Vauban préfigure les philosophes du siècle des Lumières. D'après Fontenelle, dans l'éloge funèbre prononcé devant l'Académie, Vauban a une vision scientifique, sinon mathématique de la réalité et en fait un large usage dans ses activités.
Expert en poliorcétique, il donne au royaume une « ceinture de fer » pour faire de la France un pré carréModèle:Incise protégé par une ceinture de citadelles. Il conçoit ou améliore une centaine de places fortes. L'ingénieur n'a pas l'ambition de construire des forteresses inexpugnables : la stratégie consiste plutôt à gagner du temps en obligeant l'assaillant à mobiliser des effectifs dix fois supérieurs à ceux de l'assiégé. Il dote la France d'un glacis qui la rend inviolée durant tout le règne de [[Louis XIV|Louis Modèle:XIV]] Modèle:Incise jusqu'à la fin du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, période où les forteresses sont rendues obsolètes par les progrès de l'artillerie.
La fin de sa vie est marquée par l'affaire de La Dîme royale. Dans cet essai, distribué sous le manteau malgré l'interdiction qui le frappe, Vauban propose un audacieux programme de réforme fiscale pour tenter de résoudre les injustices sociales et les difficultés économiques des « années de misère » de la fin du règne du Roi Soleil : la grande famine de 1693-1694 fait Modèle:Nombre de morts, soit un vingtième de la population française.
Sébastien Le Prestre de Vauban, né le Modèle:Date-, est baptisé le Modèle:Date- dans l’église de Saint-Léger-de-Foucheret, dans le Morvan (un décret impérial transforma son nom en Saint-Léger-Vauban en 1867). Il est issu d’une famille de hobereauxnivernais récemment agrégés à la noblesse (quatrième génération pour l'ascendance paternelle)<ref name="Virol">Modèle:Ouvrage.</ref> : les origines lointaines sont obscures et les « brûlements » et les pillages des guerres de Religion permettent, quand il faut répondre aux enquêtes de noblesse ordonnées par Colbert, de camoufler l’absence de documents plus anciens<ref name="Cornette">Modèle:Article.</ref>.
Les Le Prestre sont probablement d’anciens marchands<ref>Modèle:Ouvrage.</ref> : ils s’installent dans la commune de Saint-Saulge, puis à Bazoches d'où ils dirigent un flottage de bois vers Paris par la Cure, l’Yonne et la Seine.
Nous savons aussi qu'Emery Le Prestre, l’arrière-grand-père paternel de Vauban, acquiert, en 1555, le bailliage de Bazoches, situé à une lieue du château de Bazoches, château que Vauban rachètera… D’Hozier, examinant en 1705 les preuves de noblesse de Vauban, dit : Modèle:Citation<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.
On ignore où est située sa maison et en quoi consiste son aménagement intérieur… Modèle:Citation
Son père (il a trente ans à sa naissance), Albin ou Urbain Le Prestre, suivant les généalogistes, qualifié d’« écuyer » sur le registre de baptême de son fils, appartient à une lignée noble depuis trois générations, mais cousinait par sa mère, Françoise de La Perrière (fille de Gabriel de la Perrière, seigneur de Billy et de Dumphlun), avec des maisons d’ancienne chevalerie, les Montmorillon et les Chastellux<ref>Modèle:Article</ref>. C'est un homme discret, peu causant, dont la passion principale semble être la greffe des arbres fruitiers (il a laissé à la postérité les pommes et les poires Vauban)…
Quant à la mère de Vauban, Modèle:Citation, âgée de vingt-deux ans à sa naissance, elle sort d’une famille de marchands et de paysans enrichis, des « principaux du village », Modèle:Référence nécessaire. C'est elle qui apporte en dot une demeure paysanne à Saint-Léger-de-Foucherets<ref name="Cornette" />.
Les périodes de l'enfance et de l'adolescence de Vauban sont très peu documentées. Il est probablement élevé avec une éducation sévère. Très tôt, il apprend à monter à cheval pour devenir un parfait cavalier. Il vit son enfance dans une ambiance de guerre (c’est en 1635 que la France entre dans la guerre de Trente Ans), avec les violences et les maladies (les troupes provoquent dans leur sillage des épidémies de peste) : en 1636, on compte plus de cent villages détruits dans la vallée de la Saône.
On suppose qu’entre 1643 et 1650, Sébastien Le Prestre aurait fréquenté le collège de Semur-en-Auxois, tenu par les carmes. Il y fait ses « humanités » : il y apprend le latin, la grammaire, les auteurs antiques, notamment Cicéron et Virgile. Il dit de lui dans son Abrégé des services du maréchal de Vauban, qu’il a reçu, à l’orée de sa carrière, Modèle:Citation. On devine une enfance plutôt pauvre, au contact des campagnards, Modèle:Citation (Description de l’élection de Vézelay, 1696). C’est parmi eux qu’il mesure l’âpreté de la vie et ce sont eux sans doute qui lui transmettent le goût de la terre : toute sa vie, il s’applique, avec persévérance, à se constituer un domaine, lopin par lopin<ref name="Virol" />.
Les « guerres intérieures » de la Fronde : Vauban condéen
Les troubles de la Fronde surviennent entre 1648 et 1652. Durant cette période, Vauban est présenté au prince de Condé par un oncle maternel qui est dans son état-major. Cette rencontre engage Vauban dans la rébellion. Au début de l'année 1651, probablement vers le mois d'avril, alors qu'il a Modèle:Nombre, il entre comme cadet dans le régiment d’infanterie du prince de Condé. Il se met à la suite du chef du parti frondeur en suivant l’exemple de nombreux parents et voisins. Ceux-ci suivent, par fidélité quasi féodale, les Condé, qui sont gouverneurs de Bourgogne depuis 1631.
En Modèle:Date-, alors que Vauban expérimente, sur le terrain, ses talents d’ingénieur militaire, il se trouve impliqué dans le siège de Sainte-Menehould prise le 14 novembre par le prince de Condé. Il se distingue au cours de cette bataille par sa bravoure. Dans son Abrégé des services faisant le récit de sa carrière, Vauban signale qu’il a été félicité par les officiers du prince pour avoir traversé l’Aisne à la nage sous le feu des ennemis. La place est finalement prise par les frondeurs. Et Vauban est promu maistre (sous-officier) dans le régiment de Condé cavalerie.
Au début de 1653, alors que le prince de Condé est passé au service de l'Espagne, le jeune Vauban, lors d'une patrouille, face aux armées royales « fit sa capitulation » mais avec les honneurs (il n'est pas démonté, on l'autorise à garder ses armes). Il est alors conduit au camp de Mazarin, qui le fait comparaître, l'interroge et se montre séduit par ce Morvandais râblé et trapu, vigoureux, plein de vie, à la vivacité d’esprit et la répartie remarquables. Le cardinal ministre n’a, semble-t-il, aucune peine à le « convertir ». Vauban change de camp. C’est là un décisif déplacement de fidélité : il passe de la clientèle de Monsieur le Prince à celle de Mazarin, c’est-à-dire à celle du roi.
Au service du roi
Il est volontaire auprès de Louis Nicolas de Clerville, ingénieur et professeur de mathématiques, chargé du siège de Sainte-Menehould, ville où Vauban s'était distingué auparavant dans l’armée rebelle. La ville capitule le Modèle:Date, et Vauban, chargé de réparer cette place forte, est nommé lieutenant au régiment d’infanterie de Bourgogne, bientôt surnommé le « régiment des repentis », car il recueille beaucoup d’anciens frondeurs de la province.
Placé sous la tutelle du chevalier de Clerville (Colbert créa pour lui la charge de Commissaire général des fortifications), il sert en Champagne et participe à de nombreux sièges : notamment Stenay (siège dirigé par le marquis Abraham de Fabert d'Esternay), une place forte lorraine que le prince de Condé a obtenue, en 1648, en contrepartie de l’aide qu’il a apportée à l’État royal, Modèle:Citation. Pour le jeune roi, qui vient d’être sacré à Reims, le 14 juin, prendre Stenay, c’est achever la Fronde par la prise de cette ville au centre du territoire contrôlé par le prince de Condé. Le siège dure trente-deux jours et Vauban est assez sérieusement blessé au neuvième jour du siège. Rétabli, il est chargé de marquer l’emplacement où le mineur placera sa mine et il est à nouveau blessé, cette fois-ci par un coup de pierre alors que Modèle:Citation. La ville est prise en présence de Louis XIV, le 6 août.
