Épître aux Hébreux

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Modèle:Infobox Livre de la Bible L'Épître aux Hébreux est un livre du Nouveau Testament rédigé en grec et intitulé « Πρὸς Ἑϐραίους » (Pros Hebraious). Cette lettre est censée s'adresser à des « Hébreux » mais l'identité de ces destinataires offre matière à discussion, si tant est qu'il s'agisse d'une véritable lettre. Là n'est pas son seul paradoxe.

Entré tardivement dans le canon néotestamentaire, ce texte suscite en effet de multiples interrogations en termes d'exégèse historico-critique. Dès sa publication, la question de son rédacteur a divisé les Pères de l'Église. La tradition chrétienne l'a longtemps attribué à l'apôtre Paul, mais les arguments de biblistes tels que Martin Luther et Ernest Renan ont donné lieu à de nouveaux débats. Depuis le Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, l'hypothèse paulinienne est unanimement abandonnée et les historiens considèrent aujourd'hui cet écrit comme l'œuvre d'un auteur anonyme.

De son titre latin Epistola ad Hebræos, conventionnellement abrégé en « He », l'épître a été rédigée dans le dernier tiers du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, entre les années 60 et les années 90. Elle se compose de 13 chapitres articulés selon une structure d'apparence linéaire mais qui obéit à un système de correspondances internes mis en évidence depuis les années 1960 par les travaux d'Albert Vanhoye. C'est l'analyse de ce schéma qui a fourni les clés de ce texte jusqu'alors réputé énigmatique, voire obscur, et permis d'en déchiffrer le message.

Ses thèmes principaux portent sur la dialectique des deux alliances, sur l'espérance du croyant et sur la personne de Jésus en tant que médiateur, Fils de Dieu, et, pour la première fois dans la littérature chrétienne, grand prêtre à l'image de Melchisédech. Autrement dit, l'Épître aux Hébreux constitue l'un des plus anciens traités de christologie mais aussi l'un des plus novateurs.

La question de l'auteur

Le débat sur la canonicité

Modèle:Détail Pendant des siècles, la canonicité de l'Épître aux Hébreux est restée indissociable de son attribution initiale à Paul de Tarse<ref name="HCAL82"/> alors que ce texte ne contient aucune allusion à l'Apôtre en tant qu'auteur<ref name=REB10176/> et qu'Origène, déjà, soulève des objections contre ce rapprochement<ref name="HCAL82"/>,<ref name="HCAL422"/>.

Antiquité et Moyen Âge

La plus ancienne version d'Hébreux se trouve dans le Papyrus 46, daté des environs de l'an 200 : le texte y est inséré dans le corpus paulinien, entre l'Épître aux Romains et la Première aux Corinthiens<ref name="HCAL422"/>. Il en va de même pour le Codex Vaticanus et le Codex Sinaiticus, tous deux du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle<ref>Barbara Aland, Kurt Aland, Novum Testamentum Graece, 27. Auflage, Stuttgart 2001, Modèle:ISBN, p. 686.</ref>. C'est à ce classement parmi les lettres de Paul, qui vaut attribution, que cet écrit doit sa présence dans le canon néotestamentaire<ref name="HCAL82"/>.

Fichier:P46.jpg
Le Papyrus 46 (Gregory-Aland) : ici, un passage de la Deuxième aux Corinthiens.

Pendant les premiers temps de l'Église, le christianisme oriental voit dans cette épître une œuvre de Paul tandis que l'Occident chrétien, qui la cite depuis Clément de Rome mais sans lui ajouter de nom d'auteur, l'écarte longtemps de son canon officiel<ref name=APEU/>. Par exemple, elle semble inconnue du canon de Marcion<ref name="EROC1/522">Ernest Renan, Saint Paul, in Histoire des origines du christianisme, Bouquins/Laffont, vol. 1, 1995 p. 522-525.</ref> et n'est pas mentionnée dans le Fragment de Muratori<ref name="JM23"/>. Quelques vicissitudes marquent ses débuts : son instrumentalisation par des mouvements dissidents alimente les soupçons quant à son authenticité, à telle enseigne qu'au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, selon le témoignage de Philastre de Brescia, elle n'est pas donnée en lecture dans les églises occidentales<ref name="TOB664">Albert Vanhoye et al., « Introduction à l'Épître aux Hébreux », Traduction œcuménique de la Bible, 1973, p. 664-667.</ref>. Pourtant, l'influence orientale gagne peu à peu du terrain et d'aucuns, en Occident, finissent par juger l'épître admissible, mais non sans réticence<ref name="TOB664"/>. Ainsi, Jérôme de Stridon note que les Romains doutent de son origine paulinienne<ref>De viris illustribus, 59.</ref> mais il s'appuie sur la tradition grecque pour la considérer comme partie intégrante des textes inspirés, avis auquel se range Augustin d'Hippone<ref name=APEU/>,<ref name="TOB664"/>. En 397, le synode de Carthage, qui fixe la liste des Écritures canoniques, dénombre 13 lettres de Paul et, en leur adjoignant Hébreux, tente de mettre fin à ces fluctuations<ref name="HCAL422"/>,<ref name="TOB664"/>. Le texte occidental du corpus paulinien garde néanmoins la trace d'hésitations ultérieures, entre le Codex Claromontanus qui relègue l'épître en annexe, le Codex Augiensis qui n'en donne qu'une traduction en latin et le Codex Boernerianus qui l'omet<ref name="EROC1/522"/>.

Du Moyen Âge au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle

L'attribution à Paul et la canonicité qui en découle s'imposent cependant au christianisme occidental, en particulier à Thomas d'Aquin<ref name="Tonon">François Tonon, « L'"Alliance nouvelle" dans l'épître aux Hébreux et son commentaire par Thomas d'Aquin », Revue des sciences religieuses, 82/2, 2008, p. 179-197.</ref>, jusqu'à la Réforme<ref name=FVDM351/>. À cette époque, elles sont battues en brèche par Luther<ref name="HCAL422"/>. Au départ, dans son commentaire d'Hébreux en date de 1517-1518, la même année que le manifeste de Wittenberg, Luther ne s'élève pas contre l'identification de l'auteur à l'Apôtre : bien au contraire, il récapitule les arguments qui vont dans ce sens<ref name="TOB664"/>. Mais il admet qu'Hébreux 2:3, où le rédacteur se définit comme un disciple de la deuxième génération, représente un obstacle de taille<ref name="TOB664"/>. Puis, en 1522, lorsqu'il publie sa traduction du Nouveau Testament, il estime que l'épître n'est due ni à Paul ni à un autre apôtre<ref name="TOB664"/>. Il la conserve néanmoins dans sa Bible mais en la décalant vers la fin, parmi les ἀντιλεγόμενα (antilegomena), aux côtés d'autres livres dont la canonicité lui semble peu probable, comme Jacques, Jude et l'Apocalypse<ref name="HCAL422"/>, et en rappelant les débats dont elle a fait l'objet. Calvin, pour sa part, ne remet pas en cause son apostolicité et va jusqu'à déceler la signature de Satan dans ces contestations, mais il ne la reconnaît pas non plus comme une œuvre de Paul<ref name="TOB664"/>.

La thèse de l'origine paulinienne connaît ensuite des fortunes diverses chez les biblistes protestants : ils la récusent puis la soutiennent au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle avant de la rejeter à nouveau, pendant que l'Église catholique refuse de se prononcer sur ce point lors du concile de Trente et laisse une certaine latitude d'interprétation aux commentateurs<ref name="TOB664"/>. En revanche, elle se montre plus explicite au cours de la crise moderniste, quand la Commission biblique pontificale, à la veille de la Première Guerre mondiale, interdit aux fidèles de nier la paternité paulinienne<ref name="TOB664"/>,<ref>De epistola ad Hebraeos, « De l'Épître aux Hébreux », 24 juin 1914. Acta Apostolicae Sedis 6 (1914) 417-418.</ref>. Il faut attendre l'année 1961 pour que le Saint-Siège renonce à cette directive.

