Maurice Audin

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Modèle:Voir homonymes Modèle:Autre Modèle:Infobox Biographie2

Maurice Audin, né le Modèle:Date de naissance- à Béja (Tunisie) et déclaré mort le Modèle:Date de décès- à Alger, est un mathématicien français. Assistant à l'université d'Alger, il est membre du Parti communiste algérien et militant de l'indépendance algérienne<ref>Guerre d'Algérie : révélations sur l'affaire Audin Le Nouvel Observateur du Modèle:Date-.</ref>.

Après son arrestation le Modèle:Date- au cours de la bataille d'Alger, il disparaît et meurt assassiné à une date inconnue<ref>Modèle:Lien web.</ref>. Son corps n'a jamais été retrouvé.

Pour ses proches ainsi que pour nombre de journalistes et d'historiens, notamment Pierre Vidal-Naquet, il est tué pendant son interrogatoire par des parachutistes français<ref>Monique Lafon, Le Parti communiste français dans la lutte contre le colonialisme, Les Éditions sociales, 1962, Modèle:P..</ref>. Cette thèse a longtemps été rejetée par l'armée française et l'État français, qui affirmait qu'il s'était évadé, jusqu'à ce que le général Aussaresses affirme avoir donné l'ordre de le tuer<ref name="francetvinfo.fr_9/1/14">Modèle:Lien web.</ref> au couteau pour faire croire à un meurtre par des Algériens<ref>déclaration faite lors de son interview au téléphone par Jean-Charles Deniau.</ref>. La première reconnaissance officielle par la France de la mort en détention de Maurice Audin est faite en 2014 par le président François Hollande, sans toutefois rendre publics les documents le confirmant<ref name="Elysee 20140813142432">Modèle:Lien web.</ref>. En 2018, le président Emmanuel Macron reconnaît officiellement les responsabilités de l'État français et de l'armée française dans cet assassinat.

Biographie

Famille et enfance

Il est le fils de Louis Audin (1900-1977) et d'Alphonsine Fort (1902-1989), mariés en 1923 à Koléa (Algérie), tous deux issus de familles modestes, lui d'ouvriers lyonnais, elle de paysans de la Mitidja. Au moment de la naissance de Maurice, son père est chef de la brigade de gendarmerie de Béja, dans le protectorat français de Tunisie. Après la Tunisie, Louis Audin est affecté en métropole, puis il passe un concours et devient postier à Alger.

Études et carrière universitaire

Fils d'un militaire, Maurice Audin devient enfant de troupe et, en 1942, entre en sixième à l'école militaire préparatoire de Hammam Righa ; en 1946, il est admis à l'école d'Autun ; en 1948, renonçant à une carrière d'officier, il revient faire la classe de mathématiques élémentaires à Alger (au lycée Gautier).

Il fait des études de mathématiques à l'université d'Alger, obtenant sa licence en Modèle:Date-, puis un DES en juillet. Dès Modèle:Date-, il est recruté comme assistant du professeur René de Possel, poste dans lequel il est titularisé en 1954. Il travaille aussi sur une thèse sur « les équations linéaires dans un espace vectoriel dans le cadre d'un doctorat d'État de mathématiques »<ref name="L'Histoire">Modèle:Lien web Modèle:Commentaire biblio.</ref>.

En Modèle:Date-, il se marie avec Josette Sempé (1931-2019) ; ils ont trois enfants : Michèle (1954), Louis (1955-2006) et Pierre (1957-2023).

Engagement politique

Maurice Audin adhère au Parti communiste algérien en 1951, d'abord comme membre de la cellule Langevin de l'Union des étudiants communistes, puis, à partir de 1953, d'une cellule d'Alger. Il fréquente aussi l'association des étudiants musulmans, l'AEMAN (devenue en 1955 l'UGEMA)<ref name=Huma>Sadek Hadjerès, « Maurice Audin, la torture et les deux rives », L'Humanité, 27 mai 2004.</ref>.

Face à la guerre d'Algérie

Maurice et Josette Audin font partie de la minorité anticolonialiste des Français d'Algérie, pour qui l'indépendance de l'Algérie est une évidence, ce qui est aussi la position du Parti communiste algérien (PCA). Ce dernier est interdit le Modèle:Date-<ref name=Huma/> et devient une organisation clandestine, négociant avec le FLN.

La famille Audin participe à certaines opérations illégales : en Modèle:Date-, Maurice organise, avec sa sœur (Charlye, née en 1925) et son beau-frère (Christian Buono), l'exfiltration clandestine à l'étranger de Larbi Bouhali, premier secrétaire du PCA<ref name=Huma/>.

En Modèle:Date-, à la suite des nombreux attentats perpétrés contre la population par le FLN<ref name=Pervillé2001>« Le bilan des victimes du terrorisme […] serait officiellement de Modèle:Nobr et Modèle:Nobr pour Modèle:Nobr en quatorze mois », dans Guy Pervillé, Lire en ligne Terrorisme et répression s’affrontent dans Alger, Histoire du christianisme, Modèle:N°, mars 2001, Modèle:P.</ref>, est lancée l'opération dite « bataille d'Alger », pour laquelle la [[10e division parachutiste (France)|Modèle:10e parachutiste]] du général Massu détient les pouvoirs de police dans la zone d'Alger. Cette unité se livre massivement à la torture et aux exécutions sommaires. Paul Teitgen constate Modèle:Nobr en un an dans les cinq départements de la région algéroise et le général Massu avance un bilan des pertes de la Zone autonome d'Alger en neuf mois de « moins d’un millier d’hommes, et très probablement le nombre relativement faible de trois cents tués »<ref name=Pervillé2001/>.

En Modèle:Date-, Maurice Audin héberge un autre dirigeant communiste, l'ouvrier métallurgiste Paul Caballéro, au moment où celui-ci doit être soigné par un médecin, Georges Hadjadj, membre du Parti.