Au lendemain de ce siège, il est promu capitaine (ce qui lui vaut une solde de Modèle:Nombre, que lui verse chaque mois le trésorier des fortifications au titre de sa fonction d'« ingénieur ordinaire »), puis il participe au secours d’Arras (Modèle:Date-), au siège de Clermont-en-Argonne (Modèle:Date-), à la prise de Landrecies (juin-Modèle:Date-) — il est fait alors « Ingénieur ordinaire » du roi par brevet du Modèle:Date-, alors qu’il a vingt-deux ans<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>. L’année suivante, en 1656, il participe au siège de Valenciennes (juin-juillet), qui voit l’affrontement des troupes de Turenne (pour le roi) et de Condé (pour les Espagnols). Vauban, blessé au début du siège, porte un jugement sévère sur cette opération (la ville est obligée de se rendre, faute de vivres), dans son Mémoire pour servir d’instruction à la conduite des sièges. C’est, pour lui, une des opérations les plus mal dirigées (par Monsieur de la Ferté) auxquelles il ait participé :
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Puis, en juin-juillet 1657, c’est le siège de Montmédy, en présence du roi, où Vauban est de nouveau blessé : ce fut un siège long Modèle:Incise particulièrement coûteux en vies humaines.
Vauban évoqua ce siège dans son Traité de l’attaque des places de 1704 :
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Il critique la manière dont ce siège sanglant a été mené : Modèle:Citation Désormais, il fait tout pour épargner les hommes : Modèle:Citation
Il est à Mardyck en septembre 1657, à Gravelines dans l’été 1658, puis à Audenarde, où il est fait prisonnier, libéré sur parole, puis échangé. Il est enfin à Ypres, en octobre, sous les ordres de Turenne. La ville est rapidement enlevée, ce qui lui vaut un nouvel entretien avec Mazarin, qu'il rapporte : Modèle:Citation. En fait, cette promotion se fera attendre (comme bien d’autres promotions…) : contrairement aux promesses de Mazarin, il n'est nommé lieutenant aux gardes que dix ans plus tard, en 1668.
À vingt-cinq ans, il a le corps couturé de blessures, mais sa bravoure et sa compétence sont reconnues, notamment par Mazarin.
Scènes de la vie familiale
Après la paix des Pyrénées le Modèle:Date-Modèle:Incise, un congé d’un an lui permet de rentrer au pays pour épouser le Modèle:Date-, une parente, demi-sœur de cousins germains, Jeanne d’Osnay ou d’Aunay, fille de Claude d'Osnay, baron d'Epiry. Elle a Modèle:Nombre et est orpheline de mère. Le jeune couple s'installe dans le château d'Epiry. À peine marié depuis deux mois, Vauban est rappelé par le service du roi pour procéder au démantèlement de la place forte de Nancy rendue au duc de Lorraine. En fait, par la suite il ne revoit plus sa femme, que le temps de brefs séjours (en tout, pas plus de trois ans et demi soit Modèle:Nombre sur 449<ref>La voix du combattantModèle:N° de mars 2008.</ref> ) et, lorsque Jeanne en Modèle:Date- met au monde une petite fille, Charlotte, son mari est à Nancy.
Mais ces rares séjours dans ses terres morvandelles, il y tient par-dessus tout, comme il l’explique au printemps 1680 :
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Un de ses plus longs séjours à Bazoches a lieu en 1690 : le roi l’autorise à y rester presque toute l’année pour soigner une fièvre et une toux opiniâtres. Mais même à Bazoches, il ne cesse de travailler : tout au long de l’année 1690, Louvois lui adressa de multiples mémoires.
Sa femme lui donne deux filles survivantes (la progéniture mâle a prématurément disparu, ce qui est un drame intime pour Vauban) :
Charlotte, née en Modèle:Date-, épouse le Modèle:Date, en l’église d’Epiry, en Morvan, Jacques-Louis de Mesgrigny, neveu de Jean de Mesgrigny, grand ami de Vauban, compagnon de siège, ingénieur, lieutenant général et gouverneur de la citadelle de Tournai. Leur fils Jean-Charles de Mesgrigny, comte d’Aunay (1680-1763), reçoit les papiers de Vauban en héritage (dont les manuscrits des Oisivetés<ref>Recueil d'observations et de réflexions.</ref>, désormais dans la famille de Louis Le Peletier de Rosambo, président à mortier au parlement de Paris et héritier de Charlotte de Mesgrigny. Les manuscrits sont aujourd’hui conservés dans le château familial de Rosanbo dans les Côtes-d’Armor et microfilmés aux Archives nationales. Le couple a Modèle:Unité, mais un seul, Jean-Charles, eut une descendance avec deux filles et un garçon.
Jeanne-Françoise, la cadette, se marie le Modèle:Date en l’église Saint-Roch de Paris, avec Louis Bernin, marquis de Valentinay, seigneur d'Ussé, apparenté au contrôleur général des finances Claude le Peletier, à deux intendants des finances, à des membres de la cour des comptes et à des trésoriers généraux des finances. Cette alliance rapproche Vauban du monde des officiers de la finance et des parlementaires. Vauban séjourne souvent à Paris dans le faubourg Saint-Honoré, chez sa fille, tout en ne cessant de demander au roi une maison parisienne. Elle meurt bizarrement à Modèle:Unité au château de Bazoches et son fils unique Louis Sébastien Bernin de Valentinay meurt en 1772 sans enfant.
D’autres unions, de sa part, et passagères, engendreront une demi-douzaine d’enfants naturels, parsemés le long de ses voyages dans les provinces du Royaume (sur ce sujet, il laisse un testament émouvant dans lequel il prévoit de laisser des sommes d’argent aux femmes qui disent avoir eu un enfant de lui). Il lègue la coquette somme de Modèle:Unité à cinq jeunes femmes avec enfants<ref>Généalogie de la famille Le Prestre de Vauban, par L. P. Desvoyes, membre correspondant de la Société des Sciences historiques et naturelles de Semur.</ref>. Grand voyageur, il fait des journées de Modèle:Unité chacune, avec un record de Modèle:Nombre en 1681, grande année d'inspection durant laquelle il parcourt Modèle:Unité, à cheval ou dans sa basterne<ref name="montdauphin-vauban.fr">Litière dans laquelle voyageait le maréchal de Vauban.</ref>, une chaise de poste qui serait de son invention et suffisamment grande pour pouvoir y travailler avec son secrétaire<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.
Ingénieur royal : le preneur de villes
« Ingénieur militaire responsable des fortifications »
Ses talents sont reconnus et le Modèle:Date-, à l'âge de Modèle:Nombre, il devient « ingénieur militaire responsable des fortifications ». En 1656, il reçoit une compagnie dans le régiment du maréchal de La Ferté<ref name="Virol7"/>. De 1653 à 1659, il participe à Modèle:Nombre et est blessé plusieurs fois. Il perfectionne la défense des villes et dirige lui-même de nombreux sièges. En 1667, Vauban assiège les villes de Tournai, de Douai et de Lille, prises en seulement neuf jours. Le roi lui confie l'édification de la citadelle de Lille qu'il appelle lui-même la « Reine des citadelles ». C'est à partir de Lille qu'il supervise l'édification des nombreuses citadelles et canaux du Nord, lesquels ont structuré la frontière qui sépare toujours la France de la Belgique. Il dirige aussi le siège de Maastricht en 1673. Enfin, il succède le Modèle:Date- à Clerville au poste de commissaire général des fortifications<ref name="Virol7">Michèle Virol, « Un bon génie à la cour du Roi-Soleil », Historia thématiqueModèle:N°, mars-avril 2007, Modèle:P..</ref>.
1673 : le siège de Maastricht
Maastricht est une place stratégique, au confluent du fleuve Meuse et de son affluent la Geer, protégée par d’importantes fortifications et d’énormes travaux extérieurs l’enserrant dans une quadruple ceinture de pierre. L’effectif des assiégeants est de Modèle:Unité et Modèle:Unité. L’artillerie dispose de Modèle:Unité de canon, un chiffre énorme pour l’époque, et les magasins renferment pour dix semaines de vivres et de munitions. Jamais un aussi grand appareil de forces n’a été déployé en vue d’un siège. Et pour la première fois, la direction des travaux est soustraite aux généraux et confiée à un ingénieur : Vauban a sous ses ordres le corps du génie tout entier et il est responsable de la conduite des travaux du siège. Appuyé sur le corps du génie, il inaugure un nouveau mode d’approche des prises de places. Jusqu’alors, les travaux d’approche consistent en une tranchée unique fort étroite, derrière laquelle s’abritent les travailleurs, mais qui ne donne pas aux troupes un espace suffisant, et provoque de terribles boucheries. Modèle:Citation. Vauban rationalisa le procédé d'attaque mis au point par les Turcs lors du long siège de Candie qui s'acheva en 1669.
Les douze phases du siège
L’ensemble du siège, union de tactiques traditionnelles et nouvelles, se décompose en douze phases :
Phase 1. Investissement de la place.
