Dominique Aury

{{#ifeq:||Un article de Ziki, l'encyclopédie libre.|Une page de Ziki, l'encyclopédie libre.}}

Modèle:Homon Modèle:Infobox Biographie2 Anne Cécile Desclos, dite Dominique Aury alias Pauline Réage, née le Modèle:Date de naissance à Rochefort-sur-Mer et morte le Modèle:Date de mort à Corbeil-Essonnes<ref>Modèle:Lien web</ref>, est une femme de lettres française.

Auteur d'essais, de préfaces, de traductions et de quelques poèmes, elle a été un quart de siècle durant, l'adjointe de la direction de la seconde NRF, la première femme à jouer, au sein de la prestigieuse maison Gallimard, plus qu'un rôle d'influence dans le monde de l'édition française, la première à être reconnue professionnellement pour cela en devenant en 1974 conseillère du ministre de l’Éducation. Une des premières jeunes filles admises en 1925 en hypokhâgne, elle avait été avant guerre une pionnière du journalisme féminin.

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Découvreuse de talents et membre de multiples jurys, elle a insufflé par ses choix et ses critiques une orientation résolument<ref>B. Pivot, Front populaire au Fermina, in Le Figaro littéraire, Modèle:P., Paris, 4 décembre 1967.</ref> moderniste à la littérature de l'après-guerre. Cependant elle s'est attachée, en tant que directrice de collection et spécialiste de la littérature baroque et religieuse, à une exigence renouvelée de rigueur classique. Ses traductions ont contribué fortement à l'introduction d'auteurs anglais modernes dans le contexte des lettres françaises.

Compagne clandestine de Jean Paulhan jusqu'au-delà de la mort de celui-ci, elle s'est révélée en 1994, à l'âge de quatre-vingt-six ans, être l'auteur d'Histoire d'O, un des textes français les plus traduits. Publié en 1954 par le jeune éditeur Jean-Jacques Pauvert sous le pseudonyme de Pauline Réage, cet unique roman et sa suite parue en 1969, amputés d'une troisième partie qui en délivrait le sens mystique<ref>Modèle:Harvsp</ref>, composent un manifeste érotique voulu comme une réponse aux fantasmes sadiens des hommes qui fait d'elle la créatrice d'un nouveau genre, la littérature libertine féminine.

Carrière résumée

Biographie

Le poids de la religion et le salut dans les lettres (1907-1926)

Anne Desclos, encore bébé, est confiée par sa mère rejetante, une femme austère et misanthrope<ref name="Bedell">Modèle:Lien, « I wrote the story of O », in The Observer, Londres, 25 juillet 2004.</ref> qui éprouve du dégoût pour le corps<ref>Modèle:Ouvrage</ref>, à sa grand mère paternelle, bretonne installée depuis 1888 dans la maison que Charles de Montalembert avait possédée à Saint-Senier-sous-Avranches, la Butte<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Enfant unique, elle y grandit dans une catéchèse qui commande l'abdication de soi<ref name="Garcin"/>. Petite fille émue aux larmes par les chœurs de l'office, elle découvre la volupté dans la prière et, quoique incertaine quant au vœu de chasteté exigé, elle envisage une vie recluse dans l'obéissance et la pauvreté<ref name="Garcin"/>. Sa grand mère, veuve d'un franc tireur de la guerre de 70 réfugié en Angleterre, à Soho où elle aida celui-ci à tenir un restaurant<ref>N. Grenier, Vocation clandestine, Modèle:P., coll. L'Infini, Gallimard, Paris, 1999 Modèle:ISBN</ref>, en fait un enfant bilingue, comme son père né dans la langue anglaise.

C'est au cours de son adolescence qu'elle apprivoise son ambivalence sexuelle. L'adolescente brune est fascinée par les jeunes filles, moins en elles-mêmes que par quelques traits propres à certaines supposés les rendre attirantes aux yeux des hommes. À quinze ans, à la rentrée 1923, il lui est interdit de jamais revoir son premier amour, une Jacqueline chez laquelle les parents ont intercepté leur correspondance érotique<ref name="Amoureuse">P. Réage, Une fille amoureuse, in P. Réage, Histoire d'O suivi de Retour à Roissy, Modèle:P., Le Livre de poche, Paris, 1975.</ref> mais dix ans plus tard sa relation avec ce personnage, qui sera mis en scène dans Histoire d'Ô<ref name="Amoureuse"/>, n'aura pas été rompue<ref name="7VII1933">J. Talagrand, Lettre à Anne Desclos, Paris, 7 juillet (1933), cité in David op. cité Modèle:P..</ref>, prenant une tournure apparemment échangiste<ref name="David320">Modèle:Harvsp.</ref>. Curieuse de l'anatomie masculine, elle conservera un souvenir de crudité mécanique et de dégoût de la première démonstration que le cousin d'une complice de son père lui offre dans un hôtel de passe<ref>R. Desforges, O m’a dit, Modèle:P., éditions J.J. Pauvert, Paris, 1975.</ref>.

Fichier:CrebillonSopha.jpg
Illustration pour Le Sopha de Crébillon.
C'est dans la bibliothèque de son père que la jeune Anne Desclos découvre une littérature libertine dénonçant l'hypocrisie d'une morale et l'échec d'une religion qui fustigent le corps et l'inquiétude nécessaire du pécheur<ref>C.-P. Jolyot de Crébillon, Le Sopha, conte moral, Modèle:P., Desjonquières, Paris, 1984.</ref>.
Fichier:Francois de Salignac de la Mothe-Fenelon.jpg
Fénelon, maître à penser de la jeune Anne Desclos condamné pour l'hérésie quiétiste, que l'Église jugea trop complaisante à l'égard de la ferveur hystérique manifestées par des femmes, telles Marie de l'Incarnation ou Marie de Saint-Joseph, réduites à n'exister socialement que par une surenchère mystique.

Très tôt, elle fréquente le quiétiste Fénelon et le licencieux Crébillon fils<ref name="Garcin"/>. Élève du lycée Fénelon à Paris, elle est séduite par le personnage de Valmont et se passionne pour les Kim, Cordelia et Virginia Woolf qu'elle découvre à travers son père.

Auguste Desclos, homme qui prétendait avoir hérité le titre de comte<ref>Comte Auguste Desclos, Fonctions et mission de la cité universitaire, Librairie Glauser, Paris, 1962.</ref> de robins<ref>G. d'E.-A. Chaix d'Est-Ange, Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du Modèle:S mini- siècleModèle:Vérification siècle, XI, Modèle:P., Charles Hérissey impr., Évreux, 1912.</ref> de Bretagne, les Desclos de La Fonchais, est un agrégé d'anglais à la fois sportif, qui avait fondé l'US Avranches<ref>J. Simon, Un siècle de football normand, Éditions Charles Corlet, Bayeux, juillet 1998 Modèle:ISBN.</ref>, et érudit reconnu<ref>R. L. Stevenson, préf. A. Desclos-Auricoste, [[L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde|The Strange case of Modèle:Dr Jekyll and Modèle:M. Hyde]], Éd. Henri Didier, Paris, 1935.</ref>, dont la bibliothèque comprend les libertins<ref name="Bedell"/>. Il occupe après la guerre des fonctions diplomatiques et deviendra en 1937 directeur du Collège franco-britannique de la Cité universitaire à Paris. C'est aussi un séducteur.

