Nombre p-adique
En mathématiques, et plus particulièrement en théorie des nombres, pour un nombre premier Modèle:Formule fixé, les nombres Modèle:Math-adiques forment une extension particulière du corps <math>\Q</math> des nombres rationnels, découverte par Kurt Hensel en 1897. Le corps commutatif <math>\Q_p</math> des nombres Modèle:Formule-adiques peut être construit par complétion de <math>\Q</math>, d'une façon analogue à la construction des nombres réels par les suites de Cauchy, mais pour une valeur absolue moins familière, nommée [[Théorème d'Ostrowski#Valeur absolue p-adique|valeur absolue Modèle:Formule-adique]].
Un nombre Modèle:Formule-adique peut aussi se concevoir comme une suite de chiffres en base Modèle:Formule, éventuellement infinie à gauche de la virgule (mais toujours finie à droite de la virgule), avec une addition et une multiplication qui se calculent comme pour les nombres décimaux usuels.
La principale motivation ayant donné naissance aux corps des nombres Modèle:Formule-adiques était de pouvoir utiliser les techniques des séries entières dans la théorie des nombres, mais leur utilité dépasse maintenant largement ce cadre. De plus, la valeur absolue Modèle:Formule-adique sur le corps <math>\Q_p</math> est une valeur absolue non archimédienne : on obtient sur ce corps une analyse différente de l'analyse usuelle sur les réels, que l'on appelle [[analyse p-adique|analyse Modèle:Math-adique]].
Historique et motivation
Une construction algébrique de l'ensemble des nombres Modèle:Formule-adiques est découverte par Kurt Hensel en 1897<ref>Modèle:Article.</ref>, en cherchant à résoudre des problèmes de théorie des nombres par des méthodes calquant celles de l'analyse réelle ou complexe<ref>Plus précisément, Hensel cherchait à étudier certaines propriétés arithmétiques des nombres algébriques à l'aide de séries formelles. </ref>. En 1914, József Kürschák développe le concept de valuation, obtenant une construction topologique de ces nombres<ref>Modèle:Article, republié (avec Modèle:Article) dans Modèle:Ouvrage.</ref>. En 1916, Alexander Ostrowski montre qu'il n'existe pas d'autre complétion de <math>\Q</math> que <math>\R</math> et <math>\Q_p</math> (résultat connu sous le nom de théorème d'Ostrowski). En 1920, Helmut Hasse redécouvre les nombres Modèle:Formule-adiques<ref>Il était tombé par hasard chez un bouquiniste sur un livre de Hensel, qui l'avait tant fasciné qu'il décida de continuer ses études sous sa direction.</ref>, et les utilise pour formuler le principe local-global.
Construction
Approche analytique
Construction de ℚp par complétion
Fixons un nombre premier Modèle:Formule. La valuation Modèle:Formule-adique d'un entier relatif Modèle:Math non nul (notée <math>v_p(a)</math>) est l'exposant de Modèle:Math dans la décomposition de Modèle:Math en produit de facteurs premiers (c'est un cas particulier de valuation discrète). On pose <math>v_p(0)=+\infty</math>. Par exemple, <math>v_{11}(2662) = 3</math> car la décomposition de 2662 en facteurs premiers est 2662 = 113 × 2. On étend cette valuation à <math>\Q</math> en posant : <math>v_p\left(\frac ab \right) = v_p(a) - v_p(b)</math>. Cette définition ne dépend pas du représentant choisi pour le rationnel.
On définit la valeur absolue Modèle:Math-adique <math>|~|_p</math> sur l'ensemble <math>\Q</math> par : <math>|r|_p=p^{-v_p(r)}</math> (en particulier, <math>|0|_p=p^{-\infty}=0</math> : en quelque sorte, plus <math>r</math> est divisible par Modèle:Formule, plus sa valeur absolue Modèle:Formule-adique est petite). Le corps valué <math>\Q_p</math> des nombres Modèle:Formule-adiques muni d'une valeur absolue (encore notée <math>|~|_p</math>) peut alors être défini comme le complété du corps valué <math>(\Q,|~|_p)</math>.