Il faut agir rapidement et par surprise. L'armée de siège coupe la place en occupant toutes les routes d'accès et en la ceinturant rapidement de deux lignes de retranchement parallèles (un vieux procédé, utilisé par les Romains).
Phase 2. Construction de deux lignes de retranchement autour de la place investie :
une ligne de circonvallation, tournée vers l'extérieur et qui interdit toute arrivée de secours ou de vivres et de munitions venant de l'extérieur ;
une ligne de contrevallation est construite, tournée vers la place, elle prévient toute sortie des assiégés. Elle est située environ à Modèle:Unité, c'est-à-dire au-delà de la limite de portée des canons de la place assiégée.
L'armée de siège établit ses campements entre ces deux retranchements.
Phase 3. Phase de reconnaissance.
Intervention des ingénieurs assiégeants qui effectuent des reconnaissances pour choisir le secteur d'attaque qui est toujours un front formé de deux bastions voisins avec leurs ouvrages extérieurs (demi-lune, chemin couvert et glacis).
Il faut souligner le rôle des ingénieurs dans cette phase et l'importance des études de balistique, de géométrie, de mathématiques. On oublie parfois que les premiers travaux de l'Académie des sciences, fondée par Colbert en 1665, sont consacrés à des études qui ont des relations directes avec les nécessités techniques imposées par la guerre.
Colbert suscite, en 1675, des recherches sur l'artillerie et la balistique afin de résoudre la question de la portée et de l'angle des tirs d'après les travaux de Torricelli qui prolongent ceux de Galilée. L'ensemble aboutit à la rédaction du livre de François Blondel, L'art de jeter les bombes, publié en 1683. Depuis 1673, l'auteur donne des cours d'art militaire au Grand Dauphin.
Phase 4. Travaux d'approche (des nouveautés introduites par Vauban). Effectués à partir de la contrevallation, ils présentent deux tranchées (et non plus une seule) creusées en zigzag (ce cheminement brisé évitant les tirs d'enfilade des assiégés) qui s'avancent progressivement vers les deux saillants des bastions en suivant des lignes qui correspondent à des zones de feux moins denses de la part des assiégés. Vauban s'inspire des tranchées en zigzag utilisées sept ans plus tôt durant le siège de Candie par l'ingénieur italien Andrea Barozzi, un descendant de son homonyme vénitien passé au service des Ottomans. Il les multiplie et les rationalise<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.
Phase 5. Construction d'une première parallèle (ou place d’armes).
À Modèle:Unité de la place (limite de portée des canons), les deux boyaux sont reliés par une première parallèle (au front attaqué), appelée aussi « place d’armes », qui se développe ensuite très longuement, à gauche et à droite, jusqu'à être en vue des faces externes des deux bastions attaqués et de leurs demi-lunes voisines.
Cette première parallèle est une autre innovation de Vauban. Pelisson écrit que Modèle:Citation (Lettres historiques, III, Modèle:P.270).
La parallèle a plusieurs fonctions :
relier les boyaux entre eux, ce qui permet de se prêter renfort en cas de sortie des assiégés sur l'un d'entre eux, et de masser à couvert des troupes et du matériel ;
placer des batteries de canons qui commencent à tirer en enfilade sur les faces des bastions et des demi lunes choisies pour l'assaut.
Le système des parallèles, fortifiées provisoirement, a l'avantage de mettre l'assaillant à couvert pour l'approche des défenses.
Louis XIV, lui-même, en témoigne, dans ses Mémoires :
Phase 6. La progression des deux tranchées. Elle reprend, jusqu'à Modèle:Unité de la place, distance où l'on établit une deuxième parallèle tout à fait comparable à la première et jouant le même rôle.
Phases 7, 8, 9. Progression à partir de la construction de trois tranchées : les deux précédentes, plus une nouvelle, suivant l'axe de la demi lune visée. Plus construction de tronçons de parallèles qui servent à faire avancer au plus près des canons.
Phase 10. Tirs à bout portant sur les escarpes (parois des fossés) et les bastions pour les faire s'effondrer et pratiquer la brèche qui permettra l'assaut.
Phase 11. Ouverture de la brèche par mine. Il s'agit là d'un travail de sape, long et dangereux pour les mineurs spécialisés dans ce type d'ouvrage.
Phase 12. Assaut.
Montée à pied sur l'éboulement de la brèche au sommet de laquelle on établit un « nid de pie » pour être sûr de bien tenir.
À ce stade, le gouverneur de la place assiégée estime souvent que la partie est perdue, et il fait « Modèle:Page h' » : offre de négociation en vue d'une reddition honorable.
Qu'est-ce qu'un « siège à la Vauban » ?
C'est une méthode raisonnée dans laquelle l'ingénieur mathématicien coordonne tous les corps de troupe. Ce qui n’évite pas de nombreux morts (d’Artagnan notamment). Parmi les ingénieurs, beaucoup sont tombés sous les yeux de Vauban : Modèle:Citation
À Maastricht, Vauban innove de plusieurs manières :
il procède selon un système de larges tranchées parallèles et sinueuses pour éviter le tir des assiégés et permettre une progression méthodique et efficace des troupes, la moins dangereuse pour elles
il ouvre la brèche au canon
il perfectionne le tir d'enfilade
il multiplie les tranchées de diversion
surtout, il élargit les tranchées par endroits, en particulier aux angles et aux détours, pour former des « places d'armes » et des redoutes d'où les assiégeants peuvent se regrouper, de cinquante à cent soldats, à l'abri des feux des canons et des mousquets. Il peut réduire la place avec une rapidité qui étonne (« Treize jours de tranchée ouverte »), diminuant les pertes humaines : « la conservation de cent de ses sujets écrit-il à Louvois en 1676, lors du siège de Cambrai, lui doit être plus considérable que la perte de mille de ses ennemis ».
Dans son traité de 1704, Traité des sièges et de l’attaque de places, Vauban décrit sa propre fonction en expliquant le rôle joué par le « directeur des attaques » :
Mais à Versailles, sur les peintures de la galerie des Glaces, Charles Le Brun fait du roi le seul bénéficiaire de cette victoire (« Maastricht, prise en treize jours ») dont Vauban, jamais représenté, n'est qu'un docile et invisible exécutant. Au début du mois de Modèle:Date-, Louis XIV écrit à Colbert : maître d'œuvre de ce fameux siège, vantant sa prudence à Modèle:Citation, son courage Modèle:Citation, sa vigueur Modèle:Citation, sa capacité Modèle:Citation.
La victoire de Maastricht pousse le roi à lui offrir une forte dotation lui permettant d'acheter le château de Bazoches en 1675. Vauban est nommé « commissaire des fortifications » en 1678, lieutenant général en 1688<ref>Bernard Pujo, Vauban, page 144, ce qui correspond au grade de général de division dans l'armée française.</ref>, puis maréchal de France en 1703. Il devient si fameux que l'on dit même : Une ville construite par Vauban est une ville sauvée, une ville attaquée par Vauban est une ville perdue<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.
Dans une lettre de Vauban à Louvois (concernant le paiement des entrepreneurs), d'autant plus célèbre qu'elle est apocryphe. Son original est introuvable. Elle serait datée de 1673, 1683 ou 1685. Elle serait archivée aux Archives Nationales de Paris, aux Archives de la Guerre, mais ces institutions n'en ont pas connaissance. Il existe bien une lettre de Vauban à Louvois du Modèle:Date-, mais elle traite d'un autre sujet.
Le nom de Vauban reste attaché à la construction d'une « frontière de fer » qui a durablement protégé le Royaume contre les attaques ennemies.
Afin de construire une frontière plus linéaire et cohérente, Vauban voulut avant tout rationaliser le système de défense déjà mis en place avant lui, en particulier dans le Nord, car il fallait répondre à la principale préoccupation stratégique du roi : protéger Paris (souvenir de l'année 1636, celle de Corbie, qui avait vu les troupes espagnoles avancer jusqu'à Pontoise). Par un jeu savant d'abandon et de restitution de villes fortifiées, le traité de Nimègue, en 1678, permit de diminuer les enclaves coûteuses et d'assurer ainsi une plus grande régularité du tracé de la frontière.
Vauban a multiplié les lettres, les rapports, les mémoires adressés à Louvois ou au roi ; dans ces écrits, Vauban avait violemment dénoncé les méfaits de ce qu'il appelait l'« emmêlement de places ». En Modèle:Date- par exemple, rédigeant un Mémoire des places frontières de Flandres qu'il faudroit fortifier pour la sûreté du pays et l'obéissance du Roi, il insistait sur la nécessité de Modèle:Citation, et de Modèle:Citation. Aussi, pour le Nord du Royaume, proposait-il d'installer deux lignes de places fortes se soutenant mutuellement, Modèle:Citation.