Son rejeton est admis avec deux autres jeunes filles en hypokhâgne au lycée Condorcet où lui-même enseigne depuis 1919, classe qui est une véritable école d'écriture et de style mais où les professeurs s'emploient à dégoûter les candidates féminines<ref name="David198">Modèle:Harvsp.</ref>. Compétitrice qui n'a jamais supporté que d'être première ou seconde en lettres<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, elle abandonne au bout d'un an.

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De la Jeune Droite à la modernité (1927-1937)

Fichier:P1330735 Paris V rue du Val-de-Grace N7-9 batiments rwk.jpg
9 rue du Val-de-Grâce, à Paris, où Anne Desclos habite un appartement en étage avec ses parents de 1919 à 1929 et de 1934 à 1937.

Anne Desclos poursuit en Sorbonne un cursus d'anglais sur les traces de son père, et y intègre un groupe d'étudiants maurrassiens. Il lui prend parfois de s'amuser à marcher dans les Halles déguisée en prostituée<ref name="Bedell"/>. Licenciée, elle épouse le Modèle:Date- l'un d'eux devenu journaliste, l'aristocrate catalan Raymond d'Argila, et le Modèle:Date- en a un fils, Philippe, mais c'est une femme battue. Son mari, homme qui boîte<ref name="David201">Modèle:Harvsp.</ref>, a des accès de violences. Elle songe au suicide, auquel seul le souci de son fils, psychologiquement fragile, la fait renoncer<ref>A. Declos, Lettre à Jacques Talagrand, Londres, 23 juin 1933, cité in David, op. cité Modèle:P..</ref>. Elle jouit toutefois d'une relative indépendance financière en travaillant en tant qu'enseignante du Teachers College de l'université Columbia chargée d'instruire et piloter les étudiants New-Yorkais séjournant à Paris<ref name="David199">Modèle:Harvsp.</ref>. Son fantasme de femme au foyer anéanti<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, elle reprend des études, à l'École du Louvre, section arts appliqués.

En 1933, elle retourne vivre chez ses parents, en emmenant son fils. Elle fréquente toujours son amour d'adolescence, Jacqueline<ref name="7VII1933"/>, mais c'est d'un sculpteur<ref>A. Desclos, Mot à Jacques Talagrand,

[s.l.], 25 mars 1935, cité in Davis, op. cité, Modèle:P..</ref>, René, qu'elle est secrètement amoureuse<ref name="Amoureuse"/>. Or c'est Jacqueline que cet homme à femmes finit par séduire<ref name="Amoureuse"/>. Par l'intermédiaire de René<ref name="David317">Modèle:Harvsp.</ref>, elle rencontre le journaliste d'extrême droite Thierry Maulnier, un collègue de son mari de six ans plus jeune que celui-ci, qui travaille lui aussi à la revue 1933<ref name="David201"/>. Tous les deux avec René, le dessinateur Bernard Milleret et une Claudine, ils participent à l'intérieur du Louvre, où elle a accès en tant qu'étudiante, à une réunion dont l'objet est inavouable et dont la révélation serait compromettante<ref name="27VIII1934">A. Desclos, Lettre à Jacques Talagrand, Launoy, 27 août 1934, cité in Modèle:Harvsp.</ref>. Commencée au printemps 1933<ref name="David201" />, leur liaison, clandestine à cause du mari, le restera sans nécessité sinon celle du désir<ref>Modèle:Harvsp.</ref> les huit années qu'elle durera.

Biographe et exégète de Racine<ref>Th. Maulnier, Racine, Alexis Redier, 1935.</ref>, défenseur, face aux surréalismes, d'une esthétique néoclassique et réactionnaire, Thierry Maulnier est un normalien de la même promotion que Robert Brasillach. Idéologue de l'Action française, il conduit au sein de celle ci, avec Jean-Pierre Maxence et Claude Roy, une ligne dissidente, plus radicale, opposée à la compromission de la droite catholique, que scelleront les accords du Latran, avec le fascisme de Mussolini, qu'il qualifie de collectivisme pas français<ref>Th. Maulnier, « Le déclin du marxisme », in L'Action française, Modèle:N°, Modèle:P., Paris, 13 juillet 1933.</ref>. Le 6 février 1934, Anne Desclos défile au côté de Thierry Maulnier dans les rangs des Croix de feu<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Le lendemain, elle défile dans les rangs communistes, sans lui<ref>Modèle:Harvsp.</ref>.

Le Modèle:Date-, elle finit par obtenir le divorce pour celui qui restera, au-delà d'une rupture intervenue durant l'Occupation, Modèle:Citation.

Avec Maurice Blanchot, Thierry Maulnier fonde en 1937 un hebdomadaire, L'Insurgé, pour lutter contre le Front populaire. Il y fait publier régulièrement, à la rubrique des arts, des articles que son « Annette » signe, s'inspirant du nom de sa mère Louise Auricoste, du pseudonyme androgyne de Dominique Aury, sans que le comité de rédaction lui-même découvre avant longtemps l'identité ni même le sexe de l'auteur. Jean de Fabrègues publie à son tour ses articles dans le mensuel Combat (1936-1939). Avec Milena Jesenská, Helen Hessel, Françoise d'Eaubonne et Édith Thomas, rejointes ultérieurement par Simone de Beauvoir<ref>S. Chaperon, Une génération d’intellectuelles dans le sillage de Simone de Beauvoir, in Clio. Histoire, femmes et sociétés, Modèle:N°, Modèle:P., 2001.</ref> et Meta Niemeyer, elle illustre alors l'émergence timide, à la suite de l'expérience féministe d'avant la Grande guerre qu'a été La Fronde, d'une seconde génération de femmes journalistes.

Fichier:Collège Franco-Britannique. August 20, 2010.jpg
Le Collège britannique à la Cité universitaire où Dominique Aury habite avec ses parents de 1937 à son pillage par l'envahisseur, fin juin 1940. Elle habitera jusqu'après guerre 134 rue de Rennes<ref>J. Paulhan, Lettre à Édith Thomas, Paris, 16 septembre 1944, in Fonds Édith Thomas, Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine, cité in Modèle:Harvsp</ref>, tout à côté du Grand bazar, qui est aujourd'hui la Fnac.

