Jean Bodin
Modèle:En-tête label Modèle:Voir homonymes Modèle:Infobox Philosophe
Jean Bodin, né en 1529 ou 1530 à Angers et mort en 1596 à Laon, est un jurisconsulte, économiste, philosophe et théoricien politique français, qui influença l’histoire intellectuelle de l’Europe par ses théories économiques et ses principes de « bon gouvernement » exposés dans des ouvrages souvent réédités. La diffusion du plus célèbre d'entre eux, Les Six Livres de la République, n'a été égalée que par De l'esprit des lois de MontesquieuModèle:Sfn. En économie politique, il perçoit les dangers de l'inflation et élabore la théorie quantitative de la monnaie à l'occasion d'une controverse avec Monsieur de Malestroit. Enfin, il établit une méthode comparative en droit et en histoire qui fécondera les travaux de Grotius et Pufendorf.
Dans Les Six Livres de la République, il est l'un des premiers à établir le concept de la souveraineté qui inspirera Hobbes et Locke. Il pose également les fondements théoriques de la monarchie absolue Modèle:Incise et les notions juridiques relatives à la souveraineté des États. Par son influence sur le cardinal de Richelieu et ses juristes, Bodin peut être considéré dans une certaine mesure comme l'un des fondateurs de l'absolutisme à la française. Parmi ses autres apports, figurent également l'encadrement des attributions des juges et de l'administration ainsi que l'établissement de distinctions fondamentales entre État et gouvernement.
Esprit moderne à certains égards, Bodin est toutefois susceptible de déconcerter les lecteurs actuels à la fois par son traité de philosophie de la nature, qui accorde beaucoup de poids à l'arithmologie et à l'astrologie, par un traité de démonologie qui a contribué directement à la répression de la sorcellerie et par son traité Les Six livres de la République qui justifie la domination de l’homme sur la femme et sa nécessaire exclusion du trône.
Alors que les guerres de religion dévastent la France, il se fait l'avocat de la tolérance religieuse, notamment par son opposition à une initiative royale qui voulait lever des fonds pour reprendre la guerre contre les huguenots. Il a aussi défendu l'idée de tolérance dans ses écrits, tout particulièrement dans le Colloquium heptaplomeres, resté à l'état de manuscrit, où il fait dialoguer sept sages de confessions différentes.
Biographie
Années de formation
Contemporain de Michel de Montaigne et de Nostradamus, Jean Bodin est né à Angers Modèle:Incise, entre juin 1529Modèle:Sfn et Modèle:Date-Modèle:Sfn. Il est le quatrième d'une famille de sept enfants. Son père, Guillaume Bodin, négociant et maître couturier, est établi dans une maison bourgeoise de la rue Valdemaine, près d'une auberge à l'enseigne de Saint-JulienModèle:Sfn ; il sait signer, ce qui était assez inhabituel à l'époqueModèle:Sfn. Sa mère s'appelle Catherine Dutertre, dont un parent, René Dutertre, est procureur du couvent des carmélites d'AngersModèle:Sfn. Contrairement à ce que l'on a parfois affirmé, aucun de ses parents n'est de confession juiveModèle:Sfn.
Le jeune Jean Bodin reçoit une formation chez les Carmes à Angers. Après avoir prononcé ses vœux, il entre comme novice, en 1545Modèle:Sfn, au couvent des Grands Carmes de Paris pour y étudier la philosophie sous la direction de Guillaume PrévostModèle:Sfn. Cet établissement était proche du Collège de Presles où enseigne alors Pierre de La Ramée, ainsi que du Collège des quatre langues, où Bodin pourrait avoir étudié l'hébreu avec Jean Mercier, disciple de François Vatable, qui a également enseigné à Jean CalvinModèle:Sfn. Il s’y imprègne aussi bien de la scolastique médiévale que de l’humanisme de la Renaissance. Il apprend aussi le grec avec Adrien Turnèbe, qu'il a été plus tard accusé d'avoir plagié dans sa traduction latine en vers de la Cynegetica d'Oppien (1555)Modèle:Sfn, mais il s'en est défendu vigoureusement<ref>Voir Modèle:Harvsp et Modèle:Harvsp.</ref>. Le couvent était situé sur la place Maubert, où Bodin pourrait avoir été témoin de l'exécution de l'humaniste Étienne Dolet en 1546 pour avoir publié des livres hérétiquesModèle:Sfn.
En 1547-1548, il semble avoir été impliqué dans un procès pour hérésie<ref group=n>Il se peut qu'il s'agisse en fait d'un homonyme. Certains historiens croient aussi qu'il a séjourné dans la Genève calviniste, car on trouve trace d'un « Jehan Baudin », mais il pourrait s’agir là aussi d’un homonyme, ce patronyme étant alors des plus communs Modèle:Incise. Les travaux les plus récents excluent sa présence dans cette ville. Voir sur ces deux hypothèses Modèle:Harvsp.</ref>. Toujours est-il que, vers 1549, il est libéré de ses vœux monastiques grâce à l'intervention de l'évêque d'Angers, Gabriel BouveryModèle:Sfn.
Après un séjour à Nantes en 1549, il va à Toulouse, où il étudie le droit puis devient professeur de droit romainModèle:Sfn. Durant cette période, il fait connaissance avec Cardan et Auger Ferrier ainsi qu'avec des juifs qui ont fui l'Espagne et qui l'initient à la cabale et au néoplatonismeModèle:Sfn. Il rédige alors divers traités Modèle:Incise dont il demande dans son testament qu'ils soient tous brûlésModèle:Sfn. En 1559, il publie un traité sur l'éducation, Oratio de instituenda in republica juventuteModèle:Sfn afin d'appuyer sa candidature à la direction du collège de l’Esquile à Toulouse, mais sans succès<ref group=n>Modèle:Harvsp. La construction du collège était terminée en 1556 selon Auguste d'Aldéguier.</ref>. Il s'est lié durant cette période toulousaine avec des personnages influents, tels Guy Du Faur de Pibrac et Michel de l'Hospital, qui l'aideront plus tard à pénétrer dans les sphères d'influenceModèle:Sfn.
Il regagne Paris en 1561, où il exerce la fonction d'avocat alors que commence en France la terrible période des guerres de Religion, mais il n'est pas doué pour le barreauModèle:Sfn.
Conseiller des princes
En 1562, il est avocat au Parlement de ParisModèle:Sfn. En 1566, il publie sa première œuvre importante, la Methodus ad facilem historiarum cognitionem (« Méthode pour un apprentissage aisé de l'histoire »). L'ouvrage connaît un tel succès qu'il nécessitera une seconde édition augmentée en 1572.
En 1567, il est substitut du procureur du roi à Poitiers<ref group=n>Il se serait alors converti à une forme de Modèle:Citation (Modèle:Harvsp).</ref>. En 1569<ref>Modèle:Article</ref>, il est arrêté et incarcéré à la Conciergerie « pour fait de religion » et reste emprisonné jusqu'en Modèle:Date-Modèle:Sfn. Participant volontiers à des débats d'idées, il publie en 1568 une Réponse aux paradoxes de M. de Malestroict touchant l’enrichissement de toutes choses et le moyen d’y remédier. Cette controverse est restée célèbre, car elle Modèle:Citation en offrant une première description du rôle dynamique de la monnaie, suffisamment précise pour que beaucoup y voient le premier exposé d'une théorie quantitative de la monnaie.
Cette expertise attire l'attention de Charles IX, qui, en 1570, le nomme commissaire à la réforme des forêts de Normandie. Bodin s'acquitte de cette tâche avec zèle, poursuivant sans relâche les spoliateurs du royaume contre lesquels il intente jusqu'à quatre cents procèsModèle:Sfn.
En 1571, il est nommé maître des requêtes et conseiller du duc d'Alençon, François de France. Il occupera cette fonction jusqu'à la mort de ce dernier en 1584Modèle:Sfn. Le jeune duc est alors chef du parti des Malcontents, qui regroupe les opposants à la politique royale et prône la tolérance religieuse. Suspect d'accointances avec les huguenots, Bodin échappe de justesse au massacre de la Saint-BarthélemyModèle:Sfn (1572), peut-être grâce à la protection de Jacques-Auguste de ThouModèle:Sfn.
En 1573, il est membre de la délégation qui accueille les ambassadeurs polonais venus à Metz saluer leur nouveau roi, Henri, duc d'AnjouModèle:Sfn. Il rédige à cette occasion la Modèle:Harvsp prononcée par l'évêque de Langres, Charles des Cars. En 1574, il est soupçonné d'avoir participé à la conjuration des Malcontents menée par La Môle et Coconas<ref group=n>Voir Modèle:Harvsp. Pour un récit détaillé : Le complot du Jeudi-Saint.</ref>.
