Savinien de Cyrano de Bergerac

{{#ifeq:||Un article de Ziki, l'encyclopédie libre.|Une page de Ziki, l'encyclopédie libre.}}

Modèle:Voir homonymes Modèle:Infobox Écrivain

Savinien de Cyrano, dit de Bergerac<ref>Quand Savinien a adopté ce titre de noblesse, le fief de Bergerac, situé dans la vallée de Chevreuse, n'appartenait plus à sa famille, mais il n'en a pas moins continué à le revendiquer Modèle:Incise pour s'attribuer des origines gasconnes.</ref>, est un écrivain français, né à Paris, rue des Deux-Portes, baptisé le Modèle:Date- en l'église Saint-Sauveur et mort à Sannois le Modèle:Date de mort-.

Auteur d'une œuvre audacieuse et novatrice, qui l'inscrit dans le courant libertin de la première moitié du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, il est surtout connu aujourd'hui du grand public pour avoir inspiré à Edmond Rostand son Modèle:Citation de Cyrano de Bergerac, qui, tout en reprenant des éléments de la biographie du poète, s’en écarte par de nombreux aspects.

Par-delà la renommée de la pièce de Rostand, on assiste, depuis la fin des années 1970, à un renouveau des études autour de Cyrano et de son œuvre, auxquels ont été consacrés, en France et à l'étranger, une foison de thèses, articles, biographies et essais.

Son diptyque romanesque Modèle:Incise est un des premiers romans de science-fiction.

Biographie

Sources

La brève existence de Cyrano est peu documentée. Certains chapitres, et non des moindres, n’en sont connus que par la préface de l’Histoire comique par Monsieur de Cyrano Bergerac, contenant les Estats et empires de la Lune, publiée vingt mois après sa mort<ref name=Cyrano1657 group="C">Modèle:Harvsp</ref>. Sans Henry Le Bret, ami de l'auteur, qui en rédigea les quelques pages de nature biographique alors qu’il venait d’entrer dans les ordres, nous ne saurions rien de l’enfance campagnarde du libertin, de son engagement militaire, des blessures qu’il lui occasionna, de ses prouesses de bretteur, des circonstances de sa mort, ni de sa prétendue conversion finale.

Depuis qu’en 1872, Auguste Jal a fait connaître que le « sieur de Bergerac » était parisien et non gascon, les recherches menées dans les registres paroissiaux et les actes notariés par un petit nombre de chercheurs<ref group="B">Modèle:Harvsp</ref>,<ref group="B">Modèle:Harvsp</ref>,<ref group="R">Modèle:Harvsp</ref>,<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref>,<ref group="P">Modèle:Harvsp</ref>,<ref group="L" name="Lemoine1911">Modèle:Harvsp</ref>,<ref group="L">Modèle:Harvsp</ref>,<ref group="L">Modèle:Harvsp</ref>,<ref group="S">Modèle:Harvsp</ref>,<ref group="P">Modèle:Harvsp</ref>,<ref group="P">Modèle:Harvsp</ref>,<ref group="D">Modèle:Harvsp</ref>, et au premier chef par Madeleine Alcover (1938-2014), professeur émérite à la Rice University de Houston, ont permis d’en savoir plus sur sa généalogie, son milieu familial, ses domiciles parisiens et certains de ses amis, mais aucun document nouveau n’est venu corroborer ou infirmer les points essentiels du récit de Le Bret, ni en combler les principales lacunes. Aussi ne saurait-on trop se méfier des amplifications paraphrastiques et romanesques auxquelles il a donné lieu<ref group="Note">Voir ce qu'écrit Madeleine Alcover, au seuil de la Modèle:Harvsp : Modèle:Citation</ref>.

Familles

Savinien Modèle:II de Cyrano est le fils d'Abel Modèle:Rom-maj de Cyrano, sieur de Mauvières, (156?-1648), avocat au parlement de ParisModèle:Note, et d'Espérance Bellanger (1586-164?), « fille de défunt noble homme Estienne Bellanger, Conseiller du Roy et Trésorier de ses Finances ».

Ascendants

Savinien I de Cirano, vendeur de poisson de mer
Savinien Modèle:Rom-maj de Cirano, vendeur de poisson de mer.

Le grand-père paternel, Savinien Modèle:Rom-maj de Cyrano (15??-1590), est né probablement dans une famille de notables sénonais (de Sens<ref group="Note">Saint Savinien est le nom du premier archevêque de Sens. Voici ce que Cyrano de Bergerac pouvait lire en 1629, dans L’Idée des bons prélats et la vie de saint Savinian, primat et premier archevêque de Sens et de ses saints compagnons, par le R.P. Étienne Binet, de la Compagnie de Jésus : « On devrait bien marquer dans les annales de la France en lettres de fin or et de diamants le jour fortuné de l’arrivée en France de ce nouveau soleil. Car y portant les premiers rayons de l’aurore du paradis et le soleil oriental de la foi, il se peut dire, et il est vrai, que S. Savinian fut le premier qui porta la lumière qui chassa les ténèbres de cet enfer idolâtre, pour rendre la France un paradis de délices et de bonheur. Ce fut donc à peu près en l’an 46 de Jésus-Christ qu’il arriva en France avec saint Potentian. »</ref>, en Champagne). Il liquide son héritage foncier situé en la paroisse Saint-Hilaire de Sens en 1578, paroisse qui est aussi celle des Coypeau (Dassoucy) et voisine de celle de la belle-mère du comédien Montfleury<ref>Étienne Meunier, "Mémoires de maisons : histoire de trois logis de la place du Marché au Blé", Bulletin de la Société Archéologique de Sens, nouvelle série, volume 3, 1998-1999 (2002), pp. 83 à 134. Le plus lointain ancêtre, Mahyet Cirano, était bourrelier à Sens en 1498. Le père de Savinien I, marchand à Paris, époux de Jehanne Ratier, était Pierre Cirano, procureur au bailliage de Sens, époux de Perrenelle Tramblay.</ref>. La documentation le qualifie successivement de « marchand et bourgeois de Paris » (Modèle:Date), de « vendeur de poisson de mer pour le Roy » dans plusieurs autres documents des années suivantes<ref name="Alcover2012" group="A">Modèle:Harvsp</ref>, enfin de « conseiller du Roi, maison et couronne de France » (Modèle:Date-). Le Modèle:Date-, à Paris, il a épousé Anne Le Maire, fille d'Estienne Le Maire et de Perrette Cardon, qui mourra en 1616. On leur connaît quatre enfants : Abel, père de l'écrivain, Samuel (15??-1646), Pierre (15??-1626) et Anne (15??-1652).

Du grand-père maternel, Estienne Bellanger, « contrôleur des finances en la recette générale de Paris », et de son ascendance, on ignore à peu près tout.

On connaît mieux la famille de sa femme, Catherine Millet : son père, Guillaume II Millet, sieur des Caves, était secrétaire des finances du roi ; son grand-père, Guillaume Modèle:Rom-maj Millet (149 ?-1563), licencié en médecine en 1518, médecin ordinaire de trois rois successifs (Modèle:François Ier, [[Henri II (roi de France)|Henri Modèle:II]] et [[François II (roi de France)|François Modèle:II]]), avait épousé Catherine Valeton, fille d'un receveur des fouages de Nantes, Audebert Valeton, lequel, accusé de complicité dans l'Affaire des Placards, fut « brûlé vif du bois pris en sa maison » Modèle:Note, le Modèle:Date-, au carrefour de la Croix-du-Trahoir, devant la maison du « Pavillon des singes », où Jean-Baptiste Poquelin, futur Molière, devait voir le jour près d'un siècle plus tard<ref group="R">Modèle:Harvsp</ref>.

Parents

Espérance Bellanger et Abel I de Cyrano se sont mariés le Modèle:Date- à l'église Saint-Gervais de Paris. Elle avait au moins vingt-six ans<ref group="Note">Elle avait été baptisée le 11 juin 1586 à l'église Saint-Gervais.</ref>, lui environ quarante-cinq<ref group="Note">Le compte des exécuteurs testamentaires porte que, quelques jours avant sa mort, en janvier 1648, Abel de Cyrano se dit « âgé de plus de quatre-vingts ans ». Il serait donc né avant 1568.</ref>. Leur contrat de mariageModèle:Note, signé le Modèle:Date- précédent à l'hôtel de Maître Denis Feydeau, conseiller, secrétaire et notaire du roi, cousin issu de germain de la mariée, a été publié en 2000 seulement par Madeleine Alcover<ref group="A">Modèle:Harvsp</ref>, qui étudie avec minutie le parcours social des témoins signataires (et plus particulièrement leurs liens avec les milieux dévots) et note que nombre d'entre eux « ont atteint les sphères de la grande finance, de la grande noblesse de robe, de l'aristocratie (y compris celle de Cour) et même de la noblesse d'épée ».

La bibliothèque d'Abel

En 1911, Jean Lemoine a fait connaître l'inventaire des biens du marié<ref group="L">Modèle:Harvsp
Reproduit dans Modèle:Harvsp</ref>. Sa bibliothèque, relativement peu fournie (126 volumes inventoriés), témoigne d'une formation de juriste et d'une curiosité très ouverte : goût des langues et des littératures anciennes, lecture des grands humanistes de la Renaissance (Érasme, Rabelais, Juan Luis Vivès), pratique de l'italien, intérêt pour les sciences.

Côté religion, on relève la présence de deux Bibles, d'un Nouveau testament italien et des Oraisons de saint Basile en grec, mais aucun ouvrage de piété. On ne trouve, du reste, aucun objet de cette nature (gravure, tableau, statue, crucifix) parmi les autres biens inventoriés, mais, en revanche, « douze petits tableaux de portraits de dieux et déesses » et « quatre figures en cire : l'une de Vénus et Cupidon, une autre d'une tireuse d'épine, une d'un flûteux et une d'une femme nue, honteuse » Modèle:Note.

Enfin, on note la présence de plusieurs œuvres de protestants notoires : les Discours politiques et militaires de François de la Noue, deux volumes de George Buchanan, la Dialectique de Pierre de La Ramée, l’Alphabet de plusieurs sortes de lettres de Pierre Hamon et La Vérité de la religion chrétienne, de Philippe Duplessis-Mornay, présence qui confirme qu'Abel a vécu ses années de jeunesse dans un milieu huguenot<ref group="A">Modèle:Harvsp</ref>.

Fratrie

Espérance et Abel Modèle:Rom-maj auront au moins six enfants :

  • Denis, tenu sur les fonts baptismaux de l'église Saint-Eustache, le Modèle:Date, par Anne Le Maire, sa grand-mère, et Denis Feydeau, financier. Il fera des études de théologie à la Sorbonne et mourra dans les années 1640 ;
  • Antoine, tenu sur les fonts de Saint-Eustache, le Modèle:Date-, par sa tante paternelle, Anne Cyrano, et un parrain qui n'est pas nommé dans le baptistaire relevé par Auguste Jal, mais qui pourrait bien être le financier Antoine Feydeau (1573-1628), frère cadet de Denis. Mort en bas âge ;
  • Honoré, tenu sur les fonts de Saint-Eustache, le Modèle:Date-, par Honoré Barentin, trésorier des parties casuelles, et une marraine non nommée. Mort en bas âge ;
  • Savinien Modèle:II (1619-1655), qui fait l'objet de cet article ;
  • Abel Modèle:II, né vers 1624<ref group="Note">Dans deux documents de janvier et Modèle:Date- concernant la succession d'Abel Modèle:Rom-maj de Cyrano, Abel Modèle:II est dit « émancipé d'âge, procédant sous l'autorité de Savinien dudit Cyrano, son frère et curateur ».</ref>, qui reprendra le titre de « sieur de Mauvières », après la mort de son père en 1648 ;
  • Catherine, dont on ignore la date de naissance et qui sera religieuse au couvent des Filles de la Croix, rue de Charonne.

Enfance et adolescence

Baptême, parrain et marraine

À l'historien Auguste Jal revient le mérite d'avoir découvert, dans les années 1860, l'acte de baptême du prétendu Gascon : Modèle:Citation bloc

Savinien a des parents âgés : Espérance Bellanger est dans sa trente-quatrième année, Abel de Cyrano a environ cinquante-deux ans. À titre de comparaison, le futur Molière, qui naîtra trois ans plus tard, grandira sous l'autorité d'un père âgé de Modèle:Unité au moment de sa naissance.

Le patronyme du parrain, Fanny, n’apparaissant nulle part dans l’étude très complète que le comte Henry Coustant d’Yanville a publiée en 1875 sur La Chambre des comptes de Paris (il n’apparaît, du reste, dans aucun document français du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle), le généalogiste Oscar de Poli suggérait, en 1898<ref group="P">Modèle:Harvsp</ref>, qu’il devait s’agir d’une erreur de transcription et proposait de lire Lamy. Un Antoine Lamy a en effet été reçu auditeur des comptes le Modèle:Date-, un an avant [[Famille de Maupeou|Pierre Modèle:II de Maupeou]], cousin d'Espérance Bellanger, gendre de Denis Feydeau et témoin en 1612 au mariage des parents de Savinien<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref>. Sa femme, Catherine Vigor, collaboratrice de Vincent de Paul, sera présidente de la Confrérie de la Charité de Gentilly, ville dans laquelle les deux époux fonderont une mission en 1634<ref group="P">Modèle:Harvsp</ref>. Elle pourrait bien être la marraine de Catherine de Cyrano.

Marie Feydeau, commère d'Antoine Fanny ou Lamy, est la sœur de Denis et Antoine Feydeau, et l'épouse de Louis (ou Loys) Perrot (15??-1625), lequel, outre ses titres de « conseiller et secrétaire du roi », a également celui d’« interprète du roi en langues étrangères »<ref group="G">Modèle:Harvsp</ref>.

Mauvières et Bergerac

Fichier:La Vallée de Chevreuse en 1701.jpg
La Vallée de Chevreuse en 1701. On distingue Sous-Forêt et Mauvières à l'ouest de Chevreuse, sur les bords de l'Yvette.

En 1622, Abel de Cyrano quitte Paris avec sa famille et part s'installer sur ses terres de Mauvières et Bergerac, dans la vallée de Chevreuse, qui lui sont advenues en partage après la mort de sa mère, en 1616.

Ces fiefs, situés sur les bords de l'Yvette, paroisse de Saint-Forget, Savinien I de Cyrano les avait achetés, quarante ans plus tôt, à Thomas de Fortboys, qui les avait lui-même achetés, en 1576, au sieur Dauphin de Bergerac (ou Bergerat), dont les ancêtres les détenaient depuis plus d'un siècleModèle:Note.

Au moment où Savinien I de Cyrano l'a acquise, la seigneurie de Mauvières consistait « en un hôtel manable<ref group="Note">C'est-à-dire, une demeure habitable.</ref> » […] où il y a salle basse, cave dessous, cuisine, dépense, chambre haute, greniers, étables, grange, portail, le tout couvert de tuiles, avec la cour, colombiers clos de murailles ; moulin, clos, jardin et vivier, le droit de moyenne et basse justices… ». L'actuel château de Mauvières, situé sur la route départementale 58 à mi-chemin entre Dampierre-en-Yvelines et Chevreuse, de pur style Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, a sans doute été bâti sur les restes de cette modeste demeure.