Des collègues<ref>A. Desclos, La correction des épreuves écrites dans les examens: enquête expérimentale sur le baccalauréat, in International Examinations Inquiry - French committee, La Maison du livre, Paris, 1936.</ref> au sein de l'Office national des universités<ref>A. Desclos, Atlas de l'enseignement en France, Commission française pour l'enquête Carnegie, 1933</ref> de son père, homme de gauche<ref name="David198"/>, lui transmettent les numéros de la revue Mesures (1935-1940) que Jean Paulhan livre régulièrement à leur bureau du boulevard Raspail. Par cette revue, que dirige l'écrivain américain Modèle:Lien, elle s'initie aux finesses et aux audaces de la critique littéraire moderne, telle que la pratiquent, entre autres, Adrienne Monnier, Henri Michaux, Bernard Groethuysen, Giuseppe Ungaretti, Jean Paulhan lui-même. Elle a l'occasion de rencontrer cette figure paternelle et de s'en faire l'amie<ref>Th. Maulnier, Lettre à Anne Desclos, Paris, 9 novembre 1940, cité in Modèle:Harvsp.</ref>. C'est au cours de cette période qu'elle découvre l’œuvre de Sade. Cinq années de suite, elle relit cinq fois en entier la Recherche de Proust<ref name="Bedell"/>.

Carrière contrariée (1938-1940)

À l'automne 1938, Dominique Aury demande à son amant Thierry Maulnier de rédiger la préface à une Introduction à la poésie française<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, recueil qui fait suite au mémoire qu'elle a soutenu en Sorbonne<ref>É. de Montety, Thierry Maulnier, Modèle:P., Perrin, Paris, 2013.</ref>. L'anthologie parait sous le seul nom de Thierry Maulnier en Modèle:Date-<ref name="David257">Modèle:Harvsp.</ref>, durant la drôle de guerre. Reçu comme une diane française, le livre devra être réimprimé de nombreuses fois tant son succès sera grand<ref name="David257"/>.

C'est alors qu'à trente-deux ans Dominique Aury, introduite par Thierry Maulnier à Candide<ref name="David268">Modèle:Harvsp.</ref> et par Maurice Blanchot Aux Écoutes<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, se lance dans la carrière de journaliste. Elle publie des chroniques d'art et de littérature, une première traduction, de Modèle:Lien<ref name="David268"/>, participe à la création d'une nouvelle revue aux côtés de Pierre Drieu La Rochelle et Thierry Maulnier<ref>J. Donne, « Demain », in M. R. Bertin, Revue française des arts et des œuvres, Modèle:N°, Corrêa, Paris, Modèle:Date-.
J. Donne, « L'Apparition », in M. R. Bertin, Revue française des arts et des œuvres, Modèle:N°, Corrêa, Paris, Modèle:Date-.
J. Donne, « Chanson » in M. R. Bertin, Revue française des arts et des œuvres, Modèle:N°, Corrêa, Paris, Modèle:Date-.
J. Donne, « Un rêve », in M. R. Bertin, Revue française des arts et des œuvres, Modèle:N°, Corrêa, Paris, Modèle:Date-.
J. Donne, « Message pour interdire le deuil », in M. R. Bertin, Revue française des arts et des œuvres, Modèle:N°, Corrêa, Paris, Modèle:Date-.
D.Aury, « "The Wild Palms" de William Faulkner », in M. R. Bertin, Revue française des arts et des œuvres, Modèle:N°, Corrêa, Paris, Modèle:Date-.
D. Aury, « "Modèle:Lien" de J. B. Priestley », , in M. R. Bertin, Revue française des arts et des œuvres, Modèle:N°, Corrêa, Paris, Modèle:Date-.
D. Aury, « "After Many a Summer" d'Aldous Huxley », , in M. R. Bertin, Revue française des arts et des œuvres, Modèle:N°, Corrêa, Paris, mai 1940.</ref>, encourage celui-ci sur la voie d'un roman dont l'héroïne est inspirée par elle-même<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Elle continue de suivre les cours à l'École du Louvre et travaille à rédiger sa thèse de doctorat sur l'histoire de l'art qu'elle prépare en Sorbonne<ref>Modèle:Harvsp.</ref> mais qu'elle ne pourra pas soutenir, pour cause de défaite<ref name="David199"/>. Elle refuse de fuir en Angleterre comme il est proposé à son père<ref name="David285">Modèle:Harvsp.</ref>. Elle l'a promis à son ex-mari, pour ne pas empêcher celui ci de pouvoir continuer à rendre visite à son fils<ref name="David285"/>. La ligne de démarcation la sépare de son amant, parti à Lyon d'où L'Action française continue sa diffusion.

Réfugiée dans la maison de campagne que son père a achetée au printemps 1934<ref>Modèle:Harvsp.</ref> à Launoy<ref name="Angie22">Modèle:Harvsp.</ref>, écart du village de Blennes situé dans le Gâtinais entre Fontainebleau et Sens, Dominique Aury passe son permis de conduire et adresse une candidature au journal féminin Tout et Tout. Elle est engagée comme chroniqueuse par le directeur, Georges Adam<ref name="Vocation21">D. Aury, Vocation clandestine. Entretiens avec Nicole Grenier, in L'Infini, Gallimard, Paris, 1988, réed. L'Infini, Modèle:P., Denoël, Paris, 1996.</ref>. Celui-ci la prend en sympathie, devient son premier véritable correcteur et lui enseigne le métier de rédacteur.

Employée de Vichy au service de la Résistance (1941-1944)

Fichier:Jean Paulhan et Jean Blanzat, dans la clandestinité (1944).jpg
Jean Paulhan en 1944. La rencontre en Modèle:Date-<ref>Modèle:Harvsp.</ref> dans la Résistance de Dominique Aury avec son aîné de presque vingt-trois ans se transforme à la Libération en une liaison cachée qui durera jusqu'à la mort.

Leur collaboration continue sous le régime de Vichy quand le journal est interdit et que Georges Adam<ref>« Georges Adam », BNF.</ref> prend en charge la diffusion clandestine des Lettres françaises<ref name="Vocation21"/>, hebdomadaire fondé en Modèle:Date- par Jacques Decour dont le premier numéro ne sortira que le Modèle:Date-. Petite main du CNE au sein de la Résistance, son travail de mise sous pli, qui a valu à plusieurs de ses collègues d'être déportées<ref name="Vocation21"/>, l'amène à déposer des exemplaires au bureau de la NRF. Elle y croise les membres du comité de rédaction, Léon-Paul Fargue, Bernard Groethuysen, Germaine Paulhan et son mari, Jean, qu'elle ignore être le directeur clandestin de la revue qu'elle colporte. Celui-ci lui fait tout de suite confiance et lui donne à lire pour avis les épreuves<ref name="Vocation22">D. Aury, Vocation clandestine. Entretiens avec Nicole Grenier, in L'Infini, Gallimard, Paris, 1988, réed. L'Infini, Modèle:P., Denoël, Paris, 1996.</ref>. Quand elle se rend à Paris, elle dépose les numéros à distribuer chez l'illustrateur Bernard Milleret, un de ses amants<ref name="Nourissier"/> depuis au moins 1933<ref name="27VIII1934"/>. Avec sa femme, celui-ci lui offre aussi le logement, créant une situation ambiguë dont il tente d'abuser. Elle est intégrée aussi au réseau de distribution clandestin des Éditions de Minuit<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, dont le premier ouvrage est achevé d'imprimer en Modèle:Date-.

