et reprend totalement l'entreprise familiale avec son frère Gabriel<ref name="nadler-110">Modèle:Harvsp.</ref> sous la dénomination « Bento y Gabriel Despinoza », ce qui lui ferait arrêter les études formelles<ref name=":4">Damasio, op. cit., Modèle:P.</ref>,<ref>Modèle:Article</ref>. Après plusieurs démêlés judiciaires avec sa sœur autour de l'héritage de son père, il renonce à celui-ci, à l'exception du lit de ses parents, un grand Modèle:Lien à baldaquin, qu'il gardera jusqu'à sa propre fin<ref>Damasio, op. cit, Modèle:P.</ref>.

C'est alors qu'il décide d'apprendre le latin auprès de l'ancien jésuite<ref group="alpha">La Compagnie de Jésus est le seul ordre catholique à avoir refusé de participer à l'Inquisition.</ref> et démocrate Franciscus van den Enden<ref group="alpha" name=":4">Ex-jésuite, athée, libre penseur, cartésien, libéral, van den Enden sera exécuté en France en 1674 comme agitateur politique, Gilles Deleuze in Spinoza Philosophie pratique, éd. Minuit, 1981-2003</ref>, qui l'ouvrira à d'autres connaissances telles le théâtre, la philosophie, la médecine, la physique, l'histoire ou encore la politique, et peut-être l'amour libre, qu'il prône<ref name=":4" />.

L'exclusion (1656)

Fichier:Spinoza's ban.gif
Herem maudissant à vie Baruch Spinoza (Amsterdam, 27 juillet 1656). Cf. traduction du portugais.

Le Modèle:Date<ref group="alpha">Ce même jour, son voisin Rembrandt est mis en faillite et dépouillé par les huissiers de toutes ses précieuses collections d'œuvres d'art personnelles et acquises [10].</ref>, Baruch Spinoza a Modèle:Nobr et est frappé par un Modèle:Langue (he. חרם) Modèle:Incise qui le bannit et le maudit pour cause d'hérésie, de façon particulièrement violente<ref name="akadem 1Herem" group="p"/> et, chose rare, définitive, c'est-à-dire à vie<ref>Damasio, op. cit., Modèle:P.</ref>. Le document est signé par le rabbin Isaac Aboab da Fonseca<ref group="alpha" name=":0">La sentence excommuniant Spinoza est inscrite à la Modèle:P. du registre des procès-verbaux de la communauté judéo-portugaise ; or, à la Modèle:P., se trouve le texte de l'abjuration prononcée par le « Modèle:Dr Prado », et à la page 427, le herem excommuniant ce dernier - ce qui laisse comprendre que le responsable de l'apostasie de Spinoza est Juan de Prado. Lire en ligne (I. S. Revah)</ref>.

Peu de temps auparavant, un homme aurait même tenté de poignarder Spinoza ; blessé, celui-ci aurait conservé le manteau troué par la lame, pour se rappeler que la passion religieuse mène à la folie. Si le fait n'est pas complètement certain (il n'y a pas de trace du fait dans les actes juridiques de l'époque)<ref name=":10">Modèle:Article</ref>,<ref name="nadler-136">Modèle:Harvsp.</ref>, il fait partie de la légende du philosophe.

L'exclusion de Spinoza est exceptionnellement sévère, une des deux seules prononcées à vie, mais à cette époque, les « exclusions » ou « bannissements » étaient chose commune dans les milieux religieux, même tolérants<ref name=":10" />, et cette exclusion n'est pas la première crise traversée<ref group="alpha">On relève Modèle:Nobr et une femme (anonyme et accompagnée de son époux) mis au ban (ḥerem) entre 1622 et 1683 à Amsterdam, selon Yosef Kaplan, « The Travels of Portuguese Jews from Amsterdam to the “Lands of Idolatry” (1644-1724) », dans idem (dir.), Jews and Conversos : Studies in Society and the Inquisition, Jerusalem, The Magnes Press, 1985, Modèle:P., cité par Natalia Muchnik, « De la ville inquisitoriale à la ville de tolérance : identités féminines judaïsantes en Europe occidentale (Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 2006, mis en ligne.</ref> par la communauté juive éprouvée par les perceptions identitaires hétérodoxes et morcelées de ces Juifs contrariés au sein d'une cité un peu libérale<ref name=":2" />. Quelques années plus tôt, son cousin, le convaincu Uriel da Costa<ref group="alpha">Uriel da Costa, parent de Baruch Spinoza par la grand-mère paternelle de ce dernier, Mor Alvares.</ref> (philosophe portugais réfugié à Amsterdam) fait circuler dans la communauté, dès 1616, des Propositions contre la Tradition<ref group="alpha">Rédigés en portugais, les écrits de da Costa repoussent certains éléments de la Révélation divine et sont réfutées entre autres par le célèbre rabbin vénitien Léon de Modène. La copie amstellodamoise de la traduction portugaise de cette réfutation restée dans les archives et intitulée (he) Le Bouclier et la Targe date de 1639. I. S. Revah, 1995, op. cit. Modèle:P. vs 110</ref> et défie les autorités. Repentant, il doit subir des punitions humiliantes (flagellation publique) pour pouvoir être réintégré, peines auxquelles le jeune Baruch assiste<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. Cependant, il réaffirme en 1624 ses idées qui sont jugées à nouveau hérétiques<ref>Dans son nouvel ouvrage critique : (po) Examen des traditions pharisiennes confrontées avec la Loi écrite, 1624.</ref> par les communautés juive et chrétienne, et se suicidera en 1640<ref group="alpha">Miguel (Daniel Levi) de Barrios relie et fustige en 1683 Juan de Prado et Baruch Spinoza dans son opuscule (es) Table des Confréries Sacrées de la Sainte Communauté d’Amsterdam : « Ce sont des Modèle:Souligner qui, dans les Modèle:Souligner d’impiété, désirent briller du feu qui les consume. » ("Modèle:Souligner son los que en Modèle:Souligner de impiedad, dessean luzir con el fuego que los consume. ») ; c'est de Barrios qui souligne, I. S. Revah, op. cit., 1959, Modèle:P. vs 188.</ref>. Le philosophe rationaliste Juan de Prado, ami de Spinoza, est à son tour exclu de la communauté en 1657 pour avoir tenu des propos similaires<ref>I.S Revah, Spinoza et Juan de Prado, Mouton & Co, Paris, 1959, Modèle:P.</ref>, et finit par rejoindre Anvers.

Fichier:Bijeenkomst van de Collegianten Assemblée de ceux qu'on appelle Collegians a Amsterdam (titel op object), RP-P-AO-24-17.jpg
« Assemblée de ceux qu'on appelle Collegians a Amsterdam » (1736-38)

Il est difficile de savoir avec exactitude quels propos ou attitude sanctionne ce Modèle:Langue<ref name=":0" group="alpha" />,<ref group="alpha">Pour le chercheur I. S. Revah, il est impossible de comprendre la décision du ḥerem de Spinoza sans l'inscrire dans la multiplication sur les dernières décennies d'alors des contestations de la pensée et/ou des pratiques religieuses par certains membres de la communauté marrane (initiées spectaculairement par Uriel da Costa, poursuivies parallèlement par Spinoza et Juan de Prado) provenant de familles ayant subi des persécutions, des expulsions ou l'Inquisition, et dont l'identité sur quelques générations malmenées était devenue instable et critique. (Voir en exemple, note sur la centaine de procès inquisitoriaux subis par la famille maternelle de Spinoza.)</ref>,<ref group="alpha">Pour une étude détaillée des causes possibles du Modèle:Langue, voir Modèle:Harvsp. En plus des hypothèses habituelles, signalées dans l'article, Nadler insiste sur l'aspect politique de la décision. Celle-ci aurait eu pour but, entre autres, de démontrer aux autorités hollandaises que la communauté juive ne constituait pas un refuge pour les hétérodoxes « séditieux » qui remettaient en cause non seulement les principes fondateurs du judaïsme mais aussi ceux du christianisme. En particulier, la communauté affichait par cette décision son refus de tolérer un partisan du cartésianisme, philosophie qui provoquait alors beaucoup de remous en Hollande.</ref> exceptionnellement dur contre Spinoza, car aucun document ne fait état de sa pensée à ce moment précis ; il a Modèle:Nobr et n'a encore rien publié<ref group="alpha">Spinoza n'a encore rien publié alors que le texte du ḥerem se termine par ces mots : Modèle:Citation Modèle:Incise.</ref>. On sait cependant qu'à cette époque, il fréquente l'école du philosophe républicain et « libertin » Franciscus van den Enden<ref name=":4" group="alpha" />, ouverte en 1652, où il apprend le latin, découvre l'Antiquité, notamment Terence, et les grands penseurs des {{#switch: XVII

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}} comme Hobbes, Bacon, Grotius ou Machiavel. Il côtoie alors des hétérodoxes de toutes confessions, notamment des collégiants comme Serrarius, des érudits lecteurs de Descartes, dont la philosophie exerce sur lui une influence assez profonde. Il est probable qu'il professe, dès cette époque, qu'il n'y a de Dieu que « philosophiquement compris », que la loi juive n'est pas d'origine divine, et qu'il est nécessaire d'en chercher une meilleure ; de tels propos sont en effet rapportés à l'Inquisition en 1659 par deux Espagnols ayant rencontré Spinoza et Juan de Prado lors d'un séjour à Amsterdam<ref>I. S. Revah, art. cité « Spinoza et les hérétiques », 1958, Modèle:P.. [1]</ref>. Quoi qu'il en soit, Spinoza semble accueillir sans grand déplaisir<ref name=":7" group="p" /> cette occasion de s'affranchir d'une communauté dont il ne partage plus vraiment les croyances. On ne possède aucune trace d'un quelconque acte de repentance visant à renouer avec elle<ref name="nadler-156">Modèle:Harvsp.</ref>.