En 1576, il épouse, à Laon, Françoise Trouillard, riche veuve dont le frère Nicolas Trouillard est procureur du roiModèle:Sfn et dont plusieurs parents sont au service du duc d'Alençon. La même année voit la publication de son œuvre majeure, Les Six Livres de la République, un ouvrage fondamental de philosophie politique, qui sera souvent réédité<ref group=n>La bibliographie établie en 1973 répertorie 65 éditions, toutes langues confondues et incluant les abrégés (français, latin, italien, espagnol, allemand, anglais, polonais). Voir Modèle:Harvsp.</ref>.
En raison de son immense érudition Modèle:Incise, sa conversation est recherchée par le roi Henri IIIModèle:Sfn. De 1576 à 1579, il est membre de l'Académie du palais, première incarnation de l'Académie française, qui se réunit deux fois par semaine en compagnie du roiModèle:Sfn. Il y siège en compagnie des poètes Guy Le Fèvre de La Boderie et Pontus de TyardModèle:Sfn.
Délégué par le Tiers état du Vermandois aux États généraux de Blois de 1576Modèle:Sfn, il s'oppose vivement à la reprise de la guerre contre les huguenots, préconisée par Pierre de VersorisModèle:Sfn. Alors que Henri III voulait se procurer des fonds pour cette guerre par aliénation d'une partie du domaine royal, Bodin convainc le Tiers état de s'y opposer afin de ne pas nuire au peuple en aliénant le bien de la nationModèle:Sfn. Cette ferme opposition lui fait perdre la faveur royale et est peut-être à l'origine d'une enquête menée en 1577 sur ses antécédents chez les Carmes, trente ans plus tôtModèle:Sfn. Pour défendre ses actions et justifier son opposition à l'imposition par la force de la religion catholique, il publie un Recueil de tout ce qui s'est negotié en la compagnie du tiers Estats de France (1577).
Il publie ensuite une réflexion sur l'essence du droit, Iuris universi distributio (1578), qui complète l'édifice théorique amorcé avec la République : Modèle:Citation
Ayant eu à instruire en tant que juge un procès contre Jeanne Harvilliers, accusée de sorcellerie, il rédige De la démonomanie des sorciers (1580), sorte de guide à l'intention des tribunaux dans lequel il réclame des peines sévères contre toute personne accusée de sorcellerieModèle:Sfn.
En 1581, il accompagne en Angleterre François de France afin de négocier son mariage avec la reine Élisabeth Ire{{#if:| }}Modèle:Sfn,<ref group=n>La reine Élisabeth Ire{{#if:| }} avait d'abord envisagé, en 1569-1570, d'épouser le futur Henri III, alors duc d'Anjou, mais la reine-mère avait fait échouer ce projet pour lui substituer, dès 1572, le jeune frère François. Poursuivies durant dix ans, les négociations finissent par échouer en février 1582. Voir notamment Michelet, Histoire de France: Les Guerres de religion, 1874, p. 264 et 280.</ref>. Il rencontre notamment le célèbre John Dee, mathématicien, astronome, astrologue, géographe et occultisteModèle:Sfn. Il a aussi la surprise d'apprendre que l'université de Cambridge utilise son ouvrage Les Six Livres de la RépubliqueModèle:Sfn, ce qui l'incitera à en faire une traduction latine afin de le rendre plus accessible aux lecteurs étrangersModèle:Sfn.
En 1583, il accompagne encore François aux Pays-Bas espagnols, où ce dernier devient comte de Flandre et duc de Brabant. Bodin rencontre à cette occasion Guillaume d'Orange et le cartographe Abraham OrteliusModèle:Sfn. Fait prisonnier lors de la malavisée attaque d'Anvers, à laquelle il s'était opposé, il est rapidement libéré<ref group=n>Bodin s'est expliqué sur cet épisode dans une lettre du 25 janvier 1583 à Jean Bautru des Matras, reproduite dans Modèle:Harvsp : Modèle:Citation</ref>.
À la mort de François de France (1584), il se retire à Laon, devient conseiller du roi de Navarre et conseiller juridique du marquis de MoyModèle:Sfn. En 1586, ayant prédit la mort d'Élisabeth Ire{{#if:| }}<ref group=n>Modèle:Ouvrage</ref>, il est soupçonné d'avoir participé au complot de Babington. Dénoncé à deux reprises comme hétérodoxe, son domicile est perquisitionné en 1587Modèle:Sfn et plusieurs de ses livres sont brûlésModèle:Sfn. À la suite de la mort de son beau-frère en 1587, il devient procureur du roiModèle:Sfn. En 1589, reniant ses opinions antérieures, il pousse Laon à se déclarer pour les Ligueurs<ref group=n>Cette volte-face, qui a été vivement reprochée à Bodin, s'explique selon Modèle:Harvsp par le contexte extrêmement troublé de l'époque. Selon Rose, Bodin obéissait à ses convictions profondes en appuyant la Ligue, car, comme il s'en explique dans sa Modèle:Harvsp de 1590, il en était arrivé à croire, devant l'ampleur de la rébellion, que Dieu lui-même s'était tourné contre un roi criminel Modèle:Harv.</ref>. Devenu suspect à tous les partis, il est de nouveau accusé d'hérésie : son domicile est perquisitionné en 1590 et ses livres sont brûlés publiquementModèle:Sfn. En 1593, il rompt avec la Ligue et incite les habitants à reconnaître Henri IV comme roi de France. En 1594, il accueille les troupes royales dans la villeModèle:Sfn.
Ses recherches le poussent vers une synthèse des connaissances, qui débouche sur un livre publié en latin Universae naturae theatrum (« Théâtre de la nature universelle ») (1596).
Il meurt de la peste à Laon en 1596<ref group=n>Selon sa fille Antoinette, il serait tombé dans une « débilité d’esprit » qui l'avait fort affligé Modèle:Harv.</ref>. Il a eu deux fils, Jean et Elie, tous deux morts avant d'avoir atteint l'âge adulte, et une fille mentalement retardéeModèle:Sfn, sur l'éducation desquels il a laissé une Épître à son neveu (Modèle:Date-) faisant état de sa méthode pédagogiqueModèle:Sfn, ainsi qu'un recueil de maximes morales, Sapientiae moralis epitome (1588).
Positions théoriques
Dès son jeune âge, Bodin s'était donné pour objectif de Modèle:Citation Il développe à travers ses livres quelques thèmes constants, tels la théorie des climats, la définition de la République comme un gouvernement légal et l'harmonie du monde intelligible créé par le « grand Dieu de la nature » qui a doté l'humanité du libre arbitreModèle:Sfn.
Methodus : Principes de méthode
Bodin avait une passion pour l'ordre. Dans l'épître de son Théâtre, rédigé dans les dernières années de sa vie, il écrit : Modèle:Citation Cette passion de l'ordre et des classifications allait orienter sa carrière : Modèle:Citation
La Méthode pour faciliter la connaissance de l’Histoire Modèle:Incise publiée en 1566, Modèle:Citation en s'appuyant sur le principe communément admis par ses contemporains que l'histoire livre des enseignements à partir desquels on peut établir des loisModèle:Sfn. Même s'il annonce dans sa définition de l'histoire que celle-ci ne se limite pas à l'étude du passé humain mais s'étend aussi à la vie de la nature et à l'action divine, il se limite dans cet ouvrage au passé humain.
La bibliographie systématique, publiée au chapitre X, s'étend sur 20 pages et donne la liste des auteurs qui ont écrit sur les diverses civilisations, en procédant de façon chronologique, depuis l'Antiquité jusqu'à l'exploration du continent américain, et en commençant par les auteurs d'histoires universelles (Bérose, Hérodote et Polybe…), les géographes (Strabon, Pomponius Mela, Pausanias…), les historiens des superstitions païennes, de la religion chrétienne, des Arabes, des Chaldéens, des Grecs, des Romains, des Celtes, des Germains du Rhin jusqu'à la Vistule, de l'Autriche, de la Hongrie, de la Pologne, de la Suède, des Saxons, de la Bohème, des Britanniques, des Espagnols, des Sarrasins, des Turcs, des Tartares, des Éthiopiens, des Indiens, des Américains...
Cette masse d'informations justifie la nécessité de son entreprise : Modèle:Citation Excluant tout rôle à la Providence dans la vie sociale et politique, Bodin affirme que Modèle:Citation Il est donc légitime de rechercher les lois cachées gouvernant l'évolution des affaires humaines.
Au cours des dix chapitres que compte cet ouvrage, Bodin propose donc une méthode pour classifier les données recueillies dans les livres d'histoireModèle:Sfn, ainsi que des outils comparatifs pour évaluer les constitutions politiques, tout en esquissant plusieurs des idées qu'il développera dans Les Six livres de la RépubliqueModèle:Sfn. Il consacre le chapitre VIII à la durée de l'UniversModèle:Sfn : prenant ses informations dans la Bible, il établit qu'il s'est passé exactement quatre mille ans depuis la création du monde jusqu'à Philon. Dans le chapitre IX, il fait des hypothèses sur l'origine des peuplesModèle:Sfn. Il cherche ainsi à penser l’évolution de l’ensemble des sociétés humaines non seulement dans une perspective temporelle mais aussi dans l’espace, articulant ce que Lestringant appelle Modèle:Citation. Il cherche aussi des éléments harmoniques dans l'évolution des événements et de la vie humaine et Modèle:Citation.