Les hypothèses

Hébreux ne comporte pas de nom d'auteur<ref name=APEU/> et sa filiation littéraire demeure indéchiffrable<ref name="HCAL422"/>. Cette question non résolue a conduit l'historiographie ancienne à proposer des « candidats » à sa rédaction et à avancer des hypothèses dont aucune n'apparaît satisfaisante au regard de la critique contemporaine<ref name=FVDM351/>. Modèle:Cita, écrit Albert Vanhoye, Modèle:Cita<ref name=AVmsg6/>.

L'attribution à Paul

Modèle:Détail Clément d'Alexandrie voit dans Hébreux la traduction grecque, effectuée par l'évangéliste Luc<ref name=FVDM351/>, d'une lettre de Paul de Tarse destinée à des Hébreux et rédigée dans leur langue, l'Apôtre ayant choisi de rester en retrait afin de ne pas indisposer ses lecteurs juifs<ref name="HCAL422"/>. Pour sa part, Origène doute de cette théorie<ref name="HCAL82">Hans Conzelmann et Andreas Lindemann, Guide pour l'étude du Nouveau Testament, Labor et Fides], 1999, p. 82.</ref> et pense plutôt reconnaître l'œuvre d'un disciple de Paul<ref name=APEU/> :

Fichier:Sammlung Ludwig - Artefakt und Naturwunder-Cranach dJ-Apostel Paulus80120.jpg
Saint Paul écrivant ses épîtres, par Lucas Cranach le Jeune.

Modèle:Citation bloc

Il précise qu'aux yeux de certains Clément de Rome passe pour être au moins le traducteur de l'épître, si ce n'est son auteur, à moins qu'il ne s'agisse de Luc<ref name="TreccClem"/>,<ref>Simon Claude Mimouni et Pierre Maraval, Le Christianisme des origines à Constantin, éd. PUF/Nouvelle Clio, 2006, Modèle:P..</ref>.

Eusèbe de Césarée signale dans son Histoire ecclésiastique une proximité stylistique entre la Première épître de Clément et la lettre aux Hébreux, dont il attribue la paternité à Paul<ref name="TreccClem"/>. Pour lui, Clément de Rome serait le traducteur du texte paulinien vers le grec<ref name="TreccClem">Francesco Scorza Barcellona, « Clemente I, Santo », in Encyclopédie Treccani, 2000 Lire en ligne.</ref> :

Modèle:Citation bloc

De fait, le style littéraire et les thèmes d'Hébreux offrent peu de points communs avec le corpus paulinien<ref name=FVDM351/>. L'exégèse historico-critique moderne a dressé un inventaire des arguments en faveur et en défaveur de ce rapprochement. Il est indéniable que l'épître aborde plusieurs sujets présents chez l'Apôtre, tels que la médiation du Christ, son humiliation, son élévation au-dessus des anges et sa Passion<ref name=APEU/>. D'autres similitudes peuvent être recensées : la polémique contre la Loi juive, la gloire divine du Christ, son sacrifice ou même, dans les dernières lignes, une mention du disciple Timothée et une salutation finale de type paulinien<ref name="AVmsg6"/>. À cela il convient d'ajouter que, sur l'ensemble du Nouveau Testament, il existe 65 mots qui apparaissent uniquement chez l'Apôtre et dans Hébreux : Modèle:Cita, Modèle:Cita<ref name="AVmsg6"/>...

En sens inverse, les grandes problématiques pauliniennes sont absentes de cette épître, comme la théologie de la Crucifixion, la dialectique de la justice et de la liberté<ref name=FVDM351/> ou celle de la Loi et de la grâce<ref name="HCAL425"/>. De surcroît, à la différence de Paul, quand l'épître cite l'Ancien Testament, elle utilise le plus souvent la version des Septante<ref name=APEU/>. Surtout, elle s'organise autour de l'image du Christ en tant que grand prêtre d'Israël, concept étranger à la pensée de Paul<ref name=APEU/>.

Ces incompatibilités sont répertoriées par Albert Vanhoye, qui met en regard le mode d'expression de l'Apôtre et celui d'Hébreux<ref name="AVmsg6">Albert Vanhoye, Le Message de l'épître aux Hébreux, Cahiers Évangile n° 19, éditions du Cerf, 1977, rééd. 2016, p. 6-9.</ref>. Ainsi, au Modèle:Cita de Paul, s'oppose celui, Modèle:Cita, de l'épître ; à ses ruptures de ton, les Modèle:Cita de l'épître ; à son omniprésence, le retrait de l'auteur d'Hébreux derrière son propre texte ; à son Modèle:Cita, le fait que le rédacteur d'Hébreux ne se présente jamais comme un apôtre ; à la fréquence de ses expressions Modèle:Cita, Modèle:Cita, Modèle:Cita, l'absence de ces termes dans l'épître, qui parle simplement de « Jésus » ; à sa façon de citer l'Ancien Testament en employant le verbe Modèle:Cita et ses dérivés (Modèle:Cita, Modèle:Cita), l'usage exclusif du verbe Modèle:Cita dans l'épître<ref name="AVmsg6"/>.

La paternité paulinienne, contestée depuis le début du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle par l'ensemble des spécialistes, se voit désormais rejetée, et cet abandon est Modèle:Cita, note Samuel Bénétreau<ref name="SB19">Samuel Bénétreau, L'Épître aux Hébreux, vol. 1, Édifac, 1989, p. 19-23.</ref>.

Les théories alternatives

Modèle:Détail

Fichier:Barnabas.jpg
Saint Barnabé. Icône byzantine du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle.

D'autres Modèle:Cita ont été suggérés. On en a dénombré jusqu'à 13<ref name="JM23">Jean Massonnet, L'Épître aux Hébreux, Éditions du Cerf, 2016, p. 23-28.</ref>. Par exemple, Tertullien attribue la rédaction d'Hébreux à Barnabé<ref>Simon Claude Mimouni et Pierre Maraval, Le Christianisme des origines à Constantin, éd. PUF/Nouvelle Clio, 2006, Modèle:P..</ref>,<ref>De Pudicitia, 20.</ref>, hypothèse qui a recueilli de nombreux suffrages<ref name=AVmsg6/>. Ernest Renan, entre autres, la soutient dans son Histoire des origines du christianisme<ref name="EROC2/10">Ernest Renan, L'Antéchrist, in Histoire des origines du christianisme, Bouquins/Laffont, vol. 2, 1995 p. 10-11.</ref>. Barnabé, ce disciple de Paul qui lui paraît toujours un peu Modèle:Cita, représente à ses yeux la théorie Modèle:Cita parce que le fait semble reconnu de tous à l'époque de Tertullien et que rien, dans l'épître, ne vient s'y opposer<ref name="EROC2/10"/>. Ce dernier argument est pourtant démenti par l'attachement de Barnabé à la Loi juive tel que le décrit Paul dans le chapitre 2 de l'Épître aux Galates alors qu'Hébreux témoigne d'une attitude contraire chez son rédacteur (Modèle:Réf Bible, Modèle:Réf Bible et Modèle:Réf Bible)<ref name=FVDM351/>.

Parmi les noms avancés par les biblistes, on peut citer le diacre Philippe, Marie, l'évêque Aristion, Silas, Timothée ou encore Priscille, l'épouse d'Aquila<ref>Ruth Hoppin, Priscilla's Letter: Finding the Author of the Epistle to the Hebrews, Lost Coast Press, 2000.</ref> ; cette dernière thèse a été défendue par Adolf von Harnack en 1900<ref name=FVDM351/>. Harnack estime que la lettre est écrite au sein de la communauté romaine par une personne proche de Paul et de Timothée, définition susceptible de correspondre à Priscille<ref>Adolf von Harnack, « Probabilia uber die Adresse und den Verfasser des Habraerbriefes », Zeitschrift fur die Neutestamentliche Wissenschaft und die Kunde der aelteren Kirche, E. Preuschen, Berlin, Forschungen und Fortschritte, 1900, 1:16-41.</ref>.