Construction de l'œuvre

Fichier:Spinozahuis Rijnsburg 3.JPG
Maison de Spinoza à Rijnsburg, devenue un musée.

Après son exclusion de la communauté juive en 1656, Spinoza abandonne la succession et les affaires paternelles<ref group="alpha">Son frère Gabriel quitte alors le pays pour les Antilles.</ref>, et signe désormais ses lettres sous le nom de « Benedict » et « Benedictus Spinoza » ou simplement « B ». Il est probable qu'il étudie la philosophie à l'université de Leyde et y noue des amitiés<ref>I. S. Revah, art. « Spinoza et les hérétiques », 1958, Modèle:P.</ref>. Il devient « philosophe-artisan »<ref>Selon l'expression du philosophe G. Deleuze in « La vie de Spinoza » par Gilles Deleuze, cf. extraits en ligne.</ref> et gagne sa vie en taillant des lentilles optiques pour lunettes et microscopes<ref name=":3">Modèle:Lien web</ref>, domaine dans lequel il acquiert une certaine renommée<ref group="alpha" name=":5">Christian Huygens, découvreur des anneaux de Saturne, écrit à son frère en 1667 : « Les [lentilles] que le Juif de Voorburg a dans ses microscopes ont un poli admirable », cité par Modèle:Lien in Betraying Spinoza : The Renegade Jew Who Gave Us Modernity, Schocken, 2006, Prologue.</ref> mais qui ne lui permet de vivre que très humblement, conformément à son caractère. Certains de ses amis vanteront pourtant sa générosité malgré sa grande modestie.

Vers 1660-1661, il s'installe à Rijnsburg dans la commune néerlandaise de Katwijk, centre intellectuel des collégiants, près de l'université de Leyde. C'est là qu'il reçoit la visite de Henry Oldenburg, secrétaire de la Modèle:Langue, avec lequel il établit ensuite une longue et riche correspondance. En 1663, il quitte Rijnsburg pour Voorburg dans la banlieue actuelle de La Haye où il loge chez son maître de latin puis chez Daniel Tydeman, artiste peintre et soldat, et s'essaie lui-même à la peinture. Là, il commence à enseigner à un élève nommé Casearius la doctrine de Descartes. De ces cours, il tire Les Principes de la philosophie de Descartes, dont la publication donne lieu à une correspondance centrée sur le problème du mal avec Willem van Blijenberg, un marchand calviniste qui formulera des objections sur l'Éthique et le Traité théologico-politique. Il est probable que le début de la rédaction de deux ouvrages ait précédé la publication des Principes : le Traité de la réforme de l'entendement (inachevé et publié avec les œuvres posthumes) et le Court traité (publié seulement au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle).

Fichier:Spinoza's room in the Spinozahuis Rijnsburg 1.JPG
Pièce principale de l'appartement de Rijnsburg où B. Spinoza vécut de 1661 à 1663.

Dans les années 1660, Spinoza est de plus en plus fréquemment attaqué comme athée. Si aucun procès ne lui est intenté, contrairement à d'autres de ses contemporains, c'est probablement parce qu'il écrit en latin et non en néerlandais. En 1669, il est meurtri par la mort de son ami et disciple Adriaan Koerbagh, jugé et condamné pour avoir publié un violent réquisitoire contre la religion chrétienne et qui meurt dans les geôles du Rasphuis<ref>Frédéric Lenoir, Le miracle Spinoza, Fayard, 2017, Modèle:P.</ref>. Dans ce contexte de tensions, il interrompt l'écriture de l'Éthique pour rédiger le Traité théologico-politique, dans lequel il défend « la liberté de philosopher » et conteste l'accusation d'athéisme. L'ouvrage paraît en 1670, sous couvert d'anonymat, et avec un faux lieu d'édition. Il suscite de vives polémiques, y compris de la part d'esprits « ouverts » comme Leibniz<ref group="alpha" name=":7">Leibniz qui n'hésite pas à répondre au professeur Johan Georg Graevius qui juge le Traité « pestilentiel » en mai 1671 : « J'ai lu le livre de Spinoza. Je suis attristé par le fait qu'un homme si savant soit, semble-t-il, tombé si bas » in S. Nadler, (en) 1999, op. cit. Modèle:P..</ref>, ou de la part d'hommes que Spinoza rencontre occasionnellement en privé, comme les membres de l'entourage calviniste de Condé. Pour ceux-ci, il convient de bien distinguer la nouvelle philosophie (Descartes, Hobbes) de la réflexion plus radicale de Spinoza. Quant aux autorités religieuses juives, elles condamnent l'ouvrage - peu accessible car écrit en latin et - réfuté par le philosophe Balthazar (Isaac) Orobio de Castro<ref name=":10" />.

Fichier:Spinoza's seal "Caute".svg
Sceau de B. de Spinoza marquant la prudence (Caute) et le secret (sub rosa).

À partir de cette époque, il porte une chevalière qu'il utilise pour marquer son courrier et qui est gravée du mot « caute » (en latin « prudemment ») placé Sub rosa<ref group="alpha">La rose symbolise ainsi le secret gardé (églantine) et c'est une image pour indiquer le nom « Spinoza » (épineux) - les jeux de mots en latin, espagnol et portugais sur le nom Spinoza ou Espinosa sont incessants, même de son vivant.</ref>.

En avril 1671, sur requête des synodes provinciaux, la Cour de Hollande juge qu'une ordonnance doit être prise pour interdire la diffusion du Traité de Spinoza - que les chrétiens continuent d'appeler « le juif de Voorburg » -, et d'autres œuvres jugées blasphématoires, tel le Léviathan de Hobbes. Elle demande également que des poursuites soient engagées contre les auteurs et autres responsables de la publication de ces ouvrages. Cependant, les États de Hollande rechignent à suivre la décision de la Cour et à interdire des œuvres écrites en latin. Ce n'est qu'en 1674, après la chute du régent de Witt, que les livres visés seront effectivement interdits par les autorités séculières.

Le contexte politique, avec l'invasion française, devient alors moins favorable encore pour Spinoza. La mainmise de Guillaume d'Orange sur les Provinces-Unies met définitivement fin à une période de libéralisme quasi-républicain. Après l'assassinat des frères de Witt (1672), l'indignation de Spinoza est telle qu'il souhaite afficher dans la rue un placard contre les assassins (« Modèle:Langue » ou « Les derniers des barbares »), ce dont l'aurait dissuadé son logeur.

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Maison de Spinoza à La Haye dans l'ancien quartier juif de Paviljoensgracht, où il mourut en 1677 dans un deux-pièces loué.

Cependant, le philosophe, qui a abandonné Voorburg pour La Haye vers 1670, ne quitte pas le pays ; à peine s'éloigne-t-il quelquefois vers Utrecht ou Amsterdam situés à moins de quarante kilomètres de son logis<ref name=":1" />. Ainsi refuse-t-il en 1673, par souci d'indépendance, l'invitation de l'Électeur palatin qui proposait de l'accueillir en lui offrant une chaire à l'université d'Heidelberg dans l'actuelle Allemagne.

En 1675, Spinoza tente de publier l'Éthique Modèle:Incise et commence à rédiger le Traité politique. Sa pensée audacieuse lui vaut la visite d'admirateurs ou de personnalités comme Leibniz<ref name=":7" group="alpha" />. Malgré son image d'ascète isolé, il conserve toujours un réseau d'amis et de correspondants, dont Lambert Van Velthuysen, qui contredisent, au moins partiellement, sa réputation de solitaire. C'est pour eux, semble-t-il, qu'il entreprend dans ces années la rédaction d'un Précis de grammaire de la langue hébraïque, et ce sont eux, en particulier le médecin Lodewijk Meyer<ref name=":1" group="alpha">L. Meyer, poète, médecin, philosophe cartésien et lexicographe, grand ami de Spinoza, est le destinataire de la lettre 12 de 1663 consacrée à la question de l'infini. En 1666, il écrit La Philosophie interprète de l’Écriture sainte. Traité paradoxal d’un disciple de René Descartes (lat.), « manifeste pour une exégèse biblique rationnelle (qui) a créé en Europe un choc plus grand encore que le Traité théologico-politique de Spinoza (1670) », selon M. Rovere in Spinoza par ses amis, J. Jellesz, L. Meyer, Préface, Payot et Rivages, Rivages poche, 2017, Modèle:P..</ref> et Jarig Jellesz, qui publient ses œuvres posthumes : l'Éthique, la plus importante, et trois traités inachevés (le Traité de la réforme de l'entendement, le Traité politique et le Précis de grammaire de la langue hébraïque).