Le fief de Bergerac, qui jouxtait le précédent, comprenait une maison avec portail, cour, grange, masure et jardin, soit un arpent ou environ, plus quarante-six arpents et demi, dont trente-six et demi de terre et dix de bois, avec droit de justice moyenne et basse<ref group="L">Modèle:Harvsp</ref>.

Scolarité campagnarde

Fichier:Abraham Bosse, Le maître d'école.jpg
Abraham Bosse (1602-1676). Le Maître d'école.

C'est dans cet environnement champêtre que le jeune Savinien grandit, et dans quelque paroisse voisine qu'il apprend à lire et à écrire. Son ami Le Bret se souviendra<ref group="L" name="LeBret1657">Modèle:Harvsp</ref> :

Modèle:Début citationL'éducation que nous avions eue ensemble chez un bon prêtre de la campagne qui tenait de petits pensionnaires nous avait faits amis dès notre plus tendre jeunesse, et je me souviens de l'aversion qu'il avait dès ce temps-là pour ce qui lui paraissait l'ombre d'un SidiasModèle:Note, parce que, dans la pensée que cet homme en tenait un peu<ref group="Note">Comprendre : qu’il était tant soit peu pédant.</ref>, il le croyait incapable de lui enseigner quelque chose ; de sorte qu'il faisait si peu d'état de ses leçons et de ses corrections, que son père, qui était un bon vieux gentilhomme assez indifférent pour l'éducation de ses enfants et trop crédule aux plaintes de celui-ci, l'en retira un peu trop brusquement, et, sans s'informer si son fils serait mieux autre part, il l'envoya en cette ville [Paris], où il le laissa jusqu'à dix-neuf ans sur sa bonne foiModèle:Note.Modèle:Fin citationIl semble donc qu'entre les années passées en nourrice et le temps qu'il a été pensionnaire chez le « bon prêtre », le jeune Savinien n'a que peu partagé la « vie de château » de sa famille.

Adolescence parisienne

Si l'on ignore à quel âge il arrive à ParisModèle:Note, on peut supposer, avec Hervé Bargy<ref group="B" name="Bargy"/>, qu'il y est hébergé par son oncle Samuel de Cyrano, « trésorier des offrandes, aumônes et dévotions du roi », qui habite avec les siens la grande maison familiale de la rue des Prouvaires où les parents de Savinien ont vécu jusqu'en 1618. Dans cette hypothèse, c'est là qu'il aurait fait la connaissance de son cousin Pierre<ref group="Note">Pierre II de Cyrano, sieur de Cassan.</ref>, avec lequel, s'il faut en croire Le Bret, il nouera une durable amitiéModèle:Note.

Fichier:Détail du plan de Gomboust, 1652.jpg
Jacques Gomboust, Plan de Paris, 1652, détail. Le haut de la rue Saint-Jacques et le collège de Lisieux.

Il est certain qu'il suit des études secondaires, mais on ignore dans quel collège précisément et avec quelle assiduité. On a affirmé pendant longtemps qu'il avait fréquenté le collège de Beauvais, où se déroule l'action de sa comédie du Pédant jouéModèle:Note, et dont le principal, Jean Grangier<ref>Sur Jean Grangier, voir Modèle:Harvsp, et Modèle:Harvsp.</ref>, aurait inspiré le personnage du pédant Granger, mais sa présence, en Modèle:Date-, comme élève de rhétorique au collège de Lisieux<ref group="Note">Charles Sorel, qui y avait peut-être étudié, en a fait une peinture au vitriol dans son Francion.</ref> (voir ci-dessous), incline les plus récents historiens à réviser cette opinionModèle:Note.

Retour des parents à Paris

En Modèle:Date- (Savinien a alors dix-sept ans), son père vend Mauvières et Bergerac à un certain Antoine Balestrier, sieur de l'Arbalestrière, et revient s’installer avec sa femme, sa fille Catherine et deux de ses fils au moins, à Paris, dans « un modeste logis, en haut de la grande rue du faubourg Saint-Jacques près de la Traverse<ref group="L">Modèle:Harvsp</ref> » (paroisse Saint-Jacques-du-Haut-Pas), à deux pas du collège de Lisieux. Mais rien n'assure que Savinien soit venu vivre avec eux.

À la même époque, Denis, l'aîné des enfants survivants d'Abel de Cyrano et d'Espérance Bellanger, poursuit des études de théologie à la Sorbonne. En Modèle:Date-, dans le temps même, probablement, où Savinien s'engagera dans les Gardes, leur père assurera à Denis les cent-cinquante livres de rente qui lui sont nécessaires pour accéder à la prêtrise. Aucun document ultérieur ne permet de suivre son parcours : il serait donc décédé entre cette date et la mort de son père en Modèle:Date-.

En Modèle:Date-, Catherine, la cadette, entrera comme novice au couvent des dominicaines, dites Filles de la Croix, situé rue de Charonne, au faubourg Saint-Antoine, « disant ladite damoiselle de Cyrano que Dieu lui ayant fait la grâce depuis quelques années de reconnaître les désordres de la vie du monde et les empêchements puissants qui s'y rencontrent pour y pouvoir vivre selon l'ordre et la volonté de Dieu, elle aurait dès longtemps fait dessein d'être religieuse et pour cet effet choisi la maison dudit ordre réformé de Saint-Dominique, dites des Filles de la Croix ». Elle y sera religieuse pendant près de soixante ans, sous le nom de sœur Catherine de Sainte-Hyacinthe, et y mourra dans les premières années du siècle suivant<ref group="L">Modèle:Harvsp</ref>.

La prieure du couvent, et l'une de ses cofondatrices, est Marguerite de Senaux (1589-1657), en religion Marguerite de Jésus. […]

Une pente dangereuse

Henry Le Bret continue son récit : Modèle:Citation bloc

Les historiens ne s'accordent pas sur ce « penchant » qui menaçait de corrompre la (bonne ?) nature de Cyrano. Pour exemple de l'imagination romanesque de certains d'entre eux, on citera ces lignes de Frédéric Lachèvre : Modèle:Citation bloc

Quarante ans plus tard, deux excellents éditeurs de Cyrano en rajouteront sur le réalisme et la couleur locale : Modèle:Citation bloc

Selon la biologiste Rita Benkő, d'autres sens de l'expression "un dangereux penchant" pourraient être valables : le libertinage ou l'occultisme<ref name=":0">Modèle:Article</ref>.

Fichier:Da Sousy.jpg
D'Assoucy vers 1630.

Introït D'Assoucy

Dans sa volumineuse biographie de Charles Coypeau d'Assoucy, Jean-Luc Hennig suggère<ref group="H">Modèle:Harvsp</ref>, avec plus de vraisemblance, que Savinien aurait entamé vers 1636 (il avait alors dix-sept ans) une relation homosexuelle avec le musicien-poète, son aîné de quatorze ans. Il note que tous deux avaient des origines sénonaises, un père avocat et des frères et sœurs entrés en religion, et que D'Assoucy, « sodomite » notoire, recherchait exclusivement les éphèbes. À propos des femmes de Montpellier qui l'accuseront en 1656 de les négliger, il écrira que « tout cela est sans autre fondement que leur chimérique imagination, déjà préoccupée, qui leur avait appris les longues habitudes [qu'il avait] eues avec C[hapelle], feu D[e] B[ergerac] et feu C. » Plus tard encore, dans ses Pensées de Monsieur Dassoucy dans le Saint-Office de Rome, il évoquera l'athéisme de Cyrano, « un homme dont je puis bien parler, puisque je l'ai nourri [= élevé, éduqué] longtemps ».

L'hypothèse de l'« homosexualité » (ni le mot ni la notion n'existent au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle) de Cyrano a été formulée pour la première fois explicitement par Jacques Prévot et Madeleine Alcover à la fin des années 1970Modèle:Note.

Le temps des armes

Sous les drapeaux

En 1639, s'il faut en croire Le Bret, qui est l’unique témoin de ces événements, Cyrano s'engage dans une compagnie du Régiment des Gardes françaises<ref>Sur ce régiment, voir Modèle:Harvsp, et Modèle:Harvsp</ref> : Modèle:Citation bloc

Fichier:Plan du siège d'Arras, 1640.jpg
Plan du siège d'Arras, août 1640. Source : BNF-Gallica.

Encore que Le Bret n'emploie pas le mot, il est très probable que Cyrano et lui ont servi en tant que cadets. Modèle:Citation

Nombre de cadets de familles gasconnes se sont illustrés dans les armées royales, et singulièrement dans le Régiment des Gardes Françaises (l'un des plus célèbres, Charles de Batz de Castelmore, dit d'Artagnan, pourrait avoir lui aussi été présent au siège d'Arras) ; il a existé plus tard (sous le ministère de Louvois) une compagnie formée uniquement de cadets (pas nécessairement gascons), mais quoi qu’en écrivent encore certains auteurs, dont le plus récent biographe de Cyrano, il n’a jamais existé, dans aucun corps des armées françaises de l’ancien régime, une unité portant le nom ou le titre de « Cadets de Gascogne ». Il s’agit là d’une invention d’Edmond Rostand, qui ne l’a assurément pas trouvée chez son principal informateur, le littérateur Paul Lacroix, auteur de l’édition des œuvres de Cyrano que le dramaturge a utilisée. Cela étant dit, le capitaine de la compagnie dans laquelle Savinien a combattu était un authentique Gascon<ref>Sur cette question, voir l'article très argumenté Modèle:Harvsp</ref>.

Le Bret, qui évoque longuement les duels et combats « civils » de Cyrano, ne dit rien de son attitude pendant les deux campagnes militaires auxquelles il a participé et se contente de noter les « incommodités » qu'il y a souffertes. Du reste, il n'indique pas s'il y a lui-même participé.

Les noms de Cyrano de Bergerac et de Carbon de Casteljaloux n'apparaissent nulle part dans l'abondante documentation concernant le siège d'Arras, auquel a participé la fine fleur des officiers de l'armée française : La Meilleraye, Chastillon, Chaulnes, Hallier, Gassion, Rantzau, Erlach, Fabert, Grancey, Guiche, Enghien (futur prince de Condé), Mercœur, Luynes, Beaufort, Nemours, Coaslin<ref group="Note">César du Cambout, marquis de Coaslin (1613-1641)</ref>, ainsi que deux écrivains militaires encore peu connus : Roger de Bussy-Rabutin et Charles de Marguetel de Saint-Denis, sieur de Saint-Évremond.

Le bretteur

Fichier:Callot-Tour-de-Nesle-pourleweb-Personnalisé.jpg
Jacques Callot, La Tour de Nesle. Vers 1630.

Le Bret poursuit son récit en ces termes : Modèle:Citation bloc

Ce récit manque pour le moins de précision chronologique et ne recule pas devant les ellipses. S'il semble certain que l'expérience militaire de Cyrano s'est achevée en 1640 avec sa participation au siège d'Arras et la reprise de ses études quelques mois plus tard au collège de Lisieux (voir ci-dessous), il est non moins probable qu'il a continué pendant plusieurs années à se battre en duel, tout ami qu'il fût des lettres et donc de la paix.

On est en droit de s'étonner de la complaisance avec laquelle Le Bret s'étend sur le sujet des duels et fait l'éloge des prouesses de son ami en la matière, quand on considère qu'il rédige cette préface dans le temps même où il se met au service de Pierre de Bertier, évêque de MontaubanModèle:Note, probable membre de la Compagnie du Saint-Sacrement<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref> et promoteur du livre de Claude Marion, baron de Druy, La Beauté de la valeur et la lâcheté du duelModèle:Note.

La cousine Madeleine

Fichier:Madeleine Robineau.jpg
Madeleine Robineau, baronne de Neuvillette (1609-1657).

Au nombre des victimes du siège d'Arras, figure Christophe de Champagne, baron de Neuvillette, capitaine d'une compagnie de chevau-légers, mort le Modèle:Date-<ref>Voir la Gazette de Renaudot, année 1640, Modèle:P., ligne 17.</ref>,<ref>Voir aussi Saint-Évremond, Lettre à son père du Modèle:Date-.
Reproduite dans Modèle:Harvsp</ref>,Modèle:Note. Le Modèle:Date, il avait épousé Madeleine Robineau (1609-1657), cousine de Savinien du côté maternel<ref group="A">Modèle:Harvsp</ref>,<ref name=Alcover2009 group="A">Modèle:Harvsp</ref>. Aucun document n'atteste une quelconque relation entre les deux hommes au cours du siège : le baron était cavalier, Cyrano fantassinModèle:Note. Se sont-ils connus, dans les années précédentes, à Paris, où la baronne menait grand train dans le monde ? Rien ne le suggère.

Devenue veuve, Modèle:Mme de Neuvillette renonce à la vie mondaine et opère une conversion radicale, sous la direction du baron Gaston de Renty, « supérieur » de la Compagnie du Saint-Sacrement<ref group="Note">Aux pages 155 et suivantes du Recueil des vertus…, le pieux biographe de celle dont Rostand fera la belle Roxane livre une image très étonnante de la ferveur religieuse de la baronne : « Quelque temps après sa conversion, soit par les austérités, soit par d’autres choses qui purent altérer son tempérament, il lui vint des poils au menton, toute jeune qu’elle était, mais en telle quantité et si hideux qu’ils pouvaient la faire passer comme une personne monstrueuse. Il y a encore des personnes vivantes et si croyables qui peuvent justifier ceci, qu’il n’y a point lieu d’en douter. Cette âme donc, voyant une si belle occasion de se conformer aux souffrances et aux humiliations de son époux, ou bien de souffrir des opprobres pour son amour, eut la pensée d’endurer cette confusion et de laisser cette difformité croître et multiplier sans obstacle ; mais ceci étant si singulier, elle n’osa pas l’entreprendre sans l’avis de son directeur, lequel, connaissant l’abondance de grâce que Dieu versait dans ce cœur, approuva cette pensée et lui permit de souffrir cette humiliation. Notre nouvelle amante sut bien faire un merveilleux usage de cette approbation ; car avec cette permission, elle remporta tant de victoires sur l’esprit de nature que cela semble presque incroyable. Elle demeura avec cette horrible difformité l’espace de six mois ou environ, souffrant par les rues les dernières injures qu’on dit aux femmes perdues, parce que, paraissant comme une personne monstrueuse, les gens de basse étoffe lui chantaient mille pouilles. Mais le rude choc qu’elle eut à soutenir était dans les compagnies, où je ne sais de quelle part il y avait plus de peine, de la sienne ou de l’assistance ; et encore elle avait une si grande soif de la confusion, pour triompher entièrement des répugnances de la nature, qu’elle se bridait avec une certaine coiffe de telle sorte qu’elle ne laissait paraître que son menton avec ce nouvel ornement. Ses domestiques qui ne voulaient point prendre part à cette ignominie en étaient tellement indignés qu’ils furent sur le point de l’abandonner. Les voisins la tenaient pour folle et ridicule et on en faisait des plaintes à son directeur, lequel, sachant bien seconder les mouvements de la grâce, faisait de l’ignorant ou de l’étonné, soutenant de la sorte cette généreuse pénitente dans ses combats, jusqu’enfin qu’après un si long terme, sans être sollicité d’elle aucunement, il lui commanda de son propre mouvement d’ôter ces poils, et lui dit que Dieu était content ; ce qu’elle fit depuis sans les couper, mais en les arrachant, et faisant succéder la douleur à l’ignominie. »</ref>.