Fichier:Епафродит, Сосфен, Аполлос, Кифа и Кесарь.jpg
Apollos au centre de quatre autres disciples du groupe des soixante-dix : Épaphrodite, Sosthène de Corinthe, Céphas d'Iconium et César de Dyrrachium. Miniature du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle.

Luther a été le premier à proposer Apollos comme rédacteur de l'épître<ref name=FVDM351/>, théorie reprise jusqu'au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle par plusieurs exégètes protestants, ou catholiques comme le théologien dominicain Ceslas Spicq<ref name="TOB664"/>,<ref>Ceslas Spicq, op L'Épître aux Hébreux, 2 tomes, Gabalda, 1952 et 1953.</ref>. Leur principal argument tient au portrait d'Apollos que dessinent la Première aux Corinthiens et les Actes (18:24-28) : celui d'un érudit juif de l'école alexandrine, rompu à la rhétorique, connu pour son éloquence et dont la foi chrétienne doit beaucoup à la théologie paulinienne<ref name=HCAL422/>,<ref name=AVmsg6/>. Toutefois, si cette image est à même d'évoquer l'auteur d'Hébreux, les points de convergence ne s'avèrent pas suffisants<ref name=FVDM351/>, car Modèle:Cita, remarque Albert Vanhoye avant de conclure qu'il vaut mieux Modèle:Cita<ref name=AVmsg6/>.

L'auteur inconnu

Le texte ne livre que peu d'informations sur son rédacteur, dont l'autoportrait se limite à quelques éléments : il s'agit d'un homme (comme le prouve le participe au masculin διηγούμενον, diêgoumenon, 11:32) qui est d'origine païenne ou juive et appartient à la deuxième génération chrétienne (Modèle:Cita, 2:3)<ref name=FVDM351/>. Versé dans le midrash et l'herméneutique allégorique de la Bible propres au judaïsme hellénistique, il porte l'empreinte des traditions stoïciennes et néoplatoniciennes<ref name=FVDM351/>. Il apparaît avant tout comme un Modèle:Cita, écrit Samuel Bénétreau, qui se dit Modèle:Cita<ref name="SB19"/>.

Peut-être a-t-il vécu à Alexandrie, mais cela ne signifie pas pour autant qu'il y ait composé l'épître, y compris dans l'hypothèse où il se serait agi d'Apollos car on sait que celui-ci a effectué plusieurs voyages<ref name=FVDM351/>. Les influences théologiques et stylistiques qui transparaissent dans son œuvre le rattachent à l'école de Philon d'Alexandrie aussi bien qu'aux auteurs des manuscrits de la mer Morte et aux milieux gnostiques d'Égypte<ref name=FVDM351/>.

La richesse d'écriture d'Hébreux et la qualité de sa langue grecque correspondent bien à ce climat d'érudition alexandrine, ce qui a pu laisser supposer que l'évangéliste Luc, reconnu comme écrivain de talent, en était l'auteur<ref name="HCAL422"/>. Le vocabulaire est particulier, car il comprend 168 hapax néotestamentaires<ref name=APEU/>, et les statistiques démontrent que, sur un total de 4950 mots, sont déployés 1038 termes différents ; à titre de comparaison, l'Évangile selon Jean, texte trois fois plus long, n'en utilise que 1011<ref name="HCAL422"/>.

Faute d'indices supplémentaires, l'épître semble avoir été Modèle:Cita, notent Hans Conzelmann et Andreas Lindemann, qui souscrivent à ce constat de Luther : l'auteur Modèle:Cita<ref name=HCAL422/>.

La rédaction

Date et lieu de composition

Modèle:Article connexe

Datation haute et datation basse

L'épître ne provient pas du cercle apostolique, fût-ce au sens large, d'abord parce que l'auteur se présente comme issu de la deuxième génération de chrétiens<ref name=APEU/> et ensuite parce que ses destinataires sont eux-mêmes convertis à la nouvelle religion depuis plusieurs années (2:3, 5:12, 10:32)<ref name=FVDM351>François Vouga, « L'Épître aux Hébreux », p. 351-357, in Daniel Marguerat (dir.), Introduction au Nouveau Testament : Son histoire, son écriture, sa théologie, Labor et Fides, 2008.</ref>.

Fichier:Arch of Titus Menorah.png
Les soldats romains emportent la menorah du Temple après la destruction de Jérusalem en 70 (bas-relief de l'arc de Titus).

François Vouga suggère une datation comprise entre les années 60, époque où disparaît la première génération, et les années 80-90. La première référence à Hébreux se trouve probablement dans la Lettre aux Corinthiens de Clément de Rome, datée de 95-97<ref name=FVDM351/>,<ref name="MM231">Simon Claude Mimouni et Pierre Maraval, chapitre VI, « Un "chrétien" d'origine judéenne : Clément de Rome », in Le Christianisme des origines à Constantin, PUF/Nouvelle Clio, 2006, p. 231-236.</ref>. L'épître clémentine ne cite pas exactement Hébreux mais en fournit plutôt, en 1 Clem 36:2-5, une Modèle:Cita qui permet en tout état de cause de situer le terminus ad quem, autrement dit la date butoir, de sa composition dans la dernière décennie du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle<ref name=FVDM351/>.

Divers spécialistes ont émis l'idée que la parenté de ces deux écrits pouvait se justifier par un emprunt à une tradition commune mais cette explication demeure très minoritaire car l'analyse textuelle tend à démontrer une Modèle:Cita de 1 Clem par rapport à Hébreux<ref name="JM23"/>. Cette particularité confirme pour Hans Conzelmann et Andreas Lindemann une datation basse, entre les années 80 et le milieu des années 90, déjà sous-entendue par le fait que l'époque des apôtres semble révolue depuis quelque temps (13:7)<ref name="HCAL425">Hans Conzelmann et Andreas Lindemann, Guide pour l'étude du Nouveau Testament, Labor et Fides, 1999, p. 425-428.</ref>.

Selon André Paul, le terminus a quo se situe plus haut : la rédaction oscille Modèle:Cita Pour des raisons analogues, Albert Vanhoye propose une Modèle:Cita<ref name=AVmsg6/>. De même, Samuel Bénétreau estime difficile de remonter au-delà des années 60 et opte pour une période située Modèle:Cita, soit vers 64-65<ref name="SB19"/>. À cette datation haute, fondée sur la description du Temple, Conzelmann et Lindemann objectent que le rédacteur ne met pas en scène une réalité concrète (9:1-10) mais s'appuie plutôt sur des Modèle:Cita<ref name="HCAL425"/>. Les verbes qui ont trait au culte sont certes conjugués au présent, on en relève même jusqu'à 18 occurrences, mais cette insistance ne constitue pas aux yeux de Jean Massonnet une Modèle:Cita que l'épître soit antérieure à la Modèle:Cita de l'année 70<ref name="JM29">Jean Massonnet, L’Épître aux Hébreux, Éditions du Cerf, 2016, p. 29-32.</ref>.

Le post-scriptum

Le treizième et dernier chapitre s'achève par une double bénédiction :

Fichier:Saint Timothy.jpg
Timothée. Icône byzantine.

Modèle:Citation bloc

La mention contenue dans la seconde bénédiction (Modèle:Cita, 13:24) incite en principe à localiser l'auteur en Italie, voire plus précisément dans la communauté chrétienne de Rome, et cependant plusieurs exégètes observent qu'il pourrait s'agir de n'importe quelle communauté établie en Italie ou même d'un « cercle italien » présent à l'intérieur d'un groupe de chrétiens vivant en un lieu indéterminé, d'autant que ce détail peut provenir d'une interpolation tardive<ref name=FVDM351/>,<ref name="HCAL425"/>.