La première ligne, la « ligne avancée », serait composée de treize grandes places et de deux forts, renforcée par des canaux et des redoutes, suivant un modèle déjà éprouvé dans les Provinces-Unies.
La seconde ligne, en retrait, comprendrait aussi treize places. Louvois lut le mémoire à Louis XIV qui souhaita aussitôt que la même politique défensive fût appliquée de la Meuse au Rhin. Cette année-là aussi, Vauban avait été nommé commissaire général des fortifications.
Si le Nord et l'Est furent l'objet d'un soin défensif particulier, l'ensemble des frontières du Royaume bénéficia de la diligence de l'ingénieur bâtisseur : partout, imitant la technique mise au point en Italie puis en Hollande et en Zélande par les Nassau, Vauban conçut le réseau défensif à partir du modelé du terrain et des lignes d'obstacles naturels (les fleuves, les montagnes, la morphologie du littoral), adaptant au site chaque construction ancienne ou nouvelle. Il accorda une particulière attention au cours des rivières, à leurs débits, à leurs crues. Dans tous les cas, après une longue observation sur le terrain, il rédigeait un long rapport afin de résumer les obstacles et les potentialités de chaque site :
En Modèle:Date-, par exemple, il rédigea pour Louvois un mémoire sur les fortifications à établir en Cerdagne au contact de la frontière espagnole : Qualités des scituations qui ont été cy devant proposées pour bastir une place dans la plaine de Cerdagne. Examinant six emplacements possibles, il en élimina cinq, découvrant enfin Modèle:Citation ; les rochers, Modèle:Citation forment autant de remparts naturels : la situation choisie offre de nombreux avantages, et elle Modèle:Citation
Dans la plupart des cas, comme dans cet exemple de la Cerdagne (il s'agissait du projet réalisé de la ville-citadelle de Mont-Louis), Modèle:Citation, il transforma les contraintes imposées par la nature en avantage défensif, dressant des forteresses sur des arêtes rocheuses, ou les bâtissant sur un plateau dégagé pour barrer un couloir en zone montagneuse. Une des réussites les plus éclatantes fut celle de Briançon, avec la conception des Forts des Têtes, Fort du Randouillet, Fort Dauphin. Les chemins étagés sur les flancs de la montagne furent transformés en autant d'enceintes fortifiées et imprenables. Soit en les créant, soit en les modifiant, Vauban travailla en tout à près de trois cents places fortes. Sa philosophie d'ingénieur-bâtisseur tient en une phrase : Modèle:Citation.
L’État des places fortes du Royaume, dressé par Vauban en Modèle:Date-, se présente comme le bilan de l’œuvre bâtie suivant ces principes : il compte Modèle:Citation
La liberté d'esprit de ce maréchal lui vaudra cependant les foudres du roi. Vauban meurt à Paris le Modèle:Date d'une inflammation des poumons. Il est enterré à l'église Saint-Hilaire de Bazoches (dans le Morvan) et son cœur, sur l'intervention de [[Napoléon Ier|Napoléon {{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | Ier{{#if:| }} }}]], est conservé à l'hôtel des Invalides de Paris, en face de Turenne, depuis 1808.
Un acteur du Grand Siècle, un précurseur des Lumières
Vauban est apprécié et jugé comme un homme lucide, franc et sans détour, refusant la représentation et le paraître, tels qu’ils se pratiquent à la cour de Louis Modèle:XIV. Il privilégie le langage de la vérité :
Modèle:Citation bloc
Ces métiers ont en commun que Vauban se fonde sur la pratique, et cherche à résoudre et à améliorer des situations concrètes au service des hommes : d’abord, ses soldats dont il veut protéger la vie dans la boue des tranchées ou dans la fureur sanglante des batailles<ref>Dans les stratégies d'attaque des forteresses, il recommandait systématiquement les techniques de siège lent à base d'approche par des travaux de tranchées, de remaniement des terrains plutôt qu'un assaut sabre au clair, bien plus meurtrier. Modèle:Citation</ref>. Mais il ne cesse de s’intéresser aux humbles, Modèle:Citation (1695).
C’est pour ces femmes et ces hommes, tenaillés par la misère et la faim, qu’il écrit le mémoire intitulé Cochonnerie, ou le calcul estimatif pour connaître jusqu'où peut aller la production d'une truie pendant dix années de temps<ref name=cochonnerie>Modèle:Chapitre,{{#if:|https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62074571/f442%7C{{ #if: bpt6k62074571/f442 |{{ #if: | {{{t}}} | lire en ligne]}} | {{ #if: |[{{{1}}} lire en ligne]|lire en ligne}} }} sur Gallica}}</ref>. Dans ce texte singulier, d'abord titré Chronologie des cochons, traité économique et arithmétique, non daté, destiné à adoucir les rudesses de la vie quotidienne des sujets du roi, Vauban veut prouver, calculs statistiques à l'appui sur dix-sept pages, qu'une truie, âgée de deux ans, peut avoir une première portée de six cochons. Au terme de dix générations, compte tenu des maladies, des accidents et de la part du loup, le total est de six millions de descendants (dont Modèle:Unité) ! Et sur douze générations de cochons, il Modèle:Citation. La conclusion de ce calcul vertigineux et providentiel est claire : si pauvre qu'il fût, il n'est pas un travailleur de terre Modèle:Citation, afin de manger à sa faim.
Dans ses Mémoires, Saint-Simon, toujours imbu de son rang, qualifie l'homme de Modèle:Citation, mais ajoute aussitôt, plein d'admiration pour le personnage, Modèle:Citation. Par ailleurs, on est frappé par la multitude de ses compétences, de ses centres d’intérêt, de ses pensées, de ses actions :
il est un précurseur des Encyclopédistes par sa façon d'aborder les problèmes concrets, ainsi le budget d'une famille paysanne, par exemple, ou sa Description géographique de l'élection de Vézelay de Modèle:Date dans laquelle il propose de lever un vingtième, sans exemption, et qui se différencie en un impôt sur le bien-fonds et sur le bétail, sur les revenus des arts et métiers, sur les maisons des villes et des bourgs ;
il est aussi dans le grand mouvement de penseurs précurseurs des physiocrates (il lit Boisguilbert ; à la même époque, écrivent Melon, Cantillon) par son intérêt pour l'agronomie et l'économie (il insiste sur la circulation de la monnaie et l’idée du circuit économique dont il est un des précurseurs). Il prône les valeurs qui seront défendues au Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle par Quesnay, et il encourage les nobles à quitter la cour pour le service des armes, mais aussi la mise en valeur de leurs domaines dans un mémoire intitulé Idée d’une excellente noblesse et des moyens de la distinguer par les Générations ;
il fut encore un précurseur de Montesquieu par sa conception d'un État chargé d'assumer la protection de tous et leur bien-être : il veut éradiquer la misère, la corruption, l’incompétence, le mépris du service public.
Dans tous les cas, Vauban apparaît comme un réformateur hardi dont les idées vont à l'encontre de celles de la majorité de ses contemporains. Son contact avec le Roi lui permet de soumettre directement ses idées, comme le Projet de Dîme royale, qui fut bien reçu. Louis Modèle:XIV lui sait gré de cette franchise, cette liberté de parole et de jugement, et lui accorde une confiance absolue en matière de défense du royaume, comme en témoigne cette lettre dans laquelle il lui confie la défense de Brest, visé par les Anglais en 1694 :
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Réputé auprès de ses contemporains pour sa maîtrise de l'art de la guerre et de la conduite de siège ainsi que pour ses talents d'ingénieur, Vauban ne se limite pas à ces domaines. C’est le même homme dont toute l’œuvre, de pierre et de papier, témoigne d’une même obsession : l’utilité publique, que ce soit par le façonnement du paysage et la défense du territoire avec la « ceinture de fer » enfermant la France dans ses Modèle:Citation (1706), la transformation de l’ordre social au moyen d’une réforme de l’impôt, quand bien même, en bravant tous les interdits, faudrait-il, pour se faire entendre, passer par la publication clandestine de la Dîme royale, en 1707… Modèle:Citation, écrivait-il à Louvois dans une lettre datée du Modèle:Date (à propos d’une accusation lancée contre deux de ses ingénieurs). Et il ajoutait : Modèle:Citation.
Les progrès de l'artillerie révolutionnent la guerre de siège : depuis la Renaissance, l'augmentation d'épaisseur des murailles ne suffit plus pour résister à l'artillerie. Les tirs de mitraille rendant extrêmement périlleux les assauts frontaux, l'assaillant approche les fortifications par des réseaux de tranchées<ref name="Assvauban"/>. Les ingénieurs italiens inventent les fortifications bastionnées et remparées : les murailles deviennent très basses, obliques et précédées d'un fossé<ref name="Assvauban">La naissance de la fortification bastionnée, Association Vauban.</ref>.