Jean Paulhan propose à Pierre Drieu la Rochelle, nouveau directeur de la NRF qui lui a été préféré par le Secrétaire d'état à l'information Paul Baudouin conseillé par Thierry Maulnier, d'en faire la secrétaire de direction de la revue. Drieu refuse au prétexte que c'est une femme<ref name="Vocation22"/> mais Paulhan l'introduit dans le cercle de ses amis écrivains, tels Marcel Jouhandeau, Jean Cocteau, André Gide, Pierre Herbart ou Édith Thomas, laquelle dirige le CNE avec Claude Morgan à partir de Modèle:Date-. Pour autant, si elle continue de mépriser les personnes de Robert Brasillach et Lucien Rebatet, extrémistes de Je suis partout qu'elle refuse de saluer depuis au moins l'automne 1941<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, Dominique Aury ne rompt pas les liens tissés avant-guerre, en particulier avec Maurice Blanchot, dont la complicité fraternelle, voire charnelle<ref name="Nourissier">F. Nourissier, « La Secrète », in Figaro Magazine, Le Figaro, Paris, 31 mars 2006.</ref>, ne faillira jamais, et Thierry Maulnier, qui a rédigé la préface d'une anthologie de poèmes préclassiques publiée en 1941<ref>D. Aury, Poètes précieux & baroques du Modèle:S mini, Jacques Petit, 1941.</ref> et qu'elle assiste l'année suivante dans l'établissement d'une anthologie plus générale<ref>Th. Maulnier, Introduction à la poésie française, Gallimard, Paris, 1942, 364 p.</ref>. En 1943, Jean Paulhan fait publier chez Gallimard l'Anthologie de la poésie religieuse française, troisième recueil commenté qu'elle a élaboré. Son complice Bernard Milleret fait une sanguine d'elle<ref name="Milleret">Portraits de Dominique Aury par Bernard Milleret.</ref> alors qu'il cache quelques fusils destinés aux FTP dans la maison de Launoy<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, mais elle juge trop risqué d'y cacher des résistants<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. Il fera en 1945 un second portrait au crayon<ref name="Milleret"/>.

Cette même année 1943, elle rejoint, au sein du COIACL, le service du rationnement du papier d'imprimerie de Marguerite Donnadieu, où elle s'efforce, lors des votes autorisant la distribution de papier, de ne pas céder à la censure ou l'autocensure. Elle vote par exemple en faveur de la publication de Robert Desnos, la veille de l'arrestation de celui-ci<ref name="Vocation23">D. Aury, Vocation clandestine. Entretiens avec Nicole Grenier, in L'Infini, Gallimard, Paris, 1988, réed. L'Infini, Modèle:P., Denoël, Paris, 1996.</ref>. De Marguerite Donnadieu, alias Marguerite Duras, qui organise chez elle, rue Saint-Benoît, des réunions avec ses amis intellectuels en relation avec le groupe de résistance de François Mitterrand, Dominique Aury reste très proche jusqu'à la fin de l'Occupation et de leur office<ref name="Vocation23"/>.

Les Lettres Françaises et la littérature anglaise (1945-1950)

Fichier:André Gide 1947.jpg
André Gide en 1947, figure tutélaire d'avant guerre de la littérature d'après-guerre, prix Nobel employeur, guide et soutien de Dominique Aury.

À la Libération, Dominique Aury contribue à la revue anticolonialiste La Nef<ref>La Nouvelle équipe française Modèle:N°, Paris, octobre 1945.</ref>, que dirige Lucie Faure. Pour aider René Delange, Jean Paulhan demande à la collaboratrice de Lucie Faure de se charger de la rubrique romans de l'hebdomadaire que cet ami s'efforce de lancer mais, en dépit d'un non-lieu prononcé par la chambre civile en Modèle:Date-<ref>O. Gouranton, Comœdia, un journal sous influences, in La Revue des revues Modèle:N°, Ent'revues, Paris octobre 1997 Modèle:ISSN.</ref>, le passé de ce dernier, directeur collaborationniste du journal Comœdia, fait avorter le projet. L'emploi de Dominique Aury aux Lettres françaises est officialisé. Elle y tient jusqu'en 1952 une revue de la presse anglaise et y publie des interviews illustrées par le portraitiste Bernard Milleret<ref name="Vocation24">D. Aury, Vocation clandestine. Entretiens avec Nicole Grenier, in L'Infini, Gallimard, Paris, 1988, réed. L'Infini, Modèle:P., Denoël, Paris, 1996.</ref>. Parallèlement, elle entre dans le métier de l'édition, aux Éditions France, en assurant auprès d'André Gide et, occasion d'une aventure de quelques mois<ref name=David80>Modèle:Harvsp.</ref>, Jean Amrouche, la rédaction de L'Arche<ref>D. Aury, L'Arche, Modèle:N°, Paris, mai 1946.</ref>, autre revue issue de la Résistance où elle se lie à Jules Roy et Albert Camus, homme à femmes qui aurait lui aussi eu une brève liaison avec elle<ref name=David80/>. En 1946, Jean Paulhan lui fait quitter L'Arche pour les Cahiers de la Pléiade, par lesquels ils œuvrent à la résurrection de la maison Gallimard.

En Modèle:Date-, alors que Jean Paulhan, en désaccord avec la censure d'épuration mise en œuvre par Louis Aragon et le CNE, est en train de quitter les Lettres françaises, elle publie avec celui-là aux Éditions de Minuit La patrie se fait tous les jours, une anthologie de textes écrits sous l'Occupation par soixante écrivains engagés dans la Résistance comportant une notice pour chacun d'eux. Séduite par la finesse d'esprit de son aîné de vingt-trois ans avec lequel elle partage une exigence spirituelle, elle devient, à l'occasion de ce travail en commun commencé des mois auparavant, l'une de ses maîtresses secrètes, parallèlement à Édith Boissonnas<ref>Modèle:Harvsp.</ref> et d'autres.

En 1948, elle établit l'édition complète de François Villon<ref>F. Villon, Œuvres complètes, La Guilde du Livre, Lausanne, 1948.</ref> pour la Guilde du Livre, éditeur lausannois dont elle prend à partir de l'année suivante la direction de la collection La Petite Ourse, puis de celle des Classiques français.