Le Bret écrira que, dans les derniers mois de la vie de Cyrano, elle avait contribué à l'arracher au libertinage, « dont les jeunes gens sont pour la plupart soupçonnés », et à le ramener à des sentiments chrétiens<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref> (voir plus bas, le sous-chapitre « Les convertisseuses »).

Fin d'études

De retour à la vie civile, Savinien reprend des études au collège de Lisieux<ref group="Note">Peut-être y rencontre-t-il François de La Mothe Le Vayer, le fils du philosophe, son cadet de huit ans, qui y a commencé ses études en 1636.</ref>, et ce dès le mois d'Modèle:Date-<ref group="Note">La rentrée des classes avait lieu le Modèle:1er octobre, jour de la Saint-Rémy.</ref>, sans doute. En effet, un document daté du Modèle:Date-, découvert aux Archives nationales<ref>Minutier central, étude LXXIII-361, f° 323 r°-v°.</ref> par Madeleine Alcover, et reproduit dans son édition des États et Empires de la Lune et du Soleil, Modèle:P., le présente comme « écolier étudiant en rhétorique au collège de Lisieux » : Modèle:Citation bloc

Révérence et rapière

Fichier:Les Vrayes principes de l'espée seule.jpg
Philipert de la Touche, Les Vrays principes de l'espée seule, 1670<ref group="L">Modèle:Harvsp</ref>.

Le Modèle:Date-, Cyrano, qui vient d'entrer sans doute en classe de philosophie, passe un marché avec un maître d'armes : Modèle:Citation bloc

Fichier:Apologie de la danse.jpg
François de Lauze, Apologie de la danse, 1623<ref group="D">Modèle:Harvsp</ref>.

Quinze jours plus tard, le Modèle:Date-, il prend un engagement avec un maître à danser : Modèle:Citation bloc

La caution apportée par Abel Modèle:Rom-maj de Cyrano pour le financement de ces leçons, venant après l'épisode du mois de juin, donne l'impression que la vie de Savinien, encore mineur<ref group="Note">La majorité étant fixée à 25 ans à Paris, il ne sera majeur qu'en mars 1644.</ref>, prend un nouveau départ<ref group="Note">Sur l'importance croissante de la danse dans la formation des jeunes nobles et bourgeois aisés, sur les lieux et les méthodes d'apprentissage, voir Eugénia Roucher, « Entre le bel estre et le paroistre : la danse au temps de Louis XIII », dans Les Secrets de Versailles au temps de Louis XIII, textes réunis par Jean Duron et Benoît Dratwicki, Livre-programme édité à l'occasion des grandes journées anniversaire réalisées par le Centre de musique baroque de Versailles et Château de Versailles-Spectacles au château de Versailles, automne 2007.</ref>.

Madeleine Alcover souligne, d'autre part, que « ces lieux, qui étaient des lieux de rencontre, pouvaient être aussi des lieux de rendez-vous, car ils étaient fréquentés par beaucoup de monde : tous les fils de famille suivaient ces cours, et Descartes lui-même s'entraîna au menuet. Ces lieux étaient socialement équivalents aux gymnasia antiques<ref group="A">Modèle:Harvsp</ref>. »

Rencontres

Chapelle

Fichier:Claude-Emmanuel Luillier, dit Chapelle (1626-1686).jpg
Claude-Emmanuel Luillier, dit Chapelle (1626-1686).

C'est vers ce temps probablement (1640-1641) que Cyrano fait la connaissance de Claude-Emmanuel Luillier, dit Chapelle, son cadet de sept ans. Tous deux auraient formé, avec d'Assoucy, ce que Madeleine Alcover a qualifié de « gay trio »<ref group="A">Modèle:Harvsp</ref>.

Ici encore, le témoin principal n’est pas Henry Le Bret, qui, dans son édifiante préface, n'a garde de citer deux incrédules notoires comme d'Assoucy et Chapelle parmi les amis de Cyrano dont il « consigne les noms pour la postérité », mais le D’Assoucy des années 1670, de retour à Paris après quinze ans de pérégrinations dans le Languedoc et l'Italie<ref group="Note">Dont quelques semaines dans les prisons du Saint Office à Rome…</ref>. Chapelle et Bachaumont l'ayant très méchamment (et dangereusement) brocardé dans leur fameux VoyageModèle:Note, il répond au premier — « cet enfant gâté, qui tout fricasse et tout embroche » — dans ses Avantures [sic] de Monsieur D'Assoucy : Modèle:Citation bloc

Et D'Assoucy de poursuivre, quelques pages plus loin : Modèle:Citation bloc

En 1671 déjà, dans ses Rimes redoublées de Monsieur Dassoucy, « l'empereur du burlesque », comme il se nommait lui-même, avait répondu aux accusations de sodomie de son ancien amant : Modèle:Citation bloc

Que peut-on conclure de ces bribes de souvenirs ? Que Cyrano a été l'amant du jeune Chapelle, qu'il a vécu un temps chez lui et à ses crochets, mais que leur relation amoureuse n'a sans doute pas survécu à la rencontre entre Chapelle et D'Assoucy. Cela n'exclut pas qu'il soit resté l'ami de son cadet<ref group="Note">Parmi les « Lettres satiriques » du recueil d’Œuvres diverses publié en 1654, s'en trouve une adressée « à Monsieur Chapelle pour le consoler sur l'éternité de son beau-père ». Le « beau-père » de Chapelle ne peut être qu'Hector Musnier, le mari de sa mère, receveur général des finances en la généralité d’Auvergne, qui mourra très âgé le 27 avril 1648.</ref> et qu'il ait suivi, quelques années plus tard, les « leçons » que Gassendi aurait données à Chapelle et à certains de ses amis chez François Luillier (père de Chapelle), qui l'hébergeait depuis son arrivée à Paris en 1641.

Molière ?

Dans une page célèbre de sa Vie de M. de Molière, parue en 1705, Jean-Léonor Le Gallois, sieur de Grimarest, tentera, dans des termes peu flatteurs pour Cyrano, de justifier les emprunts que Molière a faits à son œuvre. Après avoir indiqué que le père du futur comédien s'était résolu à l'envoyer au collège des Jésuites<ref group="Note">Le collège dit de Clermont, aujourd'hui Lycée Louis-le-Grand.</ref>, il écrit<ref>Modèle:Lien web</ref> : Modèle:Citation bloc

Ces lignes sont le seul « document » qui évoque :

  1. la rencontre dès cette époque de Chapelle et Molière, dont l'amitié n'est avérée, par de nombreux témoignages, qu'à partir de 1659 ;
  2. l'assistance de Molière aux entretiens de Gassendi ;
  3. la rencontre de Cyrano avec Molière.

Elles ont été abondamment glosées et leur autorité parfois violemment récusée, mais nombre d'auteurs continuent à y voir un « noyau de véritéModèle:Note ». D'autres préfèrent « s'en tenir au pas impossible que dicte une bonne méthode historique »Modèle:Note.

Fichier:Nicolas Mignard-Mars et Vénus (1658).jpg
Madeleine Béjart et Molière dans La Mort de Pompée de Corneille, modèles pour "Mars et Vénus" de Nicolas Mignard, 1658.

Cela étant, il est très vraisemblable que Cyrano, passionné de théâtre comme tous ceux de sa génération, a assisté aux spectacles donnés en 1644 et 1645 par l'Illustre théâtre, qui créa en particulier La Mort de Crispe de Tristan L'Hermite. Parmi les comédiens fondateurs de la troupe figurait Denis Beys, frère du poète Charles Beys, proche de plusieurs amis avérés de Cyrano (Jean Royer de Prade, Chapelle).

En 1702, Nicolas Boileau, qui, né en 1636, n'avait pas connu Cyrano, en évoquera la figure devant l'avocat Claude Brossette, à propos de quelques vers du Chant IV de son Art poétique : <poem>

« Un fou du moins fait rire et peut nous égayer :
Mais un froid écrivain ne sait rien qu'ennuyer.
J'aime mieux Bergerac et sa burlesque audace<ref group="Note">On note avec intérêt que pour le vieux Boileau, comme pour Gilles Ménage et d'autres, Cyrano était fou.</ref>
Que ces vers où Motin se morfond et nous glace. »</poem>

Brossette note alors quelques commentaires de Boileau : Modèle:Citation bloc

Molière aimait Cyrano, certes, mais il aimait également bien d'autres auteurs : Corneille, Tristan l'Hermite, Scarron, Charles Sorel, et l'on peut supposer que si Boileau avait voulu dire que Molière avait de l'affection ou de l'amitié pour l'individu Cyrano, il l'aurait dit et Brossette l'aurait formulé plus explicitement.

Reste ce constat : plusieurs amis ou connaissances avérés de Cyrano : Chapelle, Dassoucy, Bernier, Rohault, Royer de Prade, le sieur de Saint-Gilles, Louis-Henri de Loménie de Brienne, François de La Mothe Le Vayer fils, ont été, dans les années 1658-1673, des amis ou connaissances avérés de Molière, sans qu'on puisse, dans aucun cas, faire remonter leurs relations avant la mort de Cyrano.

Les « libertins érudits »

Fichier:Odieuvre - Gassendi.png
Pierre Gassendi (1592-1655).

Dans Les États et empires de la Lune, le personnage du « Démon de Socrate » raconte au héros-narrateur qu'il a fréquenté en France La Mothe Le Vayer et Gassendi. « Ce second, précise-t-il, est un homme qui écrit autant en philosophe que ce premier y vit. » Dans sa lettre « Contre les frondeurs », dédiée au fils de La Mothe Le Vayer, Cyrano évoquera « le docte Naudé, [que Mazarin] honore de son estime, de sa table et de ses présents », et « le judicieux choix qu'il [Mazarin] a fait d’un des premiers philosophes de notre temps [= La Mothe Le Vayer] pour l’éducation de Monsieur, le frère du Roi ».

Sont réunis là les trois principaux membres de la fameuse « Tétrade » étudiée par René Pintard dans ses Libertins érudits de la première moitié du dix-septième siècle. Aucun d'entre eux n'est cité par Le Bret au nombre des amis ou connaissance de Cyrano. Un nom figure dans les pages « didactiques » de la préface — « notre divin Gassendi, si sage, si modeste et si savant en toutes choses » —, mais il n'est pas certain que ces pages soient de Le Bret lui-même.

Il y a de fortes probabilités, cependant, que le poète ait rencontré au moins La Mothe Le Vayer, dont il loue le mode de vie philosophique, et Gassendi, précepteur occasionnel de son ami Chapelle. Quelle connaissance a-t-il de leurs œuvres ? Ses études mouvementées lui ont-elles donné une connaissance du latin suffisante pour lire les textes théoriques passablement ardus du redécouvreur et réhabilitateur d'Épicure ?

Jean Royer de Prade

Fichier:Jean Royer de Prade.JPG
Jean Royer de Prade, dessiné et gravé par François Bignon, d'après un tableau de Zacharie Heince.

Jean Royer de Prade est le premier des nombreux amis de Cyrano — « tous d'un mérite extraordinaire » — dont Henry Le Bret énumèrera les noms et qualités dans sa préface aux Estats et empires de la lune :

Modèle:Citation bloc

Fils de Louis Royer, contrôleur général des vivres des camps et armées du roi, et de Louise Grosset, Jean Royer de Prade (162<ref group="Note">Les historiens et rédacteurs de dictionnaires le disent généralement né en 1624, ce qui ferait de lui le cadet de Cyrano et Le Bret. Aucun document ne l’atteste clairement ; cette date se déduit de l’Avis au Lecteur, placé en tête des trois premiers livres de Royer de Prade (dont la tragédie d’Annibal, achevée d'imprimer le 15 septembre 1649), avis dans lequel l'imprimeur déclare : « J’assemble trois pièces rares et merveilleuses… L’auteur toutefois n’a point voulu qu’elles aient porté son nom, soit par un sentiment d’humilité, ou qu’au contraire, les ayant composées en l’âge de dix-sept à dix-huit ans, comme les lumières d’esprit croissent toujours, il dédaigne aujourd’hui de les avouer, à l’âge de vingt-cinq. »</ref>?-168?) est allié au chancelier Pierre Séguier par sa tante Marie Pellault, fille d’Antoinette Fabri et épouse de son oncle Jean Royer, sieur des Estangs et de BreuilModèle:Note.

La formulation de Le Bret donne à penser que, contrairement aux amis qu'il cite immédiatement après, Royer de Prade ne fait pas partie des « compagnons d’armes » de Cyrano. La documentation le concernant établit néanmoins que dans les années 1640 il maniait l'épée aussi volontiers que la plume.

[…]

Tristan L'Hermite ?

Fichier:Tristan L'Hermite.jpg

Le Bret ne cite pas Tristan L'Hermite parmi les amis de Cyrano, mais celui-ci en fait un tel éloge, dans Les États et empires de la Lune, par la bouche du « démon de Socrate », qu'on peut conjecturer qu'ils se sont au moins rencontrés :

Modèle:Citation bloc

Constatant que Tristan « n'a pas nommé une seule fois Cyrano dans son œuvre » et que Cyrano n'a nommé Tristan, dans sa terrible « lettre contre Soucidas » [= d'Assoucy, voir ci-dessous], que pour accuser ce dernier d'en avoir été aidé dans ses œuvres, observant d'autre part qu'« il n'y a aucune preuve de relations quelconques entre les deux écrivains », Madeleine Alcover se refuse à voir un véritable panégyrique dans ces lignes qu'elle juge équivoques ; un soupçon que Didier Kahn s'est attaché à nourrir dans un article très argumenté sur « les apparitions du démon de Socrate parmi les hommes »<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.

[…]

Une « maladie secrète »

Fichier:Obligation de CdB à Hélie Pigou.JPG
Signature d'Alexandre de Cyrano Bergerac, au bas d'une obligation au chirurgien-barbier Hélie Pigou du Modèle:1er avril 1645.

Le Modèle:Date, Cyrano signe une reconnaissance de dette envers un barbier-chirurgien du nom d'Hélie Pigou : Modèle:Citation bloc

Les historiens ne s'accordent pas sur la nature de la « maladie secrète » dont il est question : syphilis, comme l'affirmaient Paul Lacroix et Frédéric Lachèvre ? maladie urinaire due aux blessures militaires, comme le suggère Madeleine Alcover<ref>Modèle:Ouvrage</ref> ?

Puisqu'il y a pansement, donc plaie et saignement ou suintement, on peut également évoquer les suites d'un duel ou d'un combat quelconque. Au cours de cette même année 1645, un groupe de jeunes nobles, parmi lesquels deux amis avérés de Cyrano, Jean Royer de Prade et Pierre Ogier de Cavoye, se prennent de querelle devant le Palais avec des bourgeois du quartier. L'affrontement est particulièrement violent : deux bourgeois sont tués, deux des jeunes messieurs sont arrêtés, les autres prennent la fuite, tous sont condamnés par sentence du bailli du Palais à être décapités, et sont exécutés en effigie à la pointe de l'île de la Cité. Cependant, le cas étant jugé rémissible, des lettres d'absolution leur seront accordées et il leur en coûtera Modèle:Nombre de réparations au titre du droit des veuves. On peut, avec quelque vraisemblance, émettre l'hypothèse que Cyrano faisait partie des assaillants et que le caractère « secret » de sa « maladie » est lié au fait qu'il est alors en fuite et recherché par la police.