Vauban, que son contemporain Manesson Mallet juge Modèle:Citation<ref>Alain Manesson Mallet, Les Travaux de Mars, ou l'art de la guerre, nouvelle édition augmentée, t. I, Paris, Denis Thierry, 1684.</ref>, apporte trois innovations majeures décisives aux techniques d'attaque des places fortes :
il codifie la technique d'approche en faisant creuser trois tranchées parallèles très fortifiées reliées entre elles par des tranchées de communications en ligne brisée pour éviter les tirs défensifs en enfilade (technique des parallèles inventée au siège de Maastricht en 1673)<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.
creusée hors de portée de canon à boulet sphérique métallique (portée utile de Modèle:Unité à l'époque mais cassant tout à Modèle:Unité<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>) et très fortifiée, la première tranchée sert de place d'armes et prévient une attaque à revers par une armée de secours ;
à portée de tir, la deuxième tranchée permet d'aligner l'artillerie que l'on positionne vers un point de faiblesse des fortifications ;
à proximité immédiate des fortifications, la troisième tranchée permet le creusement d'une mine ou l'assaut si l'artillerie a permis d'ouvrir une brèche dans la muraille. Le retranchement doit être suffisant pour interdire une sortie des défenseurs<ref name="Assvauban"/> ;
l'éperon des forteresses bastionnées créant une zone où l'artillerie de l'assiégé ne peut tirer à bout portant, il est possible de disposer des levées de terre devant la tranchée immédiatement au contact des fortifications assiégées (très basses pour éviter les tirs d'artillerie). Ces surélévations qu'il appelle « cavaliers de tranchées » (conçus lors du siège de Luxembourg, en 1684), permettent aux assaillants de dominer les positions de tir des assiégés et de les refouler à la grenade vers le corps de place et de s'emparer du chemin couvert<ref name="Barros"/> ;
en 1688 au siège de Philippsburg, il invente le « tir à ricochet » : en disposant les pièces de manière à prendre en enfilade la batterie adverse située sur le bastion attaqué et en employant de petites charges de poudre, un boulet peut avoir plusieurs impacts et en rebondissant balayer d'un seul coup toute une ligne de défense au sommet d'un rempart, canons et servants à la fois<ref name="Barros">Martin Barros, « L'Attaquant maîtrise la défense », Historia thématique Modèle:N°, mars-avril 2007, Modèle:P..</ref>,<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
Fichier:Tranchées parallèles Vauban.jpgCodification des attaques des places fortes par Vauban.Trois tranchées parallèles reliées entre elles par des tranchées de communications en zigzags pour éviter les tirs en enfilade. Chaque tranchée est une place d'armes qui permet de rapprocher l'infanterie sur toute la largeur du front d’attaque ; la première est hors de portée de tir des défenseurs et permet de résister à un assaut à revers ; la troisième est au pied du glacis. L’artillerie est placée sur des cavaliers, relié au réseau par des tranchées plus courtes. Des redoutes protègent les extrémités de chaque tranchée.
Sa philosophie est de limiter les pertes en protégeant ses approches par la construction de tranchées, même si cela demande de nombreux travaux. Il est pour cela souvent raillé par les courtisans, mais il est soutenu par le roi<ref name="Virol8"/>. Il rédige, en 1704, un traité d'attaque des places pour le compte de Louis Modèle:XIV qui souhaite faire l'éducation militaire de son petit-fils le duc de Bourgogne<ref name="Virol8">Michèle Virol, « Un bon génie à la cour du Roi-Soleil », Historia thématique Modèle:N°, mars-avril 2007, page 8</ref>. Il invente le « portefeuille de casernement » (casernes modèles) destiné à remplacer le logement du soldat chez l'habitant<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.
Vauban pousse le roi à révolutionner la doctrine militaire défensive de la France en concentrant les places fortes sur les frontières du Royaume c’est la « ceinture de fer » qui protège le pays : le pré carré du roi<ref>Claude Dufresnes, « Le bonheur est dans le pré carré », Historia thématique Modèle:N°, mars-avril 2007, Modèle:Lire en ligneModèle:P..</ref>.
Fort de son expérience de la poliorcétique, il révolutionne aussi bien la défense des places fortes que leur capture. Il conçoit ou améliore les fortifications de nombreux ports et villes françaises, entre 1667 et 1707, travaux gigantesques permis par la richesse du pays<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Il dote la France d'un glacis de places fortes pouvant se soutenir entre elles : pour lui, aucune place n'est imprenable, mais si on lui donne les moyens de résister suffisamment longtemps des secours peuvent prendre l'ennemi à revers et le forcer à lever le siège.
En 1686, Modèle:Louis XIV, préoccupé par la situation en Angleterre, charge Vauban d'inspecter les côtes normandes. Suite à ces inspections effectuées entre 1686 et 1699, (dont deux notamment sur le site de la Hougue), Vauban préconise différents ouvrages afin de protéger les côtes normandes, dont la fortification de la Hougue et le projet d'un grand port de guerre dans cette rade: Modèle:Citation<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>.
À l’intérieur du pays, où le danger d’invasion est moindre, les forteresses sont démantelées. Paris perd ses fortifications, d’une part, pour libérer des troupes qui peuvent être affectées aux frontières et d’autre part, pour éviter que des révoltes puissent trouver asile dans l’une d’elles comme cela avait été le cas lors de la Fronde<ref>Frédéric Négroni, La Révolution militaire aux {{#switch: XVII
Au total, Vauban crée ou élargit plus de Modèle:Nobr et donne son nom à un type d'architecture militaire : le « système Vauban ». Système qui est largement repris, même hors de France (voir les fortifications de la ville de Cadix).
Il participe à d'autres ouvrages, tels que le canal de Bourbourg. Entre 1667 et 1707, Vauban améliore les fortifications d'environ Modèle:Nobr et dirige la création de trente-sept nouveaux ports (dont celui de Dunkerque) et forteresses fortifiésModèle:Référence nécessaire.
Édifié sur un emplacement stratégique, à partir de 1693, Mont-Dauphin est un avant poste chargé de protéger le Royaume des intrusions venues d’Italie : le village-citadelle constitue l’archétype de la place forte et fait entrer les Alpes dans la grande politique de défense de la « nation France ».
Il refuse de créer le fort Boyard, selon lui techniquement inconstructible, que [[Napoléon Ier|Napoléon {{#ifeq: | s | Modèle:Siècle | Ier{{#if:| }} }}]] tente de recréer lors de son règne à partir de ses plans sans plus de succès néanmoins. Finalement, sous Louis-Philippe agacé par des tensions entretenues avec les Britanniques, le fort Boyard voit le jour, grâce à une technique de construction du socle avec des caissons de chaux.
Les plans-reliefs réalisés à partir du règne de Louis Modèle:XIV sont conservés au musée des Plans-reliefs, au sein de l'hôtel des Invalides à Paris où 28 d'entre eux sont présentés. Une partie de la collection (16), est, après un long débat, présentée au palais des Beaux-Arts de Lille. Vauban est intervenu sur la plupart des places représentées. Les maquettes donnent une excellente vue du travail réalisé.
Activités civiles : Vauban critique et réformateur
Vauban construit l'aqueduc de Maintenon (tout en s'opposant au grandiose aqueduc « à la romaine » voulu par Louis Modèle:XIV et Louvois, qu'il jugeait d'un prix beaucoup trop élevé : il militait pour un aqueduc « rampant »). Il s'intéresse à la démographie, concevant des formulaires de recensement<ref>Modèle:Article</ref>, ainsi qu'à la prévision économique .
Entre l'amour du roi et le bien public
Vauban prend, à partir de la fin des années 1680, une distance de plus en plus critique par rapport au roi guerrier, en fustigeant une politique qui s'éloigne de ses convictions de grandeur et de défense de sa patrie, le tout au nom du bien public.
Ce divorce apparaît dans son Mémoire sur les huguenots: il y tire les conséquences, très négatives, de la révocation de l’édit de Nantes en 1685, et souligne que l’intérêt général est préférable à l’unité du Royaume quand les deux ne sont pas compatibles. D’autant que travaillant sur le canal du Midi en 1685-1686, il a vu les effets des dragonnades sur la population. Dans ce mémoire, Vauban estime le nombre des protestants sortis du Royaume à :
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L’itinéraire de Vauban, une pensée en mobilité constante à l’image de ses déplacements incessants dans le royaume réel, font de lui un penseur critique tout à fait représentatif de la grande mutation des valeurs qui marque la fin du règne de Louis Modèle:XIV : le passage du « roi État », incarné par Louis Modèle:XIV, à l’État roi, indépendant de la personne de celui qui l’incarne.