Fin de vie

Fichier:Estudio espinoza.jpg
Bibliothèque de Baruch Spinoza.

De santé fragile<ref group="alpha">Selon Bertrand Russel (in Histoire de la philosophie occidentale, 1946), « il souffrit toute sa vie de difficultés respiratoires », dues à une phtisie, probablement accrues par l'inhalation des poussières de verre de son artisanat.</ref> et malgré une vie frugale, il meurt à Modèle:Nobr le 21 février 1677 à La Haye où il était arrivé seul à Modèle:Nobr.

À sa mort, sa famille reste persuadée qu'il a puisé sa science en enfer. Il laisse un héritage matériel bien maigre mais sa bibliothèque est riche d'œuvres latines<ref group="p">Inventaire des biens et meubles laissés par Spinoza in La Revue des Ressources</ref>. Son ami Lodewijk Meyer<ref name=":1" group="alpha" /> emporte ses manuscrits<ref name=":3" /> et les fera publier à titre posthume. Sa sœur Rebeca ne garde de ses modestes biens que ce qu'elle n'arrive pas à vendre à la criée dans la rue, des chausses aux rideaux, et la somme de Modèle:Nobr, fruit de son travail, qui lui permettent de régler quelques ardoises laissées chez l'apothicaire ou le barbier. Baruch Spinoza est enterré dans le carré protestant du cimetière.

Selon Modèle:Lien, les derniers mots de Spinoza auraient été : Modèle:Citation<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Philosophie

Théorie de la connaissance

Fichier:Spinoza - Structure Logique - Éthique.svg
Structure logique des six premières propositions de l'Éthique de Spinoza par Guillom.

La philosophie spéculative de Spinoza tente d'être surtout déductive, donc aussi nécessaire. Elle est écrite Modèle:Langue, c'est-à-dire « à la manière géométrique » : définitions, puis axiomes et postulats, et enfin propositions comprenant un énoncé, une démonstration et un scolie éventuel. Elle est développée selon des enchaînements logiques rigoureusement déduits à partir d'axiomes et de définitions non pas Modèle:Langue mais « constructives », et sur un modèle particulier de compréhension des mathématiques. Or, ce choix n’est pas du tout « arbitraire » au sens de « non-motivé » : il est le résultat d’une véritable réflexion sur l'essence de la connaissance, essence liée avec la nécessité. Il faut donc commencer par exposer l'idée de la connaissance en général dans sa philosophie, idée dont nous trouvons des éléments avant tout dans le Modèle:Langue (souvent traduit par Traité de la réforme de l'entendement ; retraduit par Bernard Pautrat sous le titre plus littéral de Traité de l'amendement de l'intellect).

Les degrés dans la connaissance

Dans son œuvre, Spinoza reprend à 3 reprises une typologie des modes de connaissance :

Dans le Traité de la réforme de l'entendement, Spinoza distingue plusieurs espèces de perception :

Modèle:Rom-maj. Il y a une connaissance par ouï-dire, c'est-à-dire : librement identifiée et qualifiée par chacun.
Modèle:II. Il y a une perception dite « empirique », par laquelle, éprouvant une sensation ou un sentiment communément partagés par d'autres individus, nous le fixons comme « acquis ». Cette perception n'est pas élaborée par notre entendement, mais elle est néanmoins validée dans la mesure où aucun fait contradictoire ne lui paraît opposable.
Modèle:III. Il y a une perception dite « déductive », qui consiste à conclure de manière cohérente et rationnelle qu'un fait observé s'est produit. Le raisonnement nous mène alors à clarifier un principe, mais pas l'origine de ce dernier.
Modèle:IV. Enfin il y a une perception dite « essentielle » ou « élémentaire », en vertu de laquelle nous saisissons l'essence même de la chose perçue. Percevoir cette chose revient donc, ici, à en percevoir l'essence ou « principe premier. »

En comparant certaines formes de perceptions, on peut se faire une idée plus précise de ce qu'est le quatrième mode de perception.

La perception par ouï-dire (Modèle:Rom-maj) est la forme la plus incertaine de perception : par exemple, nous considérons quotidiennement que nous connaissons notre date de naissance, même si nous ne sommes pas en mesure de le vérifier.

Le temps et l'espace sont des éléments qui s’impriment dans la conscience et s'y maintiennent aussi longtemps qu'ils n'ont pas été contredits par d’autres expériences. Sinon, nous sommes dans le doute. Ces expériences ne peuvent nous offrir aucune certitude. Ce type d'expérience est nommé par Spinoza : Modèle:Langue. C'est une simple énumération de cas, énumération qui n’a rien de rationnel, car elle n'est ni un principe (Modèle:IV), ni déductible d'un principe (Modèle:III) ; elle ne peut par conséquent être tenue sérieusement pour vraie.

Ces deux premiers modes de perception ont en commun d'être « irrationnels », quoiqu'ils soient utiles pour la conduite des affaires quotidiennes de la vie. La marque de leur irrationalité est l'incertitude où ils nous plongent, si on les suit. Il faut donc, autant que possible, qu'ils ne jouent pas un rôle trop déterminant dans la construction de la connaissance. C'est pourquoi aussi l’Éthique regroupera ces deux premiers modes de perception en un seul « genre de connaissance » qu'il nommera « opinion » ou « imagination ».

La connaissance rationnelle (Modèle:III) a de tout autres procédures : loin d’isoler les phénomènes, elle les relie dans un enchaînement cohérent, selon l'ordre déductif. C'est ce que Descartes appelait des « chaînes de raisons » (Modèle:Cf. Discours de la méthode, Modèle:II) ou encore déduction. Mais, pour ainsi dire, à quoi accrocher le premier maillon de la chaîne des raisons ? Si on le laisse flottant, c'est alors la porte ouverte à la régression à l'infini, que Spinoza refuse, comme Aristote dans La Métaphysique (« Il faut bien s'arrêter quelque part ! »). Si on l'attache à un autre maillon de la chaîne déjà construite, on forme une boucle logique (Modèle:Langue), autrement dit, une contradiction. Dès lors, pour que la connaissance formée par la chaîne des raisons soit vraie (et plus seulement cohérente), il faut la faire dépendre d'une idée vraie donnée, qui en formera le principe. Le troisième mode de perception est donc une façon de conserver et de transmettre la vérité d'un point de départ (principe), mais pas de la produire.

Voilà qui nous amène à la nécessité du quatrième mode.

Il s'agit d'une connaissance intuitive (Modèle:IV). Comme le dit Spinoza lui-même : « Modèle:Langue » (« nous avons une idée vraie », Traité de la réforme de l'entendement, §33). Cette idée vraie est celle de Dieu, qui est « ce qui est en soi » (définition de la substance en Éthique, Modèle:Rom-maj, Définition III). C'est là le point de départ absolu nécessaire à toute connaissance adéquate, la vérité originaire qui est « norme d'elle-même et du faux » (Éthique, Modèle:II, 43).

Après le Traité de la réforme de l'entendement, les degrés de la connaissance, devenus les « genres de connaissance » passeront du nombre de 4 à celui de 3.

Gilles Deleuze donne ces exemples qui illustrent les trois genres de connaissance présents dans l’Éthique, chacun correspondant à un genre de vie à part entière :

  • La connaissance du premier genre est empirique : « je barbote dans l'eau, mon corps subit les vagues et l'eau ».
  • La connaissance du second genre est empirique et rationnelle : « je sais nager, au sens où je sais composer mes rapports avec la vague, avec l'élément eau ».
  • Le troisième genre est purement rationnel : « je connais les essences dont dépendent les rapports, je sais ce que sont l'eau, l'onde, la vague, le principe d'Archimède, leurs causes »Modèle:Etc.

Dans le Court Traité, cette question est abordée au Modèle:Nobr, Modèle:Nobr.

Dans l’Éthique, on la retrouve aussi dans la Modèle:Nobr, Modèle:Nobr, Modèle:Nobr.

La vérité

Spinoza rejette la théorie classique de la vérité selon laquelle la vérité d'une idée est subordonnée au tangible. Dans cette conception classique, la vérité est une qualité extrinsèque et se définit alors par l'adéquation de l'idée avec son idéat<ref name="idéat">Modèle:CNRTL.</ref> (son objet) : la vérité est alors Modèle:Lang. Spinoza va appuyer sa propre conception de la vérité par un recours aux mathématiques, science dans laquelle la vérité n'est pas subordonnée à l'existence de l'objet. En effet, lorsqu'un mathématicien étudie un objet (un triangle, par exemple) et ses propriétés (la somme des angles du triangle égale 180°), il ne se demande pas si cet objet existe effectivement en dehors de son esprit qui le conçoit. La vérité n'est donc plus définie par rapport à l'objet, mais par rapport à l'entendement producteur de la connaissance.