Arrestation et disparition de Maurice Audin (juin 1957)

L'attentat du Casino de la Corniche cause le Modèle:Date- huit morts et quatre-vingt-douze blessés<ref name=derniers/>, dont une trentaine d'amputés<ref>Modèle:Lien web</ref>. Les obsèques des victimes, le Modèle:Date-, tournent à l'émeute : plusieurs musulmans, molestés par une foule de jeunes, sont hospitalisés, de nombreux magasins saccagés et quelques voitures incendiées<ref>Modèle:Lien web</ref>,<ref name=derniers/>. Le couvre-feu est instauré en catastrophe à 21 heures<ref name=derniers/>. Deux heures plus tard, les parachutistes frappent à la porte de Maurice Audin<ref name=derniers/>. Les militaires finissant par menacer d'arrêter la femme du docteur Hadjadj, pris dans une vague d'arrestation, pour la torturer, il leur dit dans la soirée avoir soigné, au domicile de Maurice Audin, le leader communiste Paul Caballéro, favorable dès 1954 à ce que la direction du Parti communiste algérien (PCA) revienne à des « arabo-berbères », contraint à la clandestinité depuis la censure de 1955, mais contre l'implication du PCA dans l’action armée, qui sera libéré en mai-juin 1962<ref>Modèle:Lien web</ref>,<ref>Guerre d'Algérie : les derniers secrets de l'affaire Audin, tempsreel.nouvelobs.com, 20 décembre 2012.</ref>. Le Modèle:Date-, Audin est arrêté à son domicile, par le capitaine Devis et les lieutenants André Charbonnier et Philippe Erulin. Il est transféré vers un lieu de torture le soir même et confondu le 12 juin avec le journaliste Henri Alleg, directeur du quotidien interdit Alger républicain<ref name=derniers/>. Une souricière est installée dans l'appartement de la famille Audin, et Henri Alleg y est arrêté. Le futur auteur de La Question, en février 1958, est alors clandestin depuis qu'il a été blessé dans un attentat au plastic contre son quotidien, fermé ensuite par l'Armée et dont l'imprimerie a été affectée à la fabrication du journal de propagande Le Bled<ref>Biographie Maitron de Henri Alleg [1]</ref>. Alleg est l'avant dernier à avoir parlé à Maurice Audin, qu'il a rejoint sur son lieu de torture<ref name=Diplo>« Maurice Audin, cinquante ans de silence », Le Monde diplomatique, 20 juin 2007.</ref>. Cette double disparition a des effets considérables : c'est le début de l'affaire Audin, dont Alleg sera un des relais, car il est relâché dès la mi-août, ses interrogatoires cessant peu après le décès d'Audin.

Soutenance de thèse in absentia (décembre 1957)

Au moment de son arrestation, la thèse de Maurice Audin est presque terminée et la soutenance est prévue pour le début de 1958. Au cours de ses recherches, il avait transmis six notes, publiées par l'Académie des sciences. René de Possel avait cité son travail au cours d'un congrès de mathématiciens tenu en Roumanie en 1956. À la fin de 1956, Maurice Audin était venu quelques jours à Paris pour prendre contact avec les mathématiciens Gaston Julia, Henri Cartan et Laurent Schwartz.

Le Monde du 3 décembre 1957 révèle ensuite que Modèle:Citation puis décerné le grade de docteur ès sciences (...) après une soutenance symbolique par René de Possel, son directeur de thèse et président du laboratoire de calcul numérique de l'Institut Henri-Poincaré<ref>Le Monde du 3 décembre 1957 [2]</ref>. Cette soutenance, Modèle:Langue, a eu lieu devant un public nombreux<ref>Dont François Mauriac qui l'a évoquée dans un « Bloc-notes ».</ref>,<ref name="Doctorat">« M. Maurice Audin obtient le doctorat ès sciences », Le Monde du 3 décembre 1957, mis à jour le 29 mai 2014.</ref>. Le jury est composé de Jean Favard, président, de Laurent Schwartz, rapporteur et de Jacques Dixmier, troisième membre du jury<ref name=ZD>Modèle:Lien web.</ref>. C'est René de Possel qui expose au tableau les résultats d’Audin<ref>Laurent Schwartz, Commémoration de la thèse de Maurice Audin. Assassiné pendant la guerre d’Algérie.</ref>.

Maurice Audin est reçu docteur ès sciences, avec mention « très honorable »<ref name="L'Histoire"/>,<ref name="Doctorat"/>.

Officialisation de la mort (1963 et 1966)

Le corps de Maurice Audin n'ayant pas été retrouvé, son acte de décès est établi par un jugement du tribunal de grande instance d’Alger (Modèle:Date-) à la date du Modèle:Date- ; ce jugement est validé en France par le tribunal de grande instance de la Seine le Modèle:Date- et inscrit en Modèle:Date- sur son acte de naissance<ref>Michèle Audin, Une vie brève, Modèle:P..</ref>, alors au consulat de France à Alger<ref>Son père avait déclaré sa naissance au consulat de France à Béja.</ref>.

Affaire Audin

Le contexte du printemps 1957

Au printemps 1957, les militaires soupçonnent les politiques de vouloir négocier avec le FLN alors qu'on leur demande de le combattre et la tentation est grande d'éliminer ceux qui pourraient devenir demain les interlocuteurs du pouvoir politique<ref name=merchet/>, comme Larbi Ben M'hidi, le « Jean Moulin » algérien et l'avocat Ali Boumendjel. Dès janvier 1957, le FLN appelle à une grève générale au moment où les Nations unies se réunissent pour débattre de la question algérienne<ref name=merchet/>, ce qui s'ajoute aux attentats, causant la panique du ministre résident Robert Lacoste<ref name=merchet/>, qui demande au général Massu de démanteler l'appareil politico-militaire du FLN<ref name=merchet/>, mission confiée au colonel Yves Godard, ex-volontaire de l'Indochine et futur chef de l'OAS<ref name=merchet/>, et au commandant Aussaresses, fondateur à l'été 1947 du [[11e régiment parachutiste de choc|Modèle:11e parachutiste de choc]]<ref>Aussaresses, qu'Yves Courrière appellera « O. » dans Le Temps des léopards</ref>. Sans formation policière<ref name=merchet/>, Aussaresses s'empare par la force, à la préfecture d'Alger, de la totalité du fichier des Renseignements généraux, que ceux-ci renâclent à livrer<ref name=merchet/> et Modèle:Unité sont arrêtées dans une première rafle générale, le Modèle:Date-<ref name=merchet/>, à l'issue de laquelle la torture se généralise<ref name=merchet/>, pratiquée par des sous-officiers ayant débuté pour certains sous l'uniforme nazi<ref name=merchet/>, avant de rejoindre la Légion étrangère<ref name=merchet/> qui, dès 1946, recrutait à tour de bras pour la guerre d'Indochine. Chaque jour, l'équipe d'Aussaresses fait le tour des centres d'interrogatoires, et remet à la justice les suspects les moins importants, les « gros poissons » étant achevés<ref name=merchet/>.