Le dédoublement de la bénédiction finale, en 13:20-21 et 13:22-25, laisse en effet supposer l'intervention d'un « éditeur » indépendant de l'auteur qui ajouterait une sorte de post-scriptum. Cette thèse se trouve confortée par le style même de 13:22-25, dont la teneur et la tonalité, avec l'allusion à Timothée, évoquent fortement le corpus paulinien, comme si l'auteur ou l'éditeur avait voulu rattacher Hébreux aux écrits de l'Apôtre, créant ainsi une Modèle:Cita destinée à faciliter l'évangélisation de ses interlocuteurs, sans pour autant fournir d'indice quant au lieu de composition<ref name=FVDM351/>. Mais dans l'hypothèse d'une datation haute, vers les années 60, ces dernières lignes pourraient aussi bien être de la main de Paul<ref name=AVmsg6/>, ou encore, quelle que soit la date, une sorte de post-scriptum de l'auteur, quelle que soit son identité<ref name="HCAL422"/>.

Les destinataires

Aux Hébreux

La mention « Aux Hébreux » (« Πρὸς Ἑϐραίους », Pros Hebraious) ne figure pas dans le texte d'origine : il s'agit d'un titre ajouté tardivement et attesté à Alexandrie au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle<ref name=REB10176>Raymond E. Brown, 101 questions sur la Bible et leurs réponses, Lexio/Cerf, 1993 Modèle:ISBN, p. 76-77.</ref>,<ref name="PMV"/>, sans véritable justification à l'intérieur de l'œuvre<ref name="AVmsg6"/>. Si destinataires il y a, il se peut que ces derniers soient des fidèles appartenant aux milieux proches du Temple<ref name="FB400"/> ou encore des judéo-chrétiens vivant à Jérusalem, mais aussi dans n'importe quelle autre ville de l'Empire romain<ref name="PMV"/>. En tout état de cause, ils ne sont jamais nommés, jamais désignés comme juifs ou Israélites, et aucune allusion n'est faite à la circoncision<ref name="AVmsg6"/>.

D'autre part, l'épître a beau citer l'Ancien Testament à de multiples reprises, elle ne traite pas directement des relations entre juifs et chrétiens ou entre juifs et païens comme la logique l'eût commandé ; la comparaison entre les deux Alliances, l'ancienne et la nouvelle, n'y est abordée que d'une manière théorique, ce qui amène Hans Conzelmann et Andreas Lindemann à douter que l'auteur s'adresse à des Juifs ou à des judéo-chrétiens<ref name="HCAL422"/>. Ils voient plutôt ces destinataires comme des « pagano-chrétiens » (6:1), ou simplement des chrétiens<ref name="HCAL422"/>, comme en témoignent He 3:14 et 5:12<ref name="AVmsg6"/>. Dans cette hypothèse, Hébreux s'adresse à l'Église tout entière et, faute de destinataires définis, devrait donc trouver sa place parmi les Épîtres catholiques au sens propre, c'est-à-dire à portée universelle<ref name="HCAL422"/>.

Le seul élément indiscutable est que ces destinataires apparaissent Modèle:Cita, conclut Jean Massonnet<ref name="JM23"/>.

Un peuple dans le désert

Fichier:Plaque du sarcophage de Livia Primitiva.jpg
L'ancre, symbole fréquent dans l'art paléochrétien, est ici associée aux thèmes du Bon Pasteur et de l'ichtus. Sarcophage de Livia Primitiva, musée du Louvre.

L'indication « Aux Hébreux » ajoutée au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle pourrait alors prendre une signification plus générale, plus symbolique, et renvoyer au Livre de l'Exode et au thème biblique du peuple en marche vers la Terre promise<ref name="CCG">Corina Combet-Galland, « Pour lire l'épître aux Hébreux », sur pomeyrol.com.</ref>. Pour Corina Combet-Galland, la lettre ne viserait pas à évoquer le passé du peuple juif, mais à affirmer que, par la crucifixion et la résurrection de Jésus, la Pâque a été accomplie pour toujours<ref name="CCG"/>. L'épître donnerait des raisons de rester ferme dans la foi parmi les tourments de la traversée du désert (10, 32-39 ; 13, 3) en employant des images Modèle:Cita<ref name="CCG"/>.

De fait, la communauté réceptrice d'Hébreux semble en proie à une crise qui la mène au découragement (12:12-17)<ref name="HCAL422"/>, sans doute en raison de difficultés à venir et de dissensions doctrinales<ref name="TOB664"/>. Mais court-elle pour autant le danger d'une apostasie ou de l'adhésion à des idées trompeuses<ref name="HCAL422"/> ? Mérite-t-elle une mise en garde qui lui dénie la possibilité d'une seconde pénitence (6:1-8)<ref name="HCAL422"/> ? L'insistance du rédacteur sur la nécessité de l'endurance dans la foi autorise à le penser, mais sans certitude, de sorte que l'énigme des destinataires de l'épître demeure, comme celle de son auteur, insoluble<ref name="HCAL422"/>.

Le contenu

Genre littéraire

Les normes épistolaires

Les genres littéraires du Nouveau Testament se répartissent en quatre catégories soumises à des critères stricts : l'évangile, la lettre, la monographie historique et l'apocalypse<ref name="HCAL72">Hans Conzelmann et Andreas Lindemann, Guide pour l'étude du Nouveau Testament, Labor et Fides, 1999, p. 72-78.</ref>. La deuxième catégorie, celle de la lettre, se caractérise dans l'Antiquité par son introduction et sa conclusion : au début se trouvent le nom de l'expéditeur, puis celui du destinataire et la formule de salutation, après quoi le corps de la lettre, d'une longueur variable, comprend en général deux parties, ce qui est le cas des épîtres pauliniennes et de la quasi-totalité de la littérature épistolaire du christianisme primitif<ref name="HCAL72"/>. La conclusion est formée par de nouvelles salutations, suivies d'une bénédiction<ref name="HCAL72"/>.

Une homélie

Modèle:Détail L'étrangeté d'Hébreux vient du fait que, malgré le tour épistolaire de ses derniers versets, le texte ne commence pas à la manière d'une lettre, par un préambule et une adresse à des destinataires : il ne s'agit pas d'une épître mais bien plutôt d'une homélie qui emploie la deuxième personne du pluriel pour parler à son public<ref name="HCAL422"/>. « Du début (1:1) jusqu'à la fin (13:20-21), elle appartient au genre de la prédication », constate Albert Vanhoye en ajoutant qu'il s'agit même du « seul exemple que nous ayons, dans le Nouveau Testament, d'un texte de sermon intégralement conservé », les autres étant des fragments insérés dans des lettres ou des narrations<ref name="AVmsg6"/>.

Le sermon est manifeste dès les premières lignes (1:1-4), qui forment un exorde<ref name="TOB664"/> :

Modèle:Citation bloc

Fichier:Papyrus13.jpg
Fragment de l'Épître aux Hébreux, Papyrus 13, Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, British Library.

Cet exorde typique de la tradition homilétique, Modèle:Cita, écrit Jean Massonnet<ref name="JM56">Jean Massonnet, L'Épître aux Hébreux, Éditions du Cerf, 2016, p. 56.</ref>. Ses quatre versets tiennent en Modèle:Cita, poursuit-il, rejoignant en cela l'opinion d'Erich Grässer, de Harold W. Attridge et d'Albert Vanhoye<ref name="JM56"/>.

L'auteur n'a de cesse de rappeler qu'il « parle » (2:5, 5:11, 6:9, 8:1, 9:5, 11:32)<ref name="TOB664"/> et l'œuvre se définit elle-même comme un « discours » (13:22-25), même si son niveau stylistique interdit de la réduire à un recueil de notes de prédication<ref name="HCAL422"/>. Ce Modèle:Cita est chaleureux, il Modèle:Cita, et, dans la lignée d'Aristote et de Cicéron, il puise aux mêmes sources que les orateurs antiques pour captiver ses destinataires, qui sont moins des lecteurs que des auditeurs<ref name="JM32">Jean Massonnet, L'Épître aux Hébreux, Éditions du Cerf, 2016, p. 32-35.</ref>. Pour soutenir l'attention, il a recours aux subtilités de la rhétorique comme Modèle:Cita, mais il joue aussi sur toute une gamme des figures de style : la répétition, l'allitération, l'assonance, l'asyndète, la polysyndète, l'antithèse, l'antonomase, l'anaphore, la métaphore<ref name="JM32"/>...