Pour Spinoza, la vérité est une qualité intrinsèque de l'idée et se révèle d'elle-même sans aucune référence à son être formel : Modèle:Citation (Modèle:Nobr, Modèle:Nobr, Scolie).

Spinoza s'inspire donc d'une partie de la théorie cartésienne de la connaissance selon laquelle l'idée vraie possède un signe intrinsèque (le « clair et distinct » dévoilé par la lumière naturelle, chez Descartes), tout en rompant avec la conception classique de subordination de l'idée au réel.

On peut, pour simplifier, dégager trois caractéristiques de l'idée vraie chez Spinoza :

  1. la vérité est intérieure (immanente) à l'idée : le mathématisme permet à Spinoza de rejeter la notion de convenance extrinsèque de l'idée à son idéat<ref name="idéat" /> (il opère donc un passage de « la norme » de la science expérimentale de la nature à la vérité comme conception immanente de la science mathématique) ;
  2. la vérité est son propre signe : tomber par hasard sur le vrai, c'est encore être dans le faux (Modèle:Cf. le Traité de la Réforme de l'Entendement) ;
  3. le vrai est conforme à son objet : l'adéquation à l'objet n'est donc plus une condition de la vérité de l'idée, mais seulement une des caractéristiques du vrai.

Théorie de l'être et des êtres

La substance, les attributs et les modes

Fichier:Spinoza Ethica.jpg
L'Éthique, magnum opus où Spinoza développe son ontologie (théorie de l'être).

Le livre premier de l’Éthique, intitulé « De Dieu », s'ouvre sur la définition de la substance<ref>Voir Modèle:Nobret [http://hyperspinoza.caute.lautre.net/spip.php?article130 3</ref> puis des attributs et des modes<ref>Modèle:Nobr et 5</ref>, Dieu n'étant atteint qu'à la sixième définition<ref>[11]</ref>. La substance est donc définie avant Dieu mais la proposition 14 de la première partie va montrer qu'il n'existe dans la nature qu'une seule substance et que c'est Dieu.

La substance est Modèle:Citation (Modèle:Nobr, Modèle:Nobr). Alors que Descartes concevait lui une multiplicité indéfinie de substances, Spinoza conçoit une substance unique, absolument infinie et constituée d'une infinité d'attributs : Dieu c'est-à-dire la Nature (Modèle:Langue). Il ne faut cependant pas penser que les attributs sont « des effets » ou « des accidents » de la substance et que celle-ci exprime une certaine transcendance vis-à-vis d'eux (le spinozisme est un immanentisme) : la substance et les attributs sont « la même chose » (Modèle:Nobr, Modèle:Nobr, Modèle:Nobr), l'attribut étant la perception de la substance par l'entendement. L'homme n'a accès qu'à deux attributs de la substance : l'étendue et la pensée, mais il en existe une infinité.

La substance et les attributs forment ce que Spinoza appelle la Nature naturante, par opposition à la Nature naturée, constituée de l'infinité des modes (modifications de la substance) produits nécessairement par Dieu en lui-même (Modèle:Nobr, scolie Modèle:Nobr). Les modes sont donc des manières d'être de la substance, perçus sous chacun de ses attributs. Un être humain est par exemple un corps, c'est-à-dire un mode de l'étendue, et un esprit, c'est-à-dire un mode de la pensée, mais pour un entendement infini, il est aussi bien autre chose que ce que peut en percevoir un entendement fini. Il faut cependant distinguer entre modes infinis (immédiats et médiats) et modes finis : les modes infinis immédiats sont ceux qui suivent de la nature absolue de quelque attribut de Dieu ; les modes infinis médiats sont ceux qui résultent médiatement de la nature d'un attribut de Dieu, donc d'un attribut en tant qu'il est affecté d'une modification infinie. Le mouvement est par exemple un mode infini immédiat de l'étendue (Modèle:Nobr à Schuller).

Dieu est donc la Nature, la Substance unique et infinie. Seule la substance a (et aussi « est ») la puissance d'exister et d'agir par elle-même. Tout ce qui est fini, en revanche, existe en et par autre chose, par quoi il est également conçu (définition du mode). La substance a une infinité d'attributs (en première approximation, un attribut est un mode d'expression, une manière d'être perçu), dont deux seuls nous sont accessibles : la pensée et l’étendue. Toute chose singulière, finie, elle, est un mode, c'est-à-dire quelque chose qui est en même temps « une partie » du tout et « un effet » de la substance. Tout mode a donc deux aspects. D'un côté, le mode n'est qu'une partie déterminée, engagée dans des relations extérieures avec tous les autres modes. Mais, d'un autre côté, tout mode exprime d'une façon précise et déterminée l'essence et l'existence absolue de Dieu ; c'est en ce sens que le mode est une affection de la substance. La difficulté est de comprendre que toute chose appartient simultanément à tous les attributs (infinis) de Dieu.

Fichier:Shoshannah Brombacher Spinoza Deus Sive Natura, pastel lr.jpg
Deus Sive Natura, Pastel et encre sur papier, Shoshannah Brombacher (New York, 2012)<ref>Modèle:Article</ref>. [https://www.academia.edu/11539676/Spinozas_Deus_Sive_Natura_visualized_in_a_pastel_drawing Détails

]

Par exemple, une pierre est un corps physique dans l'espace, mais une pierre est aussi une idée, l'idée de cette pierre (et autre chose encore que nous ignorons). Un individu est un rapport singulier de mouvement et de repos. Par exemple, une cellule, un organe, un organisme vivant, une société, un système solaireModèle:Etc. Il y a donc des individus « imbriqués ». L'individu suprême est la Nature entière, Modèle:Souligner (son rapport de mouvement et de repos est donné par les lois de la physique : ces lois ne changent jamais). À chaque individu, c'est-à-dire à chaque chose, correspond donc une idée. Or « l'esprit d'une chose » n'est autre que « l'idée de cette chose ». L'esprit de Socrate, c'est l'idée du corps de Socrate. Donc, toute chose a un esprit : c'est l’animisme de Spinoza. Mais il y a une « hiérarchie » entre les esprits : un esprit est d'autant plus riche qu'il est l'idée d'un corps « plus composé » et davantage doté d'un grand nombre d'aptitudes à être affecté et à agir. C'est pour cela que l'esprit de l'homme est plus riche que l'esprit de la grenouille ou de la pierre. Autre conséquence : ayant l'idée de mon corps (étant l'idée de mon corps), j'ai « implicitement » ou « virtuellement » aussi l'idée de toutes les affections (modifications) de ce corps, et donc des choses qui affectent ce corps (par exemple le soleil que je vois), ou plus exactement de la modification que le soleil provoque en moi. C'est pourquoi, notre « sensation » d'une chose révèle davantage la nature de notre organisme que celle de la chose « en soi ».

L'essence de chaque chose est un effort (Modèle:Langue, désir) de persévérer dans son être, de la même manière que la pierre persévère dans son mouvement ou l'être vivant dans la vie. Cette persévérance peut se comprendre en un sens « statique » (persévérer dans son état) ou en un sens dynamique (accroître sa puissance ou diminuer sa puissance), qui est, sans doute, bien plus pertinent. Chaque chose (mode, partie) peut être affectée par les autres. Parmi ces affections, certaines modifient notre puissance d'agir : Spinoza parle alors d’affect. Si cet affect accroît notre puissance, il se manifeste comme joie, plaisir, amour, gaietéModèle:Etc. S'il la diminue, il est ressenti comme tristesse, douleur, haine, pitiéModèle:Etc. Autrement dit, toute joie est le sentiment qui accompagne l'accroissement de notre puissance, tandis que toute souffrance est le sentiment qui accompagne son déclin. Puisque Modèle:Souligner, il n'y a pas de « pulsion de mort » : la mort vient toujours de l'extérieur, par définition.

Dieu ou la Nature, athéisme ou panthéisme ?