Le Modèle:Date-, le gouvernement de Guy Mollet, interpellé par une partie des socialistes<ref>Thèse de Gilles Morin, De l'opposition socialiste à la guerre d'Algérie au parti socialiste autonome (1954- 1960). Un courant socialiste de la SFIO au PSU, sous la direction d'Antoine Prost, à Paris Modèle:Rom-maj, en 1991</ref>, dont la fédération d'Alger, des personnalités chrétiennes, et sa propre administration rapportant des « méthodes tirées de l'arsenal de la Gestapo »<ref name=branche/>, a Modèle:Citation<ref name=branche/>, en créant une commission de douze membres chargés d'enquêter sur la répression militaire en Algérie dont on vient d'apprendre par Paul Teitgen qu'elle a causé Modèle:Unité depuis seulement janvier<ref name=branche/>. Dans L'Express du 27 mars le général Bollardière avait demandé à être relevé de son commandement pour ne pas avoir à accomplir des actes indignes et Vercors renvoyé sa légion d'honneur au président Coty le Modèle:Date-, jour où un autre résistant célèbre, Paul Teitgen<ref name=julliard/> a démissionné de son poste de secrétaire général de la police française à Alger. Le surlendemain sont publiés deux rapports de police, respectivement signés par le commissaire René Gilles et l'officier René Tordoir<ref name=humanité/>, évoquant des séances de torture ne concernant pas des militants algériens<ref name=humanité/>, effectuées par un député<ref name=humanité/>, qui doit rentrer en métropole en mai<ref name=humanité/>.

Cinq membres de cette Commission enquêteront sur le cas Audin, se heurtant à la Modèle:Citation<ref name=branche/> mais Modèle:Citation<ref name=branche/> en Modèle:Citation<ref name=branche/> grâce au réseau de la Croix-Rouge<ref name=branche/>, accumulant les témoignages donnés par le syndicat des enseignants, selon l'historienne Raphaëlle Branche<ref name=branche>Raphaëlle Branche, « La commission de sauvegarde pendant la guerre d'Algérie : chronique d'un échec annoncé », dans la revue Vingtième siècle, [3]</ref>.

La revue du FLN, Résistance Algérienne avait ensuite en juin 1957<ref name="ra2" /> publié un article intitulé : Modèle:Citation en référence à sa décoration par le général Massu en mars 1957<ref name="ra2">Modèle:Lien web</ref> peu après les déclarations de ce dernier à Fraternité française, hebdomadaire poujadiste, en mars 1957<ref name=humanité/>.

Plainte de Josette Audin (juillet 1957)

Un aperçu de la situation de la famille Audin est donné le Modèle:Date- par le journal Le Monde qui évoque assez longuement la lettre adressée par Modèle:Citation : après l'arrestation de Maurice Audin le 11, « Modèle:Mme n'eut de nouvelles de son mari que le Modèle:Date- par la presse qui annonçait son assignation à résidence et par une lettre de Modèle:M., directeur des cabinets civil et militaire de Modèle:M., lui faisant savoir que Modèle:M. […] était en très bonne santé et qu'il lui serait accordé prochainement un permis de communiquer avec lui. […] Le Modèle:Date-, on lui apprit que Modèle:M. s'était évadé le Modèle:Date- à 21 heures au cours d'un transport du centre de triage d'El Biar vers une villa de la rue Faidherbe pour interrogatoire<ref>« À propos de deux disparitions à Alger », Le Monde, 7 juillet 1957, Modèle:P.. La seconde disparition est celle d'Henri Alleg.</ref>. »

Confrontée à ce décalage inquiétant dans l'information qui lui est fournie à dix jours d'intervalle, Josette Audin dépose une plainte contre X pour homicide le Modèle:Date- ; une enquête judiciaire est engagée. Josette Audin est assistée par les avocats Jules Borker et Pierre Braun<ref>Cf. books.google.fr ; sans relation avec l'avocat Pierre Braun, membre du MoDem (2014).</ref>, tous deux membres du Parti communiste français. L'instruction est confiée à un magistrat civil, le juge Roger Bavoillot<ref>Comité Audin, La Raison d'État, La Découverte, 2002, Modèle:P..</ref>, précédemment instructeur du cas de Djamila Bouhired.

L'affaire Audin dans les médias (juillet-août 1957)

L'affaire Audin bénéficie très vite d'une couverture massive et détaillée des médias, car il est loin d'être la première victime d'un drame qui se confirme : entre janvier et septembre 1957, Modèle:Unité arrêtées par les paras ont disparu<ref name="branche" />. L'Humanité mentionne le Modèle:Date- sa disparition, évoquée à l'assemblée dès le Modèle:Date- par le président du groupe parlementaire puis liée au sort d'Henri Alleg. Audin est cité en première page le Modèle:Date- <ref>« Qu'est devenu Maurice Audin ? » dans L'Humanité du Modèle:Date-</ref> puis le 24 lors d'un courrier au gouvernement de Jacques Duclos, numéro deux du PCF<ref>« Une lettre de Jacques Duclos à Bourgès-Maunoury sur l'affaire Maurice Audin » » dans L'Humanité du Modèle:Date-</ref>. Le Modèle:Date-, le quotidien cite longuement le rapport de la Commission internationale sur le système concentrationnaire de Louis Martin-Chauffier.

Dans Le Monde, en juillet-Modèle:Date-, « l'affaire Alleg » est au premier plan, jusqu'à ce qu'il soit finalement inculpé (Modèle:Date-). En août, la disparition de Maurice Audin prend une grande importance pour de nombreux quotidiens : le 13 est citée une seconde lettre de Josette Audin, où elle évoque « les bruits [qui] courent à Alger selon lesquels mon mari serait détenu dans un camp secret », puis le 24 sa lettre à la Commission de sauvegarde des droits et libertés individuels.

Au cours de la seule Modèle:2e d'août 1957, Le Monde consacre cinq articles à l'ébullition causée par sa disparition dans le monde enseignant, après une lettre titrée Qu'est devenu Maurice Audin ?, de Jean Gillet, de la Sorbonne, qui sans le connaitre affirme avoir lu dans Le Monde la lettre angoissée de sa femme<ref>« Qu'est devenu Maurice Audin ? », Le Monde du 16 août 1957 [4]</ref>. Le quotidien publie dans les six jours suivants deux autres lettres identiques, celle de six professeurs de l'Université, réunis à Londres puis celle d'un agrégé de philosophie<ref>« La disparition de Maurice Audin », dans Le Monde du 22 août 1957 [5]</ref>,<ref>« À propos de la disparition de M. Maurice Audin », dans Le Monde du 20 août 1957 [6]</ref>.

Le Modèle:Date-, un Modèle:4e du Monde récapitule les dizaines de lettres reçues d'enseignants de toute la France et d'Algérie, en établissant un lien direct avec les précisions obtenues dans l'enquête sur l'Affaire de la torture d'Henri Alleg <ref>Le Monde du le 28 août 1957 [7]</ref>. Deux hebdomadaires, repris par les quotidiens, détaillent les circonstances de sa disparition Témoignage chrétien et L'Express en étayant les doutes de sa veuve sur la version des parachutistes et en déclarant qu'il est inclus dans les nombreux dossiers qu'examinera au cours de sa prochaine réunion la commission de sauvegarde. Le Monde précise qu'un mouvement réunissant cent-cinquante universitaires a adressé au ministre de l'éducation nationale un télégramme inquiet<ref>« La commission de sauvegarde examinera au cours de sa prochaine réunion le dossier Maurice Audin », dans Le Monde du 31 août 1957, [8]</ref> puis début septembre, comme Le Figaro, détaille le communiqué de la Fédération de l'Éducation nationale déplorant que les autorités se soient bornées à donner des Modèle:Citation<ref>« La Fédération de l'Éducation nationale et la disparition de M. Audin », dans Le Monde du 6 septembre 1957 [9]</ref>.