Traductrice de Modèle:Lien, elle est sollicitée par André Gide pour révéler au public français James Hogg<ref>J. Hogg, trad. D. Aury, préf. A. Gide, Confession du pécheur justifié, Charlot, Paris, 1949.</ref>. En 1949, le Prix Denyse Clairouin vient récompenser son œuvre de traductrice, principalement celle de deux ouvrages d'Evelyn Waugh<ref>E. Waugh, trad. D. Aury, Modèle:Lien, Robert Laffont, Paris, 1949.</ref> et d'Arthur Koestler<ref>A. Koestler, tras. D. Aury, Analyse d'un miracle : naissance d'Israël, Calmann-Lévy, Paris, 1949.</ref>. L'année suivante, sans cesser ses fonctions à la Guilde, elle entre au comité de lecture des Éditions Gallimard, seule femme durant un quart de siècle à exercer une fonction aussi influente dans l'édition française. Elle publiera par la suite chez différents éditeurs ses traductions de certains romans d'auteurs qui lui tiennent particulièrement à cœur, tel Francis Scott Fitzgerald<ref>F. S. Fitzgerald, trad. D. Aury & S. Mayoux, Modèle:Lien, Gallimard, Paris, 1963.</ref>, et Henry Miller<ref>H. Miller, Modèle:Lien, collection La Petite Ourse Modèle:N°, Guilde du Livre, Lausanne, 1956.</ref>, et fera découvrir au lectorat français John Cowper Powys et Yukio Mishima<ref>Y. Mishima, trad. D. Aury, Modèle:Lien, Collect° du Monde entier, , Gallimard, Paris, 1983.</ref>, entre autres.

Genèse d'un chef-d'œuvre du classicisme (1951-1952)

Modèle:Citation bloc Prédatrice de femmes, Dominique Aury noue à partir du milieu des années 1940 avec la chartiste Édith Thomas une liaison devenue, dans son jeu de séduction, un véritable attachement<ref>A. Declos, Lettre à É. Thomas , 27 octobre 1946, in Modèle:Harvsp.</ref>. C'est à cette écrivaine et journaliste engagée, biographe de Pauline Roland et de Flora Tristan, qu'elle empruntera les traits principaux pour composer la figure d'Anne-Marie, le personnage du troisième des quatre chapitres d'Histoire d'O<ref>Dorothy Kaufmann, Édith Thomas, passionnément résistante, Paris, éd. Autrement, 2007, Modèle:P..</ref>. Avec Gaston Gallimard et Marcel Arland, Dominique Aury est impliquée étroitement dans le projet de refondation de la NRF que poursuit Jean Paulhan depuis qu'elle en est devenue parallèlement la maîtresse. Son amant perd la mère de ses enfants en 1951 et, depuis plus de dix ans, sa seconde épouse sombre peu à peu dans une maladie de Parkinson. Effarouchée par un possible triangle amoureux, la donjuanne s'éloigne alors d'Edith Thomas, avec laquelle elle ne rompra cependant jamais totalement malgré l'interdiction de Jean Paulhan et qu'elle continuera d'aimer « comme un homme aime une femme »<ref>D. Aury, Lettre à Édith Thomas, citée in Modèle:Harvsp</ref>.

Passé l'âge de quarante ans, elle craint de ne pouvoir retenir l'homme à femmes<ref>C. Paulhan, citée in Bedell, art. cité.</ref> qui lui a donné quelquefois la certitude d'être aimée. À la remarque de celui-ci, qui termine un essai sur Sade<ref>J. Paulhan, Le marquis de Sade et sa complice ou Les revanches de la pudeur, Lilac, Paris, 1951, 130 p.</ref>, lui remettant un livre masochiste japonais<ref>F. Gorog, Paradoxes du masochisme dit féminin : Justine ou le nouvel Œdipe, in Mensuel Modèle:N°, Modèle:P., École de Psychanalyse des Forums du Champ Lacanien, Paris, 9 février 2004.</ref> que « les femmes ne peuvent pas écrire de romans érotiques », elle rétorque : « Moi aussi je pourrais écrire de ces histoires qui vous plaisent… »<ref>P. Réage, Une fille amoureuse, $ 1, préf. 20 pp., in Retour à Roissy, J-J. Pauvert, Paris, 1969.</ref>. À la fin de l'été 1951<ref name="David23">Modèle:Harvsp.</ref>, dans l'appartement de la Cité universitaire<ref name="David23"/> ou en vacances avec ses parents dans la maison de campagne de Launoy puis entourée d'écrivains dans la villa de Flora Groult à Juan-les-Pins<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, La Vigie, elle se met à la rédaction d'une « lettre d'amour »<ref>P. Réage, Une Fille Amoureuse, éditions J.J. Pauvert, Paris, 1954, Modèle:ISBN</ref> par nuit adressée poste restante<ref name="Garcin"/>, acte autant que récit en abyme du sacrifice passionnel d'une femme pour l'être aimé comme image de Dieu incarné dans toutes ses turpitudes. Par l'aveu aussi mystique<ref>D. Aury, Entretien avec H. Bianciotti, in Le Monde des livres, Le Monde, Paris, 24 mars 1995.</ref> qu'érotique de sa condition de pécheresse, elle accomplit, ou profane, cet amour, exalté par le Fénelon de son adolescence, qui « avilit infiniment tout ce qui n’est point le bien-aimé »<ref>F. de Fénelon, Lettres sprituelles, Modèle:N°, in Œuvres de Fénelon, archevêque de Cambrai, vol. I, Modèle:P., Lefèvre, Paris, 1835 (rapprochement fait par Garcin, art. cité).</ref>. Confession intégrale mais complaisante de soi autant que subversion de son lecteur dans les formes les plus décentes<ref name="Bonheur">J. Paulhan, Le bonheur dans l'esclavage, in P. Réage, Histoire d'O, éditions J.J. Pauvert, Sceaux, 1954,</ref> du grand style, la correspondance à sens unique devient en trois mois<ref name="David23"/>, sans que son destinataire n'y ait apporté aucun changement, sinon la suppression d'un « sacrificiel » par trop précieux<ref name="David23"/>, Histoire d'O.

Le scandale, la critique et la censure (1953-1955)

Le projet de nouvelle Nouvelle Revue réalisé le Modèle:Date-, Dominique Aury siège au Comité de lecture, où ses analyses seront déterminantes. Son éditeur Gallimard, dans l'ignorance de l'identité de l'auteur, se range à l'avis de Jean Dutourd de refuser le roman scandaleux, que René Defez accepte pour les Éditions des Deux Rives. Une copie accompagnée d'une préface intitulée Le bonheur dans l'esclavage et signée Jean Paulhan en ayant été remise par celui-ci en Modèle:Date- à Jean-Jacques Pauvert, premier éditeur déclaré de Sade, le manuscrit est arraché précipitamment par le jeune éditeur à son concurrent<ref name="Destaix3">A. Destais, L’érotisme noir féminin, UPC, Caen, 8 février 2008.</ref>, déjà sous le coup de la censure pour un autre livre. À moins de trente ans, il publie en Modèle:Date- six cents puis trois fois de suite mille autres exemplaires de ce qui, initialement réservé au seul cercle d'une critique aiguillonnée par la préface et le scandale et prête à louer très cher un exemplaire, deviendra un de ses premiers best-sellers.