Modèle:Article détaillé

Bien que la doctrine de Spinoza repose sur une définition rationnellement construite de Dieu<ref group="alpha"> Modèle:Citation, dans Éthique, Première partie : De Dieu, définition 6.</ref>,<ref group="alpha">Il est à noter que cette doctrine était connue de son vivant principalement par ses Lettres diffusées dans le cadre de la République des Lettres, tandis que l'Éthique ne sera publiée qu'après la mort du philosophe en 1677.</ref>, suivie d'une démonstration de son existence<ref group="p">Éthique, première partie, proposition 11.</ref> et de son unicité<ref group="p">Éthique, Première partie, corollaire 1 de la proposition 14.</ref> ; bien qu'il ait par ailleurs proposé une religion rationnelle<ref group="p"> Modèle:Citation, Éthique IV, proposition 37, scolie 1, voir aussi Éthique, Quatrième partie, Appendice, chapitre 15.</ref>, Spinoza fut couramment perçu comme un auteur athée et irréligieux par ses contemporains, mais il tenta vigoureusement de s'opposer à cette perception comme en témoignent sa Lettre 30 à Oldenburg où il explique qu'une des raisons de son projet d'écrire le Traité théologico-politique est de combattre « l'opinion du vulgaire » qui voit en lui un athée<ref group="p">Lettre 30</ref>, puis la Lettre 43 à Jacob Osten, où, en réponse à la critique du théologien Lambert van Velthuysen de ce même Traité une fois publié (de façon anonyme), il se défend de l'accusation Modèle:Citation et où concernant la religion, il écrit : Modèle:Citation bloc

Spinoza restera cependant réputé Modèle:Citation par Pierre Bayle dans son Dictionnaire<ref>Notice sur Spinoza dans le Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle.</ref>, et le spinozisme a pu être confondu avec le libertinage. On remet même en circulation, au Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle, l’ouvrage blasphémateur intitulé Traité des trois imposteurs, sous le nom de La Vie et l’esprit de M Benoit Spinoza, dans lequel Jean Maximilien Lucas, auteur supposé de l’ouvrage, fait l’apologie de la méthode exégétique de Spinoza<ref name="Daubert">Françoise Charles-Daubert, « Spinoza et les libertins », Hyper-Spinoza, Publié le 3 mai 2004, mise à jour le 27 novembre 2007.</ref>. Cependant, Paul Vernière<ref group="alpha">spécialiste du Modèle:18e siècle, auteur de Spinoza et la pensée française avant la Révolution</ref> considère ce rapprochement entre la pensée de Spinoza et l’esprit du libertinage comme un contre-sens<ref name="Daubert" />.

Fichier:Spinoza Letter to Leibniz.jpg
Lettre de Spinoza à Leibniz (9 novembre 1671).

À partir de 1785, le débat est relancé à l'occasion de la querelle du panthéisme. Le rationalisme des Lumières, considéré comme héritage de Spinoza autant que de Leibniz et de Wolff par Jacobi, fut accusé par ce dernier de conduire nécessairement au panthéisme, doctrine affirmant que Modèle:Citation<ref group="p">Éthique I, proposition 25, corollaire.</ref> et s'opposant d'après Jacobi Modèle:Citation tandis que Modèle:Citation<ref>Sylvain Zac, Spinoza en Allemagne, Paris, 1989, Modèle:P.</ref>. Cela reviendrait pour Jacobi à un athéisme caché. Après Mendelssohn, Herder intervient dans la controverse pour prendre la défense de Spinoza : Modèle:Citation<ref>J. C. Herder, Sätliche werke, Berlin, 1877</ref>. Hegel réfutera aussi la qualification du spinozisme comme athéisme, considérant que loin de nier l'existence de Dieu, ce serait l'existence du monde que Spinoza nierait, ce qui en ferait un acosmisme<ref>Acosmism Encyclopedia Britannica (2012)</ref>.

Au Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle, en France, l'athéisme n'est plus une accusation mais une revendication de commentateurs de Spinoza tels que Althusser, Negri, Deleuze ou Misrahi. Ces auteurs insistent sur l’opposition entre une conception transcendante du divin et une philosophie naturaliste voire matérialiste de l’immanence : Dieu n’est pas extérieur au monde, mais immanent à la Nature, il n'est donc rien d'autre que la Nature. De même, l’homme et la société ne sont pas extérieurs à la nature : il ne faut pas concevoir l’homme comme un « empire dans un empire ». Dans un échange publié en 2017 avec Frédéric Lenoir, Robert Misrahi a résumé ses raisons de soutenir Modèle:Citation de Spinoza : sa devise était Modèle:Citation, ce qui se justifiait pleinement puisqu'il avait déjà été victime d'une tentative de meurtre au poignard par un fanatique religieux ; ensuite Spinoza n'a pas répondu aux attaques de Velthuyssen critiquant chez lui l'absence d'un dieu personnel et créateur, il a seulement répondu qu'il ne pouvait être athée puisqu'il n'était pas libertin<ref>Le miracle Spinoza, Modèle:P..</ref>. Lenoir lui répond que s'il est clair que le Dieu de Spinoza n'est ni personnel, ni créateur du monde, par opposition aux religions monothéistes, il n'aurait pas consacré la première partie de son Éthique à Dieu, cet Modèle:Citation s'il avait voulu cacher son athéisme. Lenoir rappelle que l'idée de Dieu ne saurait se réduire à la définition qu'en donnent les monothéismes occidentaux, rien n'empêche de concevoir un Dieu impersonnel et immanent à toutes choses, Modèle:Citation ce qui conduit à Modèle:Citation<ref>Le miracle Spinoza, Modèle:P..</ref>.

Il est à noter que Martial Guéroult a proposé le terme de panenthéisme pour caractériser la position de Spinoza : Modèle:Citation<ref>Martial Guéroult, Spinoza Tome I, 1968, Modèle:P.</ref>. On peut préciser toutefois que chez Spinoza, Dieu est tout autant « dans » les modes que les modes sont « en » Dieu puisque selon Spinoza « plus nous connaissons les choses singulières, plus nous connaissons Dieu. »<ref>Éthique V, proposition 25 selon une remarque dans de Charles Ramond dans son article Ne pas rire, mais comprendre.</ref>

Quoi qu'il en soit, Spinoza refuse explicitement toute conception anthropomorphique de Dieu, c’est-à-dire qui le concevrait à l’image d’une « personne » humaine. Ce rejet de l’anthropomorphisme se manifeste très tôt dans sa pensée : elle est explicite dès l’écriture de l’Appendice contenant les pensées métaphysiques, qui suit l’exposition des Principes de la philosophie de Descartes : Modèle:Citation<ref group="p">Appendice contenant les pensées métaphysiques, Modèle:Nobr, Spinoza, Paris, Gallimard, « La Pléiade », Modèle:P..</ref>

Parallélisme du corps et de l'esprit

Le terme parallélisme ne se trouve pas dans les textes même de Spinoza, mais a été importé rétrospectivement par ses commentateurs (ce terme a été utilisé pour la première fois par Leibniz dans ses Considérations sur la doctrine d'un esprit universel).

Nous savons que, pour Spinoza, chaque individu est un corps, mode de l'étendue, et un esprit, mode de la pensée ; et cet esprit est l'idée du corps. En vertu de l'unité de la substance, il doit y avoir entre chaque attribut une identité d'ordre des modes (isomorphie) et une identité de connexions (isonomie). Il y a donc correspondance entre les affections du corps et les idées dans l'esprit. Il en résulte ainsi que tout corps peut être conçu sous le mode de l'étendue et sous le mode de l'esprit. Par exemple, il doit y avoir correspondance entre le mode d'être étendue de la pierre et son mode d'être dans son esprit. Mais Spinoza rejette toute causalité entre ces modes, puisque corps et esprit sont une seule et même chose perçue sous deux attributs différents.

Le terme parallélisme traduit cette idée de correspondance sans réciprocité causale, qui permet à Spinoza de conférer une égale dignité au corps et à l'esprit : il n'y a pas de dévaluation du corps au profit de l'esprit.

Ce terme de parallélisme est aujourd'hui critiqué en raison du dualisme qu'il induit [Jaquet, 2004] et remplacé par celui de « proportion », que Spinoza emploie. Maxime Rovere, dans un article publié dans La Théorie spinoziste des rapports corps/esprit et ses usages actuels (Chantal Jaquet, Pascal Sévérac, Ariel Suhamy [dir.], Hermann, 2009), a en effet souligné l'insistance de Spinoza sur la proportion entre le corps et l'esprit. Contre le modèle géométrique du parallélisme emprunté à Leibniz, il propose donc un modèle algébrique de la proportion développé par Spinoza lui-même. La notion de parallélisme chez Spinoza semble ainsi avoir fait son temps, au profit de la proportion.

L'homme et ses passions

Le Modèle:Langue est l'effort par lequel Modèle:Citation (Modèle:Nobr, Modèle:Nobr). Cet effort Modèle:Citation (Modèle:Nobr, Modèle:Nobr).

Le Modèle:Langue est l'expression de la puissance d'une chose, ou d'un individu, en tant que celui-ci est conçu comme étant un mode fini, c'est-à-dire une partie de la Nature naturée. Il est, par là même, nécessairement confronté à une infinité de causes extérieures qui vont tantôt empêcher son effort, tantôt le permettre (Modèle:Nobr, Modèle:Nobr). Chez l'homme, le Modèle:Langue n'est pas autre chose que Modèle:Souligner. Spinoza renverse une conception commune du désir selon laquelle l'homme appète une chose parce qu'il la juge bonne : Modèle:Citation (Modèle:Nobr, Modèle:Nobr, scolie). Ce qui est premier chez Spinoza, c'est l'idée et le désir — la conscience, elle, n'apportant rien à l'appétit. La conscience ne sera pas, comme chez Descartes, l'expression de la volonté infinie de l'homme, mais une simple réflexion (pouvant être adéquate mais ne l'étant pas le plus souvent) de l'idée sur elle-même. Le corps et l'esprit ne sont qu'une seule et même chose, perçue tantôt sous l'attribut « étendue », tantôt sous l'attribut « pensée ». Chaque attribut étant indépendant et conçu par soi, le corps ne peut pas davantage déterminer l'esprit à penser que l'esprit ne peut déterminer le corps au mouvement ou au repos (conséquence du parallélisme, ou de l'unité de la substance). La conscience de l'effort n'est pas une réflexion active de l'esprit sur l'idée de l'effort, mais une réflexion passive de l'idée de l'effort dans l'esprit. La conscience n'est souvent qu'une illusion, un rêve forgé les yeux ouverts ; l'essence de l'homme est sa puissance (du corps et de l'esprit, l'esprit n'étant que l'idée du corps).

