Complexe d'Œdipe

{{#ifeq:||Un article de Ziki, l'encyclopédie libre.|Une page de Ziki, l'encyclopédie libre.}}
(Redirigé depuis Complexe d’Œdipe)

Modèle:R3R Modèle:En-tête label Modèle:Voir homonymes

Fichier:Oedipus Phorbas Chaudet Louvre N15538.jpg
Antoine-Denis Chaudet, Œdipe enfant rappelé à la vie par le berger Phorbas qui l'a détaché de l'arbre, 1801.

Le complexe d'Œdipe (prononcé Modèle:MSAPI) (Modèle:Langue en allemand), parfois contracté dans l'expression « l'Œdipe », est un concept central de la psychanalyse. Théorisé par Sigmund Freud dès sa première topique, il est défini comme le désir d'entretenir un rapport amoureux et voluptueux avec le parent du sexe opposé (inceste) et celui d'éliminer le parent du même sexe (parricide ou matricide) considéré comme rival. Ainsi, le fait qu'un garçon durant cette période soit amoureux de sa mère et désire tuer son père répond à l'impératif du complexe d'Œdipe.

La légende d'Œdipe qui a inspiré le drame de Sophocle, Œdipe roi, est selon Freud le plus à même de mettre en images le désir universel et inconscient que tout enfant ressent ; pour Roger Perron, il désigne Modèle:Citation.

La psychanalyse identifie trois étapes fondamentales de développement psychoaffectif : le stade oral, le stade anal et le stade phallique lors duquel survient chez le garçon, comme chez la fille mais d'une toute autre manière, le complexe d'Œdipe. C'est en effet de 3 à 5 ans environ que le désir libidinal fait naitre la phase œdipienne. Le complexe connaît ensuite un déclin et est refoulé, disparaissant ainsi de la mémoire consciente. Le refoulement n'est pas toujours complet chez les filles.

Le complexe d'Œdipe, devenu le pivot de la théorie pulsionnelle et métapsychologique de Freud, est considéré comme le concept-clé de la psychanalyse et de ses courants dérivés. L'histoire du complexe d'Œdipe est en effet associée à la théorie freudienne ainsi qu'à l'histoire de la psychanalyse dans son ensemble.

Aucune preuve empirique venant soutenir l'existence de l'Œdipe n'a été émise par la psychanalyse. Les recherches en anthropologie (Effet Westermarck ou critique de Claude Lévi-Strauss dans La potière jalouse) et en psychologie cognitive tendent à infirmer l'hypothèse de l'Œdipe. Une critique apportée est sa mobilisation pour silencier les victimes d'inceste. Sur ce dernier point en particulier, les cas d'enfants victimes de crimes sexuels dans le milieu familial obligent aujourd'hui à Modèle:Citation (Niedergang, 2023) dans la théorie et la clinique psychanalytiques.

Genèse du concept chez Sigmund Freud

Modèle:Article détaillé

L'élaboration initiale de l'Œdipe

Fichier:Oedipus and the Sphinx MET DP-14201-023.jpg
Gustave Moreau, Œdipe et le Sphinx, 1864.

Modèle:Article détaillé

Sigmund Freud commence d'élaborer ce qui s'appellera « le complexe d'Œdipe » au cours de son auto-analyse<ref group="F">Modèle:P..</ref>,<ref group="P">Sur ce sujet de l'auto-analyse de Freud comme moyen de découverte du complexe, lire : Didier Anzieu, L'Auto-analyse de Freud et la découverte de la psychanalyse, PUF, Coll. « Bibliothèque de psychanalyse », 1988, Modèle:ISBN et en particulier le chapitre 3 « La découverte du complexe d'Œdipe », Modèle:P..</ref> en le rapprochant de l'histoire du héros grec Œdipe (personnage de la mythologie grecque) telle qu'elle est narrée par le dramaturge Sophocle dans la tragédie Œdipe roi. La lettre à Wilhelm Fliess est en effet le seul document qui permette de dater le début de la conceptualisation du complexe, en 1897<ref>Lettre à Wilhelm Fliess du 15 octobre 1897 in Lettres à Wilhelm Fliess 1887-1904, PUF, Coll. « Bibliothèque de psychanalyse », 2006, Modèle:ISBN, Modèle:P..</ref>,<ref group="H" name="ref_auto_1">Modèle:P..</ref>. Le neurologue viennois explique ainsi : Modèle:Citation. Il relie ce Modèle:Citation au Modèle:Citation et reprend le thème dans L'Interprétation du rêve <ref name="Quinodoz">Jean-Michel Quinodoz, « Chapitre VII. Le complexe d’Œdipe et l’inconscient », dans : Jean-Michel Quinodoz, Sigmund Freud, Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2015, Modèle:P.. Modèle:Lire en ligne</ref>. C'est seulement en Modèle:Date que Modèle:Citation apparaît Modèle:Citation<ref name="Quinodoz"/>.

En 1900, Freud rend donc publique sa découverte de l'Œdipe dans L'Interprétation du rêve (1899, date éditoriale 1900)<ref>Dominique Giovannangeli, Métamorphoses d'Œdipe : un conflit d'interprétations, De Boeck Université, 2001, Modèle:ISBN, Modèle:P..</ref>: il évoque alors la Modèle:Citation<ref>Freud, L'interprétation du rêve, OCF.P, IV, PUF/Quadrige, 2010, Modèle:P..</ref>. Le rêve est enraciné dans les désirs infantiles : Modèle:Citation explique Henri F. Ellenberger. Selon ce dernier, Freud pense que Modèle:Citation<ref group="F">Modèle:P..</ref>. Freud explique aussi que le cas des névrosés permet d'observer des désirs affectueux ou hostiles pour les parents. Dès ce texte, il se réfère explicitement à la tragédie grecque. En 1911, il ajoute que le complexe de castration est profondément lié à l'Œdipe, et que, dans la tragédie de Sophocle, l'aveuglement d'Œdipe opère comme substitut de la castration<ref group="A">Modèle:P..</ref>.

D'après Roger Perron, la conception du complexe d'Œdipe aurait été en germe auparavant : Modèle:Citation<ref group="H">Entrée « complexe d'Œdipe », par Roger Perron Modèle:P..</ref>. Et c'est à partir de 1906, après discussion sur l'emploi de ce mot, précise Roger Perron, que Freud utilisera fréquemment le terme de « complexe » pour Modèle:Citation<ref group="H">Entrée « complexe », par Roger Perron, Modèle:P..</ref>.

L'origine de l'Œdipe est étroitement liée à l'Modèle:Citation, ce qui fonde également tout l'édifice théorique de la psychanalyse<ref group="N">Modèle:Citation, Modèle:P..</ref>. Freud constate dans un premier temps, Modèle:Citation, que Modèle:Citation. Ces rapports, note-t-il, Modèle:Citation. L'enfant prend donc ses parents comme des Modèle:Citation<ref group="N">Modèle:P..</ref>.