Et, à la fin de sa vie, on sent Vauban profondément écartelé entre sa fidélité au roi et son amour de la patrie au nom du bien général qui ne lui semble plus devoir être confondu avec celui du roi. Cet écartèlement, il l’exprime dès le Modèle:Date- dans une lettre au marquis de Cavoye :
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Dans une certaine mesure la Dîme royale, publiée en 1707, parce qu’elle dissocie le roi et l’État, peut être lue comme le résultat très concret de la tension et de la contradiction entre l’amour du roi et l’amour de la patrie…
Les années de misère : l'observateur lucide du royaume réel
Depuis longtemps, en effet, Vauban s'intéressait au sort des plus démunis, attentif à la peine des hommes. Ses déplacements incessants dans les provinces (Anne Blanchard estime la distance parcourue à plus de Modèle:Unité pour Modèle:Nombre de service, soit Modèle:Unité par an !) sont contemporains des années les plus noires du règne de Louis Modèle:XIV, en particulier la terrible crise des années 1693-1694. Et il a pu observer, comme il l’écrit en 1693, Modèle:Citation. Sa hantise c’est le mal que font Modèle:Citation.
Vauban voyage à cheval ou dans sa basterne<ref name="montdauphin-vauban.fr" />, une chaise de poste qui serait de son invention et suffisamment grande pour pouvoir y travailler avec son secrétaire<ref>Modèle:Ouvrage.</ref>, portée sur quatre brancards par deux mules, l’une devant, l’autre derrière. Pas de roues, pas de contact avec le sol : les cahots sur les chemins de pierres sont ainsi évités, il peut emprunter les chemins de montagne, et Vauban est ainsi enfermé avec ses papiers et un secrétaire en face de lui. En moyenne, il passe Modèle:Nombre par an sur les routes, soit une moyenne de Modèle:Unité par an (le maximum : Modèle:Unité de déplacement en une année !).
Il est fortement marqué par cette crise de subsistances des années 1693-1694, qui affecte surtout la France du Nord, provoque peut-être la mort de deux millions de personnes. Elle aiguise la réflexion de l'homme de guerre confronté quotidiennement à la misère, à la mort, à l'excès de la fiscalité royale : Modèle:Citation.
L'homme de plume
Pendant ces années terribles (1680-1695) marquées par trois années de disette alimentaire sans précédent au cours des hivers 1692-93-94, l’homme de guerre se fait homme de plume :
Oisivetés ou ramas de plusieurs sujets à ma façon.
C’est Fontenelle, qui révèle dans son éloge de Vauban, l’existence de ce recueil de Modèle:Citation… C’est sans doute à partir de la mort de Colbert (1683), qu’il rédige ce « ramas d’écrits », extraordinaire et prolifique document, souvent décousu, où il consigne, en forme de vingt-neuf mémoires manuscrits (soit Modèle:Unité manuscrites en tout) ses observations, ses réflexions, ses projets de réformes, témoignant d’une curiosité insatiable et universelle. Une brève note de Vauban, incluse dans un agenda, daté du Modèle:Date-, éclaire le recueil alors en cours de constitution<ref>Préface de la Dîme Royale, Modèle:Lire en ligne, Modèle:P..</ref> :
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Les Oisivetés, publiées pour la première fois en 2007 aux éditions Champ Vallon, sont détenues par la famille Rosanbo. L’ensemble représente Modèle:Nombre de papiers et mémoires (en tout Modèle:Nombre importants, plus de Modèle:Unité), auxquels il faut ajouter Modèle:Nombre de correspondance.
la Description géographique de l’élection de Vézelay (1696)
Modèle:Article détaillé
Parmi les mémoires, qui sont autant d’exemples des statistiques descriptives, l'ouvrage est le plus abouti : il décrit les revenus, la qualité, les mœurs des habitants, leur pauvreté et richesse, la fertilité du pays et ce que l’on pourrait y faire pour en corriger la stérilité et procurer l’augmentation des peuples et l’accroissement des bestiaux.
Le Projet de Capitation (1694)
Ce qui domine dans ces écrits, c’est la notion d’utilité publique, au service des plus démunis. Vauban imagine une « réformation » globale, pour répondre au problème de la misère et de la pauvreté. Dès 1694, Vauban présente un Projet de capitation, fruit de multiples réflexions et de débats, notamment avec Boisguilbert, (qui publie en 1695 son Détail de la France que Vauban a lu et apprécié). Vauban profite de multiples entretiens Modèle:Citation.
Le Projet de capitation annonce son futur essai : il y propose un impôt levé, sans aucune exemption, sur tous les revenus visibles (les produits fonciers, les rentes, les appointements…) et condamne la taille, Modèle:Citation. Dans ce Projet, il dénonce Modèle:Citation.
L'année suivante, le Modèle:Date-, le pouvoir royal met effectivement en place une capitation, un impôt auquel, en théorie, tous les sujets, des princes du sang aux travailleurs de terre, sont assujettis, de Modèle:Unité à Modèle:Unité, en fonction de leur fortune. Mais contrairement à l'idée de Vauban, cet impôt s'ajoute aux autres, et la plupart des privilégiés, par abonnement ou par rachat, ont tôt fait de s'en faire dispenser.
L'homme politique
Bien qu'il soit militaire, Vauban donne son avis dans les affaires de l'État : en 1683, il propose un traité de paix avec l'Allemagne en y posant pour condition Modèle:Citation. En échange, Louis XIV donnerait les villes de Brisach et de Fribourg. Cette proposition est loin d'être innocente puisque d'après l'intéressé, ces deux places sont plus une charge qu'autre chose pour le royaume de France. Cette proposition lui vaut une remontrance de Louvois par un courrier du Modèle:Date- : Modèle:Citation<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.
1703-1706 : De l'amertume à la transgression
En Modèle:Date-, Vauban est à Dunkerque, une ville forte qu’il considère comme sa plus belle réussite et qu’il transforme en une « cité imprenable » : un formidable ensemble de forts de défense, de bâtiments, de jetées, de fossés remplis d’eau, et d’un bassin pouvant contenir plus de quarante vaisseaux de haut bord toujours à flot, même à marée basse, grâce à une écluse. Du reste, à propos de « son » Dunkerque, le Modèle:Date-, il écrit à Louvois, en faisant preuve, une fois n’est pas coutume, de peu de modestie :
Pourquoi est-il à Dunkerque ? Parce que le roi lui confie le commandement de la frontière maritime des Flandres alors sérieusement menacée. Il a l’autorisation de construire un camp retranché à Dunkerque, puis un deuxième entre Dunkerque et Bergues.
Mais les fonds nécessaires n’arrivent pas et il s’en plaint au maréchal de Villeroy, qui lui répond le Modèle:Date- :
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Ce qu’il fait à soixante-treize ans : c'est là, à Dunkerque, à « son » Dunkerque, que Vauban demande à être relevé de son commandement : Modèle:Citation. Quelques jours plus tard, il insiste auprès de Chamillard pour être relevé de son commandement :
Il souffre depuis longtemps d’un rhume récurrent, en fait une bronchite chronique, et subit de violents accès de fièvre (et sa présence à Dunkerque, dans les marais des plaines du Nord, n’est pas faite pour le guérir !).
Mais il y a des raisons plus profondes, plus intimes, à cette demande de retrait : Vauban est amer depuis le siège de Brisach, en 1703, le dernier siège dont il a le commandement. Il enseigne au duc de Bourgogne, le petit-fils du roi, les choses de la guerre et lui écrit, Modèle:Incise, un traité De l’attaque et de la défense des places afin de parfaire son éducation militaire<ref>De l’attaque et de la défense des places, Chez Pierre de Hondt., 1742, Modèle:Lire en ligne.</ref> qui constitue le huitième tome des Oisivetés.
Modèle:Citation bloc (épître dédicatoire). Ce qui n’empêche pas la circulation de nombreux manuscrits : plus de 200, déplore en 1739 Charles de Mesgrigny, le petit-fils de Vauban…
Mais après ce siège, plus rien ne lui est proposé. Et il s’en inquiète auprès de Chamillart :
Chamillart lui répond qu’il a lu sa lettre à Louis Modèle:XIV, qui a résolu de faire le siège de Landau. Mais il ajoute dans sa lettre du Modèle:Date- : Modèle:Citation Opportunément, Vauban est convoqué à Paris, chargé de l'instruction du duc de Bourgogne. Ce qui ne l'empêche pas de rédiger ses préconisations pour le siège en préparation.