Signe de l'impécuniosité du malade, Hélie Pigou sera payé trois ans plus tard seulement, et ce ne sera pas par Cyrano lui-même, mais par un « François Bignon, marchand bourgeois de Paris », qui est probablement le graveur des Portraits des hommes illustres françois, pour lesquels Cyrano, Le Bret et Royer de Prade écriront des pièces liminaires en 1649 (voir ci-dessous).

Ce document est le seul où Cyrano signe du prénom Alexandre, qui est celui de son capitaine de régiment ; il est en outre le premier où apparaît le titre de « Bergerac ». Le choix de ce titre, au lieu de celui de Mauvières, que Savinien aurait pu prendre en tant qu'aîné et qu'il laisse à son frère Abel, marque bien sa prédilection pour la Gascogne. Quoi qu'il en soit, les fiefs de Mauvières et de Bergerac ayant été vendus par leur père en 1636, ni l'un l'autre fils n'auraient dû pouvoir s'en prévaloir pour se dire écuyersModèle:Note.

Composition du Pédant joué ?

C'est autour de cette année 1645 que les éditeurs placent généralement la composition de la comédie du Pédant joué, hypothèse confortée par la référence faite par deux fois au cours de la pièce au récent mariage (le Modèle:Date) de la princesse Louise-Marie de Gonzague avec le roi de Pologne Ladislas IV Vasa.

La pièce reprend l'une des trois intrigues du Chandelier [Candelaio] que Giordano Bruno avait fait imprimer à Paris en 1582 et dont une adaptation française avait été publiée en 1633 sous le titre de Boniface et le Pédant.

Granger, le «pédant» de la comédie de Cyrano, a pour modèle ou pour source Jean Grangier, mort, selon l'abbé Goujet, au cours de l'année 1644, âgé d'environ soixante-huit ans.

[…]

1646-1647: deux lettres datables

À Monsieur Gerzan sur son Triomphe des dames

Fichier:Gerzan-Le Triomphe des dames.jpg
Table des matières du Triomphe des dames.

En Modèle:Date-, François du Soucy de Gerzan, un vieil alchimiste et romancier, déjà auteur de plusieurs volumes, met en vente chez lui-même, « au faubourg Saint-Germain, devant la grande porte de l’église de la Charité<ref group="Note">L'actuelle cathédrale Saint-Vladimir-le-Grand, à l'angle de la rue des Saint-Pères et du boulevard Saint-Germain.</ref>, proche le Nom de Jésus », un livre intitulé Le Triomphe des dames, dédié à son altesse royale Mademoiselle<ref>Modèle:Lien web</ref>, qui s'ouvre sur rien moins que vingt pièces liminaires, des sonnets pour la plupart, dont plusieurs signées de Chapelle, de Guillaume Colletet et son fils François, d'Antoine Furetière, de François Cassandre, de François de La Mothe Le Vayer le fils, et d'autres dont la postérité n'a pas retenu le nom.

Ces poètes n'étant connus ni pour leur dévotion ni pour leur « féminisme », il semble que cet assaut d'éloges participe davantage de la farce de potaches que d'un véritable enthousiasme collectif. Et c'est bien ainsi que l'entendra Cyrano. Le sieur de Gerzan lui ayant envoyé un exemplaire de son livre, il se fendra quatre mois plus tard d'une lettre truculente « À M. de Jerssan sur son Triomphe des femmes » Modèle:Note.

Modèle:Citation bloc

Contre le gras Montfleury

Au début de l'année 1647, la Troupe royale de l'Hôtel de Bourgogne crée La Mort d'Asdrubal, une tragédie écrite par l'un de ses comédiens, Zacharie Jacob, dit Montfleury, qui sera publiée au mois d'avril. « Monseigneur, écrit l'auteur dans son épître dédicatoire au duc d'Épernon, Je passerais pour téméraire en vous présentant ce fameux héros, si tout Paris n’avait autant estimé sa représentation qu’il a plaint ses infortunes : sa feinte mort a tiré de véritables larmes des yeux de toute l’assistance… » Il n'empêche, quelque chose dans la pièce, dans sa représentation, dans l'interprétation de son auteur-acteur, a dû déplaire fortement à Cyrano et il a dû provoquer un esclandre à l'Hôtel de Bourgogne, car quelque temps après il fait circuler une lettre « Contre le gras Montfleury, mauvais auteur et comédien ».

Fichier:Montfleury, 1647.jpg
Zacharie Jacob, dit Montfleury (1608-1667). Frontispice d’Asdrubal.

Modèle:Début citationGros Montfleury, enfin je vous ai vu, mes prunelles ont achevé sur vous de grands voyages, et le jour que vous éboulâtes corporellement jusqu’à moi, j’eus le temps de parcourir votre hémisphère, ou, pour parler plus véritablement, d’en découvrir quelques cantons. […] La nature, qui vous ficha une tête sur la poitrine, ne voulut pas expressément y mettre de col, afin de le dérober aux malignités de votre horoscope ; que votre âme est si grosse qu’elle servirait bien de corps à une personne un peu déliée ; que vous avez ce qu’aux hommes on appelle la face si fort au-dessous des épaules, et ce qu’on appelle les épaules si fort au-dessus de la face, que vous semblez un saint Denis portant son chef entre ses mains. Encore je ne dis que la moitié de ce que je vois, car si je descends mes regards jusqu’à votre bedaine, je m’imagine voir […] sainte Ursule qui porte les onze mille Vierges enveloppées dans son manteau ou le cheval de Troie farci de quarante mille hommes. […] Si la terre est un animal, vous voyant (comme assurent quelques philosophes) aussi rond et aussi large qu’elle, je soutiens que vous êtes son mâle et qu’elle a depuis peu accouché de l’Amérique, dont vous l’aviez engrossée. […] Je me doute bien que vous m’objecterez qu’une boule, qu’un globe, ni qu’un morceau de chair ne font pas des ouvrages de théâtre, et que le grand Asdrubal est sorti de vos mains. Mais entre vous et moi, vous en connaissez l’enclouure ; il n’y a personne en France qui ne sache que cette tragédie […] a été construite d’un impôt par vous établi sur tous les poètes de ce temps ; que vous l’avez sue par cœur auparavant que de l’avoir imaginée […] j’ajouterai même que cette pièce fut trouvée si belle qu’à mesure que vous la jouiez, tout le monde la jouait. […] Mais bons Dieux ! qu’est-ce que je vois ? Montfleury plus enflé qu’à l’ordinaire ! Est-ce donc le courroux qui vous sert de seringue ? Déjà vos jambes et votre tête se sont unies par leur extension à la circonférence de votre globe. Vous n’êtes plus qu’un ballon ; c’est pourquoi je vous prie de ne pas approcher de mes pointes, de peur que je ne vous crève. […] Je vous puis même assurer que si les coups de bâton s’envoyaient par écrit, vous liriez ma lettre des épaules […] Je serai moi-même votre Parque, et je vous eusse dès l’autre fois écrasé sur votre théâtre, si je n’eusse appréhendé d’aller contre vos règles, qui défendent d’ensanglanter la scène. Ajoutez à cela que je ne suis pas encore bien délivré d’un mal de rate, pour la guérison duquel les médecins m’ont ordonné encore quatre ou cinq prises de vos impertinences. Mais sitôt que […] je serai saoul de rire, tenez par tout assuré que je vous enverrai défendre de vous compter entre les choses qui vivent. Adieu, c’est fait. J’eusse bien fini ma lettre à l’ordinaire, mais vous n’eussiez pas cru pour cela que je fusse votre très-humble, très-obéissant et très affectionné. C’est pourquoi, Montfleury, Serviteur à la paillasseModèle:Note.Modèle:Fin citation On lit, dans la troisième édition du Menagiana (1715, tome III, Modèle:P.), cette anecdote parfaitement invérifiable, mais dont Edmond Rostand a tiré parti dans sa comédie :

Modèle:Citation bloc

L'année 1648

La mort du père

Le Modèle:Date, Abel Modèle:Rom-maj de Cyrano, veuf depuis un certain nombre d'années et âgé de plus de quatre-vingts ans, meurt en la maison de la rue du Faubourg-Saint-Jacques où il avait emménagé en 1636. Travaillé depuis plusieurs années par une rétention d'urine qui, à partir de l'été 1647, le tient cloué au lit, il a dicté, le Modèle:Date-, ses dernières volontés, qu'il a amendées, le Modèle:Date-, puis le Modèle:Date-, par deux codicilles. Il déclare dans le second que dès avant sa maladie divers objets lui ont été volés, à savoir des tableaux, des tapis, des tapisseries, des couvertures, un oreiller, de nombreuses pièces de linge, de la vaisselle d'argent et d'étain, plusieurs volumes in-folio (dont les Vies parallèles de Plutarque), « pour quoi faire on a forcé les serrures des armoires et coffres où étaient lesdites hardes et choses, et attendu qu'il sait par quelles personnes lesdites choses lui ont été soustraites, les noms desquelles il ne veut être exprimés pour certaines considérations, il en décharge entièrement ladite Élisabeth Descourtieux [sa servante] et tous autres ».

Il ne fait guère de doute que les personnes dont le vieillard ne peut citer les noms sont ses propres fils, Savinien et Abel II, sans qu'il soit possible d'imputer ces vols à l'un plutôt qu'à l'autre.

Selon la biologiste Rita Benkő, vu la fréquence des délires chez les personnes âgées, il est également possible qu'Abel I. de Cyrano ait souffert d'un trouble délirant. Aussi, les circonstances décrites par le codicile une vingtaine de jours avant la mort de M. Mauvières indiqueraient des délires - le père dépouillé avait encore 600 livres dans ses mains, et les voleurs ont forcé les armoires à s'ouvrir, alors que M. Mauvières a encore ses clés<ref name=":0" />.

Abel Modèle:Rom-maj est inhumé le Modèle:Date- en l'église Saint-Jacques-du-Haut-Pas.

Vers la Lune

Fichier:Carte de la lune, par Hevelius, 1645.jpg
Johannis Hevelii Selenographia, Sive, Lunae Descriptio, 1647<ref>Modèle:Lien web</ref>.

Au mois de mars suivant, deux libraires parisiens mettent en vente un livre intitulé L’Homme dans la Lune, ou Le Voyage chimérique fait au Monde de la Lune, nouvellement découvert par Dominique Gonzalès, aventurier espagnol, autrement dit Le Courrier volant. Mis en notre langue par J.B.D.<ref>Modèle:Lien web</ref>. Il s’agit de la traduction (assez fidèle) par Jean Baudoin d’un roman de l'évêque anglican Francis Godwin, paru à Londres dix ans plus tôt sous le titre The Man in the Moone, or A Discourse of a Voyage thither, by Domingo Gonsales, The Speedy Messenger<ref>Modèle:Lien web</ref>.

Il est certain que Cyrano a lu ce livre, auquel il emprunte, sinon l'idée même, du moins un grand nombre d'éléments de ses États et empires de la Lune, dont une première mouture circulera en manuscrit dans les premiers mois de 1650<ref group="Note">On lit en effet, dans les Œuvres poétiques de Jean Royer de Prade, achevées d'imprimer le 25 mai 1650, un sonnet adressé « À l’auteur des Estats et Empires de la Lune », suivi d'une épigramme « Au Pèlerin revenu de l’autre Monde ».</ref>. Les trois versions manuscrites du roman qui ont été conservées<ref group="Note">L'une se trouve au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, la deuxième à la Bayerische Staatsbibliothek [Bibliothèque nationale de Bavière], et le troisième à la Bibliothèque Fischer de l'Université de Syney en Australie.</ref> ne sont que des copies et ne permettent pas d'en retracer la genèse.

Pour d'Assoucy, contre Soucidas…

En juillet de la même année 1648, d'Assoucy fait paraître son premier recueil de vers, Le Jugement de Pâris en vers burlesques de Mr Dassoucy. Les pièces liminaires sont signées, entre autres, de Chapelle, de La Mothe Le Vayer le fils, d'Henry Le Bret, de Tristan L'Hermite et de son frère Jean-Baptiste L'Hermite de Soliers.

Fichier:Au sot lecteur.jpg
Avis au lecteur du Jugement de Pâris.

L'avis au lecteur qui suit la dédicace à Hugues de Lionne est titré « Au sot lecteur et non au sage » et signé « Hercule de Bergerac » : Modèle:Citation bloc

Il s'agit du premier texte imprimé de Savinien de Cyrano, qui a alors 29 ans.

Quelques jours ou quelques semaines plus tard, en tout cas avant le Modèle:Date-, le bouillant Hercule compose une terrible « Satire contre Soucidas d'Assoucy », qui circulera en manuscrit avant d'être publiée dans le recueil de 1654 :

Modèle:Citation bloc

… et contre Scarron

Fichier:Paul Scarron 2.jpg
Portrait présumé de Paul Scarron, 1610-1660. Peinture de l'école française du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, Musée de Tessé, Le Mans.

Il est possible que ce retournement de Cyrano à l'égard de d'Assoucy soit lié à l'évolution de ses rapports avec Paul Scarron. À défaut de connaître les motivations de Cyrano, on peut marquer les étapes de la détérioration de ces rapports triangulaires :

Dans son Jugement de Pâris, d'Assoucy faisait pour ainsi dire « allégeance » au maître du burlesque français, qui aux mois de février et juin précédents avait fait paraître les deux premiers livres de son Virgile travesti, parodie de l'Énéide en octosyllabes burlesques :

<poem>

Fils de Paul et non fils de Pierre,
De qui les os percent la chaire,
Moi, fils de Pierre et non de Pol <ref group="Note">Le père de D'Assoucy s'appelait Grégoire…</ref>,
Qui sur épaule ai tête et col,
Voudrais bien faire révérence
À votre maigre corpulence,
Devant qui la mort, ce dit-on,
N'oserait braquer son canon,
Ni montrer sa mine sauvage,
Tant lui faites mauvais visage.
Scarron, céleste original,
Qui parlez bien et marchez mal,
Esprit des esprits le plus rare,
Dont la France aujourd'hui se pare,
Et dont rare est aussi la chair,
Saint Paul, de Dieu l'ami très cher,
Saint martyr, sacré cul de jatte,
Par qui tout homme portant ratte
Du mal de ratte est délivré,
Sitôt qu'argent il a livré
Au sieur Quinet qui vend le livre<ref name=Quinet group="Note">Toussaint Quinet, libraire-éditeur de Scarron et de D'Assoucy.</ref>
Qui la ratte de mal délivre ;
Scarron que j'aime autant que moi,
Par qui je jure, en qui je crois,
Avant que l'homicide Parque
M'embarque dans la sale barque
Du batelier nommé Caron,
Permettez moi, Monsieur Scarron,
Que, prosterné dessus la face
J'aille adorer votre carcasse,
Après avoir dans maint écrit
Adoré votre bel esprit.</poem>À peu de temps de là, Cyrano fait circuler en manuscrit une lettre atroce « Contre Scarron, poète burlesque » :

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Scarron aurait donc dédaigné de lire les « œuvres » de Cyrano, en déclarant qu' « elles puaient le portefeuille ». L'Alceste de Molière aurait dit qu'elles étaient bonnes à mettre au cabinet<ref group="Note">Au sens où l'entend La Fontaine, quand il écrit en 1665 : « Comme [mes ouvrages] sont fort éloignés d'un si haut degré de perfection, la prudence veut que je les garde en mon cabinet. »</ref>.