Au lieu d’interpréter les textes à la manière des humanistes de l'époque, il veut analyser l’Histoire des hommes pour en tirer un enseignement et une science du politique. À cet égard, cet ouvrage est Modèle:Citation Abandonnant la façon dont les Anciens traitaient l'Histoire, Bodin voit celle-ci comme la science de la prise et de la conservation du pouvoir. On peut donc y trouver, comme le fait Machiavel, Modèle:Citation
Il renvoie dos à dos les nostalgiques de l'âge d'or aussi bien que les tenants de l'eschatologie juive exposée dans la prophétie des quatre royaumes du Livre de Daniel<ref>Voir le chapitre vii de la Modèle:Harvsp.</ref>. Il adopte plutôt une conception cyclique de l'HistoireModèle:Sfn : Modèle:Citation
L'ouvrage comptera dix éditions avant la mort de son auteurModèle:Sfn. Son contemporain La Popelinière est assez critique sur cet ouvrage : Modèle:Citation Si la méthode de Bodin apparaît encore plus dépassée aujourd'hui, on reconnaît toutefois qu'il est de ceux qui Modèle:Citation Pour Jean-Marie Hannick, Modèle:Citation
Économie
Bodin traite de l'analyse économique au livre six de son ouvrage Les Six Livres de la République. Sur le plan de l'analyse économique, le livre de Bodin se placerait selon Schumpeter Modèle:Citation même si ses principes de fiscalité constituent une étape de plus vers la position défendue plus tard par Adam Smith dans le livre cinq de la Richesse des nationsModèle:Sfn. Bodin se prononce nettement en faveur de la liberté de commerce : Modèle:Citation, écrit-il, devançant de deux siècles les premières thèses libéralesModèle:Sfn.
En 1563, la Chambre des comptes de Paris se charge d'une étude visant à rechercher s'il y avait un lien entre Modèle:Citation et la dépréciation des monnaies. En 1566, Jean de Malestroit publie dans ce cadre Les paradoxes du seigneur de Malestroict sur le faict des monnoyes. L'année suivante, le Conseil du roi reçoit les préconisations qui découlent de ce rapport. C'est alors que Jean Bodin, peu satisfait de cette étude, décide de publier sa Réponse aux paradoxes de M. de MalestroictModèle:Sfn. Le débat est complexe car à cette époque la monnaie de compte Modèle:Incise et la monnaie en pièces étaient différentes (voir Système monétaire du royaume de France). Selon Malestroit, la hausse des prix venait des manipulations monétaires, mais ce qui l'inquiétait surtout, c'est que la dépréciation de la monnaie amenait une baisse du pouvoir d'achatModèle:Sfn. Toutefois, Malestroit ne comparait pas des prix réels mais Modèle:CitationModèle:Sfn. Jean Bodin, au contraire, en 1568, dans sa Réponse, part de l'évolution des prix constatés à diverses époques. Il montre ainsi que la hausse des prix provient d'abord de l'afflux d'or et d'argent en provenance du Nouveau Monde, ce qui a entraîné une révolution des prix, mais que cette hausse est due aussi aux nombreux monopoles existants, aux dépréciations des monnaies qui réduisent les flux de marchandises, ainsi qu'aux dépenses des rois et des princes, et enfin aux manipulations monétairesModèle:Sfn.
La thèse de Bodin n'était toutefois pas complètement inédite à l'époque car d'autres l'avaient déjà plus ou moins avancée, tels Martín d'Azpilcueta dans son Commentarius de usuris (Rome, 1556) et l'astronome Copernic dans Monetae cudendae ratio (1526). Toutefois, avec cet ouvrage, Bodin est réputé avoir présenté les bases de la théorie quantitative de la monnaieModèle:Sfn même si, d'après Ramon Tortajada, les divergences entre monnaie, unité de compte et monnaie de paiement faussent un peu les perspectivesModèle:Sfn.
Vers un État de droit : Les Six Livres de la République
Modèle:Article détaillé Soucieux de dépasser les frontières nationales, Bodin veut repenser le droit romain non pas dans le cadre étroit de la France de son époque mais dans un Tableau du droit universel (Modèle:Langue), paru en 1568, mais dont la rédaction avait probablement commencé à Toulouse vers 1560Modèle:Sfn. À la suite de sa réflexion sur l’essence du droit, Bodin établit une systématisation du droit romain en dressant des classifications par emboîtement de dichotomies, de telle manière que Modèle:Citation, diminuant ainsi les risques d'interprétation subjective en matière de justiceModèle:Sfn.
Quatre ans après la Saint-Barthélemy, au milieu des guerres de Religion, Jean Bodin, alors juge à Laon, publie les Six livres de la République (1576), réflexion touffue sur l'art de gouverner et sur le pouvoir du roi, garant de la paix civile qu'il faut rétablir. Avec la disparition du consensus religieux, il est en effet nécessaire d'Modèle:Citation Dans cet ouvrage, Bodin systématise et développe les thèses de Jean de Terrevermeille et de Claude de SeysselModèle:Sfn. Le livre est publié en français et comporte un index volumineux, témoignant de la volonté de Bodin de rejoindre un public aussi large que possible. Il compte 42 chapitres de texte serré, sans alinéa, répartis en six livres :
- Livre I : fin principale d'une République bien ordonnée. Comparaison avec le ménage. De la puissance maritale ; de la puissance paternelle ; de la puissance seigneuriale et s'il faut souffrir des esclaves dans une République. Définition du citoyen. Des traités entre les Princes. De la souveraineté.
- Livre II : les types de Républiques : monarchie seigneuriale, royale, tyrannique ; état aristocratique ; état populaire.
- Livre III : sénat, magistratures et administration.
- Livre IV : croissance et décadence des Républiques ; rapports du Prince avec ses sujets ; comment faire face aux séditions.
- Livre V : variation des Républiques en fonction de la diversité de la topographie, du climat et des populations. Lois sur la polygamie. Attribution des charges officielles. Sort des biens des condamnés.
- Livre VI : finances et intégrité des monnaies. Comparaison des trois formes de Républiques. Justice distributive.
La grande originalité de l'auteur est qu'il ne se contente pas de détailler les pouvoirs du roi, mais s'efforce de construire une théorie de la souveraineté, et plus particulièrement une théorie juridique. Bodin utilise le terme « république » (en latin : res publica) pour désigner la chose publique encadrée par le droit, ouvrant son livre par une définition du terme : Modèle:Citation
Cet ouvrage fondateur dans le domaine du droit constitutionnel connaît un vif succès et de nombreuses éditions. Les positions de Bodin heurtent toutefois les Modèle:Citation, notamment le jurisconsulte Jacques CujasModèle:Sfn, Michel de la Serre<ref group=n>Modèle:Ouvrage. Bodin fera interdire cet ouvrage par le roi.</ref> et plusieurs autres, auxquels il répond par son Apologie pour la République de J. Bodin en 1581, publiée sous le pseudonyme de René HerpinModèle:Sfn. En 1586, il publie en outre une traduction latine des Six livres de la République afin d'en faciliter la diffusion internationaleModèle:Sfn.