Quelques différences entre ℚp et ℝ
Cette construction de <math>\Q_p</math> permet de le considérer comme un analogue arithmétique de <math>\R</math>. Cependant, le monde Modèle:Formule-adique se comporte de façon très différente du monde réel.
- <math>\Q_p</math> n'est pas un corps totalement ordonnable Modèle:Infra.
- Dans <math>\Q_p</math>, la suite <math>\left(p^n\right)</math> tend vers <math>0 </math> et la suite <math>\left(1/q^n\right)</math>, pour <math>q</math> premier différent de <math>p</math>, n'a pas de limite.
- Puisque la valeur absolue sur <math>\Q</math> est définie à partir d'une valuation, la valeur absolue sur le complété <math>\Q_p</math> est, elle aussi, ultramétrique, si bien que la distance associée est une distance ultramétrique.
Ceci a pour conséquences, entre autres, que :- dans <math>\Q_p</math>, une série converge si et seulement si son terme général tend vers 0 ;
- l'espace topologique <math>\Q_p</math> est de dimension 0 (c'est-à-dire qu'il possède une base d'ouverts-fermés) donc totalement discontinu (c'est-à-dire que chaque singleton est sa propre composante connexe) ;
- etc.
- Dans <math>\Q_p</math>, si une suite <math>(u_n)</math> converge vers un élément non nul, alors <math>\left(|u_n|_p\right)</math> est constante à partir d'un certain rang.
- <math>\Z</math> n'est pas fermé dans <math>\Q_p</math> (Modèle:Cf. paragraphe suivant).
Constructions de ℤp
<math>\Q_p</math> est le corps des fractions de son anneau de valuation (les nombres Modèle:Math-adiques de valuation positive ou nulle), noté <math>\Z_p</math> et appelé l'anneau des entiers Modèle:Math-adiques. Ce sous-anneau de <math>\Q_p</math> est l'adhérence de <math>\Z</math>. On aurait donc pu le construire directement comme l'anneau complété de <math>\Z</math>.
Les valuations sur ℚ
Ostrowski a démontré que toute valeur absolue non triviale sur <math>\Q</math> est équivalente soit à la valeur absolue usuelle <math>|~|_\infty</math>, soit à une valeur absolue Modèle:Formule-adique. <math>|~|_p</math> est dite normalisée (on pourrait prendre <math>a^{-v_p(r)}</math> pour un réel <math>a>1</math> autre que <math>p</math> : on obtiendrait une distance associée uniformément équivalente). L'avantage de la normalisation est la « formule du produit » <math>|r|_\infty\prod_p|r|_p=1</math> pour tout rationnel <math>r</math> non nul. Cette formule montre que les valeurs absolues sur <math>\Q</math> (à équivalence près) ne sont pas indépendantes.
- Par exemple, pour <math>r={3\over50}=2^{-1}\cdot3\cdot5^{-2}</math> : <math>|r|_p=1</math> pour <math>p>5</math> et <math>|r|_\infty|r|_2|r|_3|r|_5=r\cdot2\cdot3^{-1}\cdot5^2=1</math>.
Approche algébrique
Dans cette approche, on commence par définir l'anneau intègre <math>\Z_p</math> des entiers Modèle:Formule-adiques, puis on définit le corps <math>\Q_p</math> des nombres Modèle:Formule-adiques comme le corps des fractions de cet anneau.