Dans plusieurs numéros du début septembre 1957, Le Figaro estime qu'il est souhaitable pour tous que la lumière soit faite au plus tôt sur cette affaire puis souligne que la Ligue des droits de l'homme et la Faculté des Sciences s'inquiètent du sort du mathématicien<ref>Le Figaro des 7 et 8 septembre 1957 [10]</ref>. Courant septembre, Le Monde publie de nouvelles protestations, d'un groupe de trente universitaires et de deux déclarations successives du syndicat CFTC des universités, qui déplore que Modèle:Citation puis que Modèle:Citation<ref>Modèle:Lien web</ref>. Peu après, Émile Pierret-Gérard, président d'une association de résistants, démissionne pour protester<ref>Le Monde, le Modèle:Date- [11]</ref> et cinquante-cinq enseignants du lycée Chaptal écrivent au ministre de l'éducation nationale pour réclamer une enquête sérieuse sur la disparition de Maurice Audin<ref>Le Monde du 22 novembre 1957 [12]</ref>. Parmi les enseignants connus qui protestent, Jean Bruhat, Georges et Jean-Claude Margolin, René Zazzo, Yves Lacoste, Pierre Vidal-Naquet, Paul Veyne<ref>Le Monde, 15/8, Modèle:P., 20/8, Modèle:P., 22/8, Modèle:P., 28/8, Modèle:P., 31/8, Modèle:P..</ref>. Début septembre, Josette Audin prend contact avec certains, dont Pierre Vidal-Naquet, qui lui propose une étude circonstanciée de l'arrestation de son époux<ref>Pierre Vidal-Naquet, Mémoires 2, Modèle:P..</ref>. La présence médiatique ne se relâche pas avec le temps. Deux ans après, dans son éditorial au Journal la radio publique à 20 heures, consacré à « l'affaire Audin », le gaulliste Maurice Clavel évoque Modèle:Citation pour demander qu'on Modèle:Citation, la guerre, via Modèle:Citation en Algérie, mais s'indignant que certains s'acharnent contre lui et Modèle:Citation<ref>Le Monde du 21 mars 1959, [13]</ref> Modèle:Ancre

Création du Comité Audin

Modèle:Article connexe En 1957, plusieurs personnes sont à l'origine du premier Comité Audin : un professeur d'anglais du prytanée militaire de La Flèche, Jacques-Fernand Cahen, lui aussi entré en contact avec Modèle:Mme, a l'idée de créer un « comité pour la recherche de Maurice Audin » ; deux assistants, Michel Crouzet et Luc Montagnier lancent une pétition nationale. Le comité est créé en Modèle:Date- chez le professeur Benjamin Weill-Hallé. Il a pour président le mathématicien Albert Châtelet, à qui succède Laurent Schwartz également mathématicien, et pour vice-présidents l'historien Henri-Irénée Marrou et le géographe (membre du PCF) Jean Dresch<ref>Mémoires 2, Modèle:P..</ref>. Le comité, qui inclut aussi Jacques Panijel, Madeleine RebériouxModèle:Etc., se réunit par la suite régulièrement jusqu'en 1962.

Sa première manifestation d'existence est une conférence de presse le Modèle:Date-, en présence de Louis Gernet, de l'historien Jean-Pierre Vernant, de Josette Audin et de Jules Borker.

Parallèlement, Josette Audin milite aussi contre les disparitions avec d'autres familles de victimes, dont Djamila Briki<ref name=Huma/>.

Un second comité Audin est créé en Modèle:Date- à Caen, où l'historien Pierre Vidal-Naquet est assistant à la faculté des lettres<ref>Avec Laurent Schwartz, il participe, une dizaine d'années plus tard, à la création du comité Vietnam national.</ref>. Ce second comité inclut notamment Jacques et Mona Ozouf, Jean-Claude et Michelle Perrot, alors professeurs de lycée<ref>Mémoires 2, Modèle:P..</ref>.

Le livre de Pierre Vidal-Naquet : L'Affaire Audin (mai 1958)

L'enquête de Pierre Vidal-Naquet est résumée dans un livre publié le Modèle:Date-, la veille de l'insurrection d'Alger qui amène le retour au pouvoir du général de Gaulle. Il prouve que l'évasion, impossible, est entièrement inventée et que Maurice Audin a subi une séance de torture, le Modèle:Date- par le lieutenant Charbonnier<ref>Brigitte Vital-Durand, « L'affaire Audin, un mensonge d'État », dans Libération, 12 juin 2001 [14].</ref>, aide de camp du général Massu et adjoint du général Aussaresses.

Le livre de Pierre Vidal-Naquet révèle qu'Alleg et Hadjadj n'ont jamais réellement vu le transfert d'Audin<ref name=vital/> et n'en ont qu'entendu parler, par Charbonnier<ref name=vital/>, mais aussi les faux montés pour dissimuler le crime par les militaires<ref name=vital/>, le fait qu'on n’a retrouvé aucune trace, ni douille des tirs de mitraillette et qu'il a été « oublié » d'établir immédiatement un bulletin de recherches<ref name=vital/> ou encore que l'évasion ne pouvait pas avoir eu lieu dix minutes après le départ de la Jeep<ref name=vital>Brigitte Vital-Durand, « L'affaire Audin, un mensonge d'État », dans Libération du 12 juin 2001 [15].</ref> .

L'offensive contre l'article de 1959 citant un probable assassin

Ce n'est qu'un an et demi après le livre de Vidal-Naquet que parait la troisième production du Comité Audin, après la brochure « L’Affaire Audin » et le livre du même nom, un article du 2 décembre 1959 titré Modèle:Citation, dans lequel André Charbonnier, récemment promu capitaine<ref name=gérard>Jean-Louis Gérard, Dictionnaire historique et biographique de la guerre d'Algérie, [16]</ref>, malgré une réputation sulfureuse<ref name=merchet>Jean-Dominique Merchet, « Général basses œuvres », dans Libération du 12 décembre 2000, [17]</ref>,<ref>Modèle:Lien web</ref>,<ref>Colin Samson, The Colonialism of Human Rights: Ongoing Hypocrisies of Western Liberalism, 2020 [18]</ref>,<ref name=julliard/>, est présenté non seulement comme le tortionnaire mais aussi le probable assassin d'Audin<ref name=julliard/>. Quatre décennies plus tard, le général Aussaresses, dont il était l'adjoint, contredira cet article dans un entretien au Monde du (Modèle:Date-), en défendant l'utilité de la torture et en affirmant que Charbonnier n'était pas dans le secteur lors du meurtre<ref>demecutions-sommaires_1671136_3212.html « Je me suis résolu à la torture. », Le Monde, 23 novembre 2000.</ref>.