Concept de nation
Bodin s'attache à préciser le concept de nation. Rejetant la thèse traditionnelle de l'autochtonie, il prend des positions humanistes et universalistes Modèle:Citation et le récit biblique de l'origine du genre humain, qui est un point de référence permanent dans l'ensemble de l'œuvreModèle:Sfn. Il fonde donc la nation non sur des critères de race mais de civilisation et affirme l'unité de l'espèce humaine, la différenciation entre les nations ne se faisant pas Modèle:Citation. Récusant également l'idée que les différences entre les peuples se situent sur un axe Est-Ouest, il accorde à la latitude un rôle déterminant dans la formation des traits caractéristiques des populations. Il est ainsi à l'origine d'une « théorie des climats » qui distingue trois grandes zones climatiques Modèle:Incise, théorie que développera Giovanni Botero et que Montesquieu a reprise dans l'Esprit des lois sans mentionner BodinModèle:Sfn. Chaque climat entraîne des caractéristiques physiques et comportementales particulières, qui ont pour effet de provoquer des mouvements migratoires du nord vers le sud, les peuples nordiques ayant tendance à cultiver les activités militaires. Appuyant sa thèse sur une liste d'exemples puisés dans une vaste collection de données historiques, il conclut : Modèle:Citation
Se fondant sur l'origine ethnique et la localisation territoriale pour différencier les nations, il envisage chacune de celles-ci comme un organe localisé dans le corps humainModèle:Sfn. Cette conception organique de l'humanité fait en sorte qu'il Modèle:Citation
Types de républiques
Bodin utilise fréquemment le terme de « prince » pour désigner celui qui détient le pouvoir, quel que soit son statutModèle:Sfn. Au début du Livre II, il examine combien il y a de sortes de Républiques. À cette fin, il adopte les critères suivants : Modèle:Citation. Appliquant la distinction proposée par Aristote entre essence et accident, il estime qu'il ne faut pas Modèle:CitationModèle:Sfn. Il introduit aussi une distinction entre État et gouvernement : Modèle:Citation Il s'ensuit qu'une monarchie peut être Modèle:Citation La monarchie, selon sa définition, est donc Modèle:Citation, tandis que Modèle:Citation
Il invoque la loi naturelle et divine pour justifier la domination de l’homme sur la femme et sa nécessaire exclusion du trône : Modèle:Citation bloc
Concept de souveraineté
Modèle:Article connexe Bodin fait de la souveraineté un attribut essentiel de l'État. Il introduit le concept dès la première phrase de la République : Modèle:Citation Il attache tellement d'importance à ce concept qu'il y consacre les trois derniers chapitres du premier Livre de la République. Il a pleinement conscience d'innover en introduisant sa définition, au début du chapitre IX : Modèle:Citation bloc Sa théorie de la souveraineté s'insère dans une conception générale de l'autorité applicable à tous les peuples, quel que soit leur degré de développement ou leur type d'ÉtatModèle:Sfn. Elle s'appuie sur Modèle:Citation Évacuant ainsi le recours à un principe de droit divin, Modèle:Citation
La souveraineté comporte deux attributs essentiels. Le premier est qu'elle Modèle:Citation Le second attribut essentiel est son caractère absolu. La souveraineté, qui n'a Modèle:Citation La souveraineté est toutefois limitée par la loi de la nature et de Dieu, dont le prince souverain demeure éternellement sujet : Modèle:Citation En dépit de ses positions innovantes, Bodin est très attaché Modèle:Citation
Le pouvoir du souverain est également limité par les lois fondamentales du Royaume ainsi que par les coutumes générales et particulières. Quant au prélèvement de l'impôt, celui-ci requiert le consentement du parlement ou du peupleModèle:Sfn. Le souverain ne peut pas non plus déroger aux engagements pris envers ses sujets. Toutefois, des cas de force majeure peuvent justifier une dérogation à ces limites, car : Modèle:Citation Selon Zarka, le lien qu'établit Bodin entre État et souveraineté Modèle:Citation
En établissant que la loi des autres nations ne peut pas lier un État souverain, Bodin théorise donc la notion d'immunité de l'ÉtatModèle:Sfn, notion importante qui influencera Charles Loyseau (1608), Cardin Le Bret (1632) et surtout Jean-Jacques Rousseau. Ce dernier y fera référence dans l'article « Économie politique » de l'Encyclopédie, publié ensuite sous le titre de Discours sur l'économie politique (1755). Hobbes reprendra cette notion et la développera en introduisant dans la philosophie juridique le principe d'égalité naturelle des ÉtatsModèle:Sfn,Modèle:Sfn.
Avec la notion de souveraineté, Bodin a conscience d'innover : Modèle:Citation En inventant la souveraineté, Bodin Modèle:Citation
Vers un État administratif
La notion de souveraineté que propose Bodin introduit un déplacement des attributs traditionnels des juges : Modèle:Citation
Population et richesse d'un État
Bodin propose une vision relativement humaniste de la politique et de l’économie en affirmant que la vraie richesse n’est pas seulement matérielle, que la force d’un pays réside dans sa population : Modèle:Citation bloc
Cette sentence inspirera plus tard des penseurs anti-malthusiens comme Alfred Sauvy. Le géographe Augustin Bernard y voit pour sa part « la devise des peuples colonisateurs »<ref>Modèle:Ouvrage</ref>.
Sur le plan économique, sa pensée a évolué et fait davantage de place au contrôle de l'État : Modèle:Citation
Arithmologie et justice harmonique
Bodin croit fermement que le cosmos et l'ensemble de la réalité sont organisés par les nombres et que ceux-ci ont par conséquent des valeurs prédictives, tant dans l'histoire individuelle que collective. Là où d'autres voient l'effet du hasard, il voit au contraire l'action de lois mathématiques. Dans la Methodus, il écrit par exemple que Modèle:Citation
Il s'intéresse tout spécialement aux relations de type harmonique, selon la tradition pythagoricienne transmise par le Timée et La République de Platon. Appliquant le principe d'harmonie à son idéal de justice, il conçoit l'égalité comme une égalité de proportions à laquelle on devrait atteindre par le « nombre nuptial », qu'il mentionne dans la Methodus ainsi que dans Les Six Livres de la République et dont il fait Modèle:Citation. Selon Bodin, le nombre nuptial serait 5040 parce qu'il s'obtient en multipliant la succession des premiers nombres jusqu'à 7 (1 × 2 × 3 × 4 × 5 × 6 × 7)Modèle:Sfn. L'organisation du corps social est bonne lorsqu'elle met en harmonie les différentes composantes, de la même façon que dans la musique : Modèle:Citation bloc
Cette notion de justice harmonique est tellement importante qu'il y consacre le dernier chapitre de sa République, dans lequel il argumente en faveur d'un système favorisant l'ascension sociale en fonction du mérite individuel et non de la seule naissance : Modèle:Citation bloc
Bodin et Machiavel
Si Machiavel et Bodin sont généralement reconnus comme les fondateurs de la science politique moderneModèle:Sfn, ils diffèrent toutefois sur bien des aspects. Le premier était un praticien de la politique, doté d'un sens aigu d'observation, mais sans aucun souci de fonder une méthode scientifique. Il en va tout autrement chez Bodin qui, vivant à une époque où les horizons intellectuels ne cessent de s'étendre, cherche à opérer au moyen d'une démarche méthodique une synthèse universelle dans le domaine de la politique tout comme il l'a préconisé dans le domaine du droitModèle:Sfn. Dans la Methodus, Bodin annonce en quoi il veut se démarquer de son illustre prédécesseur : Modèle:Citation
Le jugement de Bodin sur Machiavel sera beaucoup plus sévère dans sa République, à tel point que cet ouvrage peut être vu comme un anti-Machiavel, selon Simone Goyard-FabreModèle:Sfn. Dès la préface, Bodin prend ses distances : Modèle:Citation bloc
Comme le signale Weber, la sévérité de Bodin à l'égard de Machiavel s'explique par les guerres de Religion qui ensanglantaient alors la France et avaient provoqué un ressac contre les théories du FlorentinModèle:Sfn. La République paraît d'ailleurs la même année que le Discours sur les moyens de bien gouverner de Gentillet, ouvrage dédié à François, duc d'Alençon, dont Bodin était très proche.
Pourtant, Bodin suit la voie tracée par Machiavel en fondant juridiquement la république sur Modèle:Citation, ainsi que le signale Gérard Mairet : Modèle:Citation Il y a certes chez lui mention de la loi de Dieu, mais les références sont toujours faites à la loi de Moïse, dans l'Ancien Testament.
La situation à laquelle était confronté Machiavel est très différente de celle qui préoccupait Bodin, selon l'analyse d'Antonio Gramsci : Modèle:Citation bloc
Sur le plan des principes, Bodin est loin de préconiser un divorce entre politique et éthique ainsi que le fait Machiavel, même si Modèle:Citation Tout comme chez le Florentin, on trouve dans la République des conseils pratiques à l'usage des gouvernants : Modèle:Citation, Modèle:Citation, Modèle:Citation.
En dépit de ces rapprochements superficiels, Bodin est philosophiquement très éloigné de l'auteur du Prince. Dans sa République, il décrit les tyrans comme étant « en frayeur perpétuelle » (Modèle:P.), « tourmentés plus cruellement par crainte que par mille bourreaux » (Modèle:P.) et affirme « tyran et Roy, deux mots incompatibles » (Modèle:P.). Au lieu de recommander à l'homme politique de conquérir le pouvoir en imposant sa volonté par la ruse et la force, Bodin le souhaite plutôt toujours doté d'une conscience morale et préoccupé par la justice et l'établissement des lois, en vue d'assurer un équilibre harmonieux dans l'ÉtatModèle:Sfn.
De la démonomanie des sorciers
Bodin s’intéresse à la démonologie à la suite de deux procès dans lesquels il a été appelé en tant qu'expert judiciaire, ce qui l'amène à publier en 1580 De la démonomanie des sorciers. Il y définit le sorcier comme celui qui vise à faire quelque chose par des moyens diaboliques (Livre {{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | Ier{{#if:| }} }}), recherche ce qu’est la magie, se demande si les sorciers sont transportés en corps par les démons et s'ils peuvent changer les hommes en bêtes (Livre II). Il traite également des moyens de protection licites et illicites pour empêcher les maléfices (Livre III). Enfin, il traite des procédés à la disposition de la justice de reconnaître les sorciers, des preuves qui établissent le crime de sorcellerie, de la confession volontaire ou forcée et des peines à appliquer (Livre IV)<ref>Modèle:Ouvrage</ref>. Il a contribué à la condamnation de Jeanne Harvilliers, "la sorcière de Laon", lors d'un procès où il avait témoigné en qualité d'expert.