On définit l'anneau <math>\Z_p</math> comme la limite projective des anneaux <math>\Z/p^n\Z</math>, où le morphisme <math>\Z/p^{n+1}\Z\to\Z/p^n\Z</math> est la réduction modulo <math>p^n</math>. Un entier Modèle:Formule-adique est donc une suite <math>(a_n)_{n\ge 1}</math> telle que pour tout Modèle:Math :
On démontre alors<ref>Modèle:Harvsp, Modèle:Google Livres.</ref> que cet anneau est isomorphe à celui construit dans l'« approche analytique » Modèle:Supra et l'est même en tant qu'anneau topologique, vu comme sous-anneau (compact) du produit des anneaux discrets <math>\Z/p^n\Z</math>.
Le morphisme canonique de <math>\Z</math> dans <math>\Z_p</math> est injectif car <math>0</math> est le seul entier divisible par toutes les puissances de <math>p</math>.
- Par exemple, 7 en tant que nombre 2-adique serait la suite (1, 3, 7, 7, 7, 7, 7, …).
Toute suite <math>(a_n)</math> dont le premier élément n'est pas nul a un inverse dans <math>\Z_p</math> car Modèle:Formule est l'unique élément premier de l'anneau (c'est un anneau de valuation discrète) ; c'est l'absence de cette propriété qui rendrait la même construction sans intérêt (algébrique) si l'on prenait pour Modèle:Math un nombre composé<ref name=Barre/>.
- Par exemple, l'inverse de 7 dans <math>\Z_2</math> est une suite qui commence par 1, 3, 7, 7, 23, 55 (car 7×55 ≡ 1 mod 26).
- On peut remarquerModèle:Refsou que <math>\Z_p</math> contient donc l'anneau obtenu en adjoignant à <math>\Z</math> tous les inverses des nombres premiers sauf Modèle:Math (ce sous-anneau est un anneau local, le [[Localisation (mathématiques)|localisé de <math>\Z</math> en Modèle:Math]]).
Puisque de plus <math>p</math> n'est pas un diviseur de zéro dans <math>\Z_p</math>, le corps <math>\Q_p</math> s'obtient en [[Corps de rupture#Construction|adjoignant simplement à l'anneau <math>\Z_p</math> un inverse pour Modèle:Math]], ce que l'on note <math>\Q_p=\Z_p\left[\tfrac1p\right]</math> (anneau engendré par <math>\Z_p</math> et <math>\tfrac1p</math>, donnant les expressions polynomiales en <math>\tfrac1p</math>, analogue de la construction des nombres décimaux <math>\mathbb D=\Z\left[\tfrac1{10}\right]</math>).
Calculs dans ℚp
Décomposition canonique de Hensel
D'après ce qui précède, tout élément non nul <math>r</math> de <math>\Q_p</math> s'écrit de manière unique comme une série (automatiquement convergente pour la métrique Modèle:Formule-adique) de la forme :
- <math>r=\sum_{i=k}^\infty b_i p^i</math>
où <math>k</math> est un entier relatif et où les <math>b_i</math> sont des nombres entiers compris entre <math>0</math> et <math>p-1</math>, <math>b_k</math> étant non nul. Cette écriture est la décomposition canonique de <math>r</math> comme nombre Modèle:Formule-adique. Elle se déduit immédiatement du cas <math>r\in\Z_p</math><ref>Modèle:Harvsp, Modèle:Google Livres.</ref>, Modèle:C.-à-d. <math>k\in\N</math> : si <math>r=(a_n)\in\varprojlim{\Z/p^n\Z}</math>, la donnée des <math>b_i</math> équivaut à celle des <math>a_n</math> puisque <math>a_n\equiv\sum_{k\le i<n}b_ip^i\mod p^n</math>. On peut donc représenter un entier Modèle:Formule-adique par une suite infinie vers la gauche de chiffres en base Modèle:Math, tandis que les autres éléments de <math>\Q_p</math>, eux, auront en plus un nombre fini de chiffres à droite de la virgule. Cette écriture fonctionne en somme à l'inverse de ce qu'on a l'habitude de rencontrer dans l'écriture des nombres réels.