Le Modèle:Langue se traduit par le maintien et l'affirmation de l'être : maintien du rapport caractéristique de mouvement et de repos entre les parties du corps (maintien de la forme) d'une part, et augmentation du nombre de manières dont le corps peut être affecté par les autres corps, et les affecter à son tour d'autre part (Modèle:Nobr, Modèle:Nobr et 49).

Le Modèle:Langue joue un rôle fondamental dans la théorie des affects chez Spinoza. Le désir est l'un des trois affects primaires avec la joie et la tristesse. Lorsque l'effort, ou appétit, sera un succès, l'individu passera à une plus grande puissance, ou perfection, et sera dit affecté d'un sentiment de joie ; au contraire, si son effort est empêché ou contrarié, il passera d'une plus grande à une moindre perfection et sera dit affecté d'un sentiment de tristesse. Toute la théorie spinoziste des affects sera ainsi construite sur le principe d'un passage continuel d'une moindre perfection à une plus grande, et Modèle:Langue, selon le succès ou l'échec du Modèle:Langue, déterminé lui-même par la rencontre avec les modes finis extérieurs et les affections du corps en résultant.

Éthique et liberté

Modèle:Article détaillé La philosophie de Spinoza vise essentiellement la constitution d'une éthique rationnelle et intellectualiste. Il décrit celle-ci comme la « voie qui mène à la liberté » (Éthique V, préface) mais aussi à la « béatitude » (idem). Décrite en particulier dans l’Éthique, mais aussi dans les autres œuvres, l'éthique spinoziste consiste d'abord à concilier déterminisme et liberté. Une telle conception va à l'encontre de la croyance au libre-arbitre, qui n'est, selon lui, basée que sur la méconnaissance des causes qui nous déterminent. Elle est démontrée par un long cheminement de pensée.

Pour Spinoza, le droit naturel de chaque être est strictement corrélatif de la puissance de sa nature<ref group="p">Voir par Modèle:Ex Traité théologico-politique, Modèle:Chap., ou Traité politique, Modèle:Chap..</ref>. Les Modèle:Citation n'empêchent donc que ce qui est impossible ou contradictoire, c'est-à-dire Modèle:Citation ou Modèle:Citation (Traité théologico-politique, ci-après TTP, Modèle:IV). Puisque toute chose s'efforce de Modèle:Citation (Modèle:Langue), il s'agit de prendre connaissance de cette nécessité afin de mieux s'employer à la réaliser. Le moyen d'y parvenir réside essentiellement dans la raison et dans l'amour de Dieu, c'est-à-dire de la Nature (Modèle:Langue). La liberté consiste ainsi dans la connaissance adéquate des causes de l'action. Plus on connaît le monde, plus on connaît Dieu et par conséquent, plus aussi on est joyeux. La connaissance n'est ainsi pas simplement un élément introductif à l'éthique : elle en fait pleinement partie.

Par définition, toute action « effective » est une idée adéquate et complète qui procède de l'entendement, tandis que toute passion est une idée inadéquate, car incomplètement comprise dans les causes de sa production, qui procède de l'imagination. C'est pourquoi, il suffit de prendre une connaissance réfléchie et adéquate d'une passion pour qu'elle devienne une action. Certaines passions peuvent augmenter notre puissance d'agir (par exemple, être guéri par l'action d'un tiers), mais, en revanche, toutes nos actions augmentent notre puissance d'agir. Or Modèle:Souligner, c'est-à-dire d'exprimer la puissance de notre entendement plutôt que celle de l'imagination. De plus, notre entendement est éternel, tandis que la partie de notre esprit qui relève de l'imagination et de la mémoire (idées incomplètes, liées à l'existence empirique des choses) périt avec le corps.

Dans la célèbre lettre à Schuller à propos de la liberté et du déterminisme, où il prend l'exemple du mouvement de la pierre, Spinoza écrit ainsi : Modèle:Citation<ref group="p">Lettre 58 à Schuller, Modèle:Éd. La Pléiade, Modèle:P..</ref>. La liberté ne s'oppose ainsi ni à la nécessité, ni au déterminisme naturel, comme c'est le cas pour Kant qui, dans la Critique de la raison pratique, oppose la liberté pratique « supra-sensible » ou transcendantale à l'enchaînement empirique et naturel des causes et des effets.

La théorie éthique de Spinoza s'oppose frontalement à l'idée que le mal serait le fruit de la faiblesse de l'homme ou d'une Modèle:Citation<ref name="TP2" group="p">Traité de l'autorité politique, Modèle:Chap., §6.</ref>, faiblesse qui elle-même serait due au péché originel d'Adam et à la Chute. Contrairement à saint Augustin (La Cité de Dieu, Modèle:Nobr), Spinoza ne considère pas qu'il y a deux états de la nature humaine, l'un qui précèderait la Chute et l'autre qui serait post-lapsaire. Selon lui, Modèle:Citation, puisque Modèle:Souligner, et Adam n'avait, pas plus que nous, le pouvoir de raisonner correctement<ref name="TP2" group="p"/>. L'idée de « chute » est radicalement étrangère à l'éthique spinoziste.

Sa conception du mal est développée en particulier dans les lettres à Blyenbergh, ou « lettres du mal », qui ont été commentées par Deleuze<ref>Outre le petit ouvrage Spinoza. Philosophie pratique de Deleuze (Modèle:Chap., « Les lettres du mal »), on peut consulter les Cours sur Spinoza sur le Webdeleuze. Il existe aussi des enregistrements audio sur CD de ces cours. Voir cours audio en ligne.</ref>. Le mal n'a pas d'existence ontologique véritable : tout comme l'erreur, dont il procède, il n'est rien de « positif ». Il est donc « négation » au regard de Dieu, et ne devient « privation » que par rapport à nous. Il n'y a donc pas d'erreur à proprement parler, il n'y a que des idées incomplètes ou inadéquates. Pure négativité, le mal est manque de puissance et résulte d'une hiérarchie que nous posons par l'imagination entre l'être réel et un idéal abstrait que nous plaquons sur lui. Ainsi, je dis que l'aveugle est privé de la vue parce que je l'imagine comme devant être voyant (Modèle:Nobr à Blyenbergh). Dans la Modèle:Nobr à Blyenbergh, Spinoza s'oppose ainsi frontalement à ce que certains philosophes contemporains ont appelé la théorie du commandement divin :

Modèle:Citation bloc

En effet, selon lui, Modèle:Citation (TTP, Modèle:IV) : ainsi, l'insensé qui agit selon les passions est tout aussi « parfait » que le sage qui, lui, agit en conformité avec la raison. On ne peut donc parler de l'imperfection de l'insensé qu'en le comparant avec d'autres réalités, crues supérieures (par exemple le sage). Le mal est donc seulement une privation du point de vue de « notre entendement », mais il n'est rien du point de vue de l'entendement divin<ref name="LettreXIX" group="p"/>. Par exemple, nous jugeons un homme mauvais, ou affirmons qu'il est privé de quelque chose (de la bonté, de la sagesse…) parce que nous comparons cet homme à un concept général de l'homme, auprès duquel il paraît défaillant :

Modèle:Citation bloc

Cette conception de la liberté et du mal a été très souvent mal comprise par ses contemporains qui ne concevaient pas que l'on puisse conserver la responsabilité de l'homme si l'on lui ôte le libre-arbitre : ainsi, Blyenbergh lui écrit : Modèle:Citation (Modèle:Nobr). Spinoza s'est souvent défendu contre cette objection : il répond ainsi à l'argument de Schuller, qui insinue qu'une telle théorie rendrait excusable « tout crime », en le renvoyant aux Appendices contenant les pensées métaphysiques :

Modèle:Citation bloc

De même, dans la Modèle:Nobr à Oldenburg, il écrit<ref group="p">Lettre 78 - Spinoza à Oldenburg - yper-Spinoza.</ref> :

Modèle:Citation bloc

Il n'est donc pas nécessaire de présupposer le libre-arbitre, la responsabilité morale conçue au sens « judiciaire », et par conséquent aussi la culpabilité, pour appliquer un châtiment. Mais, et en cela Kant s'accordera avec Spinoza, quiconque s'abstient d'un crime par crainte de châtiment ne peut être dit « agir moralement » (Modèle:Nobr). D'autre part, l'Éthique est bien un cheminement vers la sagesse, qui s'adresse en principe à tous : personne n'est, par principe, exclu de cette possibilité de « rédemption ». Tous ces préjugés, selon Spinoza, proviennent d'une conception anthropomorphique de Dieu, qui le considère en tant que « personne », qui haïrait ou aimerait ceci ou cela, ou qui serait là pour nous juger (Modèle:Nobr à Blyenbergh) ; ou encore, comme Moïse, qui se le représenta Modèle:Citation (TTP, Modèle:IV). C'est pourquoi Deleuze dit que l'existence, pour Spinoza, n'est pas un jugement, mais une épreuve, une expérimentation<ref group="p">Modèle:Nobr de Spinoza - philosophie pratique.</ref>.