Enfin, dans les dernières lignes, le billet d'envoi est précédé en 13:20-21 par une phrase qui constitue une péroraison, là encore classique dans l'art oratoire<ref name="TOB664"/>. Il se peut donc que le sermon ait été prononcé devant une ou plusieurs communautés puis adressé à d'autres chrétiens avec un mot d'accompagnement, ce qui expliquerait la présence du post-scriptum<ref name="TOB664"/>.

Albert Vanhoye résume le triple paradoxe de l'épître en observant que cette œuvre longtemps intitulée traditionnellement « Lettre de Paul aux Hébreux » possède trois caractéristiques : ce n'est pas une lettre, Paul ne l'a pas écrite et elle n'est pas destinée à des Hébreux<ref name="AVmsg6"/>. Christian Grappe, quant à lui, voit dans le terme d'« épître » un « titre trompeur pour un sermon soigneusement construit », sermon fidèle aux lois de la rhétorique<ref name="Grap1004"/> et dont l'auteur est avant tout, selon la formule de François Vouga, « un exégète et un prédicateur »<ref name=FVDM357/>.

Résumé de la prédication

Le Fils intronisé

La Parole de Dieu, qui a retenti à de multiples reprises, est aujourd'hui définitive : c'est en son Fils qu'il s'exprime désormais, et non plus par les prophètes (1:1-4)<ref name="Grap1004"/>. Ce Fils, intronisé à la droite du Père et supérieur à toute créature (1:5-14), a rejoint l'humanité en ces temps, et les hommes sont invités à reconnaître en lui le grand prêtre qui les purifiera de leurs péchés et par qui leur sera accordée la rédemption (2:1-18)<ref name="Grap1004"/>.

Modèle:Citation bloc

Le Fils accrédité

Fichier:John in Korovniki church - prophet 04 Aaron (c. 1654, Yaroslavl).jpg
Le grand prêtre Aaron. Icône russe, v. 1654, Iaroslavl.
Fichier:Moses Dura Europos.jpg
Moïse et le Buisson ardent, fresque de la synagogue de Doura-Europos, Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle.

Le sacerdoce du Fils ayant été affirmé, deux traits spécifiques du Christ sont énoncés : il est en même temps « accrédité auprès de Dieu » (3:1-6) et « solidaire des hommes » (4:15-5:10), comparable en cela à Moïse (3:2) et à Aaron (5:4), auxquels il est supérieur<ref name="TOB667"/>. Lui qui a souffert, il offre le salut éternel à ceux qui lui obéissent car il est grand prêtre à jamais « dans l'ordre de Melchisédech » (5:1-10)<ref name="Grap1004"/>.

La Parole sur Jésus peut sembler malaisée pour ceux qui sont devenus lents à comprendre mais elle relève d'une foi adulte : elle fait l'objet d'un serment irrévocable de Dieu (5:11-6:20)<ref name="Grap1004"/>. Elle porte sur le sacerdoce du Fils (7:1-28) et sur la liturgie qu'il a effectuée au sein du sanctuaire et de la tente véritables : son sacrifice, différent des rites anciens, lui a donné accès au Trône de Dieu en faisant de lui le médiateur d'une nouvelle alliance<ref name="Grap1004"/>,<ref name="TOB667"/>. Ainsi il conduira les fidèles à l'accomplissement, en leur obtenant le pardon une fois pour toutes (8:1-10:18)<ref name="TOB667"/>.

Cette certitude d'accéder au sanctuaire par le sang de Jésus (10:19) doit inciter les croyants à montrer de l'endurance sur le chemin de la foi (11:1-40), vers la Jérusalem céleste (12:22-24)<ref name="Grap1004"/>. Les fidèles doivent demeurer fermes dans les épreuves, qui peuvent être un signe de communion avec le Christ (12:1-13), et responsables vis-à-vis de Dieu (12:24-29) et de leur prochain (13:1-19)<ref name="Grap1004"/>.

La structure

Comme la quasi-totalité des textes bibliques, Hébreux ne comporte pas de division<ref name="RMAR">Roland Meynet, sj, « L'analyse rhétorique, une nouvelle méthode pour comprendre la Bible », 2008 Modèle:Pdf.</ref>. Le mode d'enchaînement de ses 13 chapitres pose plusieurs questions, ce qui explique que l'analyse du plan d'ensemble diffère selon les exégètes<ref name="HCAL422">Hans Conzelmann et Andreas Lindemann, Guide pour l'étude du Nouveau Testament, Labor et Fides], 1999, p. 422-425.</ref>, difficulté encore accrue par la constante alternance de passages didactiques et parénétiques<ref name="Grap1004"/>.

Cette analyse se partage entre deux grands courants parmi les exégètes, selon qu'ils discernent dans cette épître principalement un schéma linéaire, hérité du monde gréco-latin, ou un schéma concentrique, hérité du monde sémitique<ref name="JM32"/>. Ces deux modèles ne sont pas exclusifs l'un de l'autre<ref name="Ellingw">Paul Ellingworth « Reading through Hebrews 1–7, Listening especially for the theme of Jesus as high priest », Epworth Review 12.1 (Jan. 1985), p. 80–88.</ref>.

Le schéma linéaire

Suivant les lois de la rhétorique classique, les thèmes principaux d'un discours se placent au début et à la fin, dans une progression linéaire<ref name="JM32"/>. Le contenu suit un tracé horizontal Modèle:Cita, écrit Jean Massonnet : ici, Modèle:Cita, réaffirmée en 12:22-24<ref name="JM32"/>.

Plan binaire

Pierre de Martin de Viviés propose une composition binaire : après le prologue (1:1-1:4), une première partie dogmatique (1:5-10:18) ; puis une seconde partie, d'ordre parénétique (10:19-13:19), suivie de la bénédiction finale dédoublée (13:20-25)<ref name="PMV">Pierre de Martin de Viviés, « Épître aux Hébreux », sur introbible, 2013.</ref>. François Vouga envisage une répartition identique et en donne le détail : après le prologue (1:1-1:4), une première section sur « le Fils de Dieu abaissé et élevé » (1:5-2:18) ; une deuxième, sur le grand prêtre (3:1-5:10) ; une troisième, sur l'« enseignement parfait » (5:11-10:18) ; une quatrième, sur les « conséquences parénétiques » (10:19-12:13) ; une cinquième, comprenant les exhortations finales (12:14-13:19) avant la double bénédiction (13:20-25)<ref name="FVDM351"/>.

Christian Grappe adopte le schéma binaire en discernant quatre grands thèmes successifs, chaque fois en lien avec l'idée de la parole et de l'écoute : la parole de Dieu en son Fils (1:1-2:18) ; l'écoute de la voix de Dieu en son Fils, le grand prêtre (3:1-5:10) ; les difficultés et les grandeurs de cette parole divine (5:11-10:18) ; l'appel à l'endurance et à la responsabilité des croyants (10:19-13:21), puis la bénédiction finale et l'envoi (13:20-25)<ref name="Grap1004">Christian Grappe, « L'Épître aux Hébreux », in Camille Focant et Daniel Marguerat (dir.), Le Nouveau Testament commenté, Bayard/Labor et Fides, 2012, p. 1004-1006.</ref>.

Plan ternaire

Fichier:Omonville-la-Petite Eglise Saint-Martin Graduel 2010 08 30.jpg
Graduel ouvert sur la page d'Hébreux 4:15, église d'Omonville-la-Petite.

Hans Conzelmann et Andreas Lindemann suggèrent trois parties principales : la première (1:1-4:13), consacrée à la supériorité de la révélation chrétienne ; la deuxième (4:14-10:18), à Jésus-Christ comme archétype du grand prêtre selon l'ordre de Melchisédech ; la troisième (10:19-13:22), à la parénèse, suivie par la conclusion (13:23-25)<ref name="HCAL422"/>. D'autres plans ternaires restent possibles, par exemple celui d'Erich Gräßer, qui distingue une première partie (1:1-6:20) sur le Modèle:Citation ; une deuxième (7:1-10:18) sur le Fils en tant que grand prêtre ; et une troisième (10:19-13:22) sur le Modèle:Citation<ref name="HCAL422"/>.