Simultanément, il confie la publication en anglais à Maurice Girodias, c'est-à-dire les éditions Olympia Press. La traduction est bâclée et vulgaire mais la sortie, interdite dans un premier temps aux États-Unis, y fait sensation, où les deux mille exemplaires imprimés sont épuisés en trois semaines. Deux ans plus tard, la nouvelle traduction d'Modèle:Lien, infidèle et édulcorée, paraît sous le titre The Wisdom of the Lash pour déjouer la censure. Traduite depuis en dix-sept langues, l’œuvre, constamment rééditée, compte plusieurs millions d'exemplaires dans le monde<ref name="Phil">Ph. d'Argila, cité in Bedell, art. cité (Philippe d'Argila est l'ayant droit des droits d'auteur).</ref>, ce qui fait de Dominique Aury l'un des auteurs les plus lus de la littérature française.

Acte d'engagement du jury, le prix des Deux Magots est attribué dès février de l'année suivante à Pauline Réage. Gilbert Lely, seul à la démasquer, la compare à Fénelon tel qu'il a été étudié par Dominique Aury. La critique<ref>V.g. Le Courrier des Canettes, Medium, Dimanche-Matin.</ref>, ne s'arrêtant pas au récit noir<ref name="Destaix3"/> de « la luxure à l'état pur »<ref>A. Berry, Combat</ref> « où c’est l’imagination qui supplée à l’engourdissement de l’instinct (…) [de] (…) tant de vieillards obsédés »<ref>F. Mauriac, Lettre à J. Paulhan, in F. Mauriac, Correspondance 1925-1967, Modèle:P., Éditions Claire Paulhan, Paris, 2001.</ref>, soutient l'auteur anonyme face aux risques judiciaires que la censure<ref>Décret-loi du 29 juillet 1939 « sur la protection de la famille et de la natalité ».</ref> lui fait encourir. Elle lit dans sa tragédie doloriste<ref name="Destaix3"/> un délire<ref name="Elsen">C. Elsen, L'amour fou, in Dimanche-Matin, 29 août 1954.</ref> « mystique »<ref name="Mandiargues">A. Pieyre de Mandiargues, Les fers, le feu, la nuit de l'âme, Critique, mai 1955.</ref> dans la lignée du Cantique des Cantiques et de Tristan et Iseut<ref name="Elsen"/>, une quête complaisante de la mort, comparable à celle de La Religieuse Portugaise ou de Thérèse d'Avila<ref name="Mandiargues"/> mourant « de ne pas mourir »<ref name="Bataille">G. Bataille, Le Paradoxe de l'érotisme, NRF, juin 1955.</ref>, de Catherine Emmerich ou à l'opposé d'Héloïse<ref name="Bonheur"/> se préférant en « fille de joie »<ref>Héloïse, « (…) j'eus (…) le courage de me perdre sur ton ordre. (…) tu règnes en seul maître sur mon âme comme sur mon corps. (…) Le nom d'épouse paraît plus sacré (..). J'aurais voulu, si tu permets, celui de concubine et de putain. », in Lettres à Abélard, II.</ref>, par lequel l'esprit s’élève à proportion que la chair déchoit<ref name="Mandiargues"/> pour se fracasser, tel le héros de Roberte, ce soir<ref>De Pierre Klossowski.</ref>, sur « l'impossibilité de l'érotisme »<ref name="Bataille"/>.

Modèle:Média externe

Cultivant le malentendu avec un public sensible aux scènes de divertissement pornographique, cette critique subversive choisit au contraire, en vain face à la censure, de mettre en avant la représentation que fait l'auteur d'une expérience intérieure quiétiste et de la nécessité du Péché subi dans toute sa crudité, peut-être, à l'imitation du Christ flagellé, jusqu'au sacrifice humain<ref>P. Réage, Histoire d'O, Modèle:P., Poche, Paris, 1999.</ref>, pour éprouver en ce monde damné l'extase de la Grâce : Modèle:Citation<ref>P. Réage, Histoire d'O, Modèle:P., Poche, Paris, 1999.</ref>.

La Brigade mondaine en revanche convoque le Modèle:Date-<ref name="Angie12">Modèle:Harvsp.</ref>, après quelques jours d'enquête<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, Jean Paulhan, qui avait échappé à la Gestapo et ne dénonce personne aux policiers astreints à un cours de littérature. Ceux-ci poursuivent Anne Desclos pour « outrage aux bonnes mœurs » jusque chez elle, où elle habite avec son fils et ses parents<ref name="Bedell"/>. Le livre, l'auteur, les éditeurs tombent sous le coup des articles 119, 121, 125, 126 et 127 du décret signé le Modèle:Date- en application du premier alinéa de l'article 7 de la loi du 16 juillet 1949<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. La loi invoquée a été élaborée sous le gouvernement Daladier, celui-là même qui avait au début de la guerre interdit le Parti communiste, incarcéré les députés de ce parti, interné les opposants au nazisme dans le camp des Milles. Le débat autour de la censure d'Histoire d'O n'échappe pas à un arrière-plan politique<ref>C.Elsen, cité in A. David, op. cité, Modèle:P..</ref> et mobilise des inimitiés entre anciens collaborationnistes et ex membres opposées entre eux de différentes factions de la Résistance.

La NRF aux côtés de Paulhan (1956-1967)

Modèle:Citation bloc Durant ce qui ne s'appelle alors officiellement pas la guerre d'Algérie, le fils de Dominique Aury, Philippe d'Argila, fait partie du contingent des appelés<ref>G. Stephenson, « Name upon Name. Encountering Pauline Réage, Dominique Aury, Anne Desclos. », Modèle:P., in Modèle:Lien, Minneapolis, juin 2014 Modèle:ISSN.</ref>. L'auteur d'Histoire d'Ô n'évite un procès que par un décret d'annulation pris le Modèle:Date- au lendemain d'un dîner ourdi par son médecin, Odette Poulain, et l'intime de celle-ci, le général Corniglion-Molinier, ministre de la Justice Modèle:Citation<ref name="Écrivain"/> parmi ses invités une femme modeste et vertueuse qui n'aura pas dit un mot. Le livre restera toutefois sous le coup de la triple interdiction<ref>Loi du 16 juillet 1949.</ref> de vente aux mineurs, d'affichage et de publicité, noyant l'écrivain Dominique Aury dans une « conspiration du silence »<ref name="Destaix3"/>. L'année suivante Jean de Berg lui rend un hommage clandestin en lui dédiant son roman sadomasochiste, L'Image<ref name="Destaix3"/>, fiction<ref>C. Robbe-Grillet, témoignant in Conférence L’érotisme noir féminin, UPC, Caen, 8 février 2008.</ref> publiée sous le manteau avec une préface signée par Alain Robbe-Grillet des initiales de Pauline Réage.