Au début du mois d'octobre de la même année 1648, le libraire Toussaint Quinet met en vente La Relation véritable de tout ce qui s’est passé en l’autre monde, au combat des Parques et des Poètes, sur la mort de Voiture<ref group="Note">Le poète et épistolier Vincent Voiture était mort le 24 mai précédent.</ref>, et autres pièces burlesques, par Mr Scarron<ref group="S">Modèle:Harvsp</ref>. Le livre s'ouvre sur un avis « Au lecteur qui ne m'a jamais vu », allusion à la parenthèse de Cyrano (car je ne l'ai jamais vu) :

Fichier:Scarron par Della Bella, 1648.JPG
Scarron par Stefano Della Bella. Frontispice de titre de la Relation véritable, 1648.

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Cet avis plein de pudeur et de dignité est suivi d'une épître « À Messieurs mes chers amis Ménage et Sarrasin, ou Sarrazin et Ménage », qui s’achève sur ces mots :

Modèle:Citation bloc

Au mois de décembre suivant, Toussaint Quinet publie le troisième livre du Virgile travesti. Scarron y conclut son avis au lecteur sur une nouvelle et dernière allusion à Cyrano : Modèle:Citation bloc

Scarron ne dégainera pas son avant-propos défensif. Cyrano réécrira sa lettre avec plus de virulence encore et la fera paraître dans le recueil d’Œuvres diverses de 1654, où l'on pourra lire de surcroît, à la fin de la lettre « Contre les frondeurs », quelques nouvelles pages outrancièrement hostiles contre « le malade de la Reine ». Ces pages et la lettre seront cartonnées, probablement sur intervention de Scarron lui-même, avant d'être réintroduites dans la seconde édition, en 1659<ref>Sur la censure par cartonnage des Lettres de 1654, voir Modèle:Harvsp.</ref>.

1649-1652 : quatre années de frondes

Blocus de Paris et Mazarinades

Depuis huit mois, la Fronde oppose le Parlement de Paris et les deux têtes du pouvoir royal, la reine régente Anne d'Autriche et son ministre le cardinal Mazarin, quand dans la nuit du 5 au Modèle:Date, la cour quitte Paris pour le château de Saint-Germain-en-Laye. Les troupes royales, commandées par le prince de Condé, commencent l’investissement de la capitale. Le Parlement lève des troupes qu'il place sous le commandement du prince de Conti (frère cadet de Condé), nommé « généralissime de la Fronde ». Le siège et le blocus prendront fin avec la Paix de Rueil, signée le Modèle:Date-.

Durant cette période, Cyrano habite rue de l'Hirondelle, dans la paroisse de Saint-André-des-Arts. Aucun document ne permet de savoir quelles ont été ses activités pendant cette période, ni a fortiori s'il est l'auteur des quelques mazarinades que certains historiens se sont empressés de lui attribuer depuis le Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle. Tout au plus peut-on signaler une lettre intitulée « Sur le blocus d'une ville », qui n'a pas de véritable contenu politique et ne sera publiée qu'en 1662.

Un coq en pâte chez le pâtissier Jacques Barat

Fichier:Grossoyement Barat-Cyrano.pdf
Mémoire du pâtissier Jacques Barat.

Vers la mi-Modèle:Date-, une reconnaissance de dette signée le Modèle:Date- nous l'apprend, Cyrano prend pension chez Jacques Barat, maître pâtissier rue de la Verrerie. Il y restera au moins jusqu'au Modèle:Date-. Cet hébergement lui a sans doute été procuré par Henry Le Bret, dont Barat est cousin germain par alliance<ref group="Note">En 1635, il a épousé Madeleine Du Fay, fille du maître charpentier Lazare Du Fay et de Claude Malaquin, tante maternelle de Le Bret. Le 23 du mois a été signé, en l'étude du notaire Philippe Le Cat, le «contrat de mariage entre Jacques Barat, maître pâtissier, demeurant rue de la Verrerie, paroisse Saint-Jean en Grève, fils de Jacques Barat, décédé, maître paticier, et de Denise Yvon, décédée, d'une part, et Madeleine Du Fay, fille de Lazare Du Fay, décédé, maître charpentier, demeurant à Saint-Germain en Laye et de Claude Malaquin, demeurant rue des Prouvaires, paroisse Saint-Eustache, d'autre part».</ref>.

Les Œuvres poétiques et le Trophée d'armes héraldiques de Royer de Prade

Entre Modèle:Date- et Modèle:Date-, Jean Royer de Prade, qui, en 1648, a hérité de son oncle Isaac Thibault de Courville une assez considérable fortune, fait paraître cinq volumes in-quarto, dont un recueil d'Œuvres poétiques, achevé d'imprimer le Modèle:Date-, qui s'ouvre sur un avis « À qui lit », signé « S.B.D. » et attribué le plus souvent à Cyrano : Modèle:Citation bloc

On lit, à la page 22, un sonnet adressé « À l’auteur des États et Empires de la Lune » : <poem>

Ton esprit qu’en son vol nul obstacle n’arrête
Découvre un autre monde à nos ambitieux,
Qui tous également respirent sa conquête
Comme un noble chemin pour arriver aux cieux.
Mais ce n’est point pour eux que la palme s’apprête :
Si j’étais du Conseil des Destins et des Dieux,
Pour prix de ton audace on chargerait ta tête
Des couronnes des rois qui gouvernent ces lieux.
Mais non, je m’en dédis, l’inconstante Fortune
Semble avoir trop d’empire en celui de la Lune ;
Son pouvoir n’y paraît que pour tout renverser.
Peut-être verrais-tu, dans ces demeures mornes,
Dès le premier instant ton État s’éclipser
Et du moins chaque mois en rétrécir les bornes.

</poem>

À la page suivante, c'est une épigramme « Au Pèlerin revenu de l’autre Monde » : <poem>

J’eusse fait un plus long ouvrage
Sur ce grand et fameux voyage
Dont ton livre nous fait rapport,
Mais ma veine la plus féconde
Se glacerait à ton abord,
Et déjà je me juge mort,
À voir des gens de l’autre Monde.

</poem>

Ces deux poèmes établissent que dès les premiers mois de 1650, une première mouture au moins des États et empires de la lune circulait en manuscrit parmi les amis de Cyrano.

Dans le Trophée d'armes héraldiques ou la Science du blason<ref group="R">Modèle:Harvsp</ref>, achevé d'imprimer le même jour, et dédié au fils du philosophe La Mothe Le Vayer, la présence de Cyrano est plus discrète : on ne le trouve que dans la « Table des matières et des familles contenues dans ce livre », à la lettre S :

Modèle:Citation bloc

Dans les éditions suivantes (1655, 1659, 1672), le nom de Cyrano aura disparu.

Le grave trio des Portraits des hommes illustres

Au début de l’année 1650, trois libraires parisiens, dont Charles de Sercy, mettent en vente un volume intitulé Les Portraicts des hommes illustres francois qui sont peints dans la galerie du Palais Cardinal de Richelieu : avec leurs principales actions, armes, devises, & eloges Latins, desseignez & gravez par les Sieurs Heince & Bignon, peintres & graveurs ordinaires du Roy. Dediez a Monseigneur le Chancelier Seguier Comte de Gyen, &c ; ensemble les abregez historiques de leurs vies composez par M. de Vulson, Sieur de la Colombiere, gentil-homme ordinaire de la Chambre du Roy, &c.

Il est probable que Pierre Séguier a financé l’opération : son nom, qui se lit en grandes capitales sur la page de titre, apparaît en tant que dédicataire jusque dans le frontispice.

Le peintre Zacharie Heince est l'auteur d’un hypothétique portrait de groupe représentant le trio Le Bret-Cyrano-Royer de Prade, d’après lequel sera gravé le portrait de Cyrano qui figure en frontispice des Œuvres diverses en 1654. La même année 1654, sera publiée une Généalogie de la maison des Thibaults, de Royer de Prade, en tête de laquelle se verra un portrait de l’auteur gravé par François Bignon d’après Heince.

L'essayiste et historien protestant Marc Vulson de La Colombière, l’un des maîtres de Royer de Prade dans la «science du blason», est l’auteur de plusieurs mazarinades, dont Le Mouchard, ou Espion de Mazarin, La Parabole du temps présent, dénottant les cruautez de Mazarin contre les François et prophétisant la victoire de Messieurs du Parlement, Raisons d’estat contre le ministère estranger.

Les portraits sont précédés de sept pièces liminaires, dont un sonnet signé De Prade, un huitain signé Le Bret, et deux épigrammes adressées à Heince et Bignon, et signées De Bergerac.

L'épître dédicatoire à Séguier et l'avertissement au lecteur sont signés de Heince et Bignon. Un projet d'épître, rédigé par Cyrano pour être signé par les deux artistes, est resté à l'état de manuscrit. Il a été publié par Frédéric Lachèvre en 1921<ref group="L">Modèle:Harvsp</ref>:

Modèle:Citation bloc

Le trio burlesque du Parasite Mormon

Au cours de l'été 1650 est imprimé et mis en circulation, sans nom d'auteur, sans adresse de libraire et sans mention de permission ni de privilège, un livre de 204 pages intitulé Le Parasite Mormon, histoire comique<ref>Modèle:Lien web</ref>, qui, en dépit de ces indications de clandestinité, ne paraît pas avoir fait l'objet de poursuites. L'auteur en est le jeune François de La Mothe Le Vayer, fils du philosophe, lequel a été nommé depuis peu précepteur de Philippe d'Anjou, frère de Louis XIV.

[…]

1653-1654 : l'adieu à la liberté

Le choix d'un patron

Jean de Gassion
Fichier:Portrait du maréchal de Gassion.jpg
Portrait du maréchal Jean de Gassion.

Le Bret écrit dans la préface des États et empires de la lune de 1657 :

Modèle:Citation bloc

Il y avait pourtant une affinité d'humeurs certaine entre le cadet parisien et le maréchal gascon<ref group="D">Modèle:Harvsp</ref>. De même que, s'il faut en croire Le Bret, Cyrano faisait montre « d'une si grande retenue envers le beau sexe qu'on peut dire qu'il n'est jamais sorti du respect que le nôtre lui doit », de même, selon ce que Théophraste Renaudot exposait à ses lecteurs dans un « Extraordinaire » de sa Gazette paru dix jours après la mort du grand homme, Gassion n'était pas seulement indifférent à l'amour, « il avait une si grande aversion aux filles et aux femmes, et à toutes les coquetteries qui en dépendent, qu’il est malaisé de concevoir comment, étant de cette humeur, il ne laissait pas de pratiquer fort adroitement la civilité et courtoisie, qui semble s’apprendre mieux avec ce sexe que dans toutes les écoles de la morale » Modèle:Note.

De surcroît, Gassion était un homme cultivé, qui « entretenait un commerce de lettres avec un des plus beaux esprits et des plus savants hommes que le monde ait jamais vus [l'érudit protestant Claude Saumaise]<ref>Modèle:Lien web</ref>,<ref group="D">Modèle:Harvsp</ref>. »

Gassion étant mort en Modèle:Date-, et Pierre Ogier de Cavoie n'étant âgé à cette date que de dix-neuf ans, l'offre que le maréchal aurait faite à Cyrano d'entrer à son service ne peut avoir eu lieu très longtemps auparavant, en tout cas après le siège d'Arras, qui, à en croire Le Bret, aurait mis fin à la période militaire de Cyrano.

Ici encore, comme à propos des duels, on peut s'étonner des éloges décernés au protestant Gassion<ref group="Note">Trois des plus grands maréchaux de France au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle étaient protestants : Josias Rantzau, Jean de Gassion et Turenne.</ref> par un homme qui s'apprête à consacrer le reste de sa vie à combattre les réformés de Montauban. Mais peut-être faut-il y voir une pique en direction de Louis d'Arpajon, qui, au dire de Tallemant des Réaux, « avait tant pesté » quand en 1643, après la victoire de Rocroi, Gassion, son cadet de près de vingt ans, s'était vu décerner le bâton de maréchal que lui, Arpajon, « mourait d'envie » de recevoir<ref group="T">Modèle:Harvsp</ref>.

Louis d'Arpajon
Louis, duc d'Arpajon, par Michel Lasne, 1653.
Louis, duc d'Arpajon, par Michel Lasne, 1653.

En Modèle:Date-<ref group="Note">Le 31 mai 1653, Cyrano signe une reconnaissance de dette à « Guillaume de Lihut, bourgeois de Paris […] pour nourriture, logement et autres choses à lui fournies jusqu’à ce jourd’hui. » Cette date est confirmée par une phrase de l'épître dédicatoire des Œuvres diverses, achevées d'imprimer le 12 mai 1654 : « Il y a près d'un an que je me donnai à vous. »</ref>, « pour complaire à ses amis, qui lui conseillaient de se faire un patron qui l'appuyât à la cour ou ailleurs » [Le Bret], Cyrano accepte d'entrer au service du duc d'Arpajon.

Louis, vicomte d'Arpajon, marquis de Séverac, comte de Rodez, baron de Salvagnac, de Montclar, etc., né vers 1590, avait derrière lui une longue et brillante carrière militaire<ref group="P">Modèle:Harvsp</ref>, quand, en 1648, Mazarin l'a nommé ambassadeur extraordinaire auprès du roi de Pologne. La réussite de cette mission de dix mois, dont on peut suivre les étapes semaine après semaine dans la Gazette de Renaudot, et sa fidélité au pouvoir royal au début de la « Fronde des princes » lui valent d'être créé, en Modèle:Date-, duc, pair de France et lieutenant général des armées du roi.

Veuf depuis dix-huit ans de Gloriande de Lauzières de Thémines (1602-1635), dont il a eu plusieurs enfants, il se remariera en Modèle:Date- avec Marie-Élisabeth de Simiane de Moncha, qui mourra en couches neuf mois plus tard ; il se remariera une troisième fois en 1659 avec Catherine-Henriette d'Harcourt (1630-1701).

Ce personnage a été le plus souvent négligé par les biographes de Cyrano, qui ne se sont pas attardés sur les relations que celui-ci avait pu entretenir avec le duc et sa fille Jacqueline et sur la nature de ses activités au service de cette maison. « Il est difficile, s'étonne Madeleine Alcover, de comprendre pourquoi Cyrano a choisi ce protecteur, qui s'entourait d'écrivains pour le decorum et à qui Tallemant a fait une bien plaisante réputationModèle:Note. Sa relation avec Cyrano ne pouvait être qu'une bombe à retardementModèle:Note. »

Un manuscrit anonyme décrit l'homme en des termes plus flatteurs : « M. d’Arpajon, courageux, vaillant, irrésolu, changeant, Amadis et visionnaire<ref>Bibliothèque de l'Arsenal, Recueil Conrart, tome X (Ms. 5419, Microfilm R 4361), Modèle:P. (« Rôle des généraux d’armée depuis le siège de La Rochelle [automne 1628] et l’ouverture de la guerre en 1635 »).</ref>. » Dans la seconde partie de sa Clélie, achevée d'imprimer en Modèle:Date-, Madeleine de Scudéry décrit le duc sous le nom de « prince d'Agrigente » : Modèle:Citation bloc

En Modèle:Date-, le poète Saint-Amant lui a dédié la troisième partie de ses Œuvres<ref>Modèle:Lien web</ref>. En Modèle:Date-, c'est au tour de Charles Beys de lui dédier ses Illustres fous<ref>Modèle:Lien web</ref>.