L'article du Modèle:Date- se base sur des Modèle:Citation fournies six mois plus tôt à la Justice par Paul Teitgen<ref name=julliard/>, secrétaire général de la police française à Alger, qui avait démissionné le Modèle:Date- pour protester contre la torture. Témoignant au procès de Rennes, le Modèle:Date-, il affirme que Jean Builles, commissaire central de la ville d’Alger, lui a rapporté les propos d'un officier de police détaché à l’état-major, affirmant qu'André Charbonnier aurait étranglé Audin « dans un accès de colère motivé par ses réticences »<ref name=julliard>François-René Julliard, « Le Comité Maurice Audin. Des intellectuels en lutte contre la torture pendant la guerre d’Algérie », Mémoire de Master d’Histoire contemporaine, dirigé par Sylvie Thénault, à l’École Normale Supérieure de Lyon [19]</ref>. Le tribunal demande alors à Jean Builles de confirmer à la barre ce témoignage et ce dernier s'exécute mais sans pouvoir donner de détail attestant que le décès a suivi de peu cet étranglement. En septembre 1957, pour recouper, Vidal-Naquet avait rencontré les commissaires René Gille et Jacques Pernet<ref>Vidal Naquet écrira : « Le commissaire Gille, ancien déporté, avait, comme Jean Builles, commissaire principal, comme Jacques Pernet, mais par une source apparemment différente, entendu parler de la mort d'Audin et du simulacre de son évasion. »</ref>, qui avaient aussi rejeté la version officielle, mais Gille ne l'avait pas informé de son rapport du Modèle:Date- écrit le même jour que celui de l'officier de police René Tordoir<ref name=humanité>Jean Chatain, « Quand Le Pen travaillait vingt heures par jour », dans L'Humanité du 2 Mai 2002 [20]</ref>,<ref name="ra2" /> concernant Jean-Marie Le Pen.

Le Modèle:Date-, le préfet de police Maurice Papon fait saisir à Colombes Modèle:Unité de l'article<ref name=julliard/>, d'abord publié sous forme de brochure. Une réimpression, après des vérifications, est discrètement faite en décembre<ref name=julliard/>.

Repris par Libération, France-Observateur, L’Express, Témoignage chrétien et Réforme puis Le Monde, avec un éditorial du rédacteur en chef adjoint Jacques Fauvet, l'article est accusé par le ministère de la Justice, d'empiètement sur l’instruction du procès de Rennes. Marcel Péju estime dans Les Temps modernes que cela est une Modèle:Citation<ref name=julliard/>, mais observe que Le Parisien libéré, Le Figaro, L’Aurore et France-Soir, n'y ont consacré que de courts articles<ref>« Sur dix quotidiens du matin et du soir, disposant d’un tirage global de quatre millions exemplaires, les quatre plus grands, Le Parisien libéré, Le Figaro, L’Aurore et France-Soir, qui tirent, à eux seuls à Modèle:Unité consacrent en deux jours, 83 lignes – dont 21 à la thèse de « l’accusation » et 62 à la « réponse » gouvernementale</ref>,<ref name=julliard/>.

Les accusations du Comité Audin contre André Charbonnier sont l'une des causes de la Semaine des barricades<ref name=julliard/>,<ref name=barricades/>, révolte des partisans de l'Algérie française, du 24 janvier au Modèle:Date- à Alger<ref name=barricades/>,<ref name=julliard/>, d'autant qu'une rumeur circule chez les nombreux officiers convoqués à Rennes pour témoigner<ref name=julliard/>, prêtant au général de Gaulle le fait qu'il envisage bien cinq ans de travaux forcés pour Charbonnier<ref>Propos rapportés par Edmond Michelet, ministre de la Justice depuis le Modèle:Date-.</ref>,<ref name=julliard/> sur fond d'emportement du général Massu, qui s'épanche lors d'une interview organisée par l'état-major avec le journal allemand Süddeutsche Zeitung et son envoyé spécial Ulrich Kempski le Modèle:Date-<ref name=barricades>Merry et Serge Bromberger, Georgette Elgey et Jean-François Chauvel, « Barricades et colonels », aux éditions Fayard, janvier 1960</ref>, qui lui a promis de ne pas citer son nom<ref name=julliard/>,<ref name=fleury/> et de lui faire relire l'article avant publication<ref name=julliard/> mais ne tient pas parole<ref name=julliard/>. Massu déclarant « De Gaulle était le seul homme à notre disposition. Mais l'armée a peut-être fait là une faute »<ref name=julliard/>, ce dernier le relève le 19 janvier de son commandement et le rapatrie en métropole<ref name=julliard/>, épisode considéré comme une première étape vers le Putsch des généraux d'Alger et la création de l'OAS. Au même moment, début janvier 1960, les juges ordonnent le seul renvoi devant le tribunal de Rennes du capitaine André Charbonnier<ref name=fleury>Histoire de l'Oas, par Georges Fleury [21]</ref>. Les autres militaires n'y comparaitront que comme témoins<ref name=julliard/> mais cette décision de Justice n'empêche pas quelques jours après le déclenchement de la Semaine des barricades<ref name=julliard/>, qui oblige le 29 janvier De Gaulle à une allocution télévisée en uniforme pour appeler l'armée à ne pas soutenir les insurgés<ref name=fleury/>. Trois jours avant les émeutes, le Modèle:Date-, La Voix du Nord publie un long article de Georges Ras, proche des tortionnaires d’Audin et futur chef de l'« Action psychologique et propagande » de l'OAS<ref name=julliard/>. Envoyé spécial en Algérie, il participera quelques jours plus tard, à la Semaine des barricades<ref name=julliard/>. Son article accuse le comité Audin d'abus de confiance<ref name=julliard/> et ce dernier porte plainte en diffamation<ref name=julliard/>. Au même moment, un article de Pierre Boutang, directeur de La Nation française, petit journal maurrassien, favorable à l’Algérie française<ref name=julliard/>, titré « De Raymonde Peschard à Maurice Audin »<ref name=julliard/>, fait implicitement référence à cette militante communiste retrouvée morte le Modèle:Date- dans un maquis alors qu'on la pensait éliminée lors d'une séance de torture<ref name=julliard/>. Seul le quotidien Paris Presse en cours d'absorption par France-Soir reproduit cette enquête<ref name=julliard/>.