L’amertume pour Vauban est alors à son comble. Et il exprime ses craintes dans une autre lettre écrite à Chamillard en 1705. Cette lettre accompagne un mémoire consacré au siège de Turin, car Vauban continue à suivre les opérations militaires, et il n’est pas satisfait de leur déroulement. Aussi multiplie-t-il avis et conseils. Après de nombreux détails techniques, Vauban ajoute ces lignes, des lignes particulièrement émouvantes, dans lesquelles le vieux maréchal continue à offrir ses services :
Bientôt, dans les derniers jours de l’année 1706, il rentre à Paris dans son hôtel de la rue Saint-Vincent dans la paroisse Saint-Roch (loué aux neveux de Bossuet), où il s’est installé à partir de 1702 (dans l’actuelle rue de Rivoli : Une plaque y commémore la présence de Vauban il y a trois siècles. Il y retrouve, semble-t-il, Charlotte de Mesgrigny, sa fille. Il souffre, il tousse, plus que jamais (sa bronchite chronique n’a fait qu’empirer), son vieux corps est miné, mais son esprit a gardé toute sa vivacité.
C’est alors qu’il décide, peut-être incité par l’abbé Vincent Ragot de Beaumont, qui fait fonction de secrétaire, d’imprimer son livre, cette Dîme royale, celui, de tous ses écrits, qu’il estime le plus.
Dans cet ouvrage, il met en garde contre de forts impôts qui détournent des activités productives. Vauban propose dans cet essai de remplacer les impôts existants par un impôt unique de dix pour cent sur tous les revenus, sans exemption pour les ordres privilégiés (le roi inclus). Plus exactement, Vauban propose une segmentation en classes fiscales en fonction des revenus, soumises à un impôt progressif de 5 % à 10 %<ref>L'économiste Jean-Marc Daniel fait de Vauban le père de l'impôt sur le revenu.</ref>. L'impôt doit servir une politique, les classes fiscales doivent être plus ou moins favorisées à fins d'enrichir la société et par conséquent l’État.
Bien qu'interdit, cet ouvrage bénéficie de nombreuses éditions à travers toute l'Europe Modèle:Incise et ce texte alimente les discussions fiscales pendant une grande partie du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle.
n'est pas ignoré par le pouvoir. Le contrôleur général Chamillart a lu La Dîme royale sans doute à la fin de l’année 1699. De même, en Modèle:Date-, le premier président au Parlement de Paris, Achille III de Harlay. Et enfin et surtout, en 1700 toujours, Vauban présente au roi, en trois audiences successives Modèle:Incise la première version de sa Dîme royale par écrit et oralement. C’est ce qu’il explique dans sa lettre à Torcy :
Et Nicolas-Joseph Foucault, intendant de Caen, note à la date du Modèle:Date- : Modèle:Citation. Une expérimentation est tentée en Normandie qui se traduit par un échec : Modèle:Citation.
En fait, ce qui déplait, c’est la publication et la divulgation publique en pleine crise militaire et financière. Vauban transgresse un interdit en rendant publics les « mystères de l’État » et, lui dit-on, se mêle d’une matière qui ne le regarde pas… C’est bien ce qu’explique Michel Chamillart, qui cumule les charges de contrôleur général des finances et de secrétaire d’État à la Guerre :
Effectivement, en 1708, un éditeur de Bruxelles imprime le livre avec un privilège de la cour des Pays-Bas et en 1710 une traduction parait en Angleterre. Et en France, un marchand de blés de Chalon-sur-Saône vante en 1708 Modèle:Citation, et un curé du Périgord écrit en 1709 : Modèle:Citation (cité par Émile Coornaert dans sa préface à l’édition de La Dixme royale, Paris, 1933, p. Modèle:XXVIII).
son échec est plutôt à attribuer à son mode de recouvrement en nature, choix coûteux (il est nécessaire de construire des granges) et désavantageux en temps de guerre (où l'on préfère un impôt perçu en argent).
Où et comment La Dîme royale a-t-elle été imprimée ?
Peut-être à Rouen (hypothèse Boislisle), peut-être à Lille, peut-être même en Hollande (hypothèse Morineau).
Nous sommes donc à la fin de l'année 1706 et au tout début de l'année 1707. Ce que nous savons, c’est qu’une demande de privilège de librairie pour un in-quarto intitulé Projet d’une Dixme royale a été déposée, sans nom d’auteur, auprès des services du chancelier, le Modèle:Date-.
Cette demande est restée sans réponse. L’auteur n’est pas cité, mais à la chancellerie, il est connu puisque nous savons que le chancelier lui-même est en possession du manuscrit. Sans réponse de la chancellerie, Vauban décide de poursuivre quand même l’impression. À partir de ce moment et de cette décision, il sait bien qu’il est hors-la-loi : son amour du bien public vient de l’emporter sur le respect de la loi.
L’impression achevée, sous forme de feuilles, est livrée en ballots. Mais comment les faire entrer à Paris, entourée, on le sait, de barrières, bien gardées ? L’introduction de ballots suspects aurait immédiatement éveillé l’attention des gardes, et tous les imprimés non revêtus du « privilège » sont saisis.
Aussi, Vauban envoie deux hommes de confiance (Picard, son cocher, et Mauric, un de ses valets de chambre), récupérer les quatre ballots enveloppés de serpillières et de paille et cordés, au-delà de l’octroi de la porte Saint-Denis. Chaque ballot contient cent volumes en feuilles.
Les gardiens de la barrière laissent passer, sans le visiter, le carrosse aux armes de Vauban, maréchal de France. À Paris, rue Saint-Jacques, c’est la veuve de Jacques Fétil, maître relieur rue Saint-Jacques, qui broche la Dixme royale, jusqu’à la fin du mois de Modèle:Date-, sous couverture de papier veiné, et relia quelques exemplaires, les uns en maroquin rouge pour d’illustres destinataires, les autres plus simplement en veau, et même en papier marbré (300 sans doute en tout). Ce sont des livres de 204 pages, in-quarto. Vauban en distribue à ses amis et les volumes passent de main en main (les jésuites de Paris en détiennent au moins deux exemplaires dans leur bibliothèque)… À noter qu’aucun exemplaire n’est vendu : aux libraires qui en demandent, Vauban répond Modèle:Citation.
Le Modèle:Date-, le Conseil, dit « conseil privé du roi » se réunit. Il condamne l’ouvrage, accusé de contenir Modèle:Citation. Et le roi ordonne d’en mettre les exemplaires au pilon et défend aux libraires de le vendre.
Pourtant aucun auteur n’est mentionné. Cette première interdiction n’affecte pas, semble-t-il, Vauban qui, tout au contraire, dans une lettre datée du Modèle:Date- (à son ami Jean de Mesgrigny, gouverneur de la citadelle de Tournai), manifeste sa fierté face au succès de son livre :
Et nous apprenons en même temps que l’abbé Vincent Ragot de Beaumont (l'homme de l’ombre qui a joué un rôle capital dans la rédaction de la Dixme royale), installé à Paris près de Vauban, prépare cette seconde édition :
Un second arrêt est donné le Modèle:Date-. Louis Phelypeaux, comte de Ponchartrain (1674-1747), en personne, le chancelier, a lui-même corrigé le texte de l’arrêt, dont l’exécution est cette fois confiée au lieutenant-général de police de Voyer de Paulmy, marquis d’Argenson. Et Pontchartrain ajoute en marge de l’arrêt : Modèle:Citation, c’est-à-dire, au sens exact du mot, se vend facilement et publiquement. Au même moment, Vauban continue la distribution de son livre : ainsi, Jérôme de Pontchartrain, le fils du chancelier, et secrétaire d’État à la Marine, accuse réception, le Modèle:Date-, d’un exemplaire qui lui a été adressé le Modèle:Date-.
Grâce aux dépositions de son valet de chambre, Jean Colas, de la veuve Fétil, de sa fille et de leur ouvrier Coulon, il est possible de savoir comment se sont passés les derniers jours de Vauban.
Colas, le valet de Vauban, qui fut interné pendant un mois au Châtelet, raconte dans une déposition conservée aux archives la réaction du vieux maréchal, le Modèle:Date-, quand il commence à s’inquiéter : Modèle:Citation. Sa réaction fut d’ordonner à son valet Modèle:Citation. Toute la journée, il reste assis dans sa chambre, Modèle:Citation, près du feu. Deux dames lui ont rendu visite ce jour-là (la comtesse de Tavannes et Madame de Fléot, femme du major de la citadelle de Lille) et il a accordé sans doute, à chacune d’elles un exemplaire de sa Dîme. Sur le soir, Modèle:Citation. Il se met au lit, et fut Modèle:Citation
Le dimanche, la fièvre est légèrement tombée : Modèle:Citation.
Et le soir même, il en fait aussi porter un aux Petits-pères de la place des Victoires, et Modèle:Citation.
Dès l’instant de sa mort, les exemplaires restants sont retirés, par Ragot de Beaumont, qui logeait dans une chambre de l’hôtel Saint-Jean, hôtel mitoyen et dépendant de celui de Vauban. Et dans cette chambre, explique Colas, Modèle:Citation.