Par ailleurs, il convient de noter que, si la Nature est déterminée de façon nécessaire, Spinoza distingue entre autres deux sens du mot « lois » : il y a d'une part les lois naturelles, et d'autre part le droit positif ou les lois civiles, que les hommes se donnent volontairement à eux-mêmes (TTP, Modèle:IV). Or, dans la mesure où le droit naturel exprime la nature de chaque être, il ne disparaît pas dans la société civile (Modèle:Cf. ci-dessous : théorie politique).

Politique et religion

Modèle:Section à sourcer

Fichier:Spinoza Tractatus Theologico-Politicus.jpg
Traité théologico-politique (1670)

Dans le Traité théologico-politique, la seule œuvre conséquente publiée de son vivant, Spinoza montre combien nombre d’assertions théologiques des églises et des religions sont, en fait, des prises de positions politiques qui n’ont rien à voir avec le texte biblique. Il s’appuie sur les écrits d'Abraham ibn Ezra<ref group="p">[[s:Traité théologico-politique/Chapitre 8|Traité théologico-politique - Modèle:Nobr]].</ref> et reprend intégralement la lecture de la Bible ; il en propose une nouvelle méthode de lecture, qui demande à suivre ce principe que le texte ne soit expliqué que par le texte lui-même, sans qu'on lui substitue des interprétations plus ou moins « libres ». C’est-à-dire que, en cas d’incompréhension du lecteur, ou d’obscurité du texte, ou de contradiction de celui-ci, il faut aller chercher dans le reste du texte, d’autres passages susceptibles d’éclairer celui qu’on cherche à comprendre. Autrement dit : la réponse est dans le texte, et ne doit pas être cherchée dans l’imagination du lecteur. Toute interprétation est interdite. Il s’agit d’apprendre à lire le texte, en respectant l’intégralité du texte, qui contient forcément la réponse cherchée.

Spinoza révolutionne donc la compréhension des textes sacrés en s'opposant directement à Maïmonide (et Averroès). En effet, ces derniers expliquent que si les Écritures entrent en contradiction avec la raison, alors il faut les interpréter, c'est-à-dire passer du sens littéral au sens figuré. Or Spinoza considère que l’Écriture est avant tout un récit daté historiquement, destiné aux Hébreux de l'époque. Il est donc indispensable de mener une enquête historico-critique, afin de retrouver le sens originel du texte. Pour ce faire, il faut connaître l'hébreu ancien, le contexte historique, et la psychologie des acteurs. Ainsi : Modèle:Citation, et non pas d'une comparaison anachronique avec les résultats de la science.

Si le texte de la Bible ne peut que s’accorder avec la raison, ses obscurités et contradictions doivent se dissiper par une étude minutieuse et une lecture attentive du texte qui interdira à son lecteur de le transformer en l’interprétant, lecteur qui s’interdira donc de le réinventer selon les besoins du moment.

Spinoza, comme Hobbes avant lui, se livre à une démonstration critique des méfaits de l’utilisation de la religion, c’est-à-dire de la croyance des hommes, par les pouvoirs politiques qui, ainsi, mènent leurs sujets à suivre docilement leurs décisions et accomplir leurs projets, même les pires. La religion — la croyance religieuse — est ainsi le moyen le plus sûr et aussi le plus aisé de faire faire aux hommes ce qui convient au pouvoir, quand bien même il s’agirait de leur faire faire ce qu’il y a de plus nuisible pour eux-mêmes, et de plus honteux. Mais ils ne s’en aperçoivent pas, et croyant faire le bien et contribuer au salut de leur âme, ils font exactement le contraire, trompés qu’ils sont par des discours politiques qui prennent la forme d’injonctions religieuses et de promesses.

Après cette théorie de l’illusion religieuse (pour Spinoza il ne serait pas sensé de dire que toute conviction religieuse est par essence illusoire) et de l’intérêt qu’a tout pouvoir à la maintenir, Spinoza complète l’analyse du théologique par une analyse du politique, expliquant les principes de l’organisation politique bonne et les rapports que doivent entretenir la religion et le politique afin de permettre la paix. Comme l’avait déjà théorisé avant lui Hobbes, dans le Léviathan, la religion doit être soumise aux lois communes, qui s’appliquent à elle comme à tous, soumise à l’État et au pouvoir politique, et elle ne doit s’occuper que du gouvernement des âmes et d’enseigner le bien et la morale, c’est-à-dire la pratique de la justice et de la charité.

Alors il peut développer, ce qui est le but de l’ouvrage, une théorie politique de la liberté, montrant en quoi celle-ci est cadrée par les lois ; puis Spinoza argumente en quoi la liberté de pensée et d’opinion est entièrement bonne et doit être entièrement reconnue par l’État. D’abord, la reconnaissance de la liberté de croire et de penser librement accordée à chacun est la condition de la fin des conflits religieux. Ensuite, cette liberté est entièrement bonne et non susceptible de nuire à l’État — si le juste partage des tâches est réalisé entre les autorités religieuses et politiques — la liberté de croire et d’opiner peut être accordée sans restriction aucune, sauf pour ce qui relève de l’incitation à la haine et qui serait donc susceptible de nuire à l’État. La liberté de pensée doit être protégée par l’État, comme condition de la paix civile. La liberté « accordée » ne peut « vraiment » nuire à l’État à ces conditions.

Cela constitue une théorie de la démocratie et une invalidation totale de toute forme de dictature, ce pouvoir délirant qui prétend aller au-delà de sa puissance. En effet, Modèle:Citation puisque les hommes eux-mêmes ne parviennent pas à contrôler ce qu’ils disent, donc il en va de même pour le pouvoir. Si le pouvoir ne peut contrôler les langues (qui parlent hors du contrôle du sujet parlant), il ne peut Modèle:Langue pas contrôler les pensées. L’État, en effet, ne régit pas tous les domaines de la vie humaine, les lois civiles ne pouvant être étendues à toutes les activités : Modèle:Citation (Modèle:Chap.), et Modèle:Citation (Modèle:Chap.).

C’est pourquoi Modèle:Citation. C’est un droit que chacun tient de sa nature.

Autres travaux

Grammaire

Spinoza est l'auteur d'un Précis de grammaire de la langue hébraïque, inachevé et publié par ses exécuteurs testamentaires en 1677. Ce texte d'une centaine de pages est un essai de grammaire descriptive de l'hébreu, composé en latin et publié à titre posthume en 1677. Il traite essentiellement de la phonologie et de la morphologie, en particulier verbale, de l'hébreu biblique. La partie sur la syntaxe, annoncée par Spinoza, est perdue. Ce texte, qui a longtemps dérouté les interprètes, ne figure dans une édition française des Œuvres de Spinoza que depuis 2022, date de son ajout au volume Spinoza de la Bibliothèque de la Pléiade<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Exégèse biblique

Modèle:…

Optique

Spinoza était, de manière officielle et financière, polisseur de verres de lunettes astronomiques et de microscopes - et apparemment apprécié<ref name=":5" group="alpha" />,<ref name=":3" />. Mais il nous est aujourd'hui impossible, du moins extrêmement complexe, de savoir s'il est auteur de techniques originales de polissage de verre ou s'il est responsable d'une quelconque évolution technologique en matière d'astronomie.

Postérité

Modèle:…

Héritage et débats actuels

Fichier:Spinoza-statue-the-hague.jpg
Spinoza, statue en bronze (La Haye, 1880)

Spinoza a été à la fois un Modèle:Citation, qualifié de Modèle:Citation par Moses Mendelssohn dans une lettre à Lessing<ref group="p">Cité par Karl Marx, lettre à Kugelmann du 27 juin 1870.</ref>, et un penseur acclamé, en particulier par Hegel et Bergson<ref>Modèle:Lien web</ref>.