L'une des conséquences immédiates de la Semaine des barricades est qu'André Charbonnier est élevé au rang d'officier de la Légion d'honneur, selon le Journal officiel du 28 février 1960<ref name=gérard/>,<ref>Enquête de Pauline Tissot le 18/07/2013, dans TV5 Monde [22]</ref>. Le commandant Aussaresses a lui été écarté dès 1957<ref name=merchet/>.

Lors des audiences publiques du « procès des barricades » qui a démarré au mois de novembre 1960, suivi par la fondation l'OAS en décembre 1960, l’affaire Audin, toujours à l'instruction, est évoquée par trois fois<ref name=julliard/>, dans deux par les futurs putschistes d'avril 1961. D'abord le Modèle:Date-, quand le colonel Godard voit dans « la relance de l’affaire Audin » la cause de l’échauffement des esprits<ref name=julliard/>, puis le 17 décembre, quand, à Rennes, Massu dénonce les conditions d'instruction de la mort d'Audin<ref name=julliard/>. Le Modèle:Date-, son chef d'état-major, le colonel parachutiste Broizat, relevé de son commandement pour avoir refusé d'envoyer le [[1er régiment de chasseurs parachutistes|Modèle:1er de chasseurs parachutistes]] contre les émeutiers, va rendre un « hommage » ironique au Comité Audin pour avoir montré que l’armée ne croyait voir que des terroristes à part entière<ref name=julliard/>. Peu avant le début du procès, le Modèle:Date-<ref name=julliard/>, une lettre ouverte de Laurent Schwartz à Pierre Messmer révèle que le mathématicien militant au Comité Audin a été suspendu de son poste à l’École polytechnique<ref name=julliard/>. Dès janvier 1961, en plein « procès des barricades », il n’y a presque plus d’actes d’instruction dans le procès Audin<ref name=julliard/>, qui s’enlise<ref name=julliard/>. L'appartement de Laurent Schwartz sera plastiqué le Modèle:Date-, jour où l'on a appris que dans le procès en diffamation contre La Voix du Nord la chambre criminelle de la Cour de cassation annule l'arrêt de la cour d’appel de Douai, et renvoie les deux parties devant celle d’Amiens<ref name=julliard/>.

Les précisions ultérieures sur les derniers instants de Maurice Audin

À l'été 2000, un témoignage sur la torture publié par Le Monde<ref name=monderecap>Modèle:Lien web</ref> déclenche de multiples réactions, d'abord d'Aussaresses, par ailleurs alors impliqué dans l'Affaire Elf, qui estime que Modèle:Citation dans le JDD le 25 juin<ref>« Aussaresses : le tortionnaire avait témoigné dans le JDD », article du JDD, [23]</ref>, puis de son supérieur le général Massu, estimant que la plupart des tortures durant la Guerre d'Algérie auraient pû être évitées<ref name=monderecap/>. Michel Charbonnier, fils du lieutenant André Charbonnier, décédé cinq ans plus tôt, écrit alors à l'hebdomadaire Marianne le Modèle:Date- pour déclarer que son père a bien arrêté et interrogé Maurice Audin, ensuite transmis à l'échelon hiérarchique supérieur de la [[10e division parachutiste (France)|Modèle:10e division parachutiste]], lieu où est intervenu le décès, un autre officier se chargeant d'achever la victime par un coup de poignard, comme c'était l'habitude des tortionnaires<ref name=merchet/>, afin de faire croire, en cas de problème, qu'il a été tué par un arabe<ref name=merchet/>. Le général Aussaresses, chargé de ces exécutions accorde ensuite, à partir du 23 novembre 2000, une série d'entretiens au Monde<ref name=beaugé>Florence Beaugé, « Le secret du général Aussaresses », dans Le Monde du 19 mai 2001 [24]</ref>, qui fera de lui un portrait flatteur<ref name=beaugé/>, démenti sur les faits par Libération, pour qui il a longtemps été très mal vu par nombre de militaires<ref name=merchet/>.

Le Modèle:Date-, Aussaresses, reconnaissant que c'est lui qui a ordonné à André Charbonnier d'interroger Maurice Audin<ref>« Maurice Audin. Le fantôme de la torture », Le Monde 2, Modèle:N°, samedi 20 juin 2009, Modèle:P..</ref>, Josette Audin dépose une plainte pour séquestration et crime contre l'humanité. De nouveau, un non-lieu est prononcé en Modèle:Date-. Aussaresses ne reconnaitra que beaucoup plus tard<ref>En 2014 au journaliste Jean-Charles Deniau</ref> qu'il a aussi ordonné d'achever Audin<ref name="francetvinfo.fr_9/1/14" />,<ref>Modèle:Lien web.</ref> après avoir entre-temps accusé Massu, disparu depuis 2002.

Le mois suivant, en juin 2001, dans l'émission de télévision d'Élise Lucet, Pièces à conviction, Michel Charbonnier confirme que c'est son père qui s'était en 1957 « déguisé en Maurice Audin » dans une jeep pour faire croire à une évasion<ref>Michel Charbonnier, témoignage dans Pièces à conviction, vidéo 27 juin 2001. Archives INA [25]</ref>. Le conducteur de la jeep, Yves Cuomo, bardé de décorations après la Guerre, avait donné une interview le 11 mai, à la République des Pyrénées prétendant avoir été manipulé et avoir transporté « un prisonnier cagoulé » dont il n'aurait, en conséquence, jamais vu le visage<ref>Brigitte Vital-Durand, « L'affaire Audin, un mensonge d’État », dans Libération du 12 juin 2001 [26].</ref>.

En 2014, un livre de Jean-Charles Deniau<ref>Jean-Charles Deniau, La Vérité sur la mort de Maurice Audin, Équateurs, 2014</ref>, écrit avec un témoignage supplémentaire d'Aussaresses<ref name=humanité/> reprend la précision donnée dès mars 2012 par un livre<ref name=lodi/> et une série d'articles de la journaliste Nathalie Funes, qui a retrouvé un extrait d'un manuscrit du colonel Godard conservé dans ses archives privées, puis après sa mort à la Hoover Institution<ref>à l’université Stanford</ref>. Le texte manuscrit<ref name=derniers/> affirme qu'Audin, a été exécuté par erreur à la place d'Henri Alleg<ref name=derniers/>, par le lieutenant Gérard Garcet, aide de camp de Massu et adjoint d'Aussaresses<ref name=humanité/>,<ref>Nathalie Funes, « Affaire Audin : les révélations posthumes d’Aussaresses sur un crime d'État », Le Nouvel Obs, 8 janvier 2014.</ref>,<ref>Article de Nathalie Funès, journaliste au Nouvel Observateur, le Modèle:Date- [27]</ref>, ce qui semble plausible à l'historien spécialiste des questions militaires, Jean-Charles Jauffret, qui rappelle que les traces écrites sont très rares dans ce genre d'affaire<ref name=derniers/>, de tels ordres étant donnés par téléphone ou via un messager, toujours par oral<ref name=lodi>Nathalie Funès, « Le Camp de Lodi. Algérie, 1954-1962 », Stock, 14 mars 2012 [28].</ref>. Entre-temps, Josette Audin avait pu consulter en 2012 les archives du ministère de la Défense et constater qu'elles ont été depuis longtemps « nettoyées ».