À un moment où les procès de sorcellerie battaient leur plein en Europe, Bodin affirme avec des arguments apparemment rationnels la réalité des pactes avec les démons, l’évocation des morts et la copulation charnelle avec les démons. Il croit aux loups-garous, aux assemblées de sorcières, au pouvoir qu'ont certaines personnes de Modèle:Citation de leurs ennemis pour les rendre impuissants<ref>Nouer l'aiguillette</ref> ou de les tuer au moyen de figurines de cire<ref>Préface.</ref>. Il se base sur les aveux « sans question ni torture » de Jeanne Harvilliers, condamnée au bûcher en 1578, ainsi que sur les témoignages d'Abel de La Rüe et de Trois-Échelles, prestidigitateur et sorcier attitré de Charles IX, qui fut pendu. Même s'il voit dans les actes de sorcellerie les agissements du diable, il ne croit cependant pas à l'efficacité des exorcismesModèle:Sfn.
Malgré sa formation juridique, il considère que les Modèle:Citation, admet que les juges mentent à l'accusé et estime qu'il n'est guère besoin de plusieurs témoins, un témoin sans reproche de sexe masculin étant suffisant : Modèle:Citation Pour identifier les sorciers, il encourage la délation et préconise la torture, l'objectif étant l’élimination en masse des sorciers, afin d'éviter la mainmise de Satan sur le monde. Il s'attaque particulièrement à Jean Wier, auteur d'un important traité sur la question dans lequel il qualifie les magistrats de Modèle:Citation. Bodin le réfute longuement dans la seconde moitié du livre IVModèle:Sfn, allant jusqu'à l'accuser de couvrir sa propre sorcellerie sous ses dénégationsModèle:Sfn.
Contrairement à certains de ses contemporains plus éclairés, Bodin ne tient pas compte de la culture populaire de son époque, qui colporte ces histoires de sorcellerie et de lycanthropie. Comme Robert Mandrou le signale à propos des cas de jeunes enfants accusés de sorcellerie ou de lycanthropie, si les « petits juges » condamnaient à mort les soi-disant sorciers, ceux-ci étaient parfois graciés par les juges du parlement, au motif que la similarité des faits allégués contre ces « sorciers » provenait de récits colportés, une interprétation que Bodin rejette. Il faudra attendre un siècle pour qu'un édit de Colbert, en 1682, interdise de porter ce genre de cause devant les tribunaux<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>, mais dès 1640 Modèle:Citation L'ouvrage de Bodin aura beaucoup d'influence sur les débats touchant la sorcellerieModèle:Sfn. On a même avancé que la Démonomanie avait joué un rôle dans l'augmentation des poursuites pour sorcellerie en France entre 1580 et 1610, particulièrement à Paris, mais on ne trouve aucune référence à cet ouvrage dans les diatribes publiées de l'avocat-général Louis DorléansModèle:Sfn.
La position de Bodin sur la sorcellerie a intrigué les commentateurs. Comme l'a noté Lucien Febvre : Modèle:Citation bloc
Rose tente de l'expliquer ainsi : Modèle:Citation Pour la plupart des commentateurs, il faut replacer cette position dans son contexte. Si Montaigne était beaucoup plus éclairé que Bodin sur la sorcellerie, il faut reconnaître que bien des personnages éminents de cette époque partageaient la crédulité de Bodin, tels Pierre de L'Estoile, Ambroise Paré et CalvinModèle:Sfn. Plusieurs de ses contemporains préconisaient les mêmes pratiques contre les sorciers Modèle:Incise ou se sont flattés de les avoir appliquées en tant que juge sur des centaines de victimes, tel Nicolas RémyModèle:Sfn.
Loin d'être une aberration dans l'œuvre de Bodin, cet ouvrage fait preuve, selon Nicole Jacques-Chaquin, Modèle:Citation et s'inscrit Modèle:Citation Bodin s'appuie sur les aveux spontanés des sorcières et les nombreux témoignages accumulés. Il invoque la Métaphysique d'Aristote pour établir que les démons sont corporels, car toute substance est corporelleModèle:Sfn. Il s'accorde toutefois avec l'ensemble des démonologues de l'époque pour nier tout pouvoir réel aux sorciers, mais il va plus loin que ceux-ci en affirmant que c'est grâce au pacte de la sorcière avec Satan que celui-ci peut produire ses effets dévastateursModèle:Sfn. Dès lors, la sorcellerie est Modèle:Citation Or, la religion est absolument nécessaire dans le système de Bodin car elle est Modèle:Citation Il en résulte pour Bodin qu'un sorcier est Modèle:Citation car le sorcier risque d'attirer la punition divine par des massacres et des calamités de toute sorte : Modèle:Citation
On a supposé que Bodin était inquiet de voir l'ascendant qu'avaient pris les conseillers italiens de Catherine de Médicis et le laxisme qui en avait dérivé. Il accorde en effet grand crédit au témoignage du sorcier et prestidigitateur Trois-Échelles qui, pour obtenir la grâce de Charles IX, avait dénoncé ses complices et affirmé qu'il y avait plus de cent mille sorciers dans le royaume. Il mentionne à plusieurs reprises Cornelius Agrippa qu'il accuse d'être Modèle:Citation
En ce qui concerne l’astrologie, Bodin était convaincu qu'elle permettait de prévoir Modèle:Citation, sujet auquel il consacre un chapitre entier de sa RépubliqueModèle:Sfn, que critiquera l’astrologue toulousain Auger Ferrier dans un Advertissement à M. Jean Bodin sur le quatrième livre de sa République, (Toulouse, 1580).
La Démonomanie est un de ses ouvrages les plus populaires, avec treize éditions françaises entre 1580 et 1616Modèle:Sfn. Un an après sa publication, deux traductions voient le jour, l'une en allemand par Johann Fischart et l'autre en latin par François Junius sous le titre De magorum dæmonomania libri IV. Le livre est traduit en italien en 1587 par Hercole Cato. En comptant les traductions, l'ouvrage totalise vingt-cinq éditionsModèle:Sfn.
Théâtre de la nature universelle
Vers la fin de sa vie, Bodin rédige en latin le Théâtre de la nature universelle, vaste synthèse personnelle des connaissances, qui fait preuve d'une Modèle:Citation. Il y mentionne nombre d'humanistes de la Renaissance (Pic de la Mirandole, Laurent Valla, Guillaume Budé, Scaliger...), des historiens et voyageurs, des mathématiciens et astronomes (Oronce Finé, Nonius, Copernic...), des médecins (Georges Agricola, Jérôme Cardan, Paracelse...), des savants arabes (Al Ghazali, Avicenne, Averroès) ou juifs, tel Maïmonide, et cite volontiers la Bible ainsi que les auteurs antiques les plus divers, tout en critiquant volontiers Aristote au nom du platonismeModèle:Sfn.
L'ouvrage comporte quatre livres. Le premier est consacré à la fabrique du monde, le deuxième à l'étude du monde minéral tandis que le troisième traite des végétaux et animaux ; le quatrième aborde des questions philosophiques : la théorie de la connaissance, les sortes d'âmes, la métempsycose ; le cinquième livre discute des idées platoniciennes et de la nature de l'âme humaine ainsi que des démons Modèle:Citation Sa position sur la nature corporelle des démons, ainsi que des anges et des âmes, vaudra à cet ouvrage, en 1628, d'être ajouté aux trois autres livres de Bodin déjà à l'indexModèle:Sfn et il l'était encore en 1900<ref>Modèle:Chapitre.</ref>. Bodin laisse ainsi entendre que les comètes seraient les âmes d'hommes illustresModèle:Sfn.
Selon une démarche pédagogique alors très fréquente, le Théâtre se présente comme un dialogue entre Modèle:Citation Chaque problème est donc annoncé par une question. Tout en puisant dans sa vaste érudition pour expliquer des phénomènes, Bodin peut aussi faire appel à ses propres expériences de physique ou d'alchimie sur la distillation, la fusion des métaux, l'optique, la gravitationModèle:Sfn : Modèle:Citation bloc Il se vante d'avoir été Modèle:Citation
Ses observations sont parfois prises en défaut, comme lorsqu'il affirme que Modèle:Citation ou lorsqu'il prétend que les serpents attaquent plus volontiers les femmes que les hommes, voyant en cela un effet de la bonté de Dieu qui a voulu Modèle:Citation, à moins que ce ne soit dû à Modèle:Citation
Piètre physicien, il invoque la Bible et Ptolémée pour argumenter contre la thèse de Copernic et Galilée, dont il dit qu'elle est une Modèle:Citation
Bodin a lu nombre de relations de voyage et se montre volontiers ethnologue, s'intéressant notamment Modèle:Citation Cette ouverture d'esprit se manifeste encore dans le Modèle:Harvsp : Modèle:Citation
En toute chose de la nature, il veut voir une finalité voulue par Dieu : même la piqûre des insectes serait un Modèle:Citation L'étude « scientifique » de la création débouche ainsi inévitablement sur Modèle:Citation Ainsi donc, Modèle:Citation d'un traité qui est marqué à la fois par Modèle:Citation
Le Théâtre a été beaucoup moins populaire que les autres ouvrages majeurs de Bodin. Sur le plan scientifique, il n'arrive pas à la hauteur des travaux de philosophie de la nature que produiront au siècle suivant Kepler, Mersenne ou Gassendi, même s'il a été davantage lu et discuté, en son temps, que ceux-ciModèle:Sfn. On lui a reproché son orientation systématiquement anti-Aristote et pro-judaïsmeModèle:Sfn. Toutefois, si la critique est particulièrement négative en France, il en va autrement en Europe centrale, où l'ouvrage deviendra une référence courante. En totalisant les éditions latines et française (1596, 1597 et 1605), présentes dans les grandes bibliothèques, Ann Blair a pu localiser 314 exemplaires de cet ouvrage dans vingt pays différents, ce qui atteste sa vaste diffusionModèle:Sfn.
En raison de son faible intérêt pour les mathématiques, de son attachement à un savoir livresque et de son respect pour les opinions communément admises, Bodin n'a pas su fonder sur des bases scientifiques son projet de philosophie naturelle, comme le feront Francis Bacon et Descartes dans la génération suivanteModèle:Sfn. À la différence de ces derniers, il n'était pas d'abord motivé dans ce projet par l'avancement de la connaissance, mais voyait dans la philosophie naturelle un moyen de dépasser les antagonismes politiques et religieux de son époque dans une admiration partagée pour la Création divine — tout en trouvant dans la nature une Modèle:Citation
Fonction de la religion
Une nécessité politique
La religion est indispensable pour maintenir la cohésion de la société et Bodin consacre de longs passages de la République à cette question. S'appuyant sur l'historien grec Polybe, il insiste sur la nécessité du lien religieux : Modèle:Citation Selon un commentateur contemporain, cette façon d'instrumentaliser le fait religieux comme outil de paix civile et d'obéissance aux lois revient à donner à la religion Modèle:Citation et relève d'Modèle:Citation
Il s'ensuit que le Prince doit éviter de prendre parti et ne pas encourager les querelles religieuses : Modèle:Citation
S'il s'est attaqué à la sorcellerie, c'est parce qu'il est convaincu que celle-ci est l'œuvre de Satan, dont la fin est de détruire la religion, et par conséquent les États. Il ne lui importe guère, toutefois, qu'il se mêle à la religion des éléments de superstition Modèle:Citation
Le Colloquium heptaplomeres
Dans le Colloquium heptaplomeres, probablement rédigé entre 1587 et 1593 mais longtemps resté manuscritModèle:Sfn, Bodin met en scène sept sages de diverses religions qui discutent des mérites respectifs de celles-ci<ref group=n>D'abord diffusé sous forme manuscrite, l'ouvrage n’a été publié qu’en 1857, à Leipzig, par Ludwig Noack. L'attribution à Bodin a été contesté par Faltenbacher, qui soutient que cette erreur historique est due à une raison de politique éditoriale : la notoriété de Jean Bodin rendant plus lisible la publication sur le marché du livre, le travail de critique historique (comparaison des traductions, thématiques et concepts) aurait été éludé sous la contrainte d'une logique non scientifique. Ces arguments n'ont pas convaincu la plupart des spécialistes, qui continuent à attribuer cet ouvrage à Bodin. Voir Modèle:Harvsp et Modèle:Harvsp.</ref>. Ces sages de nationalités différentes sont réunis chez le catholique Paul Coroneus à Venise, alors ville cosmopolite par excellenceModèle:Sfn. Le juriste calviniste Antonius Curtius et le mathématicien luthérien Fridericus Podamicus défendent la réforme protestante, tandis qu'Octave Fagnola, jadis chrétien captif chez les Turcs et converti à l'islam, défend celle-ci ; Salomon Barcassius est juif, l'Espagnol Diego Toralba s'en tient à la religion naturelle et Hieronymus Senamus est indifférent aux diverses confessions, qu'il dit pratiquer toutesModèle:Sfn.
Conçu sous la forme d'un dialogue qui s'étend sur six séances de discussions, l'ouvrage compte six livres et aborde un vaste éventail de thèmes : la nature corporelle ou non des démons, la question de l'éternité ou de la finitude du monde, l'unité de l'esprit, l'opposition entre vérité philosophique et vérité théologique. Les analystes ont tous noté un nombre élevé de répétitions, une structure chaotique, des imprécisions en matière de chronologie, des erreurs de citation d'autant plus étonnantes que la discussion fait grand cas des sources et des différentes corruptions qui peuvent les affecter. Mais ces défauts peuvent être dus au genre du dialogueModèle:Sfn.
Le thème dominant est celui de l'harmonie entre les participants, harmonie que soulignent des passages poétiques censés être chantés. Les participants font appel à une grande variété d'arguments, puisés dans les mathématiques, le droit, la physique, l'astronomie, la médecine, les sciences naturelles et diverses branches de la philosophieModèle:Sfn. En dépit des appels à l'harmonie, les désaccords persistent sur plusieurs points, tels la nature du Christ, la valeur de la confession et de l'absolutionModèle:Etc.
Dès le milieu du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, Gabriel Naudé a émis l'hypothèse, rapportée par Guy Patin, que ce dialogue était basé sur un dialogue similaire, qui avait réellement eu lieu à Venise entre quatre personnages dont les propos avaient été notés par l'humaniste arabisant Guillaume Postel. Les papiers en question auraient été recueillis dès 1584 par BodinModèle:Sfn. Cette hypothèse paraît d'autant plus vraisemblable à son premier éditeur français, Roger Chauviré que, dans le Colloquium, chacun des interlocuteurs possède des traits distinctifs, qui se précisent uniquement à travers leurs interventions respectivesModèle:Sfn.
Les thèses défendues dans cet ouvrage étaient irrecevables à l'époque et Bodin aurait certainement été convaincu d'hérésie si l'ouvrage avait été découvert chez luiModèle:Sfn. Aussi le manuscrit n'a-t-il longtemps circulé que dans la clandestinité. Les critiques ont accusé Bodin d'être athée, juif ou déiste et, encore aujourd'hui, les commentateurs ne sont pas d'accord sur le personnage censé exposer dans la discussion le point de vue de BodinModèle:Sfn.
L'ouvrage est généralement vu comme un appel à la tolérance religieuse<ref group=n>Karl Faltenbacher soutient au contraire que le Colloquium est une charge contre les religions toujours en proie à une dérive hégémonique arbitraire. Voir Modèle:Vid Modèle:Lien web</ref>, position déjà présente dans la République (IV, chap. VII), qui affirme le danger des querelles religieuses et l'impossibilité d'imposer une croyance en ce domaine.
Parmi ses contemporains, Pierre Charron s'est beaucoup inspiré de son idéal de tolérance dans son Traité de la SagesseModèle:Sfn.
Le Paradoxon
En 1596, Bodin publie en latin le Bodini Paradoxon, un ouvrage religieux majeurModèle:Sfn, dans lequel il aborde des questions d'éthique et développe le paradoxe selon lequel il n'y a pas de vertu dans la voie moyenne. Selon le critique Paul Rose, Bodin rejette la doctrine catholique des vertus théologales octroyées par la grâce, en faveur de l'Modèle:Citation Comme ces idées étaient susceptibles de le conduire au bûcher, Bodin a choisi de s'exprimer de façon extrêmement ambiguë, en multipliant les paralogismes et les affirmations contradictoires dans certains paragraphes. Loin de rechercher dans cet ouvrage une échappatoire philosophique aux guerres de Religion qui ravagaient alors la France, Bodin vise en fait à poser les assises morales de la politiqueModèle:Sfn.
La première section du livre traite du problème du bien et du mal et de la justice divineModèle:Sfn. L'auteur pose ensuite une série de distinctions entre le bien, la fin et le bonheur de l'homme afin de fonder une philosophie morale Modèle:Incise qui soit à la fois naturelle et religieuse : ces deux caractéristiques ne sont pas antithétiques pour Bodin, compte tenu de son cadre de référence ancré dans une vision « judaïsanteModèle:Sfn». La troisième section examine des vices et des vertus en mettant l'accent sur leur origine naturelle, tout en rejetant la doctrine aristotélicienne de la moyenne ainsi que la distinction entre vertus morales et vertus intellectuelles. La section suivante examine les vertus de prudence, magnanimité, tempérance et justice. Enfin, il présente la sagesse et la charité ou l'amour de Dieu comme les vertus naturelles les plus élevéesModèle:Sfn.
Le colophon de la version latine indique que l'ouvrage a été rédigé au plus fort d'une guerre civile en France et qu'il s'est terminé au début de Modèle:Date-. Dans la préface de la version latine, Bodin exprime son horreur de la guerre et la nécessité de la repentance afin d'échapper à la vengeance divine, en réglant les différends entre les divers groupes sociauxModèle:Sfn. Il termine ainsi la préface : Modèle:Citation bloc
Il en existe deux traductions françaises : la première est de Bodin lui-même (1598) et la seconde de Claude de Magdaillan (1604).
Sa religion intime
La religion personnelle de Bodin était déjà une énigme pour ses contemporainsModèle:Sfn et les historiens continuent à en débattreModèle:Sfn. Selon certaines sources, il serait mort dans la religion juiveModèle:Sfn, mais cette hypothèse est contestéeModèle:Sfn. Bodin ayant précisé par testament Modèle:Incise qu'il souhaitait une sépulture catholique, il a été enterré dans l'église des Cordeliers de LaonModèle:Sfn. Il a toutefois été suspecté d'hérésie à plusieurs reprises et trois de ses ouvrages ont été mis à l'index dès 1590 par Sixte V : La Méthode de l'histoire, De la Démonomanie et La RépubliqueModèle:Sfn. En raison de ses fréquents changements d'allégeance, sans aucun doute dus au contexte politique, on l'a accusé d'avoir une Modèle:Citation. Soulignant la dimension universaliste de sa pensée, qui apparaît dans toute son œuvre, une critique estime qu'il a combiné Modèle:Citation.
Selon Paul Rose, on peut trouver, cachés dans les écrits de Bodin, des signes de sa conversion à une religion prophétique, voire de la Modèle:Citation, et cette conviction profonde l'aurait persuadé, en 1589, que la Ligue catholique était l'instrument de Dieu pour le salut de la FranceModèle:Sfn. Dans le livre IV du Colloquium, Bodin affirme que Modèle:Citation, ce qui pourrait désigner la religion hébraïque selon Lloyd<ref group=n>{{#invoke:Langue|indicationDeLangue}} Modèle:Citation étrangère Modèle:Harv. Toutefois, l'insistance sur l'ancienneté de la religion et les références que fait ailleurs Bodin à la religion chaldéenne pourraient aussi désigner le zoroastrisme, qui a fait l'objet d'une étude dans le deuxième tome de l'ouvrage du jurisconsulte Barnabé Brisson, De regio Persarum principatu libri III, publié en 1590.</ref>.
Statut de la femmeModèle:Sfn
Bodin place la femme sous la dépendance du mari. Il invoque, pour fonder la « puissance maritale », la loi naturelle et la parole de Dieu : Modèle:Citation Sa misogynie apparaît aussi dans le Théâtre de la nature universelle, comme le fait observer François BerriotModèle:Sfn.
Sur le plan politique, Modèle:Citation. Bodin invoque encore la loi naturelle pour s'opposer à la transmission de la monarchie à la femme : Modèle:Citation Dans la République (livre VI, chapitre V)Modèle:Sfn, il affirme la nécessité absolue de s'en tenir à la loi salique en raison des troubles qui ne manqueraient pas d'advenir si une femme était sur le trône : Modèle:Citation.
Selon un récit rapporté par Bayle, cette position aurait irrité Élisabeth Ire{{#if:| }} d'Angleterre, qui aurait convoqué Bodin pour le mortifier publiquement : Modèle:Citation bloc
Réception et influence de la République
L'influence posthume de Bodin tient principalement à la République : Modèle:Citation
Une diffusion européenne
Au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, l'ouvrage de Bodin est lu en Italie, aux Pays-bas, en Espagne, dans l'Empire germanique et au VaticanModèle:Sfn. La pensée de Bodin a fait l'objet de nombreuses interprétations après sa mort. Les uns le voient comme un défenseur de l'absolutisme royal, les autres comme un théoricien de la souveraineté communale (les monarchomaques), d'autres encore comme fondamentalement un constitutionalisteModèle:Sfn. Sa classification des types d'états a suscité bien des débats, en raison des divers paramètres qui la composent : Modèle:Citation Ainsi que l'écrit Salmon : Modèle:Citation bloc
En Espagne, la traduction d'Añastro Ysunza en 1590<ref>Los seis libros de la Republica.</ref> est utilisée de façon sélective pour renforcer la position des défenseurs du pouvoir royal, qui était alors disputé entre les représentants des villes, des Cortes et de l'égliseModèle:Sfn.
Contre-offensive de Rome avec Giovanni Botero
La notion de souveraineté de l'État mise en place dans Les Six Livres de la République a rallié un groupe de catholiques, « les Politiques », qui y voient une issue aux guerres de religion. À la mort du duc d'Alençon, en 1585, la théorie bodinienne heurte de front le pouvoir de Rome, car elle Modèle:Citation La Curie entreprend donc une offensive théorique afin de proposer une alternative à la notion de souveraineté en conceptualisant sur de nouvelles bases le rapport de l'Église aux ÉtatsModèle:Sfn. Dans le sillage du cardinal Federico Borromeo, Giovanni Botero, ancien jésuite et consulteur de la Congrégation de l'Index, contribue à préciser la doctrine de l'autorité pontificale. Botero s'appuie notamment sur la controverse entre Bellarmin et Pierre de Belloy. Au cœur des débats, se trouve la position que Bodin a développée dans le premier livre de la République, où il réfute l'idée que le roi serait sous la dépendance du pape et soutient que le couronnement et le sacre ne sont point de l'essence de la souveraineté, définie comme puissance absolue et perpétuelle d'une RépubliqueModèle:Sfn.
Dans cette contre-offensive d'une importance vitale pour l'Église de Rome, le défi pour Botero est de Modèle:Citation. Pour résoudre la difficulté, Modèle:Citation Il déplace ainsi habilement la question politique du terrain de la souveraineté Modèle:Incise pour Modèle:Citation Le rôle du souverain est d'abord d'assurer le développement économique de l'État, ce qui aura pour effet d'accroître sa propre puissance. Avec les Cause della grandezza delle città (1588), Botero devient ainsi un des premiers penseurs du mercantilisme, en liant étroitement puissance de l'État, développement économique et accroissement de la populationModèle:Sfn.
Dans Le Relazioni universali (1591), Botero propose aussi une vision géopolitique qui reconnaît l'Modèle:Citation et qui débouche sur Modèle:Citation. En lieu et place du modèle juridico-politique de Bodin, Botero propose donc Modèle:Citation. Notons malgré tout que la Modèle:Citation du livre Della Ragion di Stato (1589), qui fait de Botero le premier théoricien de la « raison d'État », se trouve chez BodinModèle:Sfn.
France
Une figure majeure
En France, Bodin a été critiqué de son vivant par le juriste Jacques Cujas au nom de la tradition juridique, et par l'humaniste Joseph ScaligerModèle:Sfn, qui lui reproche d'être « ignorant » et de lui avoir Modèle:Citation En revanche, il est apprécié par Ambroise Paré, Jean de Sponde, François de la Noue, Lancelot Voisin de La Popelinière et Noël du FailModèle:Sfn. François Grimaudet s'y réfère dans ses Opuscules politiques et Pierre Grégoire dialogue avec sa République. Bodin est également admiré par Montaigne, dont les Essais témoignent que, non seulement celui-ci avait lu la Methodus, la République et la Démonomanie, mais surtout qu'il avait retiré bien plus d'idées de ces ouvrages que ne le laissent supposer les deux seules références explicites à BodinModèle:Sfn. Bodin s'attire aussi des éloges dithyrambiques de Pierre Charron, Charles Loyseau et Gabriel Naudé, fondateur de la Bibliothèque MazarineModèle:Sfn. Pierre Grégoire est vu comme un de ses disciples modérésModèle:Sfn. Au jugement de Pierre Bayle, Modèle:Citation
Au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, le lettré Gabriel Naudé, dans son Advis pour dresser une bibliothèque (1627) écrit de Bodin qu'il Modèle:Citation. Pierre Bayle estimait, dans son Dictionnaire, qu'il était Modèle:Citation
Au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, Montesquieu fait référence à Bodin dans De l'esprit des lois (1748) et lui reprend notamment la théorie des climats, dans le Livre 14, ainsi que nombre d'autres idéesModèle:Sfn. Jean-Jacques Rousseau le cite dans son article de l'Encyclopédie sur l'économie politique<ref>Rousseau, Économie.</ref>.
Bodin et l'absolutisme français
Selon Simone Goyard-Fabre, l'étude des attributions des magistratures, telles que les a définies Bodin, ne permet pas de voir ce dernier comme Modèle:Citation, car Modèle:Citation C'est seulement lorsque la notion de souveraineté élaborée par Bodin, aura été reprise et enrichie par Charles Loyseau, Cardin le Bret et Richelieu, et alliée à la doctrine gallicane du droit divin, qu'elle pourra Modèle:Citation John Locke qui ne possédait pas les ouvrages de Bodin dans sa bibliothèque, mais qui connaissait ses idées avait bien compris qu'au-delà de Modèle:CitationModèle:Sfn, la façon dont celui-ci concevait la souveraineté pouvait poser problème. En effet, la souveraineté chez lui est, comme l'avait vu Robert Filmer adversaire de Locke, Modèle:Citation et à ce titre exclut toute forme de gouvernement mixte exigeant des partages de souverainetéModèle:Sfn.
Si une lecture fine montre que chez Bodin, la souveraineté Modèle:Citation, Locke comme d'ailleurs Richelieu et ses juristes ont d'abord retenu que la Modèle:Citation. Or, une telle conception de la souveraineté entraîne nécessairement, selon Locke, que la meilleure forme de gouvernement serait la monarchie absolue – un régime que le philosophe anglais n'apprécie nullementModèle:Sfn.
Angleterre
Une autorité au cœur des débats
La République a eu plus de retentissement en Angleterre qu'en FranceModèle:Sfn. L'ouvrage, qui était déjà discuté à Cambridge en 1580, est traduit en anglais par Richard Knolles sous le titre The Six Bookes of a Common-weale (1606)<ref>The six Books of Common-Weale.</ref>. Durant les règnes de Jacques I (1603-1625) et de Charles I (1625-1649), la République est utilisée comme arme dans les débats politiques, les partisans des Stuart invoquant la théorie de la souveraineté proposée par Bodin pour déclarer que la résistance à la monarchie établie était illégitimeModèle:Sfn. Mais le même ouvrage est également invoqué par les opposants à la prérogative royale, notamment lors du débat parlementaire sur la Pétition des droits en 1628. Lors des guerres civiles opposant la Couronne et le Parlement, dans les années 1640, les théories juridiques et légales de Bodin sont encore invoquées par les parties en lutte pour déterminer de quel côté se trouve le bon droitModèle:Sfn.
Bodin et Hobbes
Alors que Hobbes ne cite que rarement les ouvrages de ses contemporains, il accorde ce rare privilège à la République, dont il s'est inspiré pour construire l'illustration complexe qui figure en frontispice de son LéviathanModèle:Sfn. Cette dernière présente un personnage allégorique dont le corps est recouvert de multiples personnages minuscules évoquant les divers rouages de l'État. Or, Bodin conclut précisément son ouvrage en comparant une République bien ordonnée avec un corps humain : Modèle:Citation bloc Tandis que Bodin fait de Léviathan un symbole du démon, Hobbes en fait un « Dieu mortel » et propose un contraste saisissant entre les connotations généralement attribuées au monstre mythique et la figure souriante du princeModèle:Sfn.
Selon Germano Bellussi, les différences entre Bodin et Hobbes sont particulièrement évidentes dans la place accordée à l'église, le premier étant avant tout préoccupé par l'établissement d'un ordre politique tandis que le second défend « une thèse théologique ». Il en découlerait, selon cet auteur, que Modèle:Citation
Selon le même auteur, Bodin serait Modèle:Citation. Au contraire, Thomas Hobbes est Modèle:Citation
Bodin a toutefois ouvert la voie à Hobbes avec la notion de souveraineté, ainsi que le note Gérard Mairet : Modèle:Citation Mais il faudra que Hobbes articule ce concept avec celui de droit naturel développé par Grotius et celui de contrat social pour véritablement proposer une synthèse cohérenteModèle:Sfn. Ce concept est cependant vicié à la base, selon Jacques Maritain, car Modèle:Citation Or, quand l'État est conçu comme une personne morale et donc comme un tout, il est destiné à Modèle:Citation
La République envisagée par Bodin se distingue toutefois de celle de Hobbes au moins sous deux aspects. D'une part, la puissance du souverain est limitée par la loi naturelle et divine, à laquelle il est censé se conformer, ce qui n'est pas le cas dans le système de Hobbes. D'autre part, les interactions sociales chez Bodin sont idéalement placées sous le règne de la « justice harmonique », qui assure une concorde et une complémentarité qu'on ne trouve pas dans les formes géométrique et arithmétique de justice, de sorte que Modèle:Citation
Nouvelle-Angleterre
Les dissidents religieux anglais qui arrivent en Nouvelle-Angleterre sur le Mayflower apportent dans leurs bagages la République de Bodin, comme le montre la présence de cet ouvrage dès 1620 dans les bibliothèques de la région. Les colons puritains ne se contentent pas de posséder cet ouvrage, mais en font une lecture attentive, y cherchant des réponses sur le type de régime qu'ils veulent mettre en place dans leur nouveau pays, tant sur le plan de la gouvernance civile que religieuseModèle:Sfn. Ainsi, un auteur de l'époque invoque l'autorité de Bodin pour s'opposer à un système de propriété communale telle que proposée chez PlatonModèle:Sfn.
Mais les colons s'en servent surtout pour déterminer les caractéristiques de la souveraineté et le type de constitution idéale qu'ils souhaitent mettre en place au Massachusetts. Ils s'appuient sur Bodin pour clarifier le type d'état et de gouvernement recherché : aristocratique, démocratique ou populaire.
Trois points sont les plus discutés par les colons : (1) quelles relations doivent exister entre le gouvernement et l'administration ; (2) quelles procédures de vote devraient être qualifiées de démocratiques et qui devrait posséder le droit de veto ; (3) par quels mécanismes assurer l'imputabilité de l'administrationModèle:Sfn. L'influent pasteur John Robinson invoque Bodin pour justifier le fait que la gouvernance de l'église soit simplement de type aristocratique en dépit du fait que l'État soit en quelque sorte populaire et démocratiqueModèle:Sfn. En 1636, les colons adoptent le principe d'un État de type démocratique distinct de l'église, en prenant pour modèle la République romaine et Genève, deux exemples que mentionne Bodin où un État populaire est doté d'un gouvernement de type aristocratiqueModèle:Sfn.
La Bibliothèque du Congrès possède un exemplaire annoté par Thomas Jefferson, utilisé lors de la rédaction de la constitution des États-UnisModèle:Sfn.
Limites du concept de souveraineté
Outre les critiques que s'est attiré le concept de souveraineté en raison de son caractère absolu, notamment par Jacques Maritain (ci-dessus), ce concept devient de plus en plus problématique en raison de la forte intégration économique entre les États. Selon divers analystes, Modèle:Citation et il devient nécessaire d'aborder l'idée de Modèle:Citation, notamment dans le cas des pays membres de la zone euro, Modèle:Citation.
Hommages
Le lycée général et technologique des Ponts-de-Cé porte son nom et la citation Modèle:Citation est apposée sur la façade.
Notes et références
Notes
Références
Bibliographie
Livres de Jean Bodin
- Modèle:Ouvrage Suivi d'une section manuscrite.
- Modèle:Ouvrage.
- Modèle:Ouvrage
- Modèle:Ouvrage. Contient le texte latin et la traduction de Discours au Sénat et au peuple de Toulouse; Juris universi distributio; Methodus ad facilem historiarum cognitionem.
- Modèle:Ouvrage.
- Modèle:Ouvrage.
- Modèle:Ouvrage. Voir aussi texte sur Wikisource
- Modèle:Ouvrage, Modèle:5e édition.
- Modèle:Ouvrage. 6 volumes.
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Études et articles cités
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- Modèle:Ouvrage. Réédition en 1964.
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- Modèle:Chapitre
- Modèle:Chapitre
- Modèle:Ouvrage. En appendice, reproduction de lettres de Bodin à Jan Bautru des Matras (1583), M. de Mauvissiere (1585), M. Ayrault, M. Roland Bignon.
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- Modèle:Ouvrage
- Modèle:OuvrageModèle:Ouvrage
- Modèle:Chapitre
- Modèle:Ouvrage. Contient une bibliographie des œuvres de Bodin.
- Modèle:Article
- Gaëlle Demelemestre, Les deux souverainetés et leur destin. Le tournant Bodin-Althusius, Paris, Cerf, Coll. « La nuit surveillée », 2011.
- Modèle:Ouvrage.
- Modèle:Chapitre.
- Modèle:Chapitre
- Modèle:Article
- Modèle:Article
- Modèle:Chapitre
- Modèle:Article
- Modèle:Ouvrage
- Modèle:Ouvrage
- Luc Foisneau, Politique, droit et théologie chez Bodin, Grotius et Hobbes, Paris, Kimé, 1997 Modèle:ISBN
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- Modèle:Lien web.
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Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Texte intégral (en latin) de l’édition publiée à Francfort en 1594 des Six Livres de la République numérisée par l’université de Mannheim
- The Bodin Project
- Exemplaires numérisés d’anciennes éditions d’œuvres de Jean Bodin, sur le site des Bibliothèques virtuelles humanistes
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