Par exemple, avec <math>p = 2</math> :
- <math>1 = 1\times 2^0 = \ldots 000001_2=1_2</math> (pour tout entier naturel, le développement 2-adique est simplement le développement en base 2) ;
- <math>\ldots111111_2=\sum_{i=0}^\infty2^i=-1</math> (dans <math>\Z_2</math>, toute série géométrique de premier terme <math>a</math> et de raison <math>2</math> converge vers <math>\frac a{1-2}=-a</math>, car <math>|2|_2=2^{-1}<1</math>) ;
- de même (puisque <math>|4|_2=2^{-2}</math>) <math>\ldots 01010101011_2=1+\sum_{n=0}^\infty 2^{2n+1}=1+\frac2{1-4}=\frac13</math>.
Algorithmes utilisant les décompositions de Hensel
- L'addition est tout à fait similaire à celle de <math>\R</math>, avec le même système de retenues :
Exemple : dans <math>\Q_5</math>
- <math>
\begin{array}{cccccccc} &\ldots & 3&3 & 3 & 2 & 4 &{1_5} \\ + &\ldots &1&1&1&1&4&{2_5} \\ \hline &\ldots &4&4&4&4&3& {3_5} \end{array} </math>
- On en déduit aisément une formule pour l'opposé : puisque, dans <math> \Q_5 </math>,
- <math>
\begin{array}{cccccccc} &\ldots & 3&3 & 3 & 2 & 4 &{1_5} \\ + &\ldots &1&1&1&2&0&{4_5} \\ \hline &\ldots &0&0&0&0&0& {0_5} \end{array} </math>, c'est que
- <math>-\ldots 333241=\ldots 111204</math> dans <math> \Q_5 </math>. De même, <math>-1=\ldots44444_5</math> (on peut vérifier que, puisque <math>4_5+1_5=10_5</math>, ajouter <math>1</math> à <math>\ldots44444_5</math> conduit à décaler une retenue tout le long de l'écriture, pour finalement donner 0).
- La multiplication se fait de façon analogue :
Exemple 1 : dans <math> \Q_5 </math>
- <math>
\begin{array}{ccccc} & & 1 & 4 &{3_5} \\ \times & & &3&{2_5} \\ \hline & &3&4& {1_5} \\ 1 &0 &3 & 4& {\cdot_5} \\ \hline 1 &1 &2 &3& {1_5} \end{array} </math>
Exemple 2 : de même, dans <math> \Q_3</math>
- <math>
\begin{array}{ccccccccc}&\ldots &0&2&0& 2& 0 & 2&{1_3} \\ \times & &&&&& &1&{1_3} \\ \hline &\ldots&0&2&0&2&0&2& {1_3} \\ &\ldots&2&0&2&0&2&1& {\cdot_3} \\ \hline&\ldots&0&0&0 &0&0&0& {1_3} \end{array} </math>, ce qui montre que <math>\ldots0202021_3=\frac14</math>.
- La division de deux entiers demande une analyse plus algébrique.
Exemple 1 : Écrivons <math>{1 \over 3}</math> dans <math>\Q_7</math>. Remarquons tout d'abord que <math>{1\over3}\in\Z_7 </math> car sa valuation 7-adique est 0. Ainsi <math> {1 \over 3 } = \ldots a_2 a_1 a_0</math> avec <math> 0\leqslant a_i <7</math>.
3 est inversible modulo 7 puisque <math> 3\times 5 = 1 \ + \ 2\times 7 \equiv 1 [7] </math>. Ceci permet d'ailleurs d'écrire la relation de Bézout suivante :
- <math> 1 = 3\times 5 \ -\ 7\times 2 \qquad (*) </math>
d'où :
- <math> {1\over 3} = 5 + 7\times \frac{-2}3</math> et à ce stade on a : <math> {1 \over 3 } = \ldots a_2 a_1 5</math>.