En juin 1957, Massu souhaitant réorganiser son état-major pour y faire monter Yves Godard, chargé par ailleurs, avec le capitaine Paul-Alain Léger de l'opération infiltration et de la manipulation <ref>Modèle:Ouvrage.</ref> nommée « Bleuite », pour susciter des purges internes meurtrières au sein de l'Armée de libération nationale (ALN), notamment la partie dirigée par le colonel Amirouche Aït Hamouda<ref>Jean-Paul Mari, « Guerre d'Algérie : le poison de la bleuite», nouvelobs.com, 5 juillet 2012.</ref>. Muté à Nevers, après la Semaine des barricades de Modèle:Date-, Godard sera un des dirigeants du Putsch des généraux d'Alger de 1961.

Avec Gérard Garcet, il avait fait partie du « Bataillon Crève-cœur », des volontaires français placés sous le commandement du général Ridgway dans la Guerre de Corée<ref name=humanité/>, menée par les Américains, dont la France espérait en retour un plus grand soutien à la Guerre d'Indochine. Gérard Garcet, second du commandant Paul Aussaresses, 36 ans, au QG de la torture de la Villa des Tourelles<ref name=derniers>Nathalie Funes, « Guerre d'Algérie : les derniers secrets de l'affaire Audin », le 1er mars 2012 dans L'Obs [29]</ref>, bénéficiait en 1957 de la notoriété liée au personnage central de Crèvecœur, documentaire de progagande<ref name=humanité/> sorti en 1955<ref>Selon l’historien Alain Ruscio</ref> et nommé à Hollywood pour un Oscar en 1956, parrainé par le ministère de la Défense et l’officine anticommuniste « Paix et liberté »<ref name=albera/>. Ce film opposait à la figure d'Henri Martin, marin qui refuse de participer à la guerre d’Indochine, celle de Garcet<ref name=albera/>, avec un monologue intérieur décrivant les espoirs et le sacrifice de ces « combattants de la liberté »<ref name=albera>Article de François Albera dans « 1895 », revue d’histoire du cinéma, en 2018 [30]</ref>, au moment où des centaines de milliers d’affiches détournent la Colombe de la paix de Picasso<ref name=albera/>, pour en faire un char d’assaut soviétique<ref name=albera/>,<ref>« la colombe qui fait BOUM » de « Paix et liberté »</ref>. Lancé au moment des manifestations de mai 1952 contre Ridgway, ce film raconte la percée d'octobre 1951, qui avait vu le Modèle:23e s'emparer au lance-flammes, en perdant la moitié de ses hommes<ref>Modèle:Lien web</ref>, du dernier piton, le "Crève-cœur", du nom du général Jean Boucher de Crèvecœur <ref name=necrocreve>« Mort du général de Crèvecœur, l'homme de la colonne de Ðiện Biên Phủ » dans Le Monde du 10 juillet 1987 [31]</ref>, qui avait dirigé ensuite une colonne ayant tenté de sauver les assiégés de Ðiện Biên Phủ et à qui son engagement pour l'Algérie française vaudront d'être muté en 1960 en France. Lors de sa sortie en salles, les communistes français détruisirent la salle de projection. En Algérie, Massu et Aussaresses avaient chargé Garcet de recruter les parachutistes affecté à la torture au sein d’un «  bureau spécial »<ref name="humanité_2014-01-14">Modèle:Ouvrage</ref>.

L'enquête de la Justice

L'enquête de la Justice est freinée par le risque d'être transférée aux tribunaux militaires, les officiers ayant conservé des documents manuscrits permettant de disculper les exécutants, puis entravée par plusieurs lois d'amnistie discrètement négociées par les militaires pour accepter de déposer les armes en 1962, renforcées en 1966<ref name=julliard/>. Le comité Audin doit aussi se concentrer sur le procès en diffamation lancé au cours de l'année 1960<ref name=julliard/>.

À la demande des avocats de Josette Audin, l'instruction est transférée à Rennes en Modèle:Date- peu avant la création de la lettre anticommuniste Armée-Nation le Modèle:Date-<ref name=julliard/>, qui est peu à peu reçue régulièrement par une partie des officiers supérieurs, avec treize numéros publiés jusqu'en juin 1960 <ref name=gautier>Jean-Paul Gautier, Les extrêmes droites en France, en 2017 aux Éditions Syllepse [32]</ref>. Parmi ses rédacteurs, les « Algérie française » de l'École de guerre qui organiseront en avril 1961 le « complot de Paris » autour du général Jacques Faure, les capitaines Morin et de Gorostarzu, les civils Raoul Girardet, Jacques Laurent et Jules Monnerot<ref name=gautier/> ou encore le Commandant Robert Casati, futur responsable de l'OAS<ref name=julliard/>, qui décédera à la prison de Fresnes des suites d'une maladie mal soignée. L'instruction se heurte en effet aux résistances des officiers supérieurs interrogés, malgré l’intervention du ministre de la Justice choisi par De Gaulle, l'ex-résistant Edmond Michelet, qui soutient son administration et encourage les magistrats à ne pas céder aux intimidations<ref name=julliard/>. De Gaulle obtient la création d'une commission d'enquête constituée de deux généraux et quatre magistrats, présidée par l'avocat général Gerthoffer, qui décide début janvier 1960 que seul Charbonnier doit comparaitre<ref>Serge July, Dictionnaire amoureux du journalisme, [33]</ref>,<ref name=julliard/>,<ref name=fleury/>, ce qui met en colère le général Massu, ce dont il s'épanche dans la presse, déclenchant son éviction et dans la foulée la Semaine des barricades de la fin janvier 1960. Le commandant Paul Aussaresses est entendu comme témoin le Modèle:Date-<ref name=julliard/>, le lieutenant devenu capitaine André Charbonnier comme suspect le 25 avril<ref name=julliard/> puis le général Massu comme témoin le 19 septembre. Charbonnier nie son implication et jusqu’à la pratique même de la torture dans l'armée<ref name=julliard/>. En avril 1961, cinq colonels participeront au Putsch des généraux André Zeller, Maurice Challe, Edmond Jouhaud et Paul Gardy : Antoine Argoud, Yves Godard, Charles Lacheroy<ref name=gautier/>, mais aussi Jean Gardes et Joseph Broizat dont plusieurs rappelés en métropole puis repartis clandestinement en Algérie.