Autres plans

Parmi les autres hypothèses<ref group="n">Le théologien franciscain Louis Dussaut (1919-2010), ofm cap, envisage un plan septénaire sur lequel la majorité des spécialistes émettent des réserves. On pourra se reporter notamment à Synopse structurelle de l'Épître aux Hébreux, recension par Camille Focant sur persee.fr ; Samuel Bénétreau, L'Épître aux Hébreux, 2 vol., Édifac, 1989 et 1990, passim ; Jean Massonnet, L’Épître aux Hébreux, Éditions du Cerf, 2016, p. 34-36.</ref>, le plan en cinq parties suggéré par Albert Vanhoye remporte les suffrages d'un nombre important de biblistes, dont Paul Ellingworth, William L. Lane, Harold W. Attridge et Jean Massonnet<ref name="JM32"/>. Il se fonde sur l'idée qu'Hébreux obéit à un schéma concentrique.

Le schéma concentrique

Modèle:Détail

La symétrie

Les thèmes se répondent entre eux, par exemple 4:4-16 et 10:19-23<ref name="Grap1004"/>, selon un système de correspondances internes et d'emboîtements mis au jour par différents travaux, en particulier ceux de Léon Vaganay, Modèle:Cita en la matière dans les années 1930, puis par ceux d'Albert Vanhoye qui, à partir des années 1960, a affiné et élargi cette étude en la faisant porter sur l'épître tout entière<ref name="JM32"/>,<ref name=FVDM357>François Vouga, « L'Épître aux Hébreux », p. 357-363, in Daniel Marguerat (dir.), Introduction au Nouveau Testament : Son histoire, son écriture, sa théologie, Labor et Fides, 2008.</ref>,<ref>Albert Vanhoye, La Structure littéraire de l'épître aux Hébreux, Desclée de Brouwer, Tournai, 1963, rééd. 1976.</ref>.

La méthode ici employée est l'analyse rhétorique, ou structurelle, qui appréhende les Écritures en s'efforçant de déterminer leur mode de composition<ref name="RMAR"/>. À la différence de l'exégèse historico-critique qui procède par petites unités textuelles, notamment dans son examen des « formes », l'analyse rhétorique part du principe que les rédacteurs bibliques ont organisé leur matériel de façon globale, afin d'obtenir une architecture cohérente, au prix d'une élaboration rigoureuse et complexe<ref name="RMAR"/>. Elle estime également que les textes du Nouveau Testament n'obéissent pas aux lois de l'éloquence gréco-latine, mais bien plutôt à celles de la rhétorique sémitique, dont ils sont les héritiers<ref name="RMAR"/>,<ref group="n">Cette structure est dite « sémitique » et non pas seulement « biblique » parce qu'on la rencontre aussi bien dans le Coran, comme en témoignent notamment les récents travaux de Michel Cuypers.</ref>. Il est rare que cette méthode soit appliquée à un livre entier, et les recherches d'Albert Vanhoye sur l'Épître aux Hébreux, prise dans sa totalité, font figure d'exception<ref name="JM32"/>,<ref name="RMAR"/>.

L'analyse rhétorique distingue trois types de construction symétrique : la structure en chiasme, la structure spéculaire et la structure concentrique<ref name="RMLB">Roland Meynet, Lire la Bible, Champs/Flammarion, 1996, p. 121 sq.</ref>. La première comprend quatre éléments qui s'entrecroisent (A B B' A'), la deuxième englobe plus de quatre éléments (A B C C' B' A'), et enfin la troisième, dont le nombre d'éléments est impair (A B C B' A'), contient un centre qui forme le point de focalisation du texte et, surtout, renferme l'essentiel de sa signification<ref name="RMLB"/>. Cette dernière structure, le modèle concentrique, revient fréquemment dans la Bible et représente selon Roland Meynet l'une des caractéristiques majeures de la littérature sémitique<ref name="RMLB"/>.

Le décryptage

L'Épître aux Hébreux obéit au schéma concentrique en A B C B' A', car une trame se dessine nettement : entre l'exorde et la péroraison, cinq parties se détachent<ref name="TOB667"/>. Cette structure est confirmée par l'examen des cinq parties les unes par rapport aux autres, en termes de longueur, de disposition et de structure interne<ref name="AVmsg19"/>.

Selon le principe de la rhétorique sémitique, le contenu déploie peu à peu ses potentialités jusqu'à la dernière ligne, mais c'est le passage central qui exprime l'essentiel de sa signification, et non pas la fin comme dans le schéma linéaire<ref name="JM32"/>. Or les segments textuels se répondent de part et d'autre de la troisième partie, qui forme le cœur de l'épître et, partant, la substance même de son message<ref name="AVmsg19"/>. Cette troisième partie expose le sacerdoce du Christ, « grand prêtre d'un genre nouveau », qui s'offre lui-même en sacrifice et donne l'accès au sanctuaire véritable ; par lui est accordé le pardon des péchés, ce qui rend caduques l'ancienne Loi et l'ancienne alliance<ref name="JM32"/>,<ref name="TOB667"/>. Tel est le thème qui constitue le centre de l'épître et le cœur de sa doctrine<ref name="TOB667"/>.

La grille de lecture fait apparaître des techniques particulières, telles que des inclusions ou des parallélismes<ref name="TOB667">Albert Vanhoye et al., « Introduction à l'Épître aux Hébreux », Traduction œcuménique de la Bible, 1973, p. 667-671.</ref>. Chacune des cinq parties est introduite par un verset qui la précède de peu<ref name="TOB667"/>. Ces cinq amorces se trouvent respectivement en 1:4, 2:17-18, 5:9-10, 10:36-39 et 12:13<ref name="AVmsg19">Albert Vanhoye, Le Message de l'épître aux Hébreux, Cahiers Évangile n° 19, éditions du Cerf, 1977, rééd. 2016, p. 19-34.</ref>. Enfin, un système de « mots-crochets », c'est-à-dire de mots présents au terme d'une section et répétés au début de la section suivante, sert à relier l'ensemble<ref name="JM32"/>.

Tableau du schéma concentrique

La structure définie par Albert Vanhoye<ref name="TOB667"/>,<ref name="AVmsg19"/> peut être résumée par le tableau suivant :

Unité textuelle Type Nombre
de sections
Nombre
de versets
Thème
Exorde

(1:1-4)

- 4
Modèle:1re partie

(1:5-2:18)

A 1 28 Place de Jésus-Christ par rapport à Dieu et aux hommes ; affirmation du sacerdoce du Christ, plus grand que les anges.
Modèle:2e partie

(3:1-5:10)

B 2 45

(33+12)

Grand prêtre digne de foi et miséricordieux : accomplissement du sacerdoce en la personne du Christ et parénèse sur la fidélité du croyant.
Modèle:3e partie

(5:11-10:39)

C 3 132 (24+87+21) Valeur sans égale du sacerdoce et du sacrifice du Christ, qui réalise la nouvelle alliance et donne le pardon.
Modèle:4e partie

(11:1-12:13)

B' 2 53 Nécessité de la foi et de l'endurance chez ceux à qui le Christ a ouvert la voie.
Modèle:5e partie

(12:14-13:19)

A' 1 34 Des pistes droites : condition chrétienne et exhortation à s'engager sur le chemin de la sainteté.
Conclusion, doxologie et mot d'envoi (13:20-25) - 6

L'axe central

Fichier:11th century unknown painters - Majestas Domini and Heavenly Jerusalem - WGA19716.jpg
Christ en majesté dans la Jérusalem céleste, fresque du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, église Saint-Theudère de Saint-Chef.