Continuons et multiplions <math> (*) </math> par -2 :
- <math> -2 = 3\times (-10) + 7\times (4) </math>
et arrangeons pour obtenir des coefficients entre 0 et 6 :
- <math> -2 = 3\times (4 - 2\times 7) + 7\times (4) = 3\times 4\ +\ 7\times (4- 3\times 2) </math>
d'où :
- <math> \frac{-2}3=4 + 7\times \frac{-2}3</math> et on observe une périodicité puisqu'on retombe sur <math>\frac{-2}3</math>.
Au bilan : <math> {1\over 3} = 5 + 7\times \frac{-2}3=5 + 7\times \left( 4 + 7\times \left(4 + 7\times \ldots \right)\right) </math> c'est-à-dire :
- <math> {1\over 3} = 5 + 4\times 7 + 4\times 7^2 + \ldots </math>
d'où l'écriture 7-adique :
- <math>{1\over3}=\ldots 4445_7</math>.
Exemple 2 : Écrivons <math> {4 \over 21 } </math> dans <math> \Q_7 </math>. On sait que <math> {4 \over 21 } \notin \Z_7 </math> car sa valuation 7-adique est –1 : ce sera donc un nombre 7-adique « à virgule ».
On écrit : <math> {4 \over 21 } = {1 \over 7} \times \left(4\times {1 \over 3}\right) </math>
Or on sait que <math> {1\over 3} = \ldots 4445_7</math> donc en multipliant par 4 :
- <math> {4\over 3} = 4\times \ldots 4445_7 = \ldots 44446_7</math>.
Il ne reste plus qu'à diviser par 7, mais ceci revient à décaler la virgule vers la gauche (on est en base 7) :
- <math> {4 \over 21 } = \ldots 4444{,}6</math>.
Exemple 3 : Calcul de <math>1\over9</math> dans <math>\Q_5</math>. On sait (théorème d'Euler) que 9 divise <math>5^6-1</math>, et de fait <math>5^6-1=15624=9\times</math>[[1736 en science#Événements|Modèle:Math]], et <math>1736=1+2\times5+4\times25+3\times125+2\times625=23421_5</math> ; on a donc <math>{1\over9}=\frac{-1736}{1-5^6}=-1736\left(1+5^6+5^12+5^Modèle:18+\dots\right)=-\ldots1023421023421_5</math> et finalement <math>{1\over9}=\ldots3421023421024_5</math>.
- Modèle:AncreLa résolution d'équations algébriques utilise de manière essentielle le lemme de Hensel ; celui-ci affirme en particulier que si un polynôme à coefficients dans <math>\Z_p</math> possède une racine simple dans <math>\Z_p/p\Z_p\simeq\Z/p\Z</math>, il en possède une dans <math>\Z_p</math>.
- Ainsi, 2 admet deux racines carrées dans <math>\Z/7\Z</math> (à savoir 3 et 4) ; il en possède donc deux (opposées) dans <math>\Z_7</math>. Partant de <math>u_0=3</math>, la méthode de Newton appliquée au polynôme <math>X^2-2</math> (c'est-à-dire la suite définie par <math>u_{n+1}=u_n-\frac{u_n^2-2}{2u_n}</math>) donne <math>u_2=193/132</math>, qui est dans <math>\Z_7</math> une valeur approchée d'une racine de 2 à <math>7^4</math> près ; on en déduit les valeurs approchées des racines, <math>\ldots 213_7</math> et <math>\ldots 454_7</math> ; on aurait pu aussi les obtenir chiffre par chiffre, en résolvant successivement les équations <math>(3+7x)^2=2\mod 7^2</math>, d'où <math>x=1</math>, puis <math>(10+49y)^2=2\mod 7^3</math>, etc.<ref>Modèle:Harvsp.</ref>,<ref name=Barre>Modèle:Lien web.</ref>.
- Plus généralement, si <math>p>2</math> alors pour tous <math>a,b\in\Z_p</math> avec <math>b</math> non divisible par <math>p</math>, <math>b^2+pa</math> admet deux racines carrées dans <math>\Z_p</math>.