En 1654, ce sera Arpajon, probablement, qui financera la publication, chez le libraire Charles de Sercy, de La Mort d'Agrippine et d'un recueil d'Œuvres diverses.

Jacqueline d'Arpajon

Jacquette-Hippolyte (dite Jacqueline d'Arpajon (1625-1695), fille unique du duc et de Gloriande de Lauzières de Thémines, est Philonice dans la seconde partie de Clélie, achevée d'imprimer le Modèle:Date-. Son absence dans la première partie, achevée d'imprimer en Modèle:Date-, donne à penser qu'elle a fréquenté les fameux « samedis » de Madeleine de Scudéry, rue Vieille-du-Temple, pendant l'année 1654. Sapho fait d'elle un long portrait délicatement nuancéModèle:Note, qui suggère une relation particulièrement étroite entre les deux femmes<ref group="S" name="Clélie"/>.

Elle était arrivée à Paris, venant de Séverac, avec son père, après la fin de la Fronde des Princes, en février ou Modèle:Date-Modèle:Note. Partie prendre les eaux à Bourbon au cours de l'année 1655, elle n'en revint, semble-t-il, que pour entrer, en juillet de la même année, au couvent des Carmélites du faubourg Saint-Jacques, contre l'avis du duc et en dépit d'une « grande lettre » que lui adressa Madeleine de Scudéry pour tenter de l'en faire sortirModèle:Note. Dans la dernière partie de Clélie, un personnage qui s'inquiète de savoir « si l'aimable Philonice est toujours parmi les Vierges voilées », s'entend répondre qu' « une amie très fidèle qu'elle a laissée dans le monde la regrette continuellement »<ref group="S">Modèle:Harvsp</ref>.

Cyrano composera pour elle un sonnet, qui se lit après l'épître dédicatoire des Œuvres diverses de 1654 : <poem>

Le vol est trop hardi, que mon cœur se propose :
Il veut peindre un soleil par les dieux animé,
Un visage qu'Amour de ses mains a formé,
Où des fleurs du printemps la jeunesse est éclose ;
Une bouche où respire une haleine de rose
Entre deux arcs flambant d'un corail allumé,
Un balustre de dents en perles transformé
Au-devant d'un palais où la langue repose ;
Un front où la pudeur tient son chaste séjour,
Dont la table polie est le trône du jour,
Un chef-d'œuvre où s'est peint l'ouvrier admirable.
Superbe, tu prétends par-dessus tes efforts :
L'éclat de ce visage est l'éclat adorable
De son âme qui luit au travers de son corps.

</poem>

Imprimé in-quarto

Fichier:Permission d'imprimer 1653.jpg
Permission d'imprimer La Mort d'Agrippine veuve de Germanicus et quelques lettres, décembre 1653.

En Modèle:Date-, Cyrano sollicite et obtient un privilège au nom du « sieur de Bergerac » pour l'impression de « La Mort d'Agrippine, veuve de Germanicus » et « quelques lettres conjointement ou séparément ». Le Modèle:Date- suivant, le libraire Charles de Sercy, à qui Cyrano aura « cédé et transporté » son privilège, le fera enregistrer. La tragédie et les lettres seront finalement publiées en deux volumes séparés.

La Mort d'Agrippine

La Mort d'Agrippine, tragédie par Mr de Cyrano Bergerac est publiée en premier, sans achevé d'imprimer, probablement dans les premiers jours de Modèle:Date-. Un avis du libraire au lecteur, placé en tête du volume, annonce la parution imminente des lettres :

Modèle:Citation bloc

Fichier:Savinien Cyrano de Bergerac - La mort d'Agrippine - 1654 - p2.png
Frontispice de La Mort d'Agrippine, 1654.

L'un des plus récents éditeurs de la pièce écrit qu'elle « fut jouée, probablement à la fin de 1653 […] on peut penser que ce fut à l’Hôtel de Bourgogne. Elle aurait été retirée après quelques représentations, pour avoir choqué le public par quelques vers où s’exprimait un libertinage philosophique un peu trop netModèle:Note. » On peut objecter que si la pièce avait été retirée pour des raisons religieuses, le duc d'Arpajon, dont rien ne permet de mettre en doute la foi, n'en aurait probablement pas financé l'impression, et n'aurait accepté ni l'utilisation de ses armes, ni l'hommage que lui rend Cyrano.

Si la pièce n'a pas été jouée en public avant son impression, elle l'a été en tout cas après, et du vivant même de son auteur, comme en témoigne le physicien Christian Huygens, qui en verra une représentation donnée à Rouen le Modèle:Date-<ref>Modèle:Lien web</ref>.

Il n'est pas impossible, cependant, qu'elle ait été donnée en privé chez le duc d'Arpajon, comme semble l'avoir été, au cours du premier semestre de 1653, la tragédie de Zénobie, reine d’Arménie, de l’avocat Jacques Pousset de Montauban, dont l'auteur avait dédié l'impression à Jacqueline d'Arpajon en ces termes : «… Je vous demande seulement une protection que M. le Duc, votre père, m’a fait l’honneur de me dire que vous m’accorderiez. Il a vu Zénobie sur un superbe théâtre, et ce qu’il n’a pas cru indigne de ses yeux, il m’a assuré qu’il ne déplairait pas aux vôtres… » L'épître dédicatoire était suivi d'un sonnet liminaire signé du sieur de Saint-Gilles, ami de Cyrano.

Le frontispice, gravé tout exprès pour cette impression, n'est pas signé. Il représente, dans sa partie supérieure, les armes du duc d’Arpajon, et en dessous, une scène de théâtre sur laquelle Tibère, bouche ouverte dans un cri de frayeur ou d'horreur, tend les mains dans un geste de défense, tandis qu'Agrippine, le visage tourné vers lui, mais le corps à l'opposé, tient dans sa droite un poignard dont la pointe semble dirigée contre elle-même plutôt que contre Tibère.

L'épître dédicatoire au duc d'Arpajon pousse très loin la flatterie ; après avoir détaillé la brillante carrière militaire du duc, Cyrano va jusqu'à écrire : «Mais tant de glorieux succès ne sont point des miracles pour une personne dont la profonde sagesse éblouit les plus grands génies et en faveur de qui Dieu semble avoir dit par la bouche de ses prophètes que le sage aurait droit de commander aux astres…»

Les Œuvres diverses

Les Œuvres diverses de Mr de Cyrano Bergerac sont achevées d'imprimer le Modèle:Date-. Le volume s'ouvre, comme La Mort d'Agrippine, sur une épître dédicatoire au duc d'Arpajon : Modèle:Citation bloc

L'épître est suivie du sonnet à Modèle:Mlle d'Arpajon reproduit ci-dessus.

Le Pédant joué

Modèle:...

Fin de vie

Coup et blessure

Fichier:Épître dédicatoire de l'Histoire comique de Cyrano de Bergerac.JPG
Pages d'une première version (non cartonnée) de l'épître dédicatoire de l’Histoire comique des États et empires de la Lune (1657), dans laquelle Le Bret accusait Abel II d'avoir séquestré son frère malade. Exemplaire conservé à la bibliothèque Pompidou de Châlons-en-Champagne.

Ici encore, il faut relire Le Bret, dont le témoignage manque hélas de clarté, au point qu'il donne lieu à plusieurs hypothèses, parfois contradictoires, concernant les derniers mois, voire les dernières années de la vie de Cyrano.

Dans l'épître dédicatoire des États et empires de la Lune, adressée à Tanneguy Regnault des Boisclairs, Le Bret écritModèle:Note :

Modèle:Citation bloc

Les termes de la préface sont différents. Le Bret évoque d'abord allusivement la fin dramatique des relations de Cyrano avec Arpajon, avant de mentionner le rôle joué successivement par Jacques Rohault et Tanneguy Regnault des Boisclairs :

Modèle:Citation bloc

Il n'est question, dans ces pages de Le Bret, ni de poutre, ni de tuile, ni d'aucun autre objet contondant. Ce n'est que trente-deux ans plus tard, dans l'article « Cyrano de Bergerac (N. de) » du Supplément ou troisième volume du Grand dictionnaire historique de Louis Moréri (1689), qu'apparaît la fameuse « pièce de bois » dont la plupart des biographes feront état par la suite : « La mort de Cyrano, écrit Pierre de Saint-Glas, abbé de Saint-Ussans, probable auteur de cet article, arriva en 1655 par un coup d'une pièce de bois qu'il reçut par mégarde sur la tête, quinze ou seize mois auparavant, en se retirant un soir de chez M. le duc d'Arpajon<ref>Modèle:Lien web</ref>. » L'article entier n'étant qu'une paraphrase de la préface de Le Bret, rien ne permet d'accorder foi à ce qui apparaît comme une simple « broderie ».

L'imprécision du témoignage de Le Bret ne permet pas de décider si la blessure fatale fut le résultat d'un simple accident ou d'une véritable tentative d'assassinat.

Question de chronologie

Fichier:Préface non-cartonnée.JPG
Pages de la version non cartonnée de la préface de l'Histoire comique des États et empires de la Lune.

Il n'est pas moins difficile d'établir une chronologie précise des événements qui devaient conduire à la mort de Cyrano.

Le texte de Le Bret fait se succéder quatre lieux et quatre temps de résidence pour cette dernière période :

  • le domicile parisien du duc d'Arpajon (dans le MaraisModèle:Note), où Savinien « demeura »<ref group="Note">Aucun document n'atteste qu'il était logé par le duc.</ref> jusqu'à ce qu'il reçoive, « quelques mois devant sa mort », le fatal « coup à la tête » ;
  • la maison d'Abel II de Cyrano (au faubourg Saint-Jacques), où le blessé, en proie à une « violente fièvre », aurait connu une « longue captivité » ;
  • la maison de Tanneguy Regnault des Boisclairs (rue de la Tissanderie, dans le Marais), où il aurait été hébergé et soigné pendant « quelques mois » [dans le texte de l'épître dédicatoire] ou « quatorze mois » [dans la préface] ;
  • la demeure de son cousin Pierre Modèle:II de Cyrano, sieur de Cassan (à Sannois), où « il se fit porter, cinq jours avant de mourir ».

Les « quelques mois » de l'épître s'accordant mal avec les « quatorze mois » de la préface (augmentés, qui plus est, de la « longue captivité » chez Abel), Madeleine Alcover choisit de privilégier la seconde version, parce qu'il est difficile, selon elle, « d'imaginer une erreur sur une information si précise (« quatorze mois »), tandis qu'il suffit d'imaginer une omission pour expliquer les « quelques mois » : elle propose donc de lire un an et quelques mois.Modèle:Note » Cette hypothèse la conduit à situer le « coup à la tête » entre Modèle:Date- — dans le temps même où Cyrano obtenait les permissions d'imprimer La Mort d'Agrippine et les Œuvres diverses — et la mi-Modèle:Date-, durée qu'il faut réduire d'un certain nombre de semaines ou de mois, compte tenu de la « longue captivité » qui s'intercale entre le coup et la libération par Tanneguy des Boisclairs. Or, c'est dans cette fourchette que se situe un fait divers rapporté par Jean Loret dans sa Muze historique du Modèle:Date- : dans les premiers jours de la nouvelle année, le carrosse d'Arpajon a été la cible d'un guet-apens nocturne, au cours duquel un homme de la suite du duc a été « porté par terre, / Mortellement blessé, dit-on, / D'un sanglant coup de mousqueton »<ref group="L">Modèle:Harvsp</ref>. Dans une telle hypothèse, Cyrano serait demeuré sept mois auprès du duc d'Arpajon, aurait été blessé dix-neuf mois avant sa mort, serait resté prisonnier de son frère pendant cinq mois, et c'est au cours de cette captivité que La Mort d'Agrippine et les Œuvres diverses auraient été imprimées et mises en vente.

Une autre hypothèse est possible ; au lieu d’une omission, on peut imaginer une confusion : le typographe chargé de composer le texte de la préface aurait lu quatorze au lieu de quatre. Quatre mois, ce sont en effet « quelques mois », et, compte tenu de la « longue captivité », on serait conduit à situer l’arrivée chez Tanneguy des Boisclairs vers la fin de Modèle:Date- et le coup à la tête dans les premiers mois de l’année. Un nouveau fait divers, rapporté par Loret dans sa Muze historique du Modèle:Date-<ref group="L">Modèle:Harvsp</ref> et par Scarron dans sa gazette en vers du 21<ref group="S">Modèle:Harvsp</ref>, viendrait conforter cette seconde hypothèse : une semaine auparavant, l’hôtel d’Arpajon a été partiellement ravagé par un incendie, au cours duquel Cyrano aurait pu être blessé. Dans la nouvelle chronologie ainsi dessinée, Cyrano serait demeuré dix-neuf mois auprès du duc d'Arpajon, il aurait reçu un coup à la tête sept mois avant sa mort et serait resté captif d'Abel pendant deux mois et demi.

Mais peut-être la blessure fatale n'est-elle liée à aucun des deux incidents rapportés par les gazettes, et l'on peut rester dans l'approximation du Dictionnaire de Moréri citée plus haut : « La mort de Cyrano arriva en 1655 par un coup d'une pièce de bois qu'il reçut par mégarde sur la tête, quinze ou seize mois auparavant…»

Chez Tanneguy Regnault des Boisclairs

Fichier:Tanneguy Regnault des Boisclairs.jpg
Tanneguy Regnault des Boisclairs, par Balthasar Montcornet.

Abandonné par le duc d'Arpajon pendant sa maladie (s'il faut en croire Le Bret), Cyrano est recueilli par Tanneguy Regnault des Boisclairs, qui héberge déjà chez lui, rue de la Tissanderie, paroisse Saint-Jean-en-Grève, un frondeur notoire, l'abbé Laurent de LaffemasModèle:Note, fils d'Isaac, l'ancien lieutenant civil et criminel de la prévôté de Paris sous Richelieu.

Les convertisseuses

Après avoir évoqué les amis de Cyrano et son refus d'entrer au service du maréchal de Gassion, Le Bret écrit : Modèle:Citation bloc

Ces quelques lignes ne permettent pas de savoir à quelle période de la vie de Cyrano et dans quelles circonstances la Mère Marguerite, tante par alliance de Pierre de Bertier, l’évêque de Montauban, dont Le Bret devient le bras droit au cours de l’année 1657, a tenté de le faire rencontrer ces «gens du temps» susceptibles d'assurer sa fortune, ni qui sont précisément ces «belles connaissances», qu'il faut très certainement chercher dans les milieux dévots. Le père Étienne-Thomas Souèges, auteur de La Vie de la vénérable Mère Marguerite de Jésus, professe du monastère de Ste-Catherine de Sienne à Toulouse, et fondatrice de ceux de S.-Thomas et de la Croix à Paris, nous fait connaître, Modèle:P., que la comtesse de Brienne, femme du secrétaire d’État, mère de Louis-Henri de Loménie de Brienne, jeune ami de Cyrano cité par Le Bret (voir ci-dessous) et qui, selon [[Françoise de Motteville|Modèle:Mme de Motteville]], était une intime, voire une confidente, de la reine Anne d'Autriche, était «grande amie de la Mère et singulièrement affectionnée à notre ordre».