Vauban meurt dans une maison aujourd'hui détruite qui se situait au 1 rue Saint-Roch actuelle. En 1933, à l'occasion du tricentenaire de la naissance de Vauban, la ville de Paris y fait apposer une plaque commémorative.
Mais tout cela est une légende : Vauban n’a été ni inquiété ni disgracié et il est bien mort de maladie, d’une pneumonie (fluxion de poitrine), des conséquences de ce « rhume » dont il ne cesse de se plaindre depuis des dizaines d’années dans sa correspondance.
Reste que la Dixme royale est bel et bien une affaire, l’ultime recours d’un homme qui a voulu, par tous les moyens, se faire entendre… Et les mesures de censure n’ont pas réussi à empêcher la diffusion et le succès du livre, comme l’atteste cette lettre de Ponchartrain du Modèle:Date à l’intendant de Rouen Lamoignon de Courson :
Effectivement, nous savons que les libraires de Rouen ont imprimé le Projet d’une dixme royale de Vauban en 1707, 1708, 1709… Et à partir de Rouen, le livre est diffusé dans toute l’Europe : le Modèle:Date-, un éditeur néerlandais demande à Antoine Maurry (l’imprimeur de Rouen qui a fabriqué le livre) six Dixme royale de Vauban in-quarto… Et en 1713, Jérôme de Pontchartrain, secrétaire d’État de la Marine et de la Maison du roi expédiait à Michel Bégon, intendant du Canada, un exemplaire de la Dixme royale en lui recommandant d’étudier avec Vaudreuil, le gouverneur, les possibilités d’appliquer au Canada les principes développés par Vauban<ref>Charles Frostin, Les Pontchartrain ministres de Louis Modèle:XIV. Alliances et réseau d’influence sous l’Ancien Régime, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006, Modèle:P.).</ref>.
Et c’est la Régence, avec l’expérience de la polysynodie, qui confirme l’actualité, toujours présente, et réformatrice de Vauban : dans le Nouveau Mercure galant, organe officieux du gouvernement, on peut lire, en Modèle:Date- (Modèle:P.) que Modèle:Citation…
Sépulture
Vauban est inhumé dans l'église de Bazoches, un petit village du Morvan proche du lieu de sa naissance et dont il avait acheté le château en 1675.
Sa sépulture est une des rares qui n'a pas été profanée pendant la Révolution française<ref>Modèle:Lien web</ref> et reste accessible aux visiteurs. Cependant son cœur, retrouvé sous l'autel, lors de fouilles entreprises en 1804 est transféré sur décision de Napoléon en 1808 sous le dôme des Invalides où il se trouve encore aujourd'hui. Initialement Napoléon avait aussi fait construire un monument funéraire afin de présenter l'urne contenant le cœur mais celui-ci fut remplacé en 1847 par un cénotaphe<ref>Modèle:Lien web</ref>.
Louis Modèle:XIV reconnaît en Vauban un « bon Français ». Et à sa mort, contrairement à une légende tenace de disgrâce (légende dont Saint-Simon est en partie responsable), il parle de lui avec beaucoup d’estime et d’amitié et déclare à l’annonce de sa mort : Modèle:Citation. Vauban est un homme de caractère, qui paie de sa personne, exigeant dans son travail et très soucieux du respect de ses instructions.
Mais c'est aussi un humaniste, qui se passionne pour la justice sociale : on rapporte par exemple qu'il partage ses primes et ses soldes avec les officiers moins fortunés, et prend même parfois sur lui les punitions des soldats sous son commandement lorsqu'il les trouve injustes…
Il mène une vie simple et ses rapports avec son entourage sont très humains, qu'il s'agisse de ses proches ou des gens de sa région natale, où il aimait à revenir lorsqu'il le pouvait (c'est-à-dire rarement). Son père, Urbain le Prestre, l'a éduqué très jeune dans le respect des autres, quelles que soient leurs origines. Ses origines modestes Modèle:Incise ont sans doute contribué à forger l'humanité de son caractère.
On peut dire aussi que Vauban est un noble « malcontent ». Mais au lieu d’emprunter le chemin de la révolte armée comme le font les gentilshommes du premier Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, il utilise la plume et l’imprimé, au nom d’un civisme impérieux, pleinement revendiqué, au service de la « nation France » et de l’État royal qu’il veut servir plus que le roi lui-même. Toute son œuvre de pierre et de papier en témoigne : son action ne vise qu’un but, l’utilité publique, en modelant le paysage, en façonnant le territoire, en transformant l’ordre social.
Vauban, apôtre de la vérité, apparaît, avec quelques autres contemporains (Pierre de Boisguilbert, par exemple, ou l’abbé de Saint-Pierre), comme un citoyen sans doute encore un peu solitaire. Mais au nom d’idées qu’il croit justes, même si elles s’opposent au roi absolu, il contribue à créer un espace nouveau dans le territoire du pouvoir, un espace concurrent de celui monopolisé par les hommes du roi, l’espace public, et à faire naître une force critique appelée à un grand avenir : l’opinion.
Timbre à l'effigie de Vauban, série célébrités , dessin de André Spitz, d'après Rigaud. Graveur : Claude Hertenberger, impression taille-douce France no 1029, catalogue Yvert & Tellier, année d'émission : Modèle:Date- ;
Timbre à l'effigie de Vauban et une fortification en arrière-plan valeur Modèle:Unité France no 4031, catalogue Yvert & Tellier, année 2007 ;
D'azur, au chevron d'or, surmonté d'un croissant d'argent et accompagné de trois trèfles du second.<ref name="ArmorialSaintEsprit">Modèle:Ouvrage.</ref>
Château de Bazoches, acquis en 1675 soit Modèle:Unité de terre et de prés ainsi que Modèle:Unité de bois, acquis aux enchères par un certain Lemoyne le Modèle:Date pour le compte de Vauban. Cette vente avait pris quatre ans avant de se faire<ref>Vente à Paris, aux requêtes de l'hôtel, A.N. VH1373, 17 août 1679, voir A. Blanchard, Vauban, Modèle:P..</ref>.
seigneurie de Pierre-Perthuis acquise en 1680 au comte de Vitteaux soit Modèle:Unité de terre et Modèle:Unité de vignoble, le fief, le château en ruine ainsi que le moulin de Sæuvres.
Château de Vauban à Bazoches, manoir familial qu'il achète Modèle:Unité en 1684, auquel son père fut contraint de renoncer en 1632, et qu'il rachète à son cousin Antoine Le Prestre de Vauban endetté, soit Modèle:Unité de terre et de broussailles avec le château<ref>Contrat chez maître Ragon, notaire à Bazoches (AD de la Nièvre 3E 12/7).</ref>.
Modèle:Référence nécessaire qui jadis propriété des Le Prestre, était passé par mariage aux Magdelenet, revient dans son patrimoine par son secrétaire Friand le Modèle:Date, qui se fait rembourser une dette contractée par le président de l'élection de Vézelay: Jean Magdelenet.
En 1693 il possède Modèle:Unité de terres dont quatre cents de bois. Dont plus de la moitié des Modèle:Nombre d'affaires agricoles des Le Prestre passés devant maître Ragon, notaire à Bazoches de 1681 à 1705, signés par Jeanne d'Osnay épouse de Vauban qui lui a donné une procuration.
Les papiers personnels de Sébastien Le Prestre de Vauban sont conservés aux Archives nationales sous la cote 260 AP (dossiers militaires, économiques et politiques) et 261 AP (correspondance). Ils furent remis aux fonds de la famille Le Peletier de Rosanbo et stockés dans le château de Rosanbo. Ils sont uniquement consultables sous forme de microfilms<ref>Modèle:Lien web</ref>.
Fontenelle, Éloge de M. le maréchal de Vauban, dans Histoire de l'Académie royale des sciences. Année 1707, chez Gabriel Martin, Paris, 1730, Modèle:P.Modèle:Lire en ligne.
Luc-Normand Tellier, Face aux Colbert : les Le Tellier, Vauban, Turgot… et l'avènement du libéralisme, Presses de l'Université du Québec, 1987, 816 pages Modèle:Lire en ligne.
Guy Thuillier et Arnaud d'Aunay, Vauban (1633-1707), Nevers, Bibliothèque municipale de Nevers et Société académique du Nivernais, 2007.Modèle:Commentaire biblio
Antoine Étex, Vauban, buste en plâtre, esquisse pour le Mausolée de Vauban commandé par le ministère de l'Intérieur le Modèle:Date et destiné à l'hôtel des Invalides, érigé en 1852 dans le bras du transept de l'église du Dôme des Invalides (Inv RF.2189.D). Le Modèle:Date-, la commission refuse sa statue pour la façade des places Napoléon et du Carrousel (Archives nationales de France : F/21/1744, année 1855, F/21/1747, F/21/1753) ;