- De même, avec <math>p</math> premier quelconque, si <math>a,b\in\Z_p</math> et <math>b</math> non divisible par <math>p</math> alors le polynôme <math>P(X)=aX^2+bX+p</math> admet une racine dans <math>\Z_p</math>. Puisque <math>4aP(X)=(2aX+b)^2-(b^2-4ap)</math>, ceci prouve que <math>b^2-4ap</math> est un carré dans <math>\Z_p</math><ref>Pour une autre preuve, voir le lemme 1 de Modèle:Article.</ref>.
Propriétés
Non-dénombrabilité
Les ensembles <math>\Z_p</math> et <math>\Q_p</math> sont équipotents et non dénombrables. Plus précisément, ils ont la puissance du continu, car la décomposition de Hensel ci-dessus fournit une bijection de <math>\{0,1,2,\dots, p-1\}^{\N}</math> dans <math>\Z_p</math> et une surjection de <math>\Z\times\{0,1,2,\dots, p-1\}^{\N}</math> dans <math>\Q_p</math>.
Propriétés algébriques
Un nombre Modèle:Math-adique est rationnel si, et seulement si, sa décomposition de Hensel <math>\sum_{i=k}^\infty b_ip^i</math> est périodique à partir d'un certain rang<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, c'est-à-dire s'il existe deux entiers <math>N\ge k</math> et <math>r>0</math> tels que <math>\forall n\ge N, b_{n+r}=b_n</math>. Par exemple, l'entier Modèle:Math-adique <math>\sum_{j=0}^\infty p^{2^j}</math> n'est pas dans <math>\Q</math>.
Le corps <math>\Q_p</math> contient <math>\Q</math> donc sa caractéristique est nulle.
Il n'est cependant pas totalement ordonnable puisque Modèle:Supra Modèle:Math est un carré dans <math>\Z_p</math>.
Pour Modèle:Math et Modèle:Math premiers distincts, les corps <math>\Q_p</math> et <math>\Q_q</math> ne sont pas isomorphes, puisque Modèle:Math n'est pas un carré dans <math>\Q_q</math> (sa valuation Modèle:Math-adique n'étant pas divisible par 2) mais est un carré dans <math>\Q_p</math> si Modèle:Math Modèle:Supra<ref>Modèle:Ouvrage, exercice 2.6.1 (ii). Pour une variante, voir Modèle:Harvsp ou Modèle:Harvsp.</ref>.
La structure du groupe multiplicatif <math>\Z_p^\times</math> des « unités Modèle:Math-adiques » (le groupe des inversibles de l'anneau <math>\Z_p</math>) et celle du groupe <math>\Q_p^\times</math> sont données par<ref>Modèle:Ouvrage.</ref> :
On en déduit que :
- un nombre Modèle:Math-adique Modèle:Math appartient à <math>\Z_p^\times</math> si et seulement si <math>u^{p-1}</math> a une racine n-ième dans <math>\Q_p</math> pour une infinité d'entiers n<ref>Pour une preuve directe, voir par exemple Modèle:Harvsp ou Modèle:Harvsp.</ref>. Ceci permet de montrer<ref>Modèle:Harvsp ; Modèle:Harvsp.</ref> que
le corps <math>\Q_p</math> n'a pas d'automorphismes non triviaux ; - pour Modèle:Math, le groupe des racines de l'unité dans <math>\Q_p</math> est cyclique d'ordre Modèle:Math (par exemple, le Modèle:12e corps cyclotomique est un sous-corps de <math>\Q_{13}</math>). On retrouve ainsi, au moins pour Modèle:Math, que le corps <math>\Q_p</math> n'est pas totalement ordonnable et, au moins pour <math>\{p,q\}\ne\{2,3\}</math>, que<ref>Modèle:Harvsp, règle aussi cas <math>\{p,q\}=\{2,3\}</math>, en calculant <math>\Q_p^\times/(\Q_p^\times)^2</math>. Pour des variantes, voir Modèle:Lien web.</ref> si Modèle:Math et Modèle:Math sont distincts alors <math>\Q_p</math> et <math>\Q_q</math> ne sont pas isomorphes.