L'instruction n'est toujours pas terminée à la fin de la guerre (Modèle:Date-. Le Modèle:Date-, un décret déclare amnistiés « les faits commis dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre dirigés contre l'insurrection algérienne ». En conséquence, un non-lieu est prononcé en Modèle:Date-, pour insuffisance de charges. De plus, le décret du Modèle:Date-<ref>« Décret Modèle:N° 62-328 du 22 mars 1962 portant amnistie des faits commis dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre dirigées contre l'insurrection algérienne », Journal officiel de la République française, Modèle:N° du 23 mars 1962, sur le site legifrance.gouv.fr, consulté le 24 avril 2010.</ref> amnistie « les faits commis dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre dirigées contre l'insurrection algérienne ». Les avocats font appel puis saisissent la Cour de cassation<ref name="pourvoi">Cour de cassation, chambre criminelle « Audience publique du jeudi 22 décembre 1966 », pourvoi Modèle:N°.</ref>,<ref>Le pourvoi était en partie motivé ainsi : Modèle:Citation bloc.</ref>.

Un second décret, le Modèle:Date-, qui « semble rédigé exprès pour cette affaire », selon les historiens, élargit l'amnistie aux infractions « commises dans le cadre d'opérations de police administrative ou judiciaire », comme le précise son article 3. Il en résulte que, six mois plus tard, la Cour de cassation (qui avait attendu plus de quatre ans pour statuer) déclare éteinte l'action de Josette Audin. Elle déclare n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi, les faits allégués par la partie civile étant amnistiés par une loi<ref>« Loi Modèle:N° du 17 juin 1966 portant amnistie d'infractions contre la sûreté de l'État ou commises en relation avec les événements d'Algérie – Article 3 » : Modèle:Citation, sur le site legifrance.gouv.fr, consulté le 24 avril 2010.</ref> du Modèle:Date- de cette année<ref name="pourvoi"/>.

Dans le procès en diffamation, où l'un des défenseurs du comité Audin est Robert Badinter, après dix ans de procédure, et en novembre 1967 un premier arrêt de la cour d'appel d'Amiens, le journal La Voix du Nord et son journaliste furent condamnés le Modèle:Date- pour diffamation<ref name=cassia>Paul Cassia, Robert Badinter, un juriste en politique, Fayard, 2009.</ref>.

La reconnaissance du crime par le ministre Robert Badinter en 1983

Par un arrêté de Robert Badinter en date du 21 novembre 1983, Josette Audin et ses trois enfants reçurent chacun une indemnité de Modèle:Unité<ref name=cassia/> que son avocat réclamait depuis 1968, une décision prise pour témoigner de la reconnaissance du crime par l’État. Peu de temps auparavant, le Modèle:Date-, elle avait été faite chevalier de la Légion d'Honneur<ref>Pierre Vidal-Naquet, L'Affaire Audin, réédition [34]</ref>.

Développements récents (2001-2019)

2009 : la fille de Maurice Audin refuse la Légion d'honneur

En Modèle:Date-, Josette Audin écrit à Nicolas Sarkozy, récemment élu président de la République, pour lui demander que soit éclairci le mystère de la disparition de son mari et pour que la France assume sa responsabilité dans cette affaire. Le Modèle:Date-, sa fille, Michèle Audin, refuse la Légion d'honneur au motif que le président n'avait pas donné suite à la demande de sa mère ni même répondu à sa lettre<ref>Edwy Plenel, « La lettre de Michèle Audin à Nicolas Sarkozy », Mediapart, 2 janvier 2009.</ref>.

Les annonces de François Hollande fin 2012 et en 2014

Fin 2012, le président François Hollande veut Modèle:Citation<ref>Modèle:Lien web</ref> et souligne « l'importance de la vérité sur la colonisation, sur la guerre, sur les mémoires blessées », en annonçant que le ministre de la Défense va recevoir la veuve de Maurice Audin « afin de [lui] remettre en mains propres l'ensemble des archives sur la disparition de [son] mari ». François Hollande se rend ensuite devant la stèle élevée à la mémoire de Maurice Audin à Alger<ref name="Elysee 20140813142432" />.

Le Modèle:Date-, le Grand Soir 3 rappelle que les archives relatives à l’affaire Maurice Audin ont été récemment ouvertes par François Hollande et en Modèle:Date-, ce dernier, dans un message adressé à l'occasion du prix de mathématiques Maurice-Audin, reprend la position de Robert Badinter en 1983, et reconnaît officiellement au nom de l'État français que Maurice Audin ne s'est pas évadé, qu'il est mort en détention, comme l'établissent, explique-t-il, les nombreux témoignages et documents disponibles.

Les déclarations de 2017

Dès l'élection du président Emmanuel Macron, un groupe de personnalités comprenant des historiens, des artistes, des journalistes demandent au chef de l'État de mettre à disposition les documents mentionnés dans le message de François Hollande de Modèle:Date-<ref>Modèle:Article.</ref>.

Le Modèle:Date-, le mathématicien et député Cédric Villani indique qu’après avoir parlé de l’affaire Audin avec le président Emmanuel Macron, il peut déclarer que : Modèle:Citation<ref>Modèle:Lien web.</ref>, tout en affirmant qu'il n'y avait aucune trace de cette exécution dans les archives<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Le Modèle:Date-, les deux députés, Cédric Villani et Sébastien Jumel, appellent lors d'une conférence de presse commune, à une reconnaissance officielle de l'assassinat de Maurice Audin par l'armée française, en présence de Josette Audin et son fils Pierre<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Le Modèle:Date-, le président Emmanuel Macron reconnaît, entre autres, la responsabilité de l’État français dans la disparition de Maurice Audin, en présence de sa famille, au domicile de Josette Audin à Bagnolet<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Josette Audin meurt le Modèle:Date-<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Le Modèle:Date-<ref>Modèle:Lien web.</ref>, un cénotaphe est inauguré au cimetière du Père-Lachaise (Modèle:76e).

Le Modèle:Date-, un arrêté du Premier ministre annonce l'ouverture des archives publiques françaises relatives à la disparition de Maurice Audin<ref>Modèle:Lien web.</ref>,<ref>Modèle:Lien web.</ref>.

Hommages

Fichier:Maurice Audin. Alger2014.jpg
Portrait de Maurice Audin, peint sur le mur, rue Modèle:Date- à Alger.

Notes et références

Modèle:Références

Voir aussi

Bibliographie

Témoignages

Ouvrages historiques

Sur le Comité Audin

Audiovisuel

Archives

Liens externes

Modèle:Liens

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