Quant à la «toute charitable» baronne de Neuvillette, il ne paraît pas qu'elle soit venue en aide de manière concrète à son cousin impécunieux. Ce n'est pourtant pas manque de moyens : le jour de Noël 1656, elle fera un don considérable — Modèle:Unité — pour activer les travaux de construction de l’Institution de l’Oratoire (ou noviciat des Oratoriens, devenu plus tard l'hôpital-hospice de Saint-Vincent-de-Paul), qui avait été fondé le Modèle:Date-, rue des Charbonniers, dans le faubourg Saint-MichelModèle:Note.

Derniers jours

Le Modèle:Date-, « par une affectation de changer d'air qui précède la mort et qui en est un symptôme presque certain dans la plupart des malades » (Le Bret), Savinien se fait transporter à Sannois, chez son cousin et ami Pierre Modèle:II de Cyrano, sieur de Cassan, trésorier général des offrandes du Roi.

Fichier:Acte de décès de Cyrano.jpg
Article du Petit Parisien du Modèle:Date- annonçant la découverte par Charles Samaran de l'acte de décès de Cyrano.

Le Modèle:Date-, Cyrano meurt à Sannois. Il y sera inhumé le lendemain, comme l'atteste le certificat de décès délivré par le père François Cochon, curé de la paroisse : Modèle:Citation bloc

Il n'existe aucune preuve que sa dépouille ait été transportée au couvent des Filles de la Croix de la rue de Charonne à Paris.

Dans les trois mois qui suivent, trois hommes dont Cyrano a croisé la route meurent à leur tour : Tristan L'Hermite, le Modèle:Date-, Laurent de Laffemas (voir ci-dessus), le Modèle:Date-, et Pierre Gassendi, le Modèle:Date-.

Amis et connaissances de Cyrano

Ayant fait, dans sa préface aux Estats et empires de la lune, le décompte des qualités d'esprit, de cœur et de mœurs du défunt, Henry Le Bret entreprend de nommer quelques-uns de ses amis, « tous d'un mérite extraordinaire, tant il les avait bien su choisir ».

Le Bret et Royer de Prade

Modèle:...

Compagnons et témoins

Les premiers cités, après Royer de Prade, sont, sinon des camarades de régiment (encore que tous se soient illustrés sous les drapeaux dans les années 1640-1650), au moins des compagnons d'armes, témoins des prouesses spadassines de Cyrano.

« L'illustre Modèle:Souligner, qui fut tué à la bataille de Lens, et la vaillant Modèle:Souligner, enseigne des gendarmes de Son Altesse Royale [le prince de Conti], furent non seulement les justes estimateurs de ses [de Cyrano] belles actions, mais encore ses glorieux témoins et ses fidèles compagnons en quelques-unes. » Ces « belles actions » sont de toute évidence des duels.

« J'ose dire que Modèle:Souligner et M. de Modèle:Souligner, qui se connaissent en braves et qui l'ont servi et en ont été servis dans quelques occasions souffertes en ce temps-là aux gens de leur métier, égalaient son courage à celui des plus vaillants. »

  • Jacques Le Bret, sieur du Monceau (1629?-1658), capitaine au régiment de Conti […]
  • Jean-Baptiste Zeddé, sieur de Vaux (1618?-1699), capitaine au régiment de Conti […]

« Et si ce témoignage était suspect à cause de la part qu'y a mon frère, je citerais encore un brave de la plus haute classe, je veux dire M. Modèle:Souligner, qui l'a trop bien connu et trop estimé pour ne pas confirmer ce que j'en dis. »

  • Jean Duret, sieur de Montchenin, capitaine au régiment de Conti […]

« J'y puis ajouter M. de Modèle:Souligner, maître de camp du régiment d'infanterie de Mgr le prince de Conti, puisqu'il vit le combat surhumain dont j'ai parlé, et que le témoignage qu'il en rendit, avec le nom d'intrépide qu'il lui en donna toujours depuis, ne permet pas qu'il en reste l'ombre du moindre doute, au moins à ceux qui ont connu M. de Bourgogne, qui était trop savant à bien faire le discernement de ce qui mérite de l'estime d'avec ce qui n'en mérite point, et dont le génie était universellement trop beau pour se tromper dans une chose de cette nature. »

  • Louis de Bourgogne, sieur de Mautour (1620?-1656), « avait été plusieurs années capitaine de chevau-légers dans le régiment du prince de Conti, lorsqu’on lui accorda le grade de maréchal de camp par brevet du Modèle:Date-. Il prit le parti des princes, rentra dans son devoir avec M. le prince de Conti [[[:Modèle:Date-]]], et fut fait maître de camp, lieutenant du régiment d’infanterie de ce prince lors de son rétablissement, par commission du Modèle:Date-. Il le commanda à l’armée de Catalogne jusqu’à sa mort. » [Pinard, Chronologie historique-militaire, tome IV, Modèle:P.] […]

Amis civils, amis d'étude

Les noms suivants dans l'énumération de Le Bret sont, pour la plupart, ceux d'amis « civils », qui « eurent pour [Cyrano] toute l'estime qui fait la véritable amitié, dont à l'envi ils prirent plaisir de lui donner des marques très sensibles ». Plusieurs d'entre eux, beaucoup plus jeunes que Cyrano, ne l'ont sans doute rencontré qu'au début des années 1650.

  • « Monsieur de Modèle:Souligner, qui court toujours avec une si agréable impétuosité au-devant de ceux qu'il veut obliger ». Henry Duret, sieur de Chevaigne, est le demi-frère de Jean Duret de Montchenin […]
  • « Cet illustre conseiller, Monsieur de Modèle:Souligner, qui a toutes les qualités d'un homme achevé». Jean-Baptiste Gonthier, seigneur de Longeville, Thiais, Choisy et Grignon, né le Modèle:Date-, fils de Jacques Gonthier, conseiller au Parlement de Paris en 1616, et de Marie de Bermont, a été reçu conseiller au Grand Conseil le Modèle:Date- et sera reçu président en la chambre des Comptes de Paris, le Modèle:Date-, office qu'il occupera jusqu’en 1675. On lit, dans les « Notes sur le personnel de tous les parlements et cours des comptes du royaume, envoyées par les intendants des provinces à Colbert, sur sa demande, vers la fin de 1663 » [in Depping, Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV, Paris, 1851, tome II, Modèle:P.] : « Gontier : esprit farfadet, ridicule, débauché, faible, sujet à une femme qui lui coûte ; d’humeur niaise et facile ; a M. son père, honnête homme, conseiller au grand conseil. » Quel « mérite extraordinaire » lui a valu d'être choisi comme ami par Cyrano ? On l'ignore.
  • « Monsieur de Modèle:Souligner, en qui l'effet suit toujours l'envie d'obliger, et qui n'est pas un petit témoin de son [de Cyrano] courage et de son esprit ». N***, sieur de Saint-Gilles, sera capitaine au régiment de Conti dans les années 1650. Par deux fois en 1640, la Gazette de Renaudot a cité un Saint-Gilles dans ses relations du siège et de la prise de Turin. Peut-être apparenté au janséniste Antoine Baudry d’Asson de Saint-Gilles, qui assurera l'impression clandestine des Provinciales de Pascal, on le trouve, au début des années 1660, intendant de Louis-Henri de Loménie de Brienne. En 1662, c'est lui qui remet la tragédie d'Arsace, roi des Parthes, de Jean Royer de Prade, à Molière et à ses camarades de la Troupe de Monsieur, qui la créeront sans succès au mois de novembre. Vers la même époque, il est l'un des deux parieurs dans la fameuse « gageure sur les deux Jocondes (celle de Jean de Bouillon et celle de Jean de La Fontaine ». […]
  • « Monsieur de Modèle:Souligner, dont les productions sont les effets d'un parfaitement beau feu ». François Payot, sieur de Lignières (1626?-1704), est allié de Cyrano (sa cousine Louise Payot de Lignières a épousé Antoine Feydeau), de Tristan L’Hermite (par sa grand-mère paternelle, née Gabrielle Miron), et de Jacques Vallée des Barreaux (dont la grand-tante, Marie Vallée, sœur de Geoffroy Vallée le condamné, était la femme de Robert Miron). Un an après la mort de Cyrano, répondant à Lignières qui, dans une lettre très polémique avait éreinté La Pucelle ou la France délivrée, poème épique de Jean Chapelain, le jeune abbé de Montigny écrira : «Pour moi, je tiens que vous n’avez point eu d’autre motif en cela que […] de vous mettre un peu au monde et d’y passer pour ce qu’on appelle un bel Esprit de profession. Vous savez, Monsieur, quelle bête c’est qu’un bel esprit de ce genre-là ; que c’est un animal privé de sens commun, qui regimbe contre l’honneur et contre la coutume ; qui vous étourdit d’allusions et de basses équivoques, et qui vous dit éternellement des pointes des plus fausses et des plus provinciales. C’est un état de vie irrégulier et inconnu à nos pères, […] et une espèce de moinerie profane dont Cyrano a été l’instituteur. Vous avez suivi votre vocation en vous y fourrant ; vous y avez tant de talent qu’on vous y a reçu profès, malgré tout votre air de novice, et qu’on s’est étonné que la nature ait fait en vous en fort peu de temps ce qu’elle n’a pu faire qu’en plusieurs années dans les D’Assoucys et les Monmors. »
  • « Monsieur de Modèle:Souligner, en qui la mémoire et le jugement sont si admirables et l'application si heureuse d'une infinité de belles choses qu'il sait ». Peut-être s'agit-il de Pierre Mérault, sieur de Gif et d'Orgemont, vicomte de Chasteaufort […]
  • « Monsieur des Modèle:Souligner, qui n'ignore rien, à vingt-trois ans, de ce que les autres font gloire de savoir à cinquante». Gilles Filleau, sieur des Billettes (1634-1720), est le frère de Nicolas Filleau de la Chaise (1631-1693), qui sera co-éditeur des Pensées de Pascal, et de François Filleau de Saint-Martin (1632-1695?), qui en 1677 publiera une traduction nouvelle du Don Quichotte de Cervantès. En 1699, il sera reçu membre de l’Académie des sciences. Fontenelle y fera son éloge<ref>son éloge</ref>. […]
  • « Monsieur de Modèle:Souligner, dont les mœurs sont si belles et la façon d'obliger si charmante ». Il ne s'agit assurément pas d'Adrien de La Morlière, natif de Montdidier, poète et historien d’Amiens, puisqu'il est mort en 1639 et que Le Bret parle de l'ami de Cyrano au présent. Les documents de l'époque font connaître de nombreux La Morlière, tous originaires de Picardie. L'un d'entre eux, Jean Milon de La Morlière, s’est distingué aux sièges de Corbie et de Montdidier en 1636 et sera lieutenant du roi à Montdidier. Un autre, Valentin de la Morlière, sieur du Palis, habite, en 1651, rue de la Tixeranderie (ou Tissanderie), dans un quartier où demeure également Tanneguy Regnault des Boisclairs.
  • « Monsieur le Comte de Modèle:Souligner, de qui le bel esprit répond si bien à sa grande naissance ». Plutôt que d'Henri-Auguste de Loménie de Brienne (1594-1666), secrétaire d’État de la maison du roi en 1638, secrétaire d’État des Affaires étrangères et ministre d’État depuis Modèle:Date-, qui n'est pas ce qu'on appelle alors un «bel esprit», il s'agit très certainement ici de son fils Louis-Henri, dit le Jeune Brienne, né le Modèle:Date-. Compagnon de jeu de Louis XIV enfant, il a fait ses études au collège des Grassins ; à peine ses études terminées, le Modèle:Date-, à moins de seize ans, il a été nommé survivancier de son père, et, le Modèle:Date- suivant, conseiller d'État. Le Modèle:Date-, il est parti pour un long voyage de formation, au cours duquel il a visité les cours étrangères. Il n’a été de retour à Paris que le Modèle:Date-, quatre mois après la mort de Cyrano. S’il a connu ce dernier, c’est donc avant Modèle:Date-, alors qu’il n’était âgé que de seize ans au plus. Au moment où Le Bret rédige sa préface, le bruit court (Loret s’en fait l’écho dans ses Lettres des 18 et Modèle:Date-) que le comte de Brienne s’est démis de sa charge en faveur de son fils. […]

Deux amis d'exception

  • « Je ne particulariserai rien de ce fort esprit, de ce tout savant, de cet infatigable à produire tant de bonnes et si utiles choses, M. l'Modèle:Souligner, parce que je n'ai pas eu l'honneur de le hanter, mais je puis assurer que M. de Bergerac s'en louait extrêmement et qu'il en avait reçu beaucoup de témoignages de beaucoup de bonté. » Michel de Marolles, abbé de Villeloin (1600-1681) […]
  • « Cet illustre mathématicien, qui a tant fait de belles épreuves [= expériences] physiques, et qui n’est pas moins aimable pour sa bonté et sa modestie que relevé au-dessus du commun par sa science, eut tant d’amitié pour Monsieur de Bergerac, et s’intéressa de sorte pour ce qui le touchait, qu’il fut le premier qui découvrit les mauvais traitements que lui faisaient son frère et qui rechercha soigneusement, avec tous ses amis, le moyen de le soustraire aux cruautés de ce barbare». Jacques Rohault (1618-1672) […]

Les ignorés de Le Bret

La préface de Le Bret passe sous silence un certain nombre d'amis et connaissances avérés de Cyrano — Chapelle, D'Assoucy et François de La Mothe Le Vayer fils —, dont les deux premiers au moins ont occupé dans sa vie une place beaucoup plus importante que la plupart des hommes cités plus haut.

[…]

Les Œuvres (dans l'ordre de leur publication)

La Mort d'Agrippine, tragédie (1654)

L'action de cette tragédie en cinq actes et en vers se situe sous le règne de l'empereur romain Tibère, en 31. On y suit le complot ourdi contre l'empereur par Agrippine l'Aînée, qui veut venger le meurtre de son époux Germanicus, par Séjan, qui la convoite, et par Livilla, maîtresse du préfet du prétoire.

Le thème dominant est le mensonge comme moteur du discours des hommes entre eux. Les dieux en sont exclus, notamment à travers une scène (acte II, scène IV, v. 635-640) qui fait scandale, dans laquelle Séjanus professe son athéisme en évoquant<poem>

(...) Ces enfants de l'effroi,
Ces beaux riens qu'on adore et sans savoir pourquoi,
Ces altérés du sang des bêtes qu'on assomme,
Ces dieux que l'homme a faits et qui n'ont point fait l'homme,
Des plus fermes États ce fantasque soutien ;
Va, va, Térentius, qui les craint ne craint rien<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref>.

</poem>Mis en vente par le libraire Charles de Sercy au printemps 1654, le livre s'ouvre sur une épître dédicatoire au duc d'Arpajon qui pousse très loin la flatterie ; après avoir détaillé la brillante carrière militaire du duc, Cyrano n'hésite pas à écrire :

Modèle:Citation bloc

L'édition, sinon la représentation, fait sensation, comme en témoigne cette anecdote rapportée par Tallemant des Réaux : Modèle:Citation bloc

Les Œuvres diverses de Mr de Cyrano Bergerac (1654)

Ce recueil est achevé d'imprimer le Modèle:Date- pour le compte du libraire Charles de Sercy<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref>.