La clôture algébrique <math>\Q_p^a</math> de <math>\Q_p</math> est de degré infini (contrairement à celle de <math>\R</math>, qui est une extension quadratique). Il existe d'ailleurs dans <math>\Q_p[X]</math> des polynômes irréductibles en tout degré <math>n>0</math> : par exemple le polynôme d'Eisenstein <math>X^n-p</math>, et même<ref>Modèle:Harvsp.</ref> un polynôme unitaire de degré n à coefficients dans <math>\Z_p</math> et [[Corps fini#Polynômes primitifs et polynômes cyclotomiques|irréductible modulo Modèle:Math]]. Ce degré est dénombrable, puisque c'est une extension algébrique, donc réunion de ses sous-extensions finies, lesquelles sont en nombre fini pour chaque degré d'après le lemme de Krasner<ref>Voir par exemple Modèle:Harvsp, Modèle:Lien web, th. 7.1, ou Modèle:Lien web.</ref>.
Le corps <math>\Q_p^a</math> est, en supposant l'axiome du choix AC, isomorphe au corps <math>\Complex</math> des nombres complexes, puisque (avec AC, et à isomorphisme près) en tout cardinal infini non dénombrable, il n'y a qu'un corps algébriquement clos de caractéristique 0. Inversement, la non-existence d'un plongement de <math>\Q_p</math> dans <math>\Complex</math> est cohérente avec la théorie des ensembles sans l'axiome du choix<ref>Modèle:Lien web.</ref>.
Propriétés topologiques
Muni de la distance Modèle:Math-adique, <math>\Z_p</math> s'identifie naturellement à l'espace métrique produit <math>\{0,1,2,\dots,p-1\}^{\N}</math> (compact donc complet). Pour tout réel Modèle:Math, l'application <math>\{0,1,2,\dots,p-1\}^{\N}\to\R,\;(b_i)\mapsto\sum_{i=0}^\infty b_iB^{-i}</math> est un homéomorphisme de <math>\Z_p</math> sur son image <math>E_0\subset\R</math><ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et <math>\Z_p</math> est — comme <math>E_0</math> — homéomorphe à l'espace de Cantor, d'après un théorème de Brouwer qui caractérise topologiquement ce dernier.
L'espace métrique <math>\Q_p</math> (complet par construction) est un espace localement compact (car le compact <math>\Z_p</math> est un ouvert contenant <math>0</math>), naturellement homéomorphe, pour tout Modèle:Math, à l'ensemble <math>E=\cup_{n\in\N}B^nE_0\subset\R</math> (où <math>E_0</math> est défini ci-dessus). Le compactifié d'Alexandrov de <math>\Q_p</math> est à nouveau — comme Modèle:Math [[Droite réelle achevée|Modèle:Surligner]] — homéomorphe à l'espace de Cantor.
La clôture algébrique <math>\Q_p^a</math> de <math>\Q_p</math> n'est pas localement compacte : cela équivaut au fait qu'elle est de degré infini<ref>Modèle:Harvsp, corollaire 2.6.11, utilise un autre argument : le groupe de valuation est <math>\Q</math>.</ref>. Puisque ce degré est ℵ₀<ref>Pour une généralisation, voir Modèle:Ouvrage, lemme 1.</ref>, elle n'est même pas complète<ref>Modèle:Harvsp, exercice 2.7.4.</ref>. Son complété <math>\widehat{\Q_p^a}</math> est appelé le corps de Tate et noté <math>\Complex_p</math> (ou parfois <math>\Omega_p</math><ref>Mais de nos jours, cette notation désigne plutôt la complétion sphérique de <math>\Complex_p</math> Modèle:Harv.</ref>). Il est algébriquement clos<ref>Voir Modèle:Harvsp ou, pour une généralisation, Modèle:Lien web, qui inclut des liens vers des démonstrations par Pete L. Clark (Modèle:P.) et par Brian Conrad.</ref> (donc algébriquement isomorphe à <math>\Complex</math>, comme <math>\Q_p^a</math>) et son degré de transcendance sur <math>\Q_p</math> est 2ℵ₀<ref>Modèle:Article.</ref>.