Dans la seconde moitié du Modèle:Lien siècleModèle:Vérification siècle, le renouveau des études spinozistes est marqué par des œuvres telles que celle d'Alexandre Matheron (Individu et communauté chez Spinoza, 1969), de Gilles Deleuze (Spinoza et le problème de l'expression en 1968, et le plus accessible Spinoza : philosophie pratique de 1981), de Pierre Macherey (Hegel ou Spinoza, Maspero, 1977) et de Toni Negri (L'Anomalie sauvage : puissance et pouvoir chez Spinoza, 1982), et plus récemment par les travaux de Franck Fischbach (La production des hommes : Marx avec Spinoza, 2005), André Tosel (Spinoza ou l'autre (in)finitude, 2008), Chantal Jaquet, Pascal Sévérac et Ariel Suhamy (La multitude libre, nouvelles lectures du Traité politique, éditions d'Amsterdam 2008), Frédéric Lordon (La société des affects, Seuil, 2013 ; Imperium - Structures et affects des corps politiques, La Fabrique, 2016).

La question d'un anti-judaïsme de Spinoza à partir de ses écrits, notamment dans l'Éthique, fait encore l'objet de controverses. Pour des auteurs comme Henry Méchoulan, c'est bien l'Ancien Testament, donc le judaïsme, qui est spécifiquement visé plus que les autres religions<ref>Henry Méchoulan, Le droit et le sacré chez Spinoza, Éd. Berg, 2013 Modèle:ISBN.</ref>.

Gilles Deleuze le surnommait le « Prince des philosophes »<ref>Voir Gilles Deleuze et Félix Guattari, Qu'est-ce-que la philosophie ?, Paris, Éditions de Minuit, 1991, Modèle:P..</ref>, tandis que Nietzsche le qualifiait de Modèle:Citation, notamment en raison de son refus de la téléologie<ref>Modèle:Citation, dans Friedrich Nietzsche, Lettre à Franz Overbeck, Sils-Maria, le 30 juillet 1881. (Cité dans le Magazine Littéraire, no 370, consacré à Spinoza, traduction de David Rabouin). Mais Nietzsche n'a jamais lu les œuvres de Spinoza. Il a utilisé Histoire de philosophie moderne de Kuno Fischer pour obtenir son information sur Spinoza, voir Andreas Urs Sommer, « Nietzsche’s Readings on Spinoza. A Contextualist Study, Particularly on the Reception of Kuno Fischer », Modèle:Langue vol. 43, Modèle:N°, 2012, Modèle:P..</ref>. D'après Hegel, Modèle:Citation<ref>(Cours d'histoire de la philosophie apud Heinz Weinmann, « Narcisse et l’autre : pour un ethnotype québécois », Voix et Images, vol. 3, Modèle:N°, 1977, Modèle:P.]).</ref>. Alain Billecoq, reprenant les mots de Pierre Bayle, qualifie Spinoza d'« athée vertueux »<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

En sciences sociales et politiques

Le renouveau des études sur Spinoza a été souvent marqué par sa lecture croisée avec Karl Marx et l'insistance sur son « matérialisme »<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. Le caractère immanent de sa philosophie et sa pensée du social en tant que transindividuel permettent de mettre en question les postulats de l'individualisme méthodologique. De plus, contre la théorie du contrat social encore souvent mise en avant, la référence dans le Traité politique à l'« organisation de la multitude libre unie par des affects communs » offre de nouvelles bases pour penser la constitution de l'État<ref>La multitude libre, nouvelles lectures du Traité politique, Chantal Jaquet, Pascal Sévérac, Ariel Suhamy, éditions d'Amsterdam 2008.</ref>.

Des discussions ont été engagées concernant la place des femmes dans sa pensée. Dans le Traité politique, œuvre inachevée, Spinoza dénie aux femmes l'accès à l'espace politique. Or, et en séparant la puissance du pouvoir, Spinoza a souligné l'appropriation des femmes par les hommes et leur exclusion de ces deux domaines. Cette thématique reste ambiguë et seuls quelques spécialistes en parlent<ref>Michèle Le Dœuff soulève par exemple ce point dans son livre, Le Sexe du savoir, Aubier, 1998, Modèle:Chap. (Renaissances : 8 Modèle:Langue), Modèle:P..</ref>.

En sciences humaines

Nombre d'ouvrages sont désormais publiés pour faire de la philosophie de Spinoza une sagesse apportant joie et bonheur<ref>Modèle:Ouvrage</ref>,<ref>Modèle:Ouvrage</ref>, négligeant le fait que Spinoza était en faveur d'une connaissance approfondie de ses propres affects, ce qui le distinguait des philosophes antiques et de Descartes qui prônaient uniquement une maîtrise par l'individu de ses passions. Dans la préface à la cinquième partie de l'Éthique, le philosophe fait d'ailleurs preuve d'ironie vis-à-vis de son collègue français qui décrivait le fonctionnement de la glande pinéale en mesure de dominer les passions de l'âme. Ainsi, on peut considérer la psychanalyse comme étant la discipline ayant prolongé le plus la philosophie de Spinoza quand elle a trait aux affects<ref>Modèle:Ouvrage</ref>,<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

Sur le problème corps-esprit

Contre le dualisme et la théorie de l'interaction psychophysique, héritée du cartésianisme, Spinoza est invoqué aujourd'hui comme un modèle et une référence pour éclairer le problème des rapports corps/esprit et penser leur unité aussi bien en biologie avec les travaux d'Henri Atlan qu'en neurobiologie chez Antonio Damasio<ref>Chantal Jaquet, Pascal Sévérac, Ariel Suhamy, La Théorie spinoziste des rapports corps/esprit et ses usages actuels, Hermmann, 2009.</ref>,<ref>Antonio Damasio, Spinoza avait raison, Odile Jacob, 2003.</ref>. Dans une perspective scientifique, ce non dualisme est proposé par l'anthropologue Marcel Mauss avec son concept de totalité et d'homme total<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

Relectures du système spinoziste

La réflexion récente sur l'importance des modèles scientifiques de rationalité dans la philosophie de Spinoza renouvelle la compréhension que l'on peut avoir de ses idées-clés. Les recherches mathématiques du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, d'une part, mais aussi les principes théoriques de la physique discutés au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, d'autre part, offrent des perspectives sur ce que Spinoza attend d'un renouvellement de l'éthique, revisitée par l'idéal de rationalité scientifiqueModèle:Sfn.

Maxime Rovere et David Rabouin ont proposé de nouvelles approches du travail de Spinoza, l'un à travers une nouvelle traduction de sa correspondance et une monographieModèle:Sfn où la notion de système est remplacée par celle de méthodes plurielles, hétérogènes et locales ; l'autre en adaptant le système à un formalisme n'empruntant plus à Euclide, mais à RiemannModèle:Sfn.

Spinoza dans l'art et la culture

Fichier:Spinozamonument Amsterdam.jpg
Monument en hommage à Spinoza près du lieu où il a vécu à Amsterdam, le Zwanenburgwal.

Spinoza a été utilisé comme personnage de fiction dans plusieurs romans, notamment : la trilogie Spinoza encule Hegel (Spinoza encule Hegel en 1983, A Sec ! en 1998<ref>Modèle:Ouvrage</ref> et Avec une Poignée de Sable en 2006<ref>Modèle:Ouvrage</ref>) de Jean-Bernard Pouy ; Le Plus Grand Philosophe de France (2014) de Joann Sfar. Il est aussi question de lui dans Le problème Spinoza (2012, trad. fr. 2014) d'Irvin Yalom. En 2017, il est encore le principal personnage du roman historique Le Clan Spinoza (Paris, Flammarion), de Maxime Rovère.

Le portrait de Spinoza figurait sur les billets de 1000 florins néerlandais (duizend gulden) de 1972 à 2002. Le prix Spinoza récompense chaque année depuis 1995 des scientifiques d'excellence qui mènent leurs activités de recherches sur le sol néerlandais. Il s'agit de la plus haute distinction hollandaise en termes de prix scientifique ou « prix Nobel hollandais ».

Fichier:Spinoza Restaurant. Entrance - Budapest District VII. Dob Street 15.JPG
Restaurant à Budapest (Hongrie)

Nombre de rues ou avenues portent son nom : la rue Spinoza à Paris ({{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | XIe{{#if:|  }} }}), à Choisy-le-Roi (94600), à Ivry-sur-Seine (94200), à Émerainville (77184), à Vernouillet (28500) ou à Limoges (87100), et entre autres à Amsterdam, Rotterdam ou Utrecht (Pays-Bas), à Dublin (Irlande), à Berlin ou Hanovre (Allemagne), Rua Bento Espinoza à Vidigueira [Portugal]! à Vienne (Autriche), à Rome, Milan ou Syracuse (Italie), à Tel Aviv, Richon LeTsion, Ra'anana ou Herzliya (Israël), en Floride, Michigan, Missouri, Indiana ou Virginie (États-Unis), à Rio de Janeiro (Brésil) ou à Mount Lawley (Australie).

Œuvres

Hommages

L'astéroïde (7142) Spinoza est nommé en l'honneur de Baruch Spinoza.

Notes et références

Notes

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Références

Sources primaires

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Sources secondaires

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Voir aussi

Bibliographie

Éditions des œuvres de Spinoza

Éditions intégrales
Œuvres particulières

Études sur Spinoza

Études sur le contexte historique

Romans

Articles connexes

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Liens externes

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