La plupart des spécialistes s'accordent à distinguer deux composantes majeures dans l'Épître aux Hébreux : d'une part le centre de ses cercles concentriques, qui se situe très précisément en 9:11 avec le mot « Christ », comme l'a démontré Albert Vanhoye<ref name="Ellingw" />,<ref>Albert Vanhoye, La Structure littéraire de l'épître aux Hébreux, Desclée de Brouwer, Tournai, 1976, p. 257.</ref>, et d'autre part son apogée, avec la longue péricope de 12:18-24<ref name="Ellingw" />. Paul Ellingworth synthétise ces deux éléments en expliquant que le premier correspond à l'aspect structurel, et le second à l'aspect dialectique, avec sa reprise des thèmes vétérotestamentaires qui marque le point de jonction des deux alliances, l'ancienne et la nouvelle<ref name="Ellingw" />. La vision christologique de l'auteur parvient alors à abolir toute frontière entre le monde terrestre et le monde céleste, non seulement pour les auditeurs de l'homélie mais également pour chaque communauté de foi qui en recevra le message<ref name="Ellingw" /> :

Modèle:Citation bloc

Ces deux passages de l'épître se rejoignent pour former le cœur de sa théologie.

La théologie

Par sa mort et sa résurrection, le Christ fonde une nouvelle alliance qui est elle-même le modèle céleste sur lequel s'était édifiée la première alliance ; celle-ci apparaît alors comme sa préfiguration<ref name=PMV/>. La supériorité de cette nouvelle alliance est prouvée par la royauté du Christ, par son sacerdoce divin et par la valeur universelle de son sacrifice<ref name=Trecc>« Ebrei, Lettera agli », Encyclopédie Treccani.</ref>.

La typologie

Modèle:Article connexe Hébreux est le seul texte du Nouveau Testament à présenter des passages exégétiques analogues à ceux de l'herméneutique juive ; He 3:7-4:10 est un midrash du Psaume 95 (7-11), qui vient d'être cité, et Modèle:Réf Bible un midrash du Psaume 110 (4) et du Livre de la Genèse (Modèle:Réf Bible)<ref name="HCAL425"/> :

Fichier:Abraham Melchizedek Nouailher Louvre OA11017.jpg
La Rencontre d'Abraham et de Melchisédech, attr. à Colin Nouailher (v. 1560), musée du Louvre.

Modèle:Citation bloc

Marqué par le judaïsme hellénistique, l'auteur en utilise les méthodes d'analyse, ce qui le rapproche de Philon d'Alexandrie<ref name="HCAL425"/>. Au demeurant, tous deux possèdent plus d'un trait commun, par exemple leur vision de Melchisédech comme « roi de justice » et leur lecture typologique des textes<ref name="HCAL425"/>. Plus nettement grecque est l'influence des écoles de philosophie hellénistiques, dont celle des néoplatoniciens et des stoïciens, qui se retrouvent dans l'idée que le monde sensible n'est que la copie ou le reflet imparfaits et passagers (8:5, 9:9, 9:24, 10:1) de la réalité céleste (8:5)<ref name="FVDM357"/>. L'épître se différencie toutefois des concepts grecs en ce sens que sa typologie est de nature sotériologique et que la tension entre les deux alliances, l'ancienne et la nouvelle, procède d'une histoire du salut dont l'idée même est étrangère à la pensée hellénistique<ref name="HCAL425"/>.

L'idéalisme inhérent à l'épître amène l'auteur à privilégier une allégorèse des Écritures, car pour lui Modèle:Cita, remarque François Vouga. Plus encore, le monde terrestre étant provisoire, contingent (8:13), tandis que la réalité divine est éternelle, l'ordre chronologique se voit inversé : le Temple édifié par les hommes n'est que la représentation de son modèle céleste, et la typologie des deux alliances développée en 8:1-10:18 obéit à un retournement identique<ref name="HCAL425"/> : l'ancienne n'est que l'ombre de la nouvelle, qui la précède, non dans le temps, mais dans l'éternité<ref name="FVDM357"/>.

Selon une logique similaire, la relation entre le sacerdoce du grand prêtre et celui du Christ repose sur le même principe de la préfiguration, sur le même contraste entre l'image et l'objet, sur la même dialectique de la promesse et de l'accomplissement<ref name="HCAL425"/>.

La christologie du grand prêtre

Modèle:Détail Le personnage vétérotestamentaire de Melchisédech, cité dans le Livre de la Genèse et dans le Psaume 110, préfigure le Christ dans la théologie propre à Hébreux<ref name=PMV/>. Cette épître est le Modèle:Cita, comme le soulignent Christian Grappe<ref name=Grap1004/> et Oscar Cullmann, qui ajoute qu'il s'agit de « la seule christologie complète axée sur le grand prêtre »<ref name="FB400">François Blanchetière, Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien (30-135), éditions du Cerf, 2001, p. 400-404.</ref>.

Melchisédech

Melchisédech (מַלְכֵּי־צֶדֶק, « roi de justice ») n'est mentionné qu'à deux reprises dans l'Ancien Testament, d'une façon assez énigmatique<ref name="FVDM357"/>. Il surgit mystérieusement en Gn 14:18-20, où il apparaît en tant que roi de Jérusalem et prêtre du Dieu Très-Haut pour apporter du pain, du vin et la bénédiction à Abraham<ref name="FVDM357"/>. Ensuite, il n'est plus mentionné que dans un verset du Psaume 110 (Ps 110:4), où est exprimée la promesse que le Messie sera prêtre pour l'éternité Modèle:Cita<ref name="FVDM357"/>. Cependant, des écrits plus tardifs se réfèrent à ce prêtre-roi dont l'évocation semble jouer un rôle important car son nom est répété aussi bien dans les manuscrits de la mer Morte<ref>11 Q.</ref> que dans la bibliothèque de Nag Hammadi<ref>Codex IX/I.</ref>,<ref name="HCAL425"/>, ou encore chez Philon d'Alexandrie<ref>De specialibus legibus, III:79-83.</ref>, chez Flavius Josèphe<ref>La Guerre des Juifs, 6:438 ; Antiquités juives, 1:177-182.</ref> et dans le Livre d'Hénoch<ref>1 Hénoch (slave) 71s.</ref>,<ref name="FVDM357"/>.

Fichier:Jaume Hughet - Compartiment del revers de la predel·la de Santa Maria de Ripoll- Melquisedec.JPG
Melchisédech, par Jaume Huguet, Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle.

Dans l'épître, le personnage de Melchisédech est annoncé en Modèle:Réf Bible par une citation du Psaume 110<ref name="FVDM357"/> : שְׁבַּ֚ע יְהֹוָ֨ה | וְלֹ֥֬א יִנָּחֵ֗ם אַתָּה־כֹהֵ֥ן לְעוֹלָ֑ם עַל־דִּ֜בְרָתִ֗י מַלְכִּי־צֶֽדֶק Modèle:Cita Le passage de la Genèse est ensuite rappelé en Modèle:Réf Bible<ref name="FVDM357"/> :

Modèle:Citation bloc

Figure messianique sans commencement ni fin, envoyé de Dieu dont le sacerdoce est éternel, Melchisédech est présenté à la lumière de ces deux textes comme l'archétype du prêtre parfait, saint et céleste, par opposition au monde imparfait, pécheur et terrestre des lévites, de sorte que son ordre est celui-là même selon lequel le Christ, grand prêtre, accomplit le sacrifice de sa vie (10:10)<ref name="FVDM357"/>.