Les seules fonctions réelles de dérivée nulle sont les fonctions constantes. Cela n'est pas vrai sur <math>\Q_p</math>. Par exemple, la fonction
- <math>\Q_p\to\Q_p,\,x\longmapsto\left\{\begin{matrix}|x|_p^{-2}&\mbox{si }x \ne0,\\ 0&\mbox{si }x=0\end{matrix}\right.</math>
possède une dérivée nulle en tous points, mais n'est même pas localement constante en 0.
Pour tous <math>r, r_2, r_3, r_5, r_7 \ldots</math> appartenant respectivement à <math>\R, \Q_2, \Q_3, \Q_5, \Q_7 \ldots</math>, il existe une suite dans <math>\Q</math> qui converge vers <math>r</math> dans <math>\R</math> et vers <math>r_p</math> dans <math>\Q_p</math> pour tout <math>p</math> premier.
Extensions et applications
Modèle:... Le [[e (nombre)|nombre Modèle:Math]] (défini par la série <math>\sum 1/n!</math>) n'appartient à aucun des corps Modèle:Formule-adiques. Cependant, en conservant la définition <math>\mathrm{e}^x = \sum_{n \in \mathbb{N}} x^n/n!</math>, on peut montrer que <math>\mathrm{e}^4\in\Q_2</math> et que, si <math>p\ne2</math>, alors <math>\mathrm{e}^p \in \Q_p</math>. Dès lors, il devient a priori possible de définir, pour tout <math>p</math>, Modèle:Math comme une racine Modèle:Math-ième de Modèle:Math. Un tel nombre n'appartient toutefois pas à <math>\Q_p</math> mais à sa clôture algébrique <math>\overline{\mathbb{Q}_p}</math> (et donc à son complété <math>\mathbb{C}_p</math>), et l'exponentielle ainsi définie dépend de la racine choisie<ref>Ultrametric Calculus: An Introduction to P-Adic Analysis, W. H. Schikhof, Cambridge University Press, 2007, Modèle:Isbn</ref>. Plus généralement, il est possible de définir dans le corps de Tate une fonction exponentielle p-adique, qui cependant ne possède pas d'aussi bonnes propriétés que l'exponentielle complexe. En particulier, elle ne fait apparaître aucun analogue du nombre <math>2\pi \mathrm{i}</math> ; cette situation a été résolue par Jean-Marc Fontaine, qui a construit en 1982 l'Modèle:Lien <math>\bf B^+_{dR}</math>(prononcer « <math>\bf B</math> de Rham »)<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Une des premières applications des nombres Modèle:Math-adiques a été l'étude de formes quadratiques sur les rationnels ; ainsi, en particulier, le théorème de Minkowski-Hasse affirme qu'une telle forme a des solutions rationnelles (non triviales) si et seulement si elle en a dans tous les corps <math>\Q_p</math>, ainsi que dans <math>\R</math>.
Notes et références
Modèle:Traduction/Référence Modèle:Références
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
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- Nicole Berline et Claude Sabbah, La Fonction zêta, Éditions de l'École polytechnique, 2003, Modèle:Google LivresModèle:Commentaire biblio
- Collectif, Leçons de mathématiques d'aujourd'hui, vol. 2, Cassini, 2003Modèle:Commentaire biblio
- Modèle:OuvrageModèle:Commentaire biblio
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