Les fils qui m'ont attachée
Sont plus fins que des cheveux
Si la main les tire un peu
Qui les a pris à poignée
J'entends répondre sans voix
La captive volontaire
La muette la prisonnière
Que je cache au fond de moi
Son sang me brûle les veines
Des épaules aux genoux
Elle se tait mais c'est nous
Qui perdons ensemble haleine
Si les fils incandescents
Leur réseau de moi détachent
Si l'étreinte se relâche
Par quoi je vais respirant
Je deviendrai cendre éteinte
Scorie poudre et sable au vent
Gravats débris pavement
Sel de gemme asphalte peinte
Pour me renfoncer en terre
Au plus proche au plus commun
Pour que la chaleur des mains
Se refroidisse à la pierre
Et que me marche dessus
Le roi qui m'a caressée
Déchirée brûlée jetée
Vide défaite et rompue.
Les fils,
poème-confession d'Anne Desclos<ref>D. Aury, Songes, Babel, Arles, 1996.</ref>.

Toujours au second plan, « femme d'à côté », Dominique Aury continue jusqu'en 1977 sa carrière effacée et influente comme secrétaire générale de la NRF auprès de Jean Paulhan puis de Marcel Arland et de Georges Lambrichs. Parfaitement bilingue, « La Fouettée »<ref name="Céline">L.-F. Céline, Lettre à R. Nimier, 13 mars 1957.</ref> est celle qui permet à la maison d'ouvrir le public français à la littérature internationale<ref name="Céline"/>. En 1956, elle publie Lecture pour tous, essais savants où elle étudie à travers des œuvres choisies, depuis Tristan jusqu'à Lolita en passant par René, les auteurs qui s'y cachent. Elle en est récompensée par le Grand Prix des Critiques. Elle participe à de nombreux jury littéraires, ceux des

Elle y exerce avec conviction<ref>D. Aury, « Des raisons d'amitié qui jouent à ce niveau? Sûrement. Et pourquoi pas? », citée in G. Pudlowski,Ils élisent, mais lisent-ils?, in Les Nouvelles littéraires, Modèle:P., Paris, 17 novembre 1978.</ref> une partialité constante en faveur de la maison Gallimard. En 1960, elle quitte la Guilde du livre. La NRF publie certains de ses poèmes sous le titre de Songes<ref>D. Aury, Songes, in NRF Modèle:N°, Paris, novembre 1960.</ref>, qui sera repris pour une première édition dédiée trente ans plus tard<ref>D. Aury, Songes, éd. Perpétuelles, Mazamet, 1991.</ref>. Elle reçoit la Légion d'honneur des mains du général de Gaulle, lequel n'a pas été laissé dans l'ignorance de l'identité de Pauline Réage<ref name="Phil"/>.

En 1961, elle crée chez Gallimard une collection, L'Histoire fabuleuse, consacrée à de nouveaux talents, tel Michel Bernard<ref>M. Bernard, Le domaine du Paraclet, Collect° L'Histoire fabuleuse, Gallimard, Paris, 1961.</ref>, réinterprétant les « héros, les mythes et les civilisations perdues (…) pour que l'enchantement demeure »<ref name="Fabuleuse"/>. Ce faisant, elle applique les règles d'une esthétique nouvelle assignées au roman par la Jeune droite d'avant guerre<ref>A. David, Dominique Aury : La vie secrète de l'auteur d'Histoire d'O, Modèle:P., ELS, 2006 Modèle:ISBN.</ref> pour le dégager d'une littérature conventionnelle, psychologique et réaliste, telles que les avaient formulées Kleber Haedens sous la direction de Thierry Maulnier<ref name="Haedens">K. Haedens, « Retour au style », in Revue française des idées et des œuvres, Modèle:N°, Corrêa, Paris, 10 avril 1940.</ref>. Comme le théâtre de Racine, il n'importe pas tant au roman qu'il raconte une histoire vraie ou vraisemblable pourvu qu'il porte au lecteur une parole archétypale à laquelle il soit sensible<ref name="Haedens"/>. L'aventure dure trois ans mais ce souci de concilier classicisme et modernité est resté la signature de la NRF, gage de reconnaissance pour les écrivains. C'est elle qui par la suite confère à François Nourissier la notoriété en l'y faisant entrer.

En 1962, les trois mille six cents premiers exemplaires d' Histoire d'O étant épuisés, Jean-Jacques Pauvert lance une nouvelle édition et en confie la diffusion en anglais à Grove Press l'année suivante. Ce n'est qu'en 1965, après un procès en appel, que peut paraître la nouvelle traduction faite par Modèle:Lien. Ayant signé Sabine d'Estrées, celui-ci évite les peines prévues par la censure, beaucoup plus sévères dans certains États des États-Unis. Au Royaume-Uni, les copies sont saisies<ref>Modèle:Lien</ref> mais la diffusion s'organise depuis Paris. En 1967, Maurice Béjart veut créer un ballet Histoire d'O, mais finit par renoncer dans un contexte délétère d'homophobie exacerbée par le choix de Dominique Aury et Jean Paulhan de publier l'antimilitariste Tombeau pour cinq cent mille soldats, dans lequel Pierre Guyotat dépeint sans pudeur l'homosexualité masculine.

La liaison de Dominique Aury avec Jean Paulhan s'enchevêtre de celle qu'elle noue avec Jeannine Aeply, qui est la femme soumise et la collaboratrice du peintre caractériel et alcoolique Jean Fautrier, adepte violent de parties fines et illustrateur du sulfureux Georges Bataille, mais la relation à quatre qui se propose saura rester confinée au fantasme. C'est que, habitante de Malakoff, elle s'efforce de rejoindre le plus souvent possible la maison de campagne qu'elle a achetée à la fin des années cinquante, grâce au succès d'Histoire d'O<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, à Boissise-la-Bertrand, 7 rue François Rolin, où elle vit avec un âne, sa mère, veuve qui se laisse mourir<ref>Modèle:Harvsp.</ref>, et un Jean Paulhan souffrant de ses blessures de guerre et d'une sciatique, malade qu'elle veille, elle-même migraineuse depuis l'enfance, avec abnégation<ref>A. Vialatte, Le grand départ de Jean Paulhan, in La Montagne, Clermont-Ferrand, 1968.</ref> jusqu'à la mort de celui-ci en 1968.

Effacement en clair obscur (1968-1998)

Modèle:Citation bloc Au printemps 1968, alors que Jean Paulhan se meurt à l'hôpital, Dominique Aury rédige la nuit, au chevet de son amant, Une fille amoureuse, où elle s'explique dans ses rapports secrets à l'homme aimé. Le texte sert de préface l'année suivante au cinquième et dernier chapitre, initialement écarté, du manuscrit d'Histoire d'O qu'elle publie sous le titre Retour à Roissy. Quelques mois plus tard, en 1970, c'est sa mère qu'elle perd<ref name="David189">Modèle:Harvsp.</ref>, puis Édith Thomas.