Le mythe œdipien<ref group="Note">En 1927, Freud voit également dans l'œuvre de Fiodor Dostoïevski, Les Frères Karamazov la représentation de la pulsion de mort</ref> semble pour Freud la mise en récit d'un complexe psychique universel<ref group="N">Modèle:Citation, Modèle:P..</ref>, ce qui est contredit par les anthropologues. Dans la mythologie grecque, Œdipe est le fils de Laïos et de Jocaste, souverains de la ville de Thèbes. Un oracle prédit à Laïos que son fils le tuera et épousera sa mère. Effrayé, Laïos décide d'abandonner Œdipe dans la montagne. Un berger trouve l'enfant et le confie au roi de Corinthe, Polybos, qui l'élève comme son fils, sans lui révéler le secret de ses origines. C'est lui qui lui donne le nom d'Œdipe. Un nouvel oracle prédit à Œdipe qu'il sera le meurtrier de son père et épousera sa mère. Ignorant que Polybos n'est pas son père biologique, il quitte Corinthe pour que la prédiction ne puisse se réaliser. Pendant son voyage, il rencontre Laïos et ses serviteurs. Ils se querellent, pour une question de priorité de passage, et Œdipe tue Laïos, dont il ignore qu'il est son père, et qu'il prend pour le chef d'une bande de voleurs de grands chemins. Lorsqu'il arrive à Thèbes, but de son voyage, il est empêché d'entrer dans la ville par le Sphinx, un monstre qui tue et dévore les voyageurs incapables de résoudre l'énigme qu'il leur propose. Œdipe, rusé, parvient à trouver la solution et défait le monstre. Il devient dès lors un héros adulé par les habitants de la ville, qui finissent par le proclamer roi et lui donnent comme femme la veuve de Laïos, Jocaste, qui en réalité est sa mère. Freud voit dans ce mythe l'illustration idéale des désirs extrêmes infantiles : Modèle:Citation<ref group="M">Modèle:P..</ref>. Il remarque en effet que ce complexe se retrouve également dans d'autres drames culturels ; il cite notamment le Hamlet de Shakespeare.

En 1967, Jean Starobinski, dans la préface d'Hamlet et Œdipe d'Ernest Jones, argue que si Œdipe est le drame du dévoilement, la tragédie d'Hamlet est le drame du « refoulement »<ref name="Dictionnaire de la psychanalyse" />.

Histoires de cas et mise en place de la théorie de l'Œdipe

Modèle:Article détaillé

En 1905, Freud publie Trois essais sur la théorie sexuelle, ouvrage fondateur de la psychanalyse. Même si le complexe n'y apparaît pas explicitement<ref group="H" name="ref_auto_4">Modèle:P..</ref>,<ref>Modèle:Citation, in Erich Fromm, Grandeur et limites de la pensée freudienne, Laffont, Paris, 1980, Modèle:P..</ref>, Freud définit tout d'abord la libido comme l'énergie sexuelle aux fondements de la dynamique psychique qui tend à se projeter sur un objet extérieur. En second lieu, il insiste sur les vicissitudes du choix de l'objet d'amour dont la source est le complexe d'Œdipe<ref group="F">Modèle:P..</ref>. Il pose donc que la réalité de la sexualité infantile est induite par la mère, et que la tétée est le premier rapport sexuel. De cette sexualité archaïque dépend le complexe d'Œdipe, déterminant à son tour le tabou de l'inceste<ref group="A">Modèle:P..</ref>. Freud continue de développer son fantasme personnel en expliquant que la libido donne naissance à des perversions sexuelles diverses lorsque le schéma originel œdipien subit des altérations. La libido s'exprime aussi au travers d'un symbolisme à signification sexuelle, notamment dans les rêves. L'analyse de Dora en 1905 est particulièrement édifiante à cet égard<ref group="P">Sigmund Freud, Fragment d'une analyse d'hystérie : Dora, in Cinq psychanalyses, Presses Universitaires de France, 2001, Coll. « Bibliothèque de psychanalyse », Modèle:ISBN.</ref>.

En 1909, un autre cas d'analyse, célèbre dans la littérature psychanalytique, permet à Freud de valider sa conception du complexe. Le cas dit du « petit Hans » — de son vrai nom Herbert Graf — suit en effet fidèlement le schéma dramatique œdipien. La phobie du cheval apparaît chez Herbert Graf quand il assiste à la chute d'un cheval et qu'il le voit à terre se débattre. Freud va postuler que l'inconscient du petit Hans associe son père au cheval, et malgré l'amour qu'il porte à son père, sa mort lui apporterait la jouissance d'être alors le seul prétendant à l'amour maternel. Cela va développer chez lui une névrose phobique, l'impossibilité de sortir dans la rue par crainte d'être mordu par un cheval. Freud « supervise » l'analyse menée indirectement par le père de l'enfant et permet ainsi au petit garçon de surmonter son complexe d'Œdipe<ref group="F">Modèle:P..</ref>,<ref group="Note">La plupart des cas pratiques, ainsi que les constatations théoriques, élaborés par Freud sont recueillies dans l'ouvrage Cinq psychanalyses (1909).</ref>.

Ce n'est cependant qu'en 1910, dans un texte intitulé Contribution à la psychologie de la vie amoureuse qu'apparaît le terme « complexe d'Œdipe »<ref group="H" name="ref_auto_1" />. La notion est l'invention de deux autres psychanalystes officiant à Zurich, Carl Gustav Jung et Franz Riklin. Le complexe (Modèle:Langue en allemand)<ref group="N">Modèle:Citation, Modèle:P..</ref> est utilisé dès lors en psychanalyse pour désigner des fragments psychiques inconscients à forte charge affective. Freud l'utilise ainsi pour décrire ce qui est pour lui le principal complexe psychique humain, celui qui est constitué dans les premiers temps de vie, en fonction de ses parents : le « complexe nucléaire ». Sa pensée est ensuite développée la même année dans l'essai « Un type particulier de choix d'objet chez l'homme » où il explique que les objets d'amour sont autant de substituts de la mère<ref group="A">Modèle:P.</ref>. Le cas de la fille est déjà particulier : Freud théorise qu'à la place de la peur de perdre son père, elle développe une frustration liée au manque du phallus.

En 1920, il ajoutera une note dans les Trois essais sur la théorie sexuelle :« On dit à juste titre que le complexe d’Œdipe est le complexe nucléaire des névroses et constitue l’élément essentiel de leur contenu. En lui culmine la sexualité infantile, laquelle influence de façon décisive la sexualité de l’adulte par ses effets ultérieurs. Chaque nouvel arrivant dans le monde humain est mis en devoir de venir à bout du complexe d’Œdipe ; celui qui n’y parvient pas est voué à la névrose. Le progrès du travail psychanalytique a souligné de façon toujours plus nette cette signification du complexe d’Œdipe ; la reconnaissance de son existence est devenue le schibboleth qui distingue les partisans de la psychanalyse de leurs adversaires » <ref>Freud, 1905, Trois essais sur la théorie sexuelle, Gallimard, 1987,Modèle:P.</ref>

Développements du complexe

Dès 1912 et 1913, la théorie de l'Œdipe est en place dans la pensée de Freud qui s'attache à en étudier l'universalité, ainsi dans l'ouvrage Totem et Tabou. Freud y avance la thèse suivante : celle de la Modèle:Citation<ref group="A">Modèle:P..</ref>, résumée par Roger Perron : Modèle:Citation<ref group="H" name="ref_auto_4" />. Le complexe serait donc transmis de génération en génération et avec lui le sentiment de culpabilité associé. Freud recherchera en effet toujours à relier ces concepts, et en particulier celui du complexe d'Œdipe, à une théorie générale de la phylogenèse (de l'histoire de l'humanité comme espèce).

Nombre de psychanalystes commencent à mener des études, dans la continuité de celles de Freud, dont Otto Rank. Freud note en effet : Modèle:Citation<ref group="M" name="ref_auto_5">Modèle:P..</ref>. Par la suite deux ouvrages de Freud vont développer sa pensée, et ce définitivement. En 1923, dans un court essai intitulé « L'Organisation génitale infantile », Freud décrit les phases psychoaffectives de la psychogenèse, qui est également l'un des concepts centraux de la théorie psychanalytique, et dont Modèle:Citation<ref group="H" name="ref_auto_4" />. L'intérêt croissant porté au complexe d'Œdipe motive Freud à faire le point sur sa découverte. Il fixe sa théorie dans les Conférences d'introduction à la psychanalyse, en 1917 et 1918. Il s'arrête particulièrement sur les observations directes et sur les analyses d'adultes névrosés, expliquant que Modèle:Citation<ref group="A">Freud, cité par Claude Le Guen, Modèle:P..</ref>.

Toujours selon R. Perron, le cas clinique dit de « l'homme aux loups » (1918) offre une illustration majeure du complexe masculin<ref group="H" name="ref_auto_4" />. Freud classe alors le complexe au sein des « schémas phylogénétiques » qui ont pour rôle de structurer la psyché inconsciente et ce depuis l'aube de l'humanité. Par ailleurs, l'introduction de la nouvelle dualité pulsionnelle et d'une seconde topique va permettre une nouvelle approche de l'Œdipe. Freud explique en effet que le transfert présente les restes de la résolution, plus ou moins accomplie, du complexe. Celle-ci laisse en effet des « cicatrices narcissiques ». Face à cette souffrance, le Moi est poussé à une « résolution » du complexe malgré les compulsions qui l'entravent. Selon Freud, l'intensité de ces compulsions, qui culmine dans les névroses obsessionnelles, est à l'origine de la notion de « destin » dans les drames, à l'instar de la « tragédie du destin » qu'est Œdipe roi de Sophocle. Dans Psychologie des foules et analyse du moi (1921), Freud aborde Modèle:Citation, caractérisé par une neutralisation des affects et permis par l'ambivalence. L'enfant fixe ainsi ses affects négatifs et positifs sur des objets extérieurs<ref group="A">Modèle:P..</ref> au lieu d'investir ses parents.

Enfin, en 1923, dans Le Moi et le Ça, Freud "métapsychologise"<ref group="A">Modèle:P..</ref> la notion de complexe d'Œdipe, en en faisant un prérequis structurant de l'instance morale, le surmoi. En effet, lors de la maturité du complexe, plusieurs scénarios sont possibles : affects féminins pour le père chez le garçon ou désir féminin pour la mère chez la fille, et vice-versa. Toutes les variations sont dues selon Freud à la Modèle:Citation<ref group="A">Modèle:P..</ref>. Dans le même texte, Freud précise que lors de la destruction du complexe d'Œdipe, l'enfant, garçon et fille, est obligé de renoncer à prendre respectivement la mère et le père pour objet libidinal. Deux éventualités peuvent alors se produire : pour le garçon, soit une identification avec la mère, soit un renforcement de l'identification avec le père. C'est cette dernière éventualité qui permet à l'enfant de conserver, jusqu'à un certain degré, l'attitude de tendresse à l'égard de la mère. De la même façon, la petite fille est amenée, à la suite de la destruction du complexe d'Œdipe, à renoncer à l'investissement libidinal du père œdipien, et à s'identifier avec la mère. Et comme une telle identification existait déjà, elle est renforcée, ce qui a pour effet l'affermissement de la partie féminine de son caractère. L'identification avec le père ou avec la mère, dans les deux sexes, à la suite de la destruction du complexe d'Œdipe, comporte la force psychique des dispositions sexuelles chez l'un et chez l'autre<ref>Freud, Le Moi et le ça, 1923, in Essais de psychanalyse, Payot, 1963, Modèle:P.</ref>. L'enfant est en effet inconsciemment bisexuel, son orientation sexuelle se précisant par la suite. Ces variations identificatoires complexes peuvent entraîner une attitude positive du garçon pour son père (le complexe inversé), ou une attitude négative (le complexe normal), le tout formant, virtuellement le « complexe d'Œdipe complet ». Ces identifications variées expliquent la diversité des étiologies et des personnalités. Elles constituent fondamentalement un « idéal du moi » qui détermine la morphologie du Surmoi.

Complexe de castration et derniers écrits

L'essai de 1923, « Le problème économique du masochisme », pose que le Surmoi, instance psychique proclamant les interdits, est né de l'introjection des premiers objets libidinaux du Ça dans le Moi. La relation en est de fait désexualisée mais le Surmoi conserve les caractères parentaux. Freud propose là une thèse selon laquelle la source de la morale est le Surmoi et, donc, l'Œdipe<ref group="A">Modèle:P..</ref>. La même année, dans l'essai « L'Organisation génitale infantile » Freud tente d'expliciter les zones d'ombre de l'Œdipe féminin. Il stipule que seul le pénis a une réalité psychique, y compris chez la fille. Celle-ci envierait donc l'acquisition de l'organe mâle<ref group="Note">Dans la théorie freudienne du complexe de castration, l'organe mâle Modèle:Citation: il joue Modèle:Citation (Modèle:Harvsp).</ref>, même si Freud admet être impuissant à poursuivre l'analyse de la sexualité féminine<ref group="A">Modèle:P..</ref>.

En 1924, un autre essai fait une place majeure au complexe : « La disparition du complexe d'Œdipe ». Freud y décrit la façon dont le complexe disparaît avec le temps, comme la chute des dents de lait précise-t-il<ref>Modèle:Citation, in Sigmund Freud, « La disparition du complexe d’Œdipe », 1923, consultable en ligne sur le site megapsy.com. Consulté le 26 février 2010.</ref>, et ce Modèle:Citation plutôt que la disparition pure et simple de ce qu'il a défini avant comme Modèle:Citation<ref group="H">Modèle:Citation, Modèle:P..</ref>,<ref group="A">Claude Le Guen précise que selon Freud le déclin du complexe est inscrit dans l'hérédité de l'espèce, Modèle:P..</ref>. En 1925, dans « Quelques conséquences psychologiques de la différence anatomique entre les sexes », Freud aborde la Modèle:Citation. Les prémices du complexe se jouent en effet dans les premiers temps de la découverte des zones érogènes<ref group="A">Modèle:P..</ref>.

Avec l'ouvrage Malaise dans la civilisation (1929), Freud délivre l'interprétation psychanalytique des structures inconscientes sous-tendant l'humanité et ses fantasmes. Il décrypte les symboles sexuels universels trouvés dans les rêves. Selon Ellenberger, Modèle:Citation<ref group="F">Modèle:P..</ref>. Dès lors Freud complète son modèle théorique en précisant la figure du père primitif. Le garçon nourrit envers lui des désirs de mort car il a peur d'être châtié et castré par celui-ci. La castration prend ainsi place dans la théorie générale du complexe, comme peur infantile de se voir déposséder de la puissance sexuelle par la figure paternelle. Ce complexe de castration survient donc au sortir de l'Œdipe, comme renoncement à l'objet maternel, qui est le premier objet de l'enfant<ref group="H" name="ref_auto_3">Modèle:P..</ref> et comme marquant le début de la période de latence et de la formation du Surmoi chez le garçon. Des auteurs postérieurs à Sigmund Freud, comme Melanie Klein ou Donald Winnicott par exemple, ont cependant compris le Surmoi comme instance bien plus précoce. Le cas de la petite fille est cependant différent à ce stade : elle interprète en effet la castration comme ayant eu lieu, n'étant pas en possession d'un pénis, et se doit donc de la réparer. Ce moment, l'envie du pénis, marque alors l'entrée dans l'Œdipe à rebours du cas masculin<ref group="H">Modèle:Citation, Modèle:P..</ref>. Le meurtre du Père primitif est ainsi le fantasme universel de l'humanité de tuer la figure paternelle castratrice, seule étape permettant un développement psychique normal par la suite. Modèle:Citation explique Henri F. Ellenberger<ref group="F">Modèle:P..</ref>.

Enfin, en dépit de l'importance du concept en psychanalyse, jamais Freud ne lui a pour autant consacré aucun ouvrage spécifique<ref group="H">Excepté Totem et Tabou et Vue d'ensemble des névroses de transfert (publié à titre posthume) note Roger Perron, Modèle:P..</ref>, même s'il revient sur cette découverte dans son dernier ouvrage, L'Abrégé de psychanalyse, en écrivant : Modèle:Citation<ref name="Dictionnaire de la psychanalyse">Freud, cité par Élisabeth Roudinesco et Michel Plon, in Dictionnaire de la psychanalyse, entrée « Œdipe », Fayard, 1997, Modèle:ISBN, Modèle:P..</ref>.

Description du complexe en psychanalyse

Complexe d'Œdipe et stades psychoaffectifs

Modèle:Citation selon Erich Fromm<ref>Erich Fromm, Grandeur et limites de la pensée freudienne, Laffont, Paris, 1980, Modèle:P..</ref>. Pour Georges Politzer Modèle:Citation<ref>Georges Politzer, Critique des fondements de la psychologie, Presses Universitaires de France, Coll. « Quadrige », Modèle:ISBN.</ref>. Pour Roger Perron, il désigne Modèle:Citation<ref group="H" name="ref_auto_1" />.

Dynamique des organisations psychiques

La psychanalyse identifie ainsi trois étapes fondamentales de développement psychoaffectif : le stade oral, le stade anal et le stade phallique lors duquel survient chez le garçon, comme chez la fille mais d'une toute autre manière, le complexe d'Œdipe<ref name="Tran-Thong">Tran-Thong, « Stades et concept de stade de développement de l'enfant dans la psychologie contemporaine », in revue Études de psychologie et de philosophie, Modèle:Vol.17, Vrin, 1986, Modèle:ISBN, Modèle:P..</ref>. Selon Freud, tel qu'il le décrit dans son essai « L’organisation génitale infantile » (1923), l'élaboration du complexe d'Œdipe représente une étape constitutive du développement psychique des enfants. Le désir envers la mère trouve en effet son origine dès les premiers jours de la vie et conditionne toute sa psychogenèse. La mère est, d'une part, la « nourricière », et, d'autre part, celle qui procure du plaisir sensuel, via le contact avec le sein et à travers les soins corporels. L'enfant, qu'il soit fille ou garçon, en fait donc le premier objet d'amour qui restera déterminant pour toute la vie amoureuse. Cette relation objectale est ainsi investie de sexualité. Cet amour d'objet se déploie donc en cinq « phases » libidinales<ref group="H">Roger Perron précise que ces phases sont appelées plus volontiers « organisations » par les successeurs de Freud, Modèle:P..</ref>. La notion de « phase » ou de « stade » n'est pas à prendre au sens littéral. Elle signale la primauté d'une zone érogène particulière mais n'implique pas que le processus se déroule de manière mécanique et linéaire. Tout au plus peut-on admettre qu'une phase succède à l'autre dans l'ordre décrit. Le complexe d'Œdipe se déploie donc à travers ces phases en fonction de leurs propriétés propres qui s'enchevêtrent pour constituer un agrégat de pulsions, nommé « complexe » d'Œdipe qui, pour les freudiens, trouve son apogée vers l'âge de 5 ans. Freud aboutit à cette déduction en étudiant le cas dit du « petit Hans »<ref group="P">Freud, Analyse d'une phobie d'un petit garçon de cinq ans : Le Petit Hans, 1909, PUF, 2006, Modèle:ISBN.</ref>.

Modèle:Stades psychoaffectifs

Déclin du complexe et forme inversée

Le déclin du complexe d’Œdipe correspond à la phase finale de la dynamique œdipienne. Il est marqué par le renoncement progressif à posséder l’objet libidinal, sous la pression de l’angoisse de castration chez le garçon ; chez la fille, les raisons de la disparition de ce complexe ne sont pas claires pour Freud, qui note que ses effets se font souvent sentir dans la vie mentale normale de la femme<ref>Modèle:Chapitre.</ref>. Plusieurs processus permettent en effet à l'enfant de détourner son attention libidinale des objets parentaux. Les déplacements identificatoires, les sublimations notamment, le transfert aussi, permettent à la libido de trouver d’autres objets de satisfaction, en particulier dans la socialisation progressive et dans l’investissement des processus intellectuels. Enfin, la « phase génitale » survient pendant l'adolescence et correspond à la reconnaissance de la « double différence, des sexes et des générations » et coïncide avec la seconde période de maturation sexuelle. Dès lors l'équilibre est trouvé, au sein d'une organisation génitale adulte et grâce aux changements d'objets devenus possibles : le désir sera donc adressé à une autre femme que la mère, à un autre homme que le père<ref group="H" name="ref_auto_4" />.

Il existe également, note Freud, une forme « inversée », dite aussi « négative » du complexe d'Œdipe, à l'opposé de la forme « positive » classique et connue: le garçon voit dans son père non pas la figure du rival à tuer psychiquement afin de prendre sa place auprès de sa mère, mais un objet érotique. Le garçon est fixé dès lors soit dans une position féminine, soit dans un refus du féminin<ref>Freud S. 1910, Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci, Gallimard, 1987, Modèle:Pp.</ref>. Le même cas de figure existerait au féminin, se construisant a contrario sur la mère prise pour objet investi des pulsions sexuelles de la fille. Selon Freud, les deux formes de l'Œdipe constituent le « complexe d'Œdipe complet »<ref name="Tran-Thong"/>.

Complexe d'Œdipe et psychogenèse

Constitution du Surmoi et vie sociale

Selon Freud, lors du complexe d'Œdipe le Moi subit une profonde modification, de laquelle résulte le Surmoi ; Modèle:Citation explique Tran-Thong<ref name="Tran-Thong"/>. En effet la résolution du complexe entraîne l'introjection de l'image du père. L'édification du Surmoi chez un individu dépend ainsi de la façon dont il a résolu son complexe d'Œdipe<ref group="F">Modèle:P..</ref>. De manière générale, Modèle:Citation explique Roger Perron<ref group="H" name="ref_auto_3" />.

Étiologie des névroses

L'Œdipe subit un Modèle:Citation, note Freud, mais, Modèle:Citation<ref group="N">Modèle:P..</ref>,<ref group="H" name="ref_auto_1" />. Freud parle également, de manière synonymique, et dans un cadre psychopathologique, dès 1908, de « complexe nucléaire »<ref group="H">Entrée « Complexe nucléaire », par Roger Perron, Modèle:P..</ref>. Tout d'abord, d'une façon passive, le complexe conditionne le développement ultérieur de l'enfant et par là celui de névroses ; d'autre part l'enfant, dès sa soumission au complexe, tente de comprendre afin d'aménager la réalité et il produit pour cela des « théories sexuelles infantiles » sur ses parents. Ses théories influent de manière décisive sur le caractère ultérieur de l'enfant et sur sa constitution névrotique. Néanmoins la névrose ne passe de virtuelle à actuelle que lorsque l'enfant est incapable de détacher sa libido des modèles parentaux. Dès lors il ne peut jouer de rôle social et produit un aménagement de la réalité, une névrose. Toute l'entreprise analytique se définit comme une éducation progressive pour surmonter ces Modèle:Citation<ref group="N">Modèle:P..</ref>.

Divergences dans la théorie œdipienne

Critique du « monisme phallique » de Freud

Modèle:Article détaillé

Dès sa formalisation, Freud savait que ce modèle était difficile à transposer complètement pour le développement des petites filles<ref group="H" name="ref_auto_3" />. Il a essayé de pallier cette difficulté en aménageant le concept de l'Œdipe pour la fille, que le psychiatre et psychanalyste Carl Gustav Jung appelle par la suite le « complexe d’Électre ». Il l'a défini comme la tendance compulsive amenant la fille à se tourner vers le père ou une autre image paternelle de substitution et qui est conséquence du complexe de castration prépubertaire féminin. Si Freud admet l'existence d'un Modèle:Citation, il ne lui reconnaît pas une équivalence stricte avec celui dédié au petit garçon. Ce Modèle:Citation postulé par Freud a en effet soulevé de vives protestations, du vivant même du fondateur de la psychanalyse, et en particulier de la part de femmes psychanalystes, comme Ruth Mack Brunswick, Helene Deutsch, Karen Horney ou Melanie Klein<ref group="H" name="ref_auto_3" />. Cette extension au sexe féminin n'a cependant jamais été totalement satisfaisante et aujourd'hui rares sont les analystes qui utilisent ce terme. Freud remarque, dès le début, en 1916 : Modèle:Citation<ref group="M" name="ref_auto_5" /> et ce même au sein de la théorie psychanalytique. La psychanalyste Mélanie Klein par exemple, afin d'équilibrer le concept, a insisté sur le fait que le garçon « envie » le pouvoir des femmes de donner la vie autant que la fille pourrait « envier » le phallus.

Les conséquences du déclin du complexe d'Œdipe sont différentes d'un sexe à l'autre : d'abord il s'agit du renoncement au premier objet d'amour dans les deux sexes<ref group="P">Pour plus de détails lire : Robert Stoller, « Faits et hypothèses : un examen du concept freudien de bisexualité », in Jean-Bertrand Pontalis, Pierre Fédida, Wilhelm Fliess, André Green, Joyce McDougall, Masud R. Khan, Robert Stoller, Bisexualité et différence des sexes, Gallimard-folio, no 359, 2000, Modèle:ISBN.</ref>.

Débats à propos de l'origine psychique du complexe

Ainsi que l'explique Freud, l'Œdipe est précédé de deux phases où prédominent successivement les zones érogènes, d'abord celle orale puis celle anale, et dans lesquelles s'organisent les premières relations objectales. L'Œdipe ne serait donc pas premier, mais serait lui-même originaire, ce sur quoi Freud lui-même achoppait<ref group="H">Modèle:P..</ref>,<ref group="Note">Après Freud, ses successeurs vont accorder un intérêt croissant à ces organisations dites « prégénitales », conditionnant le narcissisme primaire, la fondation du sujet ou encore l'autoérotisme. Anna Freud, mais encore Melanie Klein, Donald Winnicott, des pédopsychiatres comme Margaret Mahler, Donald Meltzer, Frances Tustin, Serge Lebovici, René Diatkine ou encore Daniel Stern vont ainsi centrer leurs théories autour de ses stades premiers, et où domine la relation mère-enfant.</ref>. Pour Melanie Klein, il existerait ainsi un « complexe d'Œdipe précoce », qu'elle décrit en 1927, et antérieur à l'âge de 3 ans<ref group="H">Entrée « Complexe d'Œdipe précoce » par Robert D. Hinshelwood, Modèle:P..</ref> et prenant son origine dans les fantasmes de la petite enfance<ref name="Dictionnaire de la psychanalyse"/>. Les résidus archaïques, ressentis comme bons ou mauvais par l'enfant sont ainsi associés aux figures parentales. Dans la même ligne, Otto Fenichel, en 1931, postule également des « précurseurs du complexe d'Œdipe ».

Dans son ouvrage L'Œdipe originaire, le psychanalyste Claude Le Guen, a par ailleurs décrit un « œdipe originaire » correspondant à une première structure triangulaire mettant en jeu le sujet naissant, sa mère et un tiers qui suscite une peur de l'étranger qui expliquerait, au Modèle:8e chez l'enfant, un tel sentiment pour l'Autre<ref group="H" name="ref_auto_2">Modèle:P..</ref>. Un autre psychanalyste, André Green a ainsi poursuivi et complété cette relation à trois actants. Enfin, il existe des organisations non œdipiennes, étudiées de longue date par la psychanalyse, et qui donc remettent en cause partiellement l'universalité du complexe. Ainsi, le vaste champ des structures perverses, des autismes, des psychoses enfin, infantiles ou adultes a été pris comme preuve pour récuser sa centralité dans la constitution de la personnalité<ref group="H" name="ref_auto_2" />.

Critiques

Depuis les débuts de la psychanalyse jusqu'à ses développements les plus récents, le complexe d'Œdipe a été critiqué. En l'état de nos connaissance, l'Œdipe tel que théorisé par Freud n'a pas su être prouvée par des faits empiriques.

Le psychanalyste Otto Rank le range ainsi derrière le traumatisme de la naissance, alors que le psychiatre Carl Gustav Jung en refuse la primauté. Le désir de l'enfant pour la mère dans la vision jungienne n’est en effet pas relatif à l'inceste et n'est pas restreint au seul complexe d'Œdipe<ref group="F">Modèle:P..</ref>. D'autres l'ont ramené à un principe moral limité à la bonne société viennoise, émanant de l'état d'esprit de Freud lui-même alors que Heinz Kohut l'a minimisé au sein de ses théories sur le narcissisme. Il reste avec l'inconscient et les théories sur la sexualité infantile, une des pierres d'achoppement à la fois entre psychanalystes et entre ces derniers et leurs opposants plus ou moins radicaux.

Controverses sur l'universalité du complexe d'Œdipe en anthropologie

Fichier:Levi-strauss 260.jpg
L'ethnologue français Claude Lévi-Strauss dresse une critique culturaliste de l'universalité du complexe d'Œdipe et montre que le tabou de l'inceste est commun à tous les peuples.

L'universalité de ce complexe, par-delà les différences culturelles, a fait très tôt l'objet de critiques d'ethnologues.

Bronisław Malinowski

Ainsi, l'école culturaliste (Bronisław Malinowski, Margaret Mead et Ruth Benedict) est en opposition directe avec le postulat freudien. Le premier à émettre de telles critiques est Malinowski, à partir d’un programme d'étude mené<ref group="P">Bronisław Malinowski, La Sexualité et sa répression dans les sociétés primitives, 1921, Payot, 2001, Modèle:ISBN, disponible en texte intégral sur le site des Classiques des sciences sociales. Consulté le 26 février 2010.</ref> après la Première Guerre mondiale sur les mœurs sexuelles en Mélanésie, et qu'il synthétise dans son ouvrage La Sexualité et sa répression dans les sociétés primitives (1921). Son observation des populations des îles Trobriand révèle en effet une configuration socioculturelle qui, fondée sur un mode de parenté matrilinéaire, n’a rien à voir avec celle de la civilisation européenne. Or, puisque le complexe d'Œdipe tel que le décrit Freud suppose une identité entre le père biologique (avec lequel la mère échange un amour que l'enfant jalouse) et la figure autoritaire (qui s'interpose entre l'enfant et la mère), la notion de complexe d'Œdipe semble indissociable d'une forme familiale précise, dite « nucléaire », où le père, la mère et les enfants vivent sous le même toit et dans laquelle le père biologique exerce l'autorité sur l'enfant. Aussi, et contrairement au postulat de Freud, cette forme d'organisation familiale n'a rien d'universel comme observé par Malinowski : dans de nombreuses cultures, le dépositaire de l'autorité vis-à-vis de l'enfant n'est pas le père mais est par exemple l'oncle maternel dans les îles Trobriand<ref>Modèle:Citation explique Bronislaw Malinowski, in La Sexualité et sa répression dans les sociétés primitives, Payot, 1976, Modèle:P..</ref>. De là découle une fragilisation de l'édifice freudien, où il apparaît comme une hérésie d'associer le partenaire sexuel de la mère et la figure exerçant l'autorité sur l'enfant.

Les travaux de Malinowski sont contestés par Géza Róheim, qui entame en 1928 un voyage de quatre ans en Somalie et en Australie, à l'issue duquel il conclut à l’universalité du complexe d’Œdipe dans son article « Psychanalyse des cultures primitives » (1932), repris en 1950 dans son ouvrage Psychanalyse et anthropologie. Cependant, la façon dont Róheim procède est fortement critiquée par le psychanalyste Wilhelm Reich, dans un appendice qu’il ajoute en 1934 à son livre L'Irruption de la morale sexuelle. Il lui reproche son manque de rigueur ethnographique et d’avoir inféré gratuitement certaines conclusions à partir de l’étude de rêves d’autochtones peu coopératifs. Il accuse surtout le caractère prédéterminé du projet de Róheim. Selon Reich, c’est l'ambition de prouver l’universalité de l'Œdipe qui lui en a fait voir les manifestations partout. Ces reproches furent aussi adressés à Ernest Jones, qui tenta de défendre le point de vue de Róheim mais en vain, et sans avoir au préalable intégré, lui non plus, les données ethnographiques.

Claude Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss, dans son ouvrage Les Structures élémentaires de la parenté (1949), soutient que la prohibition de l'inceste est au fondement de toutes les cultures humaines. Pour l'approche psychanalytique, l'existence d'un tel tabou cadre parfaitement avec l'Œdipe<ref group="H" name="ref_auto_2" />. Néanmoins, l'ethnologue trouve pour le moins abusif que Freud fonde l'essentiel de la psychologie humaine sur une « pièce de théâtre de Sophocle » et souligne non seulement un usage abusif du code sexuel chez lui mais, de façon plus fondamentale, une incapacité à trancher « entre une conception réaliste et une conception relativiste du symbole »<ref name="Désveaux1986">Emmanuel Désveaux, Du Dénicheur à la potière, L'Homme, Année 1986, 97-98, pp. 11-18</ref>. Dans son ouvrage La Potière jalouse (1985), il rassemblera ses critiques et rédigera une « contre-explication » parodique où il fait dériver tout ce concept d'une pièce d'Eugène Labiche, Un chapeau de paille d'Italie.

Bardo Thödol

Le Livre des morts tibétain décrit le complexe dans le cadre du processus de mort et de la croyance en la renaissance : Modèle:Citation

Westermarck

Tandis que selon les Modèle:Citation, un article paru aux États-Unis en 2010 dans le Bulletin de la personnalité et de la psychologie sociale présente une alternative Modèle:Citation<ref name="FM">RC Fraley, MJ Marks, « Westermarck, Freud et le tabou de l’inceste : la ressemblance familiale active-t-elle l’attirance sexuelle ? », Bulletin de la personnalité et de la psychologie sociale,2010•journals.sagepub.com, Modèle:Lire en ligne</ref>. D'après les auteurs, certains résultats expérimentaux Modèle:Citation<ref name="FM"/>.

Réfutation de la réalité de l’Œdipe

Fichier:Oedipus sphinx Louvre G417 n2.jpg
Œdipe (à droite) et le Sphinx (au milieu) accompagnés du dieu Hermès (à gauche).

Critique de la compréhension du mythe

Dans Mythe et tragédie en Grèce ancienne l'historien et anthropologue français, spécialiste de la Grèce antique, Jean-Pierre Vernant dénonce les contresens et l'anachronisme de l'interprétation psychanalytique du mythe grec ainsi que dans un article de 1967 intitulé « Œdipe sans complexe »<ref name="Dictionnaire de la psychanalyse"/>. Pour Vernant, Freud synthétise le mythe en un schéma par trop simplificateur. Il n'inscrit pas le mythe d'Œdipe dans la mythologie grecque dans son ensemble. Le raisonnement freudien est donc selon lui un Modèle:Citation, principalement parce que Freud interprète le mythe grec avec une mentalité contemporaine, sans effectuer un travail de contextualisation historique<ref>Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet, « Œdipe sans complexe », in Œdipe et ses mythes, Historiques, Modèle:Vol.43, Modèle:P..</ref>. Il précise : « des relations du type œdipien, au sens moderne du terme, entre Œdipe et Jocaste auraient été directement contre l'intention tragique de la pièce centrée sur le thème du pouvoir absolu d'Œdipe et de l'hybris qui nécessairement en découle »<ref>Jean-Pierre Vernant, Mythe et tragédie en Grèce ancienne, Maspéro. Modèle:3e éd. 1977, p. 95</ref>.

Il existe d'autres versions de l'histoire d'Œdipe et de son père Laïos au sein de celle des Labdacides : Alors que Laïos, fils de Labdacos, était encore jeune, le régent Lycos fut tué par Zéthos et Amphion, qui s'emparèrent de Thèbes : Laïos s'enfuit et trouva refuge chez Pélops où il s'éprit du jeune Chrysippos, fils de Pélops, qu'il enleva Modèle:Citation. Selon une autre version de l'histoire, Œdipe et son père Modèle:Citation: au cours de cette rivalité, Œdipe tua Laïos, Modèle:Citation<ref>Pierre Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, entrée: « Laïos », Paris, P.U.F., Modèle:10e édition, Modèle:P..</ref>.

Dans L’Homme aux statues. Freud et la faute cachée du père (1979, réédition 2014), ouvrage issu de son projet de thèse, l'autrice et psychanalyste Marie Balmary soutient que Freud a construit sa théorie du complexe d’Œdipe sur l’abandon d'une théorie qui aurait présenté les pères comme incestueux et indignes, et que cet abandon s'est traduit par l'oubli, de la part de Freud, de la partie du mythe d'Œdipe présentant la faute originelle de Laïos<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>,<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. Commentant cet ouvrage, Josué V. Harari estime qu'il remet en cause la notion de complexe d’Œdipe<ref>Modèle:Article.</ref>.

Dans le cadre de familles non monoparentales

De manière générale, la question de la validité du complexe d'Œdipe continue de nourrir un vif débat dans le contexte social actuel, qui voit se développer en Occident des formes nouvelles de la famille (en particulier la monoparentalité, la famille adoptive, la famille recomposée, l'homoparentalité). De nombreux psychanalystes tentent d'aménager la notion théorique de complexe d'Œdipe aux cas de figure où l'autorité paternelle s'avère absente, intermittente, ou partagée entre plusieurs pères. Se fondant sur la notion d'Modèle:Langue<ref group="Note">L'Modèle:Langue exprime l'autosuggestion que l'enfant met en place après avoir vécu des maltraitances. Il s'agit d'une stratégie défensive avant tout. Ce vécu douloureux lui accorde des libertés sur les autres et l'enferme dans une logique narcissique.</ref>, le psychanalyste Arnold Rothstein explique par exemple que des enfants en souffrance nourrissent l'illusion d'être toujours en symbiose avec leur mère<ref>Marie-Christine Saint-Jacques, Séparation, monoparentalité et recompostition familiale : bilan d'une réalité complexe et pistes d'action, Presses Université Laval, 2004, Modèle:ISBN, Modèle:P..</ref>.

Des études de genre

Par ailleurs, au sein des Gender Studies, la féministe américaine Judith Butler, tout en reconnaissant l'apport freudien, critique l'unilatéralité sexuelle du complexe d'Œdipe. Dans son ouvrage Gender Trouble (1990)<ref group="F">Judith Butler, Trouble dans le genre, pour un féminisme de la subversion, La Découverte, 2005, chapitre « Complexité du genre et limites de l’identification ».</ref> elle critique la conception freudienne d'une bisexualité sans véritable homosexualité telle qu'elle est présentée dans Le moi et le ça<ref>Claire Pagès, « D’où vient le genre ? Freud, Darwin Butler », Cahiers de l'École Doctorale. Consulté le 12 mars 2010.</ref>.

Selon Didier Eribon, le livre L'Anti-Œdipe de Deleuze et Guattari est « une critique de la normativité psychanalytique et de l’Œdipe (…) » et « (…) une mise en question dévastatrice de l'œdipinianisme (…) »<ref>Didier Eribon, "Échapper à la psychanalyse", Éditions Léo Scheer, 2005, Modèle:P.</ref>. Eribon considère que le complexe d’œdipe de la psychanalyse freudienne ou lacanienne, est une Modèle:Citation qui est un Modèle:Citation<ref>Réflexions sur la question gay, Paris, Fayard, 1999. Modèle:ISBN, Modèle:P.</ref>.

De la réalité empirique

Selon le psychologue social Armand Chatard, la représentation freudienne du complexe d’Œdipe n'est selon certains chercheurs peu ou pas étayée par des données empiriques<ref name=Chatard>Modèle:Article</ref>. Cette remarque est partagée par Mikkel Borch-Jacobsen, qui dans Folies à Plusieurs. De l'hystérie à la dépression (2002), récipiendaire du « Prix de la Psyché » de l'Association française d'études et de recherches psychiatriques, souligne que Freud affirme sa théorie œdipienne de façon parfaitement arbitraire, en dehors de tout matériel clinique (si ce n'est celui, particulièrement suspect, fourni par son autoanalyse), afin de trouver une explication ad hoc aux récits de séduction paternelle de ses patients<ref>Mikkel Borch-Jacobsen, Folies à Plusieurs. De l'hystérie à la dépression, Les Empêcheurs de penser en rond, 2002</ref>.

Le professeur de psychologie clinique Jaap van Heerden postule depuis la publication de son essai Tussen Psychologie en Filosofie (1977) que la notion de complexe d'Œdipe soit une simple projection d'agressions parentales sur les enfants ; il s'appuie pour cela sur les travaux de Westermarck, mais aussi sur l'existence de nombreux incestes réels, ainsi que sur l'analyse du matériel clinique présenté par les psychanalystes, qu'il décrit comme Modèle:Citation<ref>Modèle:Article.</ref>.

Renée Spencer, travailleuse sociale rattachée à l'université de Melbourne, dans un article d'opinion, conclut, de sa revue multidisciplinaire de la littérature, que le concept de complexe d'Œdipe n'est pas valide : « À la lumière des recherches contemporaines en psychologie cognitive, des considérations psychosociales, du développement de l'enfant et des pratiques tenant compte des traumatismes, il est possible de prouver que les idées freudiennes sont faillibles »<ref name="Spencer">Modèle:Article.</ref>. Plus loin elle ajoute : « Un exemple illustrant les erreurs potentielles du complexe d'Œdipe est celui d'une jeune fille qui déclare vouloir épouser son père. La théorie psychanalytique traditionnelle peut interpréter une telle déclaration comme la preuve qu'un enfant manifeste un désir sexuel. Cependant, un enfant âgé de trois à six ans n'est pas capable de comprendre les conséquences complexes du mot "mariage". Si, pour un adulte, le mariage peut symboliser un comportement sexuel, il est peu probable qu'un enfant perçoive consciemment ou inconsciemment sa déclaration de la même manière. Les enfants à l'âge de l'Œdipe apprennent généralement encore à courir sans tomber, et leurs capacités cognitives se limitent à apprendre à différencier les oiseaux des avions. Par conséquent, projeter sur les enfants des concepts sexuels adultes du désir n'est pas réaliste et pourrait être considéré comme une perversion de l'innocence »<ref name="Spencer"/>. Elle souligne entre autres que le mythe d’Œdipe ne contient aucun élément relatif à un fantasme d'Œdipe sur sa mère pendant son enfance<ref>Citation originale : "there are no indications of Oedipus having sexual fantasies towards his mother as a child, and the overt response to realising an incestual connection had occurred is one of disgust and anguish".</ref>.

Mobilisation du complexe d'Œdipe pour silencier les victimes d'inceste

La psychologue scolaire et clinicienne française Nathalie Tarquis estime en 2001 que l'institutionnalisation du complexe d'Œdipe, Modèle:Citation, est responsable de dénis de droits des enfants victimes d'agressions sexuelles, et particulièrement ceux victimes d'inceste<ref name="Tarquis">Modèle:Article.</ref>. Le postulat du complexe d'Œdipe est Modèle:Citation<ref name="Tarquis"/>. Elle note que des témoignages d'enfants victimes d'abus sexuels par des adultes Modèle:Citation<ref name="Tarquis"/>. Elle souligne enfin une mobilisation du complexe d'Œdipe par des adultes pédophiles, qui croient que leur propre désir pour l'enfant rencontrerait un désir de l'enfant pour eux<ref name="Tarquis"/>.

Citant les travaux de Marie Balmary, Jeffrey Moussaieff Masson et Sándor Ferenczi, Isabelle Aubry et Gérard Lopez estiment que l'Œdipe est en partie responsable d'un tabou sur la réalité de l'inceste, car Modèle:Citation, transformant Modèle:Citation<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. La défenseuse des droits des femmes et victime d'inceste Éva Thomas partage cet avis, estimant que la conception du complexe d'Œdipe a Modèle:Citation<ref> Modèle:Ouvrage.</ref>.

Les chercheurs Dorothy Bishop (professeure de neuropsychologie du développement à l'Université d'Oxford), et Joel Swendsen (professeur de psychologie clinique au CNRS) soulignent une position pro-pédophilie chez Françoise Dolto, considérant qu'elle croit en l'universalité de l'Œdipe et déclare, à diverses reprises, que l'enfant chercherait des relations sexuelles avec des adultes<ref name="BishopSwendsen">Modèle:Article.</ref>. Selon eux, la mobilisation de ces idées a pu servir, en France, à justifier et garder impunies des agressions sexuelles bien réelles d'enfants, entre autres, autistes<ref name="BishopSwendsen"/>.

Le Dr en philosophie Pierre Niedergang note que Modèle:Citation<ref name="Niedergang"/>. Dans son article paru en 2023, il relève l'existence d'une approche consistant à Modèle:Citation, afin que la reconnaissance de la réalité des violences incestuelles puisse transformer la fonction du complexe œdipien dans la clinique, dans la mesure où les évolutions sociétales rendent de plus en plus difficile pour les psychanalystes cliniciens de nier la réalité du vécu des victimes d'inceste<ref name="Niedergang">Modèle:Article.</ref>. Le Modèle:Dr Jean-Baptiste Lamarche a déclaré en 2010 que Modèle:Citation, identifiant la reconnaissance de la réalité des incestes subis par les victimes comme une condition de viabilité de la psychanalyse<ref>Modèle:Chapitre.</ref>.

Notes et références

Notes

Modèle:Références

Références

Ouvrages utilisés

Modèle:Références

Modèle:Références

Modèle:Références

Modèle:Références

Modèle:Références

Autres sources utilisées

Modèle:Références

Sources citées mais non utilisées

Modèle:Références

Voir aussi

Modèle:Autres projets

Bibliographie

Domaine psychanalytique

Textes de référence
Études

(Dans l'ordre alphabétique des noms d'auteurs)

Bibliographie critique et générale

(Dans l'ordre alphabétique des noms d'auteurs)

Articles connexes

Modèle:Colonnes

Liens externes

Modèle:Liens

Modèle:Palette Modèle:Portail Modèle:Bon article