Le frontispice

Fichier:Édition originale des Œuvres diverses, 1654.JPG
Édition originale des Œuvres diverses, 1654. Exemplaire de la bibliothèque Pompidou de Châlons-en-Champagne.

L'eau-forte donnée en frontispice est ainsi légendée :

Modèle:Retrait

Cette légende ne se traduit pas sans mal, le latin de son rédacteur étant apparemment hésitant ; en effet, l'ablatif masculin depicto ne peut se rapporter ni au nominatif Savinianus, ni à l'ablatif féminin icone. Sans doute faut-il comprendre que le tableau d'après lequel la gravure a été faite représentait les trois amis réunis et que le « noble Français Savinien de Cyrano de Bergerac » se trouvait donc auprès ou en compagnie de (apud) « Messieurs Le Bret et De Prade, ses amis les plus (ou très) anciens (antiquissimos amicos) ».

La gravure a été réalisée par un artiste dont le monogramme était inconnu, à partir d'un tableau du portraitiste Zacharie Heince. Tous les autres portraits de Cyrano dérivent de celui-ci : en 2022, Rémi Mathis découvre qui est l'auteur de cette gravure, qu'il attribue donc à Antoine-Léonor Houdin<ref>Modèle:Article</ref>. Il existe un portrait de Royer de Prade gravé par François Bignon d’après un dessin de Heince.

Les Lettres

Les quarante-sept lettres publiées sont de formes et d'inspirations diverses : poétiques, satiriques, amoureuses. La plupart sont adressées à des personnages réels : les poètes Scarron, Chapelle et d’Assoucy (sous le nom de Soucidas), le comédien Zacharie Jacob, dit Montfleury, François du Soucy de Gerzan, François de La Mothe Le Vayer fils.

Les historiens et les critiques sont partagés sur leur nature réelle. Pour Jacques Prévot, par exemple, elles relèvent moins de la réflexion que de l’exercice de style, voire du « poème en prose ». Telle n'est pas l'opinion de Jean-Luc Hennig, biographe de d'Assoucy, qui écrit<ref group="H">Modèle:Harvsp</ref> :

Modèle:Citation bloc

Parmi les plus importantes sur le plan de la pensée de Cyrano, on peut citer les deux lettres « Pour les sorciers<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref> » et « Contre les sorciers<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref> », la lettre « Contre Soucidas<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref> » et la lettre « Contre les frondeurs<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref> », dédiée à L[a] M[othe] L[e] V[ayer] L[e] F[ils].

Le Pédant joué

Fichier:Le Pédant joué.jpg
Le Pédant joué dans Œuvres diverses de Mr. de Cyrano Bergerac (1654).

Publiée par Charles de Sercy dans le même volume que les Lettres, avec une page de titre et une pagination séparées, cette comédie en cinq actes et en prose est librement inspirée du Chandelier, de Giordano Bruno, dont une traduction était parue en 1633 sous le titre Boniface et le pédant, comédie en prose, imitée de l'italien de Bruno Nolano<ref group="N">Modèle:Harvsp</ref>.

La pièce a sans doute été composée au cours des années 1645-1646. En effet, il y est fait par deux fois allusion au récent mariage de la princesse Louise Marie de Gonzague avec le roi de Pologne Ladislas IV Vasa, représenté par le Palatin de Posnanie, mariage qui eut lieu à Paris au début du mois de Modèle:Date-.

L’intrigue renvoie à un schéma classique hérité du théâtre italien : un vieillard ridicule empêche deux couples de jeunes gens de réaliser leur amour, mais ceux-ci parviennent à le duper avec l’aide d’un valet rusé. Cyrano introduit dans cette structure des personnages typés jusqu’au paroxysme, parfois tout à fait étrangers à l’intrigue, s’exprimant en longues tirades et dont le discours relève toujours d’un usage particulier de la langue : Granger, le pédant ; Chasteaufort, le « soldat-fanfaron » ; Gareau, le paysan, et premier personnage à s’exprimer en patois sur la scène française.

Molière reprendra le même patois d'ïle-de-France dans le deuxième acte de son Festin de pierre (Dom Juan), et plusieurs situations du Pédant joué dans Les Fourberies de Scapin.

L’Histoire comique des États et Empires de la Lune (1657)

Fichier:Cyrano Mond.jpg
Frontispice de l’Histoire comique contenant les États et empires de la Lune dans le tome II des Œuvres de Monsieur de Cyrano Bergerac éditées par Jacques Desbordes, à Amsterdam, en 1709. Le narrateur s'élève dans les cieux grâce à des fioles de rosée<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref>.

Deux ans après la mort de Cyrano, Charles de Sercy fait paraître un modeste volume<ref group="Note">À la différence des in-quartos de La Mort d'Agrippine et des Œuvres diverses, le roman est imprimé au format in-12 et sa typographie est peu soignée.</ref> intitulé Histoire comique par Monsieur de Cyrano Bergerac, contenant les Estats & Empires de la Lune<ref name=Cyrano1657 group="C"/>. Il est publié avec un privilège signé de Jean de Cuigy, secrétaire du roi, père de Nicolas de Cuigy, ami de Cyrano et de Le Bret.

Une préface problématique

L'épître dédicatoire à Tanneguy Renault des Boisclairs, signée Le Bret, est suivie d'une longue préface, dont la partie biographique au moins est de la plume du même Le Bret. Il y fournit, en quelques paragraphes, les données essentielles de la vie de Cyrano et une description de sa personnalité : goût de la liberté, haine du dogmatisme et du plagiat, austérité de mœurs, désintéressement, générosité, « retenue envers le beau sexe » (indifférence aux femmes). Un tel hommage est rare dans les pratiques éditoriales du XVIIe siècle, mais en dépit du grand intérêt qu'elle présente pour la connaissance de Cyrano, cette préface n'est plus reproduite dans les éditions modernes du romanModèle:Note.

Une première édition lacunaire et fortement « révisée »

Modèle:...

Les Nouvelles Œuvres de Monsieur de Cyrano Bergerac (1662)

L’Histoire comique des États et Empires du Soleil

Fichier:Cyrano Sonne.jpg
Illustration de Lorenz Scherm pour l’Histoire comique contenant les Estats et empires du Soleil (Amsterdam, 1710). Dyrcona s'envole de la tour où il était enfermé, à Toulouse, à bord d'une machine équipée d'une voile et surmontée d'un vase en forme d'icosaèdre.

En Modèle:Date-, Charles de Sercy met en vente un recueil intitulé Les Nouvelles Œuvres de Monsieur de Cyrano Bergerac, contenant l'Histoire comique des Estats et empires du Soleil, plusieurs lettres et autres pièces divertissantes<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref>.

Le volume s'ouvre sur une épître « À Monsieur de Cyrano de Mauvières » (Abel II, frère cadet de Savinien), signée du libraire et qui lave le dédicataire des accusations portées contre lui par Henry Le Bret dans l'épître dédicatoire et la préface de l'Histoire comique de 1657:

Modèle:Début citation… Il n’y a point de doute qu’à présent qu’il jouit de l’immortalité qu’il s’est acquise par ses travaux, et qu’il est secondé d’un frère en qui l’esprit et le bon sens ont fait une alliance très étroite, il n’étouffe pour jamais ces hydres renaissantes [l'envie et la médisance] avec autant de facilité que de promptitude, et qu’il ne leur fasse avouer, en expirant, pour la dernière fois, qu’on ne peut s’attaquer à deux frères dont l’amitié, malgré l’imposture de leurs ennemis, triomphe de la mort même, sans éprouver la rigueur de leur vengeance et sans porter les peines de leur témérité.Modèle:Fin citation

L'épître est suivie d'une longue préface non signée (elle a été attribuée tantôt à Jacques Rohault, tantôt à l'abbé de Marolles), très semblable, dans sa manière, aux pages didactiques de la préface de 1657.

Viennent ensuite un Fragment d'histoire comique par Monsieur de Cyrano Bergerac, contenant les Estats et empires du Soleil, dix nouvelles lettres<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref>, les Entretiens Pointus<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref> et un Fragment de physique ou la Science des choses naturelles<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref>.

Commentaires sur les deux romans

Selon l'auteur connu sous le pseudonyme de Fulcanelli l'œuvre de Cyrano, qualifié de « plus grand philosophe hermétique des temps modernes<ref group="F">Modèle:Harvsp</ref> », révèlerait une connaissance expérimentale de l’alchimie. Cette lecture est aujourd'hui fortement contestée<ref>Alain Mothu, « Un “duel ésotérique” ? La Pyrhydromachie des Empires du Soleil » (Modèle:P.303-326), La Lettre clandestine, Modèle:N° : Le Doute philosophique : philosophie classique et littérature clandestine, Presses de l'université Paris-Sorbonne, mai 2002, 450 pages, Modèle:Lire en ligne Modèle:P.</ref>,<ref>Didier Kahn, « L'alchimie dans Les États et Empires de la Lune et du Soleil », Littératures classiques, Modèle:N°, automne 2004, et « Quelques notes d'alchimie dans Les États et Empires de la Lune et du Soleil », in Bérangère Parmentier (dir.), Lectures de Cyrano de Bergerac. Les États et Empires de la Lune et du Soleil, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004.</ref>.

Certains commentateurs, dont Madeleine Alcover, considèrent les deux Voyages comme les deux volets d'un même projet romanesque, intitulé L'Autre monde. L'œuvre raconterait les voyages d'un même personnage, Je sur la Lune, et Dyrcona sur le Soleil (Dyrcona étant l'anagramme de D(e) Cyrano). La structure de chacune des deux parties est assez similaire : sur la Lune comme sur le Soleil, le narrateur rencontre différents personnages, êtres humains ou animaux, avec lesquels il aborde toutes sortes de sujets, et se retrouve en position d'accusé dans un procès qui se conclut par une condamnation, de laquelle il est sauvé par une intervention extérieure.

Cette œuvre est considérée comme un des premiers romans de science-fiction<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. L'auteur y décrit ses voyages dans la Lune et le Soleil et rend compte des observations qu’il a pu y faire de sociétés indigènes, dont le mode de vie est parfois totalement différent de celui des terriens, voire choquant, et parfois au contraire identique, ce qui lui permet d’en dénoncer indirectement les limites. Ces voyages imaginaires sont avant tout prétextes à exprimer une philosophie matérialiste<ref>Voir en particulier Modèle:Harvsp.</ref>. Celui qui conduit Dyrcona dans le soleil est un voyage initiatique : le narrateur se qualifie lui-même comme une « personne qui [n'a] risqué les périls d'un si grand voyage que pour apprendre ». Il ne cesse de questionner ceux qu'ils rencontrent pour s'informer de leurs mœurs, de leurs sciences, de leur philosophie… Cependant, à l'inverse du roman d'apprentissage classique, Dyrcona ne finit pas par découvrir des vérités ; bien au contraire, ce qu'il tenait pour vrai va être détruit. En effet, chacun de ses interlocuteurs énonce des vérités qui seront par la suite détruites par un autre interlocuteur. Il s'agit donc bien plus d'un roman épistémologique. On peut y voir une sorte de mise en garde contre la Vérité, rappelant la relativité de toute connaissance et de tout savoir (d'autant plus vrai à l'époque) ; ce qui donne toute sa place à cette œuvre dans le mouvement du libertinage intellectuel du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle.

Les États et Empires de la Lune et du Soleil a été inscrit en 2005 au programme du concours de l'agrégation de lettres modernes en France<ref>Modèle:Ouvrage</ref>

Les Entretiens pointus

Ensemble de vingt-deux « pointes », c’est-à-dire de jeux de mots n’ayant d’autre valeur que leur effet comique immédiat, précédé d’une préface dans laquelle Cyrano fait l’apologie du calembour, assurant qu’il « réduit toutes choses sur le pied nécessaire à ses agréments, sans avoir égard à leur propre substance. »

Œuvres apocryphes ou d'attribution incertaine

Le Fragment de physique (1662)

S'il faut en croire son préfacier<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref>, ce fragment d'un traité de physique a été rajouté au dernier moment au volume des Nouvelles Œuvres. Sa très grande proximité avec le Traité de physique de Jacques Rohault<ref group="R">Modèle:Harvsp</ref> (qui ne sera publié qu'en 1671, mais dont l'auteur avait obtenu une permission d'imprimer dès Modèle:Date-<ref>Modèle:Lien web</ref>) incite à mettre en doute son attribution à Cyrano.

Les Mazarinades (1649)

Sept Mazarinades (six en prose, une en vers burlesques) ont été attribuées à Cyrano par Paul Lacroix, puis, en 1921<ref group="L">Modèle:Harvsp</ref> par Frédéric Lachèvre qui pensait reconnaître derrière les signatures B.D. ou D.B., « la bonne plume de Cyrano »<ref>Modèle:Lien web</ref>,<ref>Modèle:Lien web</ref>,<ref>D.B. Le Conseiller fidèle, Paris, Jean Brunet, 1649</ref>,<ref>D.B. Le Gazettier désintéressé, Paris, Jean Brunet, 1649</ref>,<ref>Modèle:Lien web</ref>,<ref>D.B. Remonstrances des trois estats, à la Reyne, pour la paix, Paris, Jean Brunet, 1649</ref>,<ref>D.B. La Sibylle moderne, Paris, Jean Brunet, 1649.</ref>. L'historien Hubert Carrier défendait encore cette attribution en 2001 dans son édition des Mazarinades<ref group="C">Modèle:Harvsp</ref>, mais les études récentes de Madeleine Alcover semblent l'avoir définitivement ruinée<ref group="A">Modèle:Harvsp</ref>,<ref group="Note">Voir aussi un résumé des tests de stylistique menés par Madeleine Alcover dans Modèle:Harvsp.</ref>.

Publications

Éditions originales

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Éditions critiques

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Notes et références

Notes

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Références

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Autres

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Bibliographie

Biographies (plus ou moins romancées)

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Études sur Cyrano et ses œuvres

Modèle:Légende plume

Outils annexes

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Œuvres inspirées par Cyrano

Modèle:Section à sourcer Cyrano de Bergerac est aujourd'hui principalement connu du grand public à travers le drame Cyrano de Bergerac, d'Edmond Rostand, créé sur scène en 1897.

Dans la littérature
Au cinéma

La pièce de Rostand a été adaptée plusieurs fois au cinéma :

José Ferrer a repris en 1960 le rôle de Cyrano dans Cyrano et d'Artagnan, un film franco-italien réalisé par Abel Gance.

À la télévision
  • Un téléfilm adapté de la pièce de Rostand a été réalisé en 1960, avec Daniel Sorano et Françoise Christophe.
Dans la musique
  • La pianiste et compositrice de jazz française Leïla Olivesi a publié en 2015 Utopia, un album inspiré par les écrits de Cyrano de Bergerac.
Dans la bande dessinée
  • Cyrano de Bergerac est à l'origine d'un personnage secondaire de la série de bande dessinée De cape et de crocs, le Maître d'Armes, au grand nez, et à la verve et à l'escrime exceptionnelles. Certains albums de la série, dont l'action se déroule sur la Lune, rendent ouvertement hommage à son œuvre.

Liens externes

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