La lecture sacrificielle

À partir de Justin de Naplouse, les Pères de l'Église font le parallèle entre Melchisédech et le Christ<ref name="Clerck">Paul De Clerck, « Melchisédech, prêtre du Très-Haut », Supplément au Cahier Évangile n° 136, juin 2006, éditions du Cerf, p. 55-56.</ref>. Mais c'est Cyprien de Carthage, dans son Epistola LXIII sur l'Eucharistie, qui donne à l'offrande de Melchisédech une interprétation décisive<ref>Jacques Fontaine et Charles Pietri, Le Monde latin antique et la Bible, Beauchesne, 1985, p. 459.</ref>. Il semble être le premier à exprimer une vision eucharistique de l'offrande du pain et du vin apportés à Abraham par Melchisédech, « figure prophétique du mystère du sacrifice du Seigneur » (Ep. 63, IV:1)<ref name="Clerck"/>. D'autres textes suivront cet exemple, parmi lesquels les Constitutions apostoliques<ref name="Clerck"/>,<ref>(VIII, 12:21-23) : « Tu as accueilli le sacrifice d’Abel, comme venant d’un saint et tu as repoussé l’offrande de Caïn, le fratricide […]. C’est toi qui as délivré Abraham de l'impiété de ses ancêtres, qui l'as établi héritier du monde et lui fis voir ton Christ. Tu as établi Melchisédech comme grand prêtre de ton culte. »</ref>. Si la tradition orientale se montre peu explicite sur le caractère sacrificiel de l'offrande de Melchisédech, la prière eucharistique de l'Église latine, inspirée d'un passage d'Ambroise de Milan dans son traité Des sacrements (IV, 27), est plus précise<ref name="Clerck"/>. L'Église catholique la conserve jusque dans la forme actuelle de sa liturgie<ref name="Clerck"/> :

Fichier:Sanvitale02.jpg
Le Sacrifice d'Abel et de Melchisédech, mosaïque, basilique Saint-Vital de Ravenne.

Modèle:Citation bloc

La Réforme protestante met toutefois en doute cette analogie, d'abord parce que l'auteur d'Hébreux n'en dit rien mais aussi parce que le récit de la Genèse ne permet pas de supposer que ce pain et ce vin aient comporté une dimension sacrificielle ni que cette offrande ait pu être destinée à Dieu<ref name="Hughes241">Philip Edgecumbe Hughes, A Commentary on the Epistle to the Hebrews, Grand Rapids, William B. Eerdmans Publishing Company, 1977, « Christ Superior to Aaron », p. 241.</ref>. Luther, en particulier, s'interroge sur le lien avec la Cène : le Christ n'a pas sacrifié le pain et le vin, il les a distribués à ses disciples, et le « Vous ferez cela en mémoire de moi » ne demande pas que l'on sacrifie du pain et du vin<ref name="Hughes241"/>. Dans le cas contraire, ajoute Calvin, si le pain et le vin étaient « sacrifiés » lors de la messe, qu'en serait-il du dogme de la transsubstantiation défendu par le catholicisme<ref name="Hughes241"/> ?

Jonathan Edwards soutient néanmoins une parenté entre le geste de Melchisédech et la Cène, mais sans valider pour autant la doctrine catholique : l'offrande de Melchisédech, précurseur du Christ, confirme qu'Abraham a reçu l'alliance de la grâce tout comme sa circoncision est une préfiguration du baptême<ref name="Hughes241"/>. En tout état de cause, un sacrifice du pain et du vin entrerait en contradiction avec la supériorité du sacerdoce de Melchisédech, car l'offrande de pain et de vin était une obligation pour les lévites (Lv 7:13, 23:13, 18) et n'aurait donc pas été une marque distinctive dans le cas de Melchisédech<ref name="Hughes241"/>.

Sacerdoce et sacrifice

Dans le culte du Temple de Jérusalem, si le prêtre doit offrir des sacrifices à Dieu, c'est parce que lui-même n'est qu'un homme, inapte à entrer dans le monde divin<ref name="AVmsg11">Albert Vanhoye, Le Message de l'épître aux Hébreux, Cahiers Évangile n° 19, éditions du Cerf, 1977, rééd. 2016, p. 11-18.</ref>. Il lui faut choisir un animal sans défaut, qui cesse d'appartenir au monde profane car il sera immolé sur l'autel, consumé par un feu dont la fumée montera vers les cieux, ou encore parce que son sang sera répandu symboliquement sur le trône de Dieu<ref name="AVmsg11"/>. Si le sacrifice est agréé par Dieu, le prêtre peut lui adresser ses prières et le peuple peut à son tour, par l'intercession du prêtre, demander des grâces à Dieu<ref name="AVmsg11"/>. Le schéma de la médiation traditionnelle peut se décomposer en trois étapes : la phase ascendante , où le prêtre est séparé des autres hommes en pénétrant dans le sanctuaire, et l'animal séparé des autres pour être sacrifié ; la phase centrale , où le prêtre accède au monde de Dieu ; enfin, la phase descendante, où le prêtre transmet au peuple les faveurs et le pardon de Dieu<ref name="AVmsg11"/>.

Le culte de l'ancienne alliance, en lien avec la liturgie de Kippour (Modèle:Réf Bible) qui en forme le point culminant, réapparaît en contrepoint quelques versets plus loin afin de magnifier l'œuvre du Christ au sein du sanctuaire céleste<ref name="JM216">Jean Massonnet, L'Épître aux Hébreux, Éditions du Cerf, 2016, p. 216 sq.</ref>. En effet, contrairement au grand prêtre d'Israël, le Christ exerce un sacerdoce non pas éphémère mais éternel (Modèle:Réf Bible sq), il n'a pas à effectuer de sacrifice pour racheter son péché puisqu'il est sans péché (Modèle:Réf Bible sq), il offre son propre sang et non celui d'un animal (Modèle:Réf Bible), il ne pénètre pas dans un temple terrestre mais dans le sanctuaire de Dieu (Modèle:Réf Bible) et il ne célèbre le sacrifice qu'une fois pour toutes et non pas à plusieurs reprises (Modèle:Réf Bible)<ref name="HCAL425"/>.

L'œuvre de salut

Sotériologie

La christologie d'Hébreux est entièrement d'ordre sotériologique<ref name="HCAL425"/>. À la différence de Paul, elle n'est pas centrée sur la résurrection de Jésus mais sur son élévation, assis à la droite du trône de la Majesté dans les cieux (8:1)<ref name="HCAL425"/>.

La marche vers le salut

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Josué et ses compagnons en marche vers la Terre promise avec l'Arche d'alliance, mosaïque byzantine, cathédrale de Monreale.

Le salut, inscrit dans le temps mais aussi dans l'espace, est soumis à une dynamique symbolisée par le thème du Modèle:Cita<ref name="HCAL425"/>. Cette image apparaît de manière significative dans la parénèse de 3:7-4:13, où le nouveau peuple de Dieu, en proie à la lassitude d'un long chemin, doit garder confiance dans le présent en levant les yeux vers l'avenir, la Jérusalem céleste, mais aussi en se souvenant du passé, de l'ancienne alliance et de la promesse déjà réalisée comme d'un itinéraire déjà parcouru<ref name="HCAL425"/>. En d'autres termes, la foi consiste à faire partie du peuple en marche, et le péché est de s'immobiliser, de rester en arrière, de ne plus croire<ref name="HCAL425"/>. L'espérance, quant à elle, se place dans le salut, c'est-à-dire dans le sacerdoce et le sacrifice du Christ (4:14-7:28)<ref name="HCAL425"/>.

Notes et références

Notes

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Références

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Voir aussi

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Bibliographie

En langue française

Autres langues

  • Harold W. Attridge, The Epistle to the Hebrews, Philadelphie, Fortress Press, 1989
  • Paul Ellingworth, The Epistle to the Hebrews: A Commentary on the Greek Text, New International Greek Testament Commentary, Grand Rapids, Eerdmans, 1993 Modèle:ISBN
  • Erich Grässer, An die Hebräer, Evangelisch-Katholischer Kommentar zum Neuen Testament 17, Zürich/Neukirchen-Vluyn, 3 vol. Bd. 1: Hebr 1-6, 1990 Modèle:ISBN ; Bd. 2: Hebr 7,1-10,18, 1993 Modèle:ISBN ; Bd. 3: Hebr 10,19-13,25, 1997 Modèle:ISBN
  • Craig Koester, Hebrews, Anchor Bible 36. New York, Doubleday, 2001
  • William L. Lane, Hebrews 1–8, Word Biblical Commentary, Vol. 47A. Dallas, TX: Word Books, 1991 ; Hebrews 9–13, Word Biblical Commentary, Vol. 47B. Dallas, TX: Word Books, 1991
  • Gerd Theissen, Untersuchungen zum Hebräerbrief, Gütersloh, Mohn, 1969

Liens externes

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