En 1972, son amie Janine Aeply, dans une démarche et un style directement inspirés de la leçon de Pauline Réage<ref name="Destaix3"/>, publie, sur les traces d'Emmanuelle Arsan et de Violette Leduc, le récit de son expérience échangiste, Eros zéro<ref>Réed. J. Aeply, Eros zéro, La Musardine, Paris, 1997, Modèle:ISBN.</ref>. Suivront à leur tour Xavière Gauthier et Anaïs Nin puis les « filles d'O »<ref>M. Jakubowski, F. Spengler, Ooh La La!: Contemporary french erotica by women, Thunder's Mouth Press, octobre 2006 Modèle:ISBN.</ref>, Catherine Millet, Régine Deforges, Francoise Rey, Vanessa Duriès, Florence Dugas, Alina Reyes, Sonia Rykiel, Virginie Despentes… Trois siècles après L'École des filles, en accord avec l'évolution des mœurs et la libération de la parole des femmes, un genre littéraire nouveau s'affirme<ref>D. Aury, O m’a dit, entretien avec Régine Deforges, Modèle:P., J. J. Pauvert, Paris, 1975.</ref>, que Marguerite de Navarre n'aura qu'effleuré et dont Dominique Aury aura été la pionnière.

En 1974, elle devient membre du Conseil supérieur des Lettres et accepte une interview préservant son anonymat pour L'Express. L'hebdomadaire publie en une une image choquante de Corinne Cléry extraite de l'adaptation cinématographique d'Histoire d'O que Just Jaeckin a réalisée à la suite du film Emmanuelle. Le scandale rendu public par le cinématographe, les manifestations du MLF, les protestations de l'Église catholique portées par Monseigneur Marty, les pressions de la congrégation pour la doctrine de la foi et du PCF sont d'une telle ampleur que le Parlement, voulant éviter le retour à la censure, légifère sur la diffusion des films pornographiques en créant une « catégorie X » puis vote une taxe prohibitive sur les recettes. Au Royaume-Uni, le film restera interdit jusqu'en Modèle:Date- et aux États-Unis le livre, pour lequel en 1969 le libraire montréalais Guy Delorme avait été arrêté<ref>P. Hébert, Y. Lever & K. Landry, Dictionnaire de la censure au Québec, Fides, Montréal, 2006.</ref>, fera l'objet d'un autodafé organisé par des féministes sur un campus en 1980<ref name="Bedell"/>. En France, le succès du film, quoique celui-ci, désavoué par l'écrivain, ne rende rien de son exercice de style ni de sa composition barthienne, fait passer les ventes à Modèle:Nombre<ref name="Garcin"/>, grâce à l'édition de poche<ref>Le Livre de poche Modèle:N°.</ref> que vient compléter une réédition préfacée par Michel Décaudin de celles de 1967 et de 1969 ainsi qu'une réimpression de l'édition de prestige illustrée en 1962 par Leonor Fini<ref>P. Réage, ill. Léonor Fini, Histoire d'O, éditions J.J. Pauvert, Paris, 1975.</ref>.

Dans la prison enchantée
L'envers du monde brodant
Fallait-il tant désirer
Quitter l'ombre pour le vent
Fallait-il poursuivre un songe
Au passant fallait-il croire
Il n'a dit qu'un seul mensonge
Le mensonge est dans l'espoir
Deux strophes d'Anne Desclos
publiées par Régine Desforges<ref>R. Deforges, Poèmes de femmes des origines à nos jours: anthologie, Cherche Midi, Paris, 1993.</ref>.

En 1994, elle reçoit le reporter John de Saint-Jorre, qui mène une enquête sur Maurice Girodias, l'éditeur obstiné de Story of O. Un compte rendu publié dans The New Yorker<ref>John de St Jorre, The unmasking of O, in The New Yorker, Modèle:1er août 1974.</ref> trahit la confidence, confirmant les rumeurs selon lesquelles Dominique Aury est la mystérieuse Pauline Réage, qui avait été jusqu'alors identifiée à Jean Paulhan, à André Malraux, à André Pieyre de Mandiargues, à Henry de Montherlant, à Alain Robbe-Grillet… un écrivain qui ne pouvait être qu'un homme. L'article précise que le prénom du pseudonyme fut choisi en hommage aux héroïnes de l'écrivain, Pauline Borghese et Pauline Roland, avant que ne soit trouvé sur une carte d'état major le nom évocateur de Réage. D'aucuns ont remarqué que Pauline Réage est l'anagramme à un h près d' égérie Paulhan.

Son ultime secret révélé, Dominique Aury, oubliée, envahie depuis plus de dix ans par l'amnésie<ref name="David189"/> grandissante de la sénilité, abandonnée par son fils que les difficultés psychologiques rendent incapable et par sa belle fille, ne quitte plus sa chambre de la maison de Boissise salie par des dizaines de chats et chiens, et se laisse mourir de faim dans le diogénisme<ref>Modèle:Harvsp.</ref>. En 1996, deux ans avant sa mort, est publié le recueil Songes, une partie de son œuvre poétique.

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Distinctions

Œuvre

La liste n'inclut pas les innombrables articles de critique littéraire que Dominique Aury a produit en tant que journaliste et chroniqueuse littéraire.

Poésie

Essais

Études d'auteurs choisis
Participations à des présentations thématiques
Essais pédagogiques publiés avec le concours du Centre national des lettres

Sous le pseudonyme de Pauline Réage

Anthologies critiques

Poésie
Littérature générale
Correspondance de Jean Paulhan

Traductions

Figures de la littérature anglaise (1944-1963)
Écrivains des marges (1956-1994)

Préfaces

En tant que directrice de collection à la Guilde du Livre
Œuvres d'écrivains femmes
Thèmes choisis

Principaux articles parus dans les revues de critique

Premiers articles biographiques (1939-1952)
Principales contributions à la nouvelle Nouvelle Revue française (1953-1984)
Autres critiques

Scénarios

Palais de la Méditerranée, Nice, Modèle:Date-,
Théâtre Hébertot, Paris, du 5 au Modèle:Date-
adaptation cinématographique du roman de Michèle Perrein.

Aphorismes

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Annexes

Bibliographie

Entretiens publiés par écrit

Rééd. The Good Ship Venus: The Erotic Voyages of the Olympia Press, Modèle:Lien, Londres, 1994, rééd. Pimlico, New York, 1995.

Entretiens audio visuels

Rééd. Writer of O, Modèle:Lien, New York, Modèle:Date-, DVD 62 min.
(entretiens avec Pauline Réage, Jeanne de Berg, Bettina Rheims, Phyllis Christopher, Annie Sprinkle, Candida Royalle, Alina Reyes).

Sur l'écrivain

Cf. revue de presse.
Sur l’œuvre

Sur son père

  • Ch. Okret Manville, La politique de promotion culturelle britannique en France (1930-1953) - De la publicité aux relations culturelles. - thèse de doctorat, IEP, Paris, 2002.

Archives

Sources

